03/07/2017
13:20:48
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Des racines et des cailloux - Velsna-Menkelt

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Des racines et des cailloux



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La Villa Martiano, devenue la résidence temporaire d'Adolfino Agricola


Le cadre champêtre de la campagne d'Achosie du nord variait finalement peu avec les contrées menkiennes. On aurait pu penser qu'il n'y eut aucune différence si cette dernière avec eu lieu à quelques centaines de kilomètres de là, en pays celte. Des collines rocailleuses, des lochs, des forêts denses et des kilomètres de plages de galets: les paysages et la nature de la Strombolaine ne laissent personne indifférent. Quelques agglomérations moyennes, la plus grande, Strombola ne dépassant pas les 80 000 habitants, ke tout encerclé de villages et petites localités éparses, dont le maillage était de moins en moins dense à mesure que l'on s'éloignait de la mer. L'Histoire y était pour quelque chose: les velsniens venus du continent se sont simplement contentés de fonder des villes portuaires auxquelles se sont ajouté un substrat local, tandis que dans les terres, l'usage de la vieille langue demeurait vivace. Toutes ces villes et villages étaient comme des lumières errantes la nuit, parsemant la campagne vallonnée, les imposantes vallées des Highlands et les sommets enneigés: de vieilles montagnes fatiguées dont le pic n'en était pas un.

L'Histoire..quel terme fascinant...l'Histoire n'avait pas été avare de confrontations et de souvenirs douloureux entre les "gens de la cité sur l'eau" et les locaux, menkiens inclus. Huit siècles de présence velsnienne dans le nord de l'île, ponctué d'une occupation totale de l'Achosie durant une longue période, n'avait pas épargné les images respectives que se renvoyaient les deux populations. Le celte était ainsi un barbare inculte, quand le velsnien était un fourbe intriguant. Malgré le fait que les frontières se soient stabilisées durablement au XIXème siècle, les rancœurs se sont poursuivies, dans un cadre moins guerrier et davantage politique. Mais la classe politique velsnienne considérait toujours l'île celtique comme une sorte de périphérie d'un univers dont ils étaient le centre, une région qui ne leur était pas étrangère, mais pas pour autant intégrée à leur monde. Menkelt portait typiquement ces traits pour les velsniens: le pays jamais conquis, à contrario d'Achos, Menkelt et Velsna avaient des pourtant des intéractions: pas tant par le commerce qui pendant longtemps a été marginal que par le mercenariat et quelques flux humains durant l'époque moderne et le bas moyen-âge. Puis, plus rien...les années récentes ont été l'occasion d'une indifférence mutuelle: Menkelt est une puissance insulaire aux penchants nationalistes, Velsna est une puissance ultra-marine ne savant où donner de la tête. Les multiples tensions et aléas de la géopolitique mondiale ont par bien des fois fait baisser l’intérêt des deux pays pour leurs existences respectives. Velsna n'avait même pas pipé mot à l'occasion de la formation du forum interceltique, pas plus que lorsque les teylais avaient implanté une base en territoire menkien. Un acte relevant d'une cession partielle de souveraineté pour les velsniens. Mais même là...rien.

Alors pourquoi cette rencontre ? Eh bien...ce sont peut-être les intéressés qui en parlent le mieux. Le cadre, en premier lieu, était digne de mention: une modeste villa, bâtie "à l'achosienne", une grande propriété foncière parmi d'autre que les frères Agricola, les envoyés spéciaux du Sénat dans la région, avaient investi à l'invitation de son propriétaire, un sénateur éternellement absent des lieux portant le nom de Martiano. Ceux qui étaient à l'origine à la tête d'une armée de 15 000 hommes ont donc élu cet endroit central en Achosie du nord comme quartier général. Loin de gérer une simple armée, le sénateur Adolfino Agricola, l'aîné des deux, n'était pas qu'un simple stratège militaire en mission: la repression n'était pas sa seule tâche, et paraissait même marginale à côté de la réorganisation administrative locale dont il avait promis de s'acquitter. Les frères Agricola ont rapidement compris que les pouvoirs locaux étaient les plus grandes sources de tension, alors ils ont simplement court circuiter leur autorité dans tous les domaines régaliens, et ont transformé cet endroit en un centre administratif où plusieurs dizaines de conseillers gravitaient autour d'eux.

Parmi ces conseillers, une femme, qui n'était qu'une simple gouvernante achosophone, suivait désormais les frères Agricola dans tous leurs déplacements, et était devenue leur interprète avec les populations locales. Là encore, il a avait été fait le choix du recours à la jeune femme, devenue progressivement indispensable par la force des choses, pour la simple raison qu'il avait été jugé "à risque" d'organiser la rencontre en langue velsnienne. Le latin avait également été évoqué, mais la piste rapidement abandonnée: si Adolfino Agricola savait le parler avec quelque maladresse, c'était là le latin de l'antique Rhême, bien différent du latin ecclésiastique que les quelques locuteurs de la région utilisaient certainement. Qu'à cela ne tienne, l'achosienne échangerait avec les invités.

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Kira, une conseillère atypique


C'est donc dans ce cadre que l'entrevue avait été organisée, dans cette petite pièce, qui ressemblait davantage à une salle à manger qu'à une salle de conférence. Mais c'était voulu, le stratège Agricola se voulait accessible, et éviter tout excès d'arrogance avec ces gens orgueilleux. Autour de la table, il n'y avait de la place que pour son frère jumeau, Ignacio, qui était également son intendant militaire, Kira la traductrice, et un greffier sénatorial qui notait inlassablement le moindre des mots d'Agricola.

Les salutations furent respectueuses, et déjà on pouvait reconnaître la silhouette reconnaissable des deux frères face aux étrangers. Les cheveux noirs de jais, bouclés, bien loin de l'apparence physique de beaucoup de locaux. Court de taille, et pour cause la traductrice le dépassait d'une demi-tête, Adolfino n'en dégageait pas moins une assurance et une sévérité certaine, et avait cette habitude de poser longuement son regard sur certains détails bien visibles chez ses invités: la façon dont ils étaient habillés, la mouvement des mains et l'expression des regards.

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Sénateur-Stratège Adolfino Agricola


" Excellence, j'espère que le voyage a été aisé. Prenez place, je vous en prie. Nous avons du vin de Munda et...du whiskey caratradais pour vous...étant donné que je n'ai pas l'impression que le vin soit très populaire dans la région...j'ai dû le faire venir du continent à un prix beaucoup trop élevé pour ce qu'il vaut. Mais je divague, installons nous, je suis sûr que ce que j'ai à vous dire vous intéressera. Je ne vous ai pas fait venir pour le vin..."


Les derniers préparatifs se firent autour de la délégation menkeienne. Un servant posa une autre carafe de vin sur la table, au cas où, tandis que les gardes wanmiriens qui accompagnaient les frères Agricola furent congédiés. Une fois les derniers désordres mis sous le tapis, le sénateur Adolfino embraya de suite, sans perde davantage de temps.

" Je suppose que vous êtes bien au courant des derniers évènements dont la Manche Blanche fait l'objet, n'est-ce pas ? La première chose que je puis vous dire, est que nous avons au pays...un rejet naturel de tout ce qui pourrait induire un changement quelconque dans notre petit microcosme politique. Or, dans un contexte où ces dernières semaines ont connu une évolution aussi rapide qu'inattendue, je pense que nous pouvons mettre de côté notre méfiance mutuelle et nous entraider, que ce soit en île celtique et en Manche Blanche.

Je ne vais pas aller par quatre chemins: nous n'avons à l'origine que de l'indifférence pour le BNE...cependant...cela ne veut pas dire que nous ne pouvons rien faire pour vous aider à sauver cette organisation, et à le reconstituer avec des candidats potentiels, mais sans l'Altrecht, je le crains. En effet, la Révolution en Altrecht a tout bonnement décapité le régime, et j'estime qu'il est trop tard pour que les survivants de l'ancien régime puissent organiser une quelconque lutte armée à court terme. Cependant, permettez moi de vous faire une première proposition que vous pourriez voir de notre part...comme un cadeau. Nous sommes prêts, par le biais détourné d'un traité commercial signé avec les Communes Unies d'Altrecht, à participer à la création d'une filière permettant la fuite des cadres et partisans survivants de l'ancien régime. Après tout, ils étaient vos alliés, et le sont toujours d'une certaine manière. Ils embarqueront sur des navires cargos velsniens et nous les déposeront chez vous. Qu'en dites vous ? Il est toujours utile d'avoir des moyens de pression vis à vis de ce régime en cas d'hostilité de sa part... Ce n'est pas encore le cas en ce qui nous concerne, mais sait-on jamais..."

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