
C’est-à-dire, Actée parlait de toute façon assez peu. Mais le silence complet, c’était autre chose encore. Présentement, elle semblait éprouver un intérêt tout particulier à la vue urbaine qui se déployait paresseusement derrière les grandes baies vitrées. Avant que Styx ne puisse émettre la moindre remarque à ce sujet, Actée pivota complètement vers elle, le tissu de sa veste se tendant sur ses bras croisés.
« Considère notre invité », dit-elle enfin, « comme un Velsnien.
– Il parle Italien ?
– J’en doute », avoua Actée avec un demi-sourire. Elle tira un fauteuil et s'assit face à Styx. « Non. Je parlais plutôt de cette tendance à la magouille facile, et au pragmatisme immoral. »
Styx tapota un doigt sur sa tempe, un mince sourire flottant sur ses lèvres.
« Pas vu, pas pris », commenta-t-elle avec une lenteur délibérée. Son regard se fit plus dur, elle se redressa. « Sauf que votre synthèse le décrit comme un "personnage paradoxal". On oublie de mentionner qu'il dirigeait les bas-fonds de Malhadan avant d'être propulsé ministre. Ce n'est pas que du pragmatisme, Actée. C'est un narcotrafiquant. »
Le regard d'Actée était animé d'une lueur que Styx n'arrivait pas à interpréter.
« Le Suppléant à la Sûreté a des preuves de ses activités actuelles ? »
Elle fronça les sourcils. Styx leva les mains devant elle.
« Donnes trois semaines à mes tulpas et ils te les trouveront. Mais ce n’est pas utile, si ?
– Non. Nous n’en sommes pas là. Son Excellence est ici pour parler en bonne foi avec l’Union. »
On toqua à la porte. Styx se leva tranquillement de son fauteuil. Actée l’imita en tirant les pans de son élégante veste, elle se tendit un peu et parla d'une voix claire.
« Oui ? »
La voix d'une membre de la délégation kah-tanaise s'éleva de l'autre côté.
« Citoyennes, son excellence le Sadr est arrivé. »
Actée lança un regard en coin à Styx, qui leva un pouce approbateur.
« Faites-le entrer ! »