01/04/2018
00:17:42
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[Menkelt / Grand Kah] Un ami qui vous veut du bien

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Citoyennes Styx Notario et Kisa Ixchet.

La voix, précise et à peine audible par-dessus le vrombissement de la cabine pressurisée, égrenait le briefing.

« Menkelt. Membre du Bloc Nationaliste Eurysien. »

Kisa Ixchet ferma les yeux un instant. Le nom seul suffisait à la crisper. Saint Empire Menkelt. Chaque mot était une insulte. Empire, cet écho de l'oppression qu'ils avaient combattue. Saint, cette prétention à une légitimité divine qui niait la volonté du peuple. Comment le Grand Kah, nation entièrement vouée à l’émancipation, pouvait-il ne serait-ce qu’envisager une discussion avec son antithèse la plus fondamentale ?

« Une nation qui considère la “tradition” comme un bien immanent et supérieur, et dont l’idéologie est opposée à tout progrès des conditions de vie et d’émancipation des individus. »

Sa collègue conclut la tirade par un soupir théâtral. Kisa sentit le regard amusé de la Citoyenne Styx Notario sur elle. Bien sûr que Styx s'en amusait. L’une, Kisa, représentait le Commissariat aux Affaires Éducatives et à la Santé, croyant sincèrement à la paix et à la coopération des peuples. L’autre, Styx, dirigeait la Sûreté – les services secrets. Une ultra-radicale qui avait orchestré la chute de nations entières et pour qui la fin justifiait tous les moyens. L’une trouvait l'idée même de parlementer avec des fascistes immondes. L’autre y voyait une opportunité.

Et la raison d’État, cette logique froide qui n'est jamais celle des hommes, les avait placées côte à côte dans cet avion.

Kisa se tourna vers le hublot, observant le tapis de nuages immaculé. En principe, une telle rencontre n'aurait jamais dû avoir lieu. On aurait pu supposer, et cela aurait été raisonnable, que le Saint Empire serait carbonisé par la flamme de leur révolte au premier contact. On aurait pu supposer que l'Union n'approcherait une telle nation que pour l'incendier, pour accomplir sa mission historique. Leurs ennemis ne les appelaient-ils pas l'Empire Rouge ? Rouge du sang de la bourgeoisie, rouge des étendards syndicaux. Une libération à marche forcée, lasse d'attendre que l'Histoire suive son cours.

Styx rompit le silence. « Et quelle remarque doit suivre ce petit résumé de qui sont nos hôtes ?
Je n’ai pas de remarque à formuler », répondit Kisa, sa voix plus neutre qu'elle ne l'aurait voulu.

Tout avait déjà été discuté. Les raisons, la logique, les enjeux. La ligne des modérés et des pragmatiques l'avait emporté. Celle qui prétendait que le Grand Kah avait les yeux sur des objectifs infiniment lointains, et que le temps jouait en sa faveur. Une ligne mise à mal par les récents échecs face à l'OND, mais qui, pour l'heure, tenait bon.

Kisa haussa lentement les épaules.

« Nous serons mal reçus.
C’est sûr.
Et ils vont nous demander des comptes pour l’Altrecht.
Et Achos ! ajouta Styx avec une pointe de malice.
Et Achos, c’est vrai. »

Kisa pivota enfin vers Styx et la jaugea. L'autre femme était rayonnante, pour autant que la plus obscure des citoyennes de l’Union puisse jamais être associée au vocabulaire de la lumière. Un petit sourire flottait sur ses lèvres.

« Et ça semble te faire plaisir.
Pas particulièrement. Mais c’est excitant, non ?
C’est une opportunité, oui. Excitant, je ne sais pas. Je ne suis pas... »
Elle laissa sa phrase en suspens. Styx, elle, n'avait pas de ces pudeurs.

« De toute façon, nous avons assez d’ennemis comme ça. Les décérébrés de l’OND, les castrés de Nazum Oriental, les néonationalistes Afaréens… Ils ont collectivement compris que la Fin de l’Histoire était loin d’être acquise, et que nous continuions d’être son moteur. »

Elle leva les mains, comme pour clore une discussion qu'elle venait à peine d'ouvrir. Kisa lui posa une main sur l'épaule.

« C’est la diplomatie poussée par les vôtres qui nous a mis dans cette situation.
Mais pas du tout. Les radicaux adorent la paix.
Je reconnais que vous êtes assez cyniques pour être efficaces. Au fond, vous n’êtes qu’une bande de sociopathes hautement fonctionnels.
Tu sais, je pense que tu ne devrais pas chercher à psychologiser nos comportements. »

Styx lui sourit de toutes ses dents. Kisa haussa un sourcil.

« Pardon ?
En tant que membre du comité à qui est échu la charge de l’éducation et de la santé, tu ne devrais pas stigmatiser les individus neuroatypiques en associant des pathologies à des comportements qui te déplaisent.
Je voulais dire que vous manquez d’empathie et d’honnêteté.
Tu vois, c’est exactement de ça que je parle ! Tu sais très bien que notre comité compte une personne qui est sur ce spectre. C’est très désobligeant de ta part.
Je… » Kisa secoua la tête, prise à son propre jeu. Un sourire malgré elle. « Eh bien ma foi. Je te présente mes excuses.
Bravo, ma fille.
Et maintenant, camarade, que dirais-tu que nous sortions ? Menkelt nous attend.
Kisa, tu lis dans mes pensées. »

Non, et heureusement pour tout le monde, pensa simplement la citoyenne Kisa en se levant pour se diriger vers l'avant de l'avion diplomatique.
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Et venez comme vous êtes !

Musique d'ambiance


Peter était en train de réfléchir dans son bureau, dans moins de deux semaines, il allait rencontrer le régime le plus antagoniste de Menkelt. Il ne savait absolument pas comment la rencontre allait se passer, il n'en avait aucune idée. Que diable voulait bien le Grand-Kah ? La commande militaire l'avait profondément étonné, les propositions par missives aussi. Qu'est-ce que les communalistes voulaient seigneur ?

''Tu sais qui sont les gars que tu vas rencontrer ?''

Galahad Vi Bretonnia avait brisé le silence qui s'était installé dans le bureau, ce dernier était en train de tailler un morceau de bois avec son couteau de milicien. Le jeune homme était le chef des milices Bretonniennes, Galahad était issu d'une famille bâtarde de la famille impériale, son arrière-arrière-arrière grand père naquit de l'union de l'ancien empereur Griffith II et d'une maîtresse. Un bâtard qui était devenu, via les aléa curieux et hasardeux de la vie, un des nombreux chiens de guerre du Premier ministre et de l'idéologie archéotraditionnaliste. Galahad était l'un des plus grands fidèles de Peter Kibener.
Le premier ministre menkien, l'air absent et tournant autour de son fauteuil répondit sobrement.

''Je n'en sais strictement rien pour le moment, je vais avoir l'information demain.... Normalement.''

''Moi j'dis qu'tu d'vrais me laisser vous rejoindre avec Patrick. On devrait leur faire peur même ! Je peux vous accompagner pendant la rencontre et si les représentants Kah-tanais font un peu trop les cons avec nous, j'peux leur donner deux-trois coups de matraque par si, par là. ''

''T'es un marrant toi... Cassez la gueule à des représentants de la deuxième puissance du monde. Quelle bonne idée !''

Peter soupira.

''Ce n'est pas avec toi, Galahad, que je vais montrer une bonne image de notre pays.''

''Ne ran ket forzh.''

Sur ces mots, qui signifiaient littéralement j'en ai rien à foutre en Bretonnien, Galahad lâcha un mollard sur le crachoir à côté de lui.

''Qu'est ce qu'on peut s'en foutre de ce qu'ils pensent de nous ou si la rencontre se passe mal ! On ne doit rien à ces enfoirés de communalistes bordel ! Et je suis certain en plus qu'ils sont derrière la chute de l'Altrecht ! Toute façon c'est soit eux, soit l'Estalie ! Et puis merde ! Depuis quand on montre patte blanche aux coco' ? Enfin ! Peter, réveille toi !

Peter, vêtu de sa longue robe noire, se mit à se lever et à regarder via la fenêtre de son bureau les deux mains dans le dos, il faisait un temps gris, il allait bientôt pleuvoir, c'était la seule chose qui était certaine pour lui actuellement. Il réfléchissait, Peter ne voulait pas non plus les accueillir de manière amicale, ni non plus se montrer agressivement hostile. Non, il fallait montrer que jamais, même avec toutes les théories marxistes du monde, même avec toute l'économie du monde, même avec toutes les armées du monde, jamais ils n'influenceraient quoi que ce soit à Menkelt. En clair, il fallait montrer que Menkelt n'est pas Achos, mais comment faire ? Comment jouer la cordialité et la fermeté à la fois ? Il fallait un équilibre.
Il ouvra grand les yeux après un temps de réflexion. Soudain, Peter se tourna de manière assez théâtrale vers Galahad.

‘’Oui.... Mais oui ! Nous allons montrer à ces communalistes qu’ils ne pourront jamais tenter quoi que ce soit chez nous et ce n’est pas en faisant un putain de canon de 150 mètre comme les Kartiens ou une parade militaire de merde qui va les en empêcher de venir chez nous ou les impressionner ! C’est quand il verront l’harmonie qui règne entre un peuple et sa sphère dirigeante ! Notre détermination pour continuer notre histoire et notre fierté ! C’est ça qui prend aux tripes ! Il faut que tu organises une énorme manifestation contre le Grand-Kah, un grand rassemblement quand ils arriveront !’’

Galahad, visiblement surpris de la réponse de son premier ministre, prit un air interloqué face à l'idée de la manifestation.

‘’Euh… Ouai.... Ok... Pourquoi pas, faudra que je vois avec les autres organisations nationa...

‘’CAMARADE VI BRETONNIA !’’

Le bâtard impérial, comme si on avait activé une zone précise de son cerveau, se leva et fit automatiquement un salut rhêmien.

‘’PRESENT STURLEVR !’’

Le premier ministre, satisfait, pointa de son index gauche le chien de guerre.

‘’Je veux que tu rassembles dans le même temps 10 000 miliciens dans la capitale pour assurer le service d’ordre de cette manifestation ! Nous allons leur montrer ce qu'est Menkelt.''

Avec une soudaine excitation, son interlocuteur répondit.

‘’Tu les auras ! On organisera la manifestation dans les temps. On a carte blanche ?’’

‘’Je me fiche que 2-3 locaux d’extrêmes gauches aient des vitres brisées ou quoi que ce soit, mais n’abusez pas non. Notre but n’est pas d'effrayer, mais de montrer que c'est NOUS qui tenons Menkelt.’’

Sur ces paroles, les deux hommes se firent un dernier salut rhêmien. Galahad sorti du bureau, souriant à pleine dent.


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Peter Kibener et Patrick Pearse
À gauche, Peter Kibener, Baron de Volzhan et Premier Ministre du Saint-Empire Menkelt ; À droite, Patrick Pearse, Ministre des affaires étrangères du Saint-Empire Menkelt, membre du Front Impérial de Menkelt et écrivain


Chaud et humide, temps nuageux, mais une chaleur anormalement élevé, le temps était étrange aujourd'hui à Ker'Ys, tout comme la rencontre diplomatique qui allait avoir lieu. Patrick Pearse était stressé, enfin plus qu'à l'habitude, lui qui était de nature inquiète n'était pas de très bonne humeur. Après, cela était compréhensible, ce n'était pas les représentantes de n'importe quelle nation dont parlait, enfin si le terme nation avait un sens dans le cas du Grand-Kah, le rouquin nettoyait ses lunettes pendant que l'avion était en train de se poser.

Quand les deux représentantes descendirent de l'avion. Peter, avec son plus beau sourire alla serrer la main aux deux femmes avec une énergie étrangement joyeuse.

''La paix du seigneur soit sur vous, votre Excellence Notario et votre excellence Ixchet ! Soyez les bienvenues à Ker'Ys ! J'espère que le voyage ne fut pas trop fatigant pour vous !''

Patrick Pearse, avec beaucoup plus de pudeur, serra la main aux deux représentantes sans le sourire éclatant de son premier ministre et en affichant un air mêlant stress et extrême méfiance. Le ministre des affaires étrangères menkiens se contenta d'un simple ''Enchanté et bienvenue à Menkelt.''. Cette différence d'altitude entre lui et Peter donnait un contraste assez particulier. Autour d'eux, des dizaines et des dizaines de journalistes étaient en train de prendre des photos de cette rencontre. Avec beaucoup de fermeté, la Bezimpa, la police secrète impériale habillé de leur uniforme bleue, empêchait cette cohorte de journalistes d'approchait plus prêt. Après ces salutations, Peter invita les deux femmes à monter dans une voiture de fonction à part prévue pour les transporter au palais impérial. Les deux représentants menkiens se mirent dans leur véhicule, direction le palais impérial.

Des dizaines de motards de la Bezimpa les transportaient pour leur sécurité. En traversant Ker'Ys, on pouvait remarquer que la ville était en pleine transformation depuis la fin de la guerre civile. Les villes menkiennes avaient cette particularité d'être extrêmement moderne et Ker'Ys était la plus moderne de tous. Le plus gros bijoux du Saint-Empire Menkelt. Il y avait même un côté futuriste dans la capitale si on allait dans le quartier d'affaires ou le quartier commercial. Si la modernité touchait les villes, ce n'était en revanche pas le cas des campagnes, si la délégation Kah-Tanaise voyait à quoi ressemblait un simple village au fin fond des montagnes de l'Hyperalba ou même en Ardee, les deux femmes seraient choquées du manque de développement, volontaire en plus via l'idéologie archéotraditionnaliste, de ces régions. Peter observa autour, l'énorme manifestation contre la venue Kah-Tanaise était en train d'avoir lieu. Des centaines de milliers de personnes s'étaient rassemblés dans la capitale. Le pire, c'est qu'il n'y avait pas que des hommes et des femmes de droite ou d'extrême-droite, mais également des sociaux-démocrates et des libéraux pro-OND, inquiet de l'impérialisme Kah-Tanais.

Musique d'ambiance




Tout d'un coup, quelques mètres plus loin devant eux, une cinquantaine de jeunes hommes en noir sur le toit d'un bâtiment affichèrent une énorme banderole qui montrait une tête de mort avec un couteau entre les dents et une couronne de laurier, au-dessus, un texte très accueillant.

''BIENVENUE AUX ENNEMIS DE L'EURYSIE !''

Charmant.
Les jeunes militants des Rangers Noirs sur le toit, dans le même temps, crièrent leur slogan, qui résonnait à travers la foule.

‘’GRANK KAH, CASSE-TOI !
T’ES PAS ICI CHEZ TOI !
GRAND KAH, CASSE-TOI !
MENKELT GARDERA SA FOI !
GRANK KAH, CASSE-TOI !
L’EURYSIE FULMINE TA LOI !''

Pendant quelques secondes, ce fut uniquement les jeunes étudiants avec leur banderole et leurs fumigènes noirs qui crièrent ce simple slogan. Dans la foule, certains suivirent immédiatement, par effet domino, ce fut ensuite quelques secondes plus tard toute la foule menkienne, dans sa grande diversité, qui se mit en coeur à hurler ce slogan comme si c'était le dernier avant la fin du monde. Ker'Ys criait. Ce fut accompagné d'autres cris, de slogans, d'insultes, de crachats, de haines, de rires gras, de colères, de haines, de fanatisme, de sueurs, de rages guerrières, de joies candides, le tout en direction du véhicule ou se trouver les deux représentantes du Grand-Kah. Oui, définitivement, cet amas de chair et de sang, d'esprit et d’âme avait réussi à créer un égrégore puissant qui mettait en joie Peter depuis sa voiture blindée. Menkelt est un pays à part et Peter Kibener avait réussi à faire prendre conscience à son peuple de ce fait-là.

Quand la cohorte de véhicule passe vers la fin du cortège, on vit soudain des centaines d'hommes, tout en noir, des hooligans, des nationalistes provenant de divers mouvement et autres groupuscules en train de crier en direction de Peter Kibener.

''VIVE KIBENER ! VIVE MENKELT ! VIVE L'EMPEREUR ! VIVE NOTRE RACE !''

Ils étaient plusieurs centaines à se lancer à la poursuite de la voiture transportant leur Premier Ministre tout en faisant des saluts rhêmiens. Symboliquement, Peter baissa la vitre de la voiture et fit un salut rhêmien également en retour, ce qui fit crier de joie cette jeunesse ultranationaliste autour d'eux. Des journalistes prirent en photo ce moment. Patrick éclata de rire, un rire joyeux, il était agréablement surpris.

''Seigneur, ils sont nombreux. Qu'est-ce que Galahad a bien pu faire pour les motiver.''

''Je ne sais pas Patrick, la venue du pire ennemi de notre bord politique chez nous peut-être ?''

''Mais là ce n'est pas qu'une manifestation, c'est un triomphe.''

Peter tiqua au dernier mot.

''On a perdu l'Altrecht, ce n'est pas un triomphe....''

Le rouquin, sans détourner son regard de la vitre de la voiture, répondit à Peter.

''Il s'en fiche Peter, il s'en fiche de tout ça. C'est pour ce que tu as fait au pays, c'est ton triomphe.''

Peter haussa un sourcil et prit soudain un air mélancolique.

''Modère ta joie, de toute façon, dans 5 ans, tout sera terminé.''

''Peter, tu sais très bien mon avis sur ton choix, je trouve ça dommage personnellement. Tu ne devrais pas faire ça.''

Peter allait répondre, mais il remarqua avec son ministre que les centaines de jeunes menkiens commencèrent à s'agiter encore plus quand la voiture Kah-Tanaise passa. Des nationalistes lancèrent des bouteilles et des tomates pourries sur la voiture Kah-Tanaise. La Bezimpa réagit immédiatement avec des coups de matraques. En conséquence, une confrontation extrêmement violente eu lieu pendant une dizaine de seconde entre les jeunes nationalistes et la Bezimpa avant que les nationalistes reculèrent.

''Ah ! Ça me rappelle notre jeunesse ! Pas toi ?''

Patrick, l'air plus mitigé, répondit.

''Je... Je n'aime pas ça.''

''Tu te fous de moi ? Tu étais 1000 fois pire étudiant !''

''C'était un autre contexte, nous vivons dans une période stable, apaisé et prospère. Ils n'ont pas à faire ça, ces gamins n'ont pas vécu la guerre occulte.''

''Tu t'es bien ramolli !''


Peter croisa ses jambes et ricana.

''Stresse pas mon gars ! Je ne pense pas qu'elles vont péter un câble à cause d'une bouteille de bière et des tomates pourries. Enfin, si elles font les outrées en arrivant au palais, ça peut être rigolo aussi tu me diras.''

''Euh... Non ?''


Les deux hommes rigolèrent ensemble en imaginant la situation. Le premier ministre regarda une dernière fois derrière lui, en direction de la voiture transportant les deux Kah-Tanaise.

''Je trouve que ces jeunes ont eu une réponse tout à fait correct, surtout après les évènements en Altrecht...''


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Musique d'ambiance

Le palais impérial faisait partie de ces bâtisses ou on pouvait facilement se perdre. Patrick se souvenait bien de la première fois qu'il était venu ici, le rouquin s'y était perdu pendant deux bonnes heures avant de trouver son bureau de ministre. En traversant le palais, les deux délégations y croisaient des membres de la haute-noblesse impériale qui s'entretenaient avec des députés de l'assemblée impériale. Ces derniers venaient ici pour obtenir l'appui, soit des membres de la puissante et riche noblesse, ou soit de l'Empereur lui-même. C'était une certaine forme de lobbying. Les oligarques n'avaient de cesse de jalouser cette influence de la noblesse impériale, encore plus depuis que Peter Kibener avait réduit leur influence sur la politique impériale. Il y avait beaucoup d'ecclésiastiques également présents qui continuaient leur train-train quotidien. Peter remarqua beaucoup de regards méprisant des hommes et des femmes du palais en direction des deux Kah-Tanaise. Ce n'était pas franchement étonnant, l'intelligentsia et l'élite Menkienne ne cachaient absolument pas son mépris du régime Kah-Tanais avec son cosmopolitisme et son égalitarisme. Le ministre de la culture et idéologue Mickaël Land avait d'ailleurs tenu un article en 2012 ou il qualifiait le régime Kah-Tanais de, je cite, ''Régime cosmopolite dégénéré, représentant ultime du culte lucifériano-babylonien et adversaire ultime du retour de la civilisation Hyperboréenne chrétienne celtique''. Charmant.
La petite troupe, qui était en train de traverser un long couloir qui menait à la salle de l'espérance, croisa la route du chanoine confesseur du palais impérial, Joshua Masterson. Ce dernier prit soudainement à parti le Premier Ministre, à la grande surprise de ce dernier.

''Vous ne vous êtes pas confessés depuis deux mois et je ne vous ai pas vu prendre la communion dimanche dernier.''

Peter fut surpris de l'intervention du chanoine en pleine rencontre diplomatique, il bégaya et se justifia maladroitement, comme un enfant auprès de sa mère.

''Euh... Ah ? J'étais occupé monsieur le chanoine.''

Le chanoine soupira.

''Trop occupé ? Dieu avant tout Sir Kibener. Enfin, ne tardez pas.''

Le chanoine repartit aussi rapidement qu'il était venu. La troupe reprit leur chemin. Enfin arrivé dans la salle de l'espérance, il n'y avait plus que les quatre représentants, enfin si on omettait l'énorme statue de la Saint-Vierge à côté d'eux. Le premier ministre menkien invita ses deux interlocutrices à s'installer sur les fauteuils et prit enfin le temps d'analyser ces dernières en face de lui.
Des Kah-tanaises qui avaient l'air ethniquement Eurysiennes, chose étonnante, il s'attendait à trouver des métis très marqué ou alors des kah-tanais plutôt typés asiatique. Il n'était pas impossible non plus que les deux représentantes soient des métis, mais majoritairement d'ascendance Eurypoïde. Cependant, il se demanda avec un léger sourire et un peu d'humour si le Grand-Kah n'avait pas fait exprès d'envoyer ces deux femmes à la peau blanche.
Peter trouvait que les deux femmes avaient l'air psychiquement complètement à l'opposée.
Avant leur venu, de jeunes floc'h avait disposé sur la table basse de la salle des boissons et autres gâteaux et sucreries. Les floc'h étaient des jeunes adolescents mis au service d'un noble pour devenir un ''bon noble'' à son tour, il devait devenir un chevalier avec une morale infaillible et un comportement exemplaire. Une sorte d'écuyer en somme. Les Floc'h étaient souvent des adolescents provenant de la petite noblesse impériale. Ce système était très archaïque et provient du haut Moyen-Âge, néanmoins une certaine évolution avait eu lieu. Depuis 1905, les filles nobles étaient aussi acceptées, mais aussi des roturiers, même si ces derniers étaient beaucoup moins nombreux et représenté une petite minorité.

''N'hésitez pas à vous servir.'' Lança poliment Peter.

Le ministre des affaires étrangères se servit aussitôt du thé et prit quelques biscuits. Celui-ci était habillé dans un costume trois pièces en vert qui avait l'air vieux, un pin's avec un triskell était visible sur son veston. L'homme portait plusieurs bagues sur ses doigts. une croix en argent était visible autour de son cou. Sa barbe rousse plus ou moins mal taillé et ses lunettes lui donner des allures de hipster.
A l'inverse de son ami, Peter Kibener paraissait extrêmement austère, il avait une peau très pâle, sa grande taille lui donnait une sorte d'altitude autoritaire et sa longue robe noire qui allait jusqu'à ses chaussures, noir aussi, lui donner des allures de prêtre. Ses cheveux noirs de jais accentuait ce côté extrêmement austère. Les deux autres seules couleurs visibles sur lui étaient ses yeux bleus gris et son alliance en or. Malgré cette apparence et ce physique très mélancolique, son altitude cordiale, voir amical et son sourire, lui donne une aura assez étrange.
Après avoir bu une première gorgée de sa tasse de thé, le premier ministre mit les pieds dans le plat.

''Bon... Avant d'aborder l'éléphant dans le couloir qu'est la situation actuelle en Altrecht....

Il marqua une pause, comme s'il voulait voir une réaction.

''Qu'est-ce vous nous voulez concrètement ?''

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Serrer la main. Kisa Ixchet avait toujours trouvé cet usage amusant, voir carrément insensé de la part des dirigeants et notables étrangers. Oubliaient-ils que la diffusion de ce signe était indissociable de la diffusion de la fraternité ? Qu'elle avait voyagé avec les mouvements ouvriers, s'était répandue à travers le monde comme un signe d'égalité entre les hommes ? Et il allait sans dite que celui qui venait de lui serrer la main, pour toute sa pudeur et sa sollicitude, ne la considérait pas comme égal.

Elle adorait les normes sociales. Adorait leur déconnexion systématique avec leur raison profonde. La poignée de main était un outil moins viril que fraternel. Désormais, les socialistes tendaient à s’en débarrasser, les peuples décoloniser à abandonner son usage. Les oligarques la faisaient leur.

Elle sourit à Patrick Pearse puis plaqua son poing contre son cœur et s'inclina légèrement en avant. Il leur donnait de l’excellence, un terme de politesse, apprécié pour ce qu’il était. Elle décida donc de lui rendre la pareille : le traiter selon les normes sociales de la culture qu’elle représentait.

« Merci, citoyen. Nous avons fait très bon voyage.
Visiter l’un des cœurs battant du monde celte est toujours une joie », ajouta Styx. Son regard était passé des menkeltiens aux journalistes, puis aux bâtiments adjacents. Contrairement à sa camarade, elle maintenait une distance de courtoisie avec leurs hôtes. Nous ne sommes pas du même monde, semblait-elle indiquer. Nous le savons. Rien ici ne tient de la courtoisie.

En bonne radicale, elle méprisait les conventions. Lorsqu’on leur indiqua la voiture, elle fit quelques pas en compagnie de Kisa, les mains plongées dans les poches de son veston.

« Tant de sécurité ? Les rues sont si dangereuses ? »

Elle jeta un regard en coin à sa camarade, laquelle se contenta de secouer la tête, lui indiquant d’entrer en première dans la voiture.

« Styx.
Ils manquent de discipline. » Elle haussa les épaules, puis leva le nez vers le ciel. « Abair cac-suidheachadh... »

Kisa secoua la tête.

« Pardon ?
L’air. Chaud, humide. On croirait le Paltoterra.
Eh bien, comme à la maison.
Je viens des marquises, ma puce.
Je parlais de la mienne. »

Styx souffla du nez, et sourit. C’est vrai. D’ailleurs son nom vendait la mèche, elle avait des origines indigènes. Ce qui ne se lisait pas dans ses traits. Des générations de métissage l’avaient ramenée à une certaine blancheur, et pourtant les noms étaient nahuatls. À moins qu’elle n’ait été l’une de ces filles adoptées, pupille de la nation et de l’après guerre. Ça, Styx n’en savait rien. Assez curieusement, Kisa faisait partie de celles et ceux sur lesquelles ses services n’avaient pas de fiches claires.

La voiture se mit en route. Le regard des deux kah-tanaises s’orienta naturellement vers le cirque sinistre qu’on avait préparé à leur attention. Dans la perspective d’une kah-tanaie, culturellement poussée à se croire exceptionnelle, et cherchant sans cesse confirmation de la supériorité de son modèle éthique, voir les citoyens changés en peuple, c’était à dire en masse, c’était voir la faillite de l’humanité. Ni impressionnante, ni surprenante, cette faillite était le fait attendu des régimes réactionnaire. Un spectacle triste, sordide, tout à fait conforme aux attentes. Styx plaça les mains derrière sa nuque et leva le nez vers le plafonnier.

« Ils essaient de nous intimider. De nous faire comprendre que le peuple nous déteste. Qu’ils nous méprisent, ne nous craignent pas. Pourtant, nous sommes ici.
C’est-à-dire ?
Qu’ils nous reçoivent.
Par simple courtoisie. »

Styx secoua la tête. Elle avait un sourire mauvais.

« Parce qu’ils nous craignent, jusqu’à un certain stade, bien entendu. Mais ils savent ce que nous représentons.
La potentialité d’un risque.
Une puissance à ménager. » Elle se redressa. « Au fond cette démonstration est moins pour nous que pour eux. La bourgeoisie parle à la bourgeoisie, l’aristocratie aux siens. Nous ne craignons pas les kah-tanais. Nous les méprisons ! Tu vois ce que je veux dire ?
Oui, oui. C’est comme un chat hérisse ses poils. Moins pour nous intimider que pour se rassurer. Tu as une bien piètre image de nos hôtes.
Mais tout le contraire, Styx. Quel genre d’imbécile tenterait de nous intimider nous ?
Nous allons bientôt le découvrir, je suppose. »

Puis elle se tut. Devant eux, le chef d’État du Menkelt venait de rendre un salut Rhémien à leurs assaillants. Validant tout à la fois leur agressivité à l’enconte des kah-tanaise que leur posture ouvertement fascisante. Kisa renifla.

« Ah. Eh bien, ce genre d’imbécile, donc. Styx ? Rentrons à Axis Mundis.
Hm ?
S’ils ne veulent pas nous recevoir, nous n’avons qu’à partir. Ce salut…
– Je suis sûre que ça leur ferait plaisir. »

Kisa soupira et haussa les épaules. Sans doute, à vrai dire. La caractéristique première du Peuple, en tant qu’ensemble, était son aliénation. En d’autres termes, il ne fallait pas croire à la spontanéité des rassemblements de cet ordre au sein des régimes réactionnaires. C’était une façon de penser qui pouvait sembler simpliste, extraite des décennies de recherches sociologiques l’attestant. C’était pourtant vrai. L’humain n’était pas prompt, dans l’ensemble, à se dresser pour saluer son gouvernement. Aliéné et anesthésié par la gouvernance, il suivait le rythme qu’on lui dictait, et ne se levait, spontanément, en moyenne que pour s’y opposer. Combien de ces gens étaient des agents payés ? Une provocation, motivée par des barbouzes. Une raison suffisante de rester jusqu’au bout.

La première tomate percuta la vitre dans un bruit sourd et humide. Kisa sursauta, observant la tache rouge déformer la lumière grise qui filtrait dans l'habitacle. À côté d’elle, Styx eut un rire où elle crut entendre quelque chose qui ne lui plut pas. Elle semblait impressionnée.

« Sérieusement ? Kisa tu vois ça ?
– Ils vont se faire fracasser.
– Mais oui ! 
– Ah. L’Eurysie. Je ne cesserai jamais d'être surprise par leur tribalisme.
Pardon ?
Je me suis mal exprimée. Je ne me référais pas au sentiment d'appartenance et d'identité. Je voulais dire, leur barbarie. Les eurysiens sont des animaux.
N’importe qui peut être réduit à ce niveau.
Oui. Ou s’en extraire. D’ailleurs, quand on sera là-bas, ils voudront sans doute parler de l’Altrecht.
Assurément. Je parie même que ça joue sur… Tout ce petit spectacle.
– Quelle est la ligne du comité à ce sujet ? 
»

Kisa se saisit de son téléphone et envoya un message, puis elle haussa les épaules.

« Que s’il n’y avait pas eu de régime réactionnaire à renverser, il n’y aurait pas eu de révolution.
J’aime ça. »

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Styx fut la première des deux kah-tanaises à entrer dans le palais impérial. Elle se sentait comme une véritable petite touriste, se demandant brièvement s'il se trouvait l'un de ses agents, "tulpa", au sein du bâtiment. Peu probable. Ses réseaux ne s'intéressaient pour l'heure que très superficiellement à l'Île Celte. Alors il n'y avait pour ainsi dire aucun enjeu. Oui. Elle était là en touriste. Son regard parcourait les murs, le sol, le plafond. Gardant un air un peu distant, elle savourait l'immensité absurde d'un lieu moins pensé pour la praticité du pouvoir que pour son impression. Palais impérial, objet inévitablement symbolique, ridicule. Combien de commissariat pourrait-on y placer, à condition de cloisonner les plus grandes salles ? Deux ? Trois ? Parfois, son regard s'attardait sur les représentants de la haute noblesse. Fin de race consanguine et stupide, un arrêt sur image perpétuel, figé dans le temps et une perception aveugle de l'Histoire. Elle leur souriait avec la politesse distante d'une étrangère.

Oh, surtout ne faites pas attention à moi. Je ne fais que passer. L’individu n’est rien. Seule compte l’idée. Celle de la noblesse dure depuis des siècles, et s’éteint à petit feu. La révolution, elle, est un brasier. Elle consume, bouffe le bois et le charbon. Demain, Styx aura brûlée, et avec elle, un morceau du vieux monde. Le feu continuerait, sans elle. Demain…

Les yeux de Styx s’orientèrent vers leur guide. Ta maison sera brûlée, on y versera du sel. Et à l’adresse de ses pairs : On vous pendra aux tripes de vos descendances. Rien ne sera sauvé. Rien n’a à l’être.

Elle offrit un sourire d’une parfaite amabilité à ses hôtes, une fois installée dans les fauteuils, et remercia Kisa lorsque cette dernière entreprit de leur servir deux tasse de thé. Elle se pencha en avant, récupéra sa coupelle et leva les yeux en direction de l’immense statue de la vierge. Marie la mal-baisée. Génitrice d’un des plus grands révolutionnaires sociaux de son époque. Systématiquement récupéré par les puissants, les cuistres sans imagination, l’Oppression faite machine. Vraiment, de tout temps, le Pouvoir récupérait l’image de ses ennemis. Un jour, pensa-t-elle, il se trouverait un type pour vendre des talismans à notre image.

Pour ça il faudrait déjà changer le monde. Une perspective que Styx trouvait très lointaine. Pour toute sa paranoïa et sa ferveur, elle était moins une révolutionnaire qu’une survivante. Moins vraie croyante qu’exécutante maniaque.

Elle but une longue, très longue gorgée de thé quand fut mentionné l’Altrecht, et inclina légèrement la tête sur le côté. À ses côtés, Kisa prenait son élan pour répondre. Formidablement diplomate, Kisa. Une vraie perle.

« Pour commencer je tiens à nouveau à vous remercier de nous recevoir ici. » Elle marqua une pause, laissant ses yeux balayer les visages de ses deux hôtes avant de continuer. « Nous avons parfaitement conscience de ce que cela représente, compte tenu de l’opposition de votre régime à l’idéologie officielle de contre confédération.

À ce titre je me dois de rappeler que cette rencontre a été organisée par vos services suite à notre souhait d’acquérir des systèmes d’armes d’origine menkeltienne. Je pourrais donc tout à fait vous répondre que nous voulons, avant tout, des armes.
 » Elle fit tourner le biscuit entre ses doigts, le regard fixé sur l'objet. « Mais ce ne serait pas parfaitement exact. »

Elle se pencha en avant pour saisir un biscuit, avec lequel elle commença à jouer, distraitement.

« Comme vous le savez le Grand Kah a signé des accords sécuritaires et économiques avec vos voisins Achosiens. Si nous savons parfaitement que la signature de tels accords avec le Menkelt seraient inenvisageables, nous gardons à l’esprit que la priorité de la plupart des pays est de vivre et laisser vivre, pour ainsi dire.

Nous avons toutes les raisons de penser que votre opposition formelle à notre idéologie pourrait vous pousser à percevoir nos accords achosiens comme le prélude à une menace contre votre régime. Ainsi, ce que nous voulons, c’est vous rassurer quant à nos intentions. Menkelt n’a, à ce jour, jamais été une ennemie de l’Union. 
»

Elle mordit dans le biscuit et haussa légèrement les sourcils, comme si elle était surprise d'en apprécier le goût. Styx n'ajouta rien, observant ses deux interlocuteurs. Quel était leur pouvoir réel ? Que représentaient-ils, ici ? L'oligarchie ? Les intérêts de la couronne et de sa noblesse ? Il était difficile de spéculer sur leurs réponses car il était difficile de savoir quels éléments de la Réaction étaient réellement représentés par ce duo. Cela dit, elle notait le caractère direct du roux. Le type semblait sûr de lui, de son bon droit, cherchant à affirmer Menkelt comme acteur de premier plan au sein d'une discussion par nature inégal. L’éléphant dans la pièce ? Altrecht ? Mais nous parlerons, et nous verrons quels ton tu aborde, pur ne pas te faire dévorer par la Grande Sœur de toute l'humanité.

L'autre ressemblait à un gosse. Intimidé par son propre pouvoir et toutes les représentations du pouvoir symbolique ou concret du pays. Alors. Véritable carpette aux ordres, voix de ses maîtres ? instances dirigeante à prendre au sérieux ? Elle suspendait son jugement. Oui. Si elle n'avait pas de tulpas au palais, il faudrait y remédier. Elle manquait de fiches sur ces gens là.
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