
Le ciel de Volterra tourna dans un premier temps à l'orange, puis au rouge, au fur et à mesure que le soleil venait lécher les vagues. Sur le rivage, on observe de plus en plus de feux à la tombée du jour. Sur la sable, à la lisière de la fille terrible de Fortuna (encore une autre), les hommes et les femmes de triste réputation se rassemblant et s'assemblent en des feux de camps éparpillés sur tout l'horizon. On se case en fonction des ententes individuelles, mais aussi des appartenances nationales...et Dame Fortne sait combien il y aura de nations sur cette plage d'ici peu. La chaleur les attire et les pousse à partager histoires comme provisions: ils seront des bientôt des milliers... Les enfants terribles servant la fille terrible, quoi de plus naturel. Autour de ces feux, on y croise de tout ce qui peut faire une armée: les condottières de Salvatore Lograno qui forment le gros de la garde de la ville, on vu les terribles combats de la Guerre des Triumvirs, où des volterrans natifs se mêlent à d'anciens partisans du tyran Dino Scaela, que l'on porte ici en admiration. Ils se retrouvent en compagnie des compagnons de Lograno, qui quant à eux ont servi Vittorio Vinola fut un temps, avant de fuir pour leur vie... Ces individus se sont parfois rencontrés sur le champ de bataille, et se sont combattus...mais ce qui définissait leur camp était davantage leur porte monnaie que leurs appartenances. Les choses sont différentes ici...on parle...on ne cesse d eparler du "rêve de Volterra", celui où chacun pourra s'extirper de sa condition et devenir un propriétaire fortuné. On ne cesse d'évoquer le cours du Lograno-coin, avec des étoiles dans les yeux. On s'enveloppe de rêves qui réchauffent davantage que le feu des camps, et on part dormir avec la sensation de l'invincibilité, la sensation que rien ni personne ne pourra arrêter le chef charismatique qui les dirige. Les anciens de la guerre civile velsnienne diront que le moral des armées de Scaela, Vinola et Di Grassi réunies n'ont jamais été plus élevés que ce à quoi ils étaient témoins sur cette plage: l'espérance, la vraie. La perspective de l'ascension sociale, on pouvait la sentir dans l'air.
Plus loin sur la plage, à l'écart des condottières dodécaliotes, d'autres feux s'étaient allumés avec des drapeaux différents, mais dont le but était le même. Les féroces guerriers du Clan Ravatomanga avaient répondu à l'appel, les hommes à la tête de jaguar. Avoir à sa disposition des mercenaires provenant du Madrarika était indéniablement perçu par tous comme un signe de prestige immense, et l'assurance que la cause de Salvatore Lograno était sur la bonne voie...à partir du moment où leur récompense viendrait en son temps. Sans conteste il y avait là des égaux des Chasseurs strombolains d'Achosie du Nord, pourtant réputés les meilleurs soldats du monde fortunéen.
Encore un peu plus loin, les ronins avaient troqué les feux de camps éparpillés pour des baraquements plus grands et mieux organisés. Il y avait là encore des hommes et des femmes d'exception, formés à un art de la guerre qu'aucun dodécaliote n'avait vu jusqu'à présent. L'élite guerrière de la cité de Kelang était sur cette plage. A coup sûr, le conflit qui vient ne serait pas une vulgaire querelle de villages...
Et comment ne pas mentionner la présence, éparpillée sur plusieurs kilomètres, de ceux que l'on nommait "pêcheurs", mais qui n'en avaient guère l'apparence. Si pêcheur sils étaient, leurs prises ne se limiteraient probablement pas à du hareng: il est rare de pêcher au mortier et au lance-roquette. Si ces étranges icamiens étaient sans conteste les moins bien équipés de cette armée en formation, en rien il était rassurant d'en voir un s'approcher de soi. Les coups de couteaux se perdaient dans cette masse en formation, et sans cesse il y avait de instructeurs pour rappeler à, l'ordre, voire tabasser ceux qui osaient sortir des lames. Tous ces gens mêlaient la discipline militaire et le caractère rétif et insubordonné d'une bande de malandrins et de coupes jarrets: le mélange explosif et terrible pour nombre de crimes de guerre...
Sur la balcon de sa villa, Salvatore Lograno contemplait les feux. On aurait dit que la voûte céleste ne se finissait pas à l'horizon et que ces derniers étaient autant d'étoiles dans le noir que celles illuminant le ciel. Il faisait si noir désormais, qu'il était difficile de voir la Manche Blanche qui venait se perdre derrière ce voile. Son bureau n'était illuminé que par les lampes faiblardes de son pupitre: c'était une atmosphère idéale pour le travail...le minage. De temps en temps, un de ses aides de camps venait le voir pour le quérir des nouvelles de la Bourse de Mésolvarde, ou bien celle de Baobab Ville...et à chaque fois, pour se porter chance, on pouvait voir sa main venir se poser, et caresser nerveusement l'une des clés usb qui formaient un collier autour de son cou, toutes contenant une part de sa richesse, à la vue de tous. Bientôt...oui, bientôt, toute la Dodécapole connaîtrait l'étendue de ses largesses. Il fallait simplement attendre le moment propice: la question était donc de savoir si cela avait bien lieu en ce moment même, et s'il fallait agir.
Lograno était un tacticien, et un ancien mercenaire: il connaissait le terrain, mais moins les aléas de la grande stratégie. Il lui fallait des conseils, provenant de personnes exceptionnelles. Une élite de l'art militaire et de la subversion. Le prince de la crypto était peut-être un génie auto proclamé de la finance et du coup de main audacieux, mais il lui fallait le cadre idéal pour démontrer l'étendue de son excellence. Il lui fallait les MEILLEURS.
On fit entrer des profils aussi variés qu’incongrus, mais Lograno le savait au fond de ses tripes, il en avait cette certitude quasi mystique: c'était bien eux...les bons....les CRYPTOBROS ! Tous les trois n'avaient qu'un seul point commun: celui de s'être vu offerts un grande nombre de Lograno-coins, assez pour disposer d'une influence sur les grandes questions, et bénéficier de l'oreille de Salvatore.
Un petit homme entra le premier, le pas hésitant. Hwang Lee-Jong, dit "L'Argentier", affilié aux ronins de Kelang. Discret, mais considéré comme un véritable génie de la finance. Indéniablement, le volterran comptait sur sa personne afin de faire permettre à son armée de disposer de la logistique nécessaire à son déploiement..et surtout les moyens financiers pour l'entretenir. Mais lorsque que Hwang Lee était dans les parages, il fallait inévitablement s'attendre à voir le redouté Darmanochi dans les parages, le chef de ce groupement si exotique sous les latitudes de la Manche Blanche...et dieu sait qu'il était souvent d emauvais présage de se trouver seul en face de lui à cette heure.
Peu de temps après leur arrivée, il fut temps d’accueillir le représentant du clan, Tombovelo Nampiandraza. La devanture avantageuse d'un groupe craint. Il était les yeux et les oreilles du seigneur de guerre du clan, que l'on connaissait plus simplement sous le nom évocateur de "Charko le boucher".
Magali Jandira Kawahib, la représentante des convoyeurs icamiens, fit son entrée en dernière, mais même en présence de profils aussi atypiques, elle était loin de passer inaperçue. De part et d'autre de son visage, on la voyait marqué par des cicatrices, peut-être trop profondes pour être celles que l'on se ferait dans un accident de travail à la conserverie du coin. Il était évident que tous avaient au moins une vague idée de sa véritable nature, et de ce qu'elle était capable de faire, Lograno en premier.
Le prince de la Crypto attendit, souriant comme jamais que tous aient pris leur place. Il y avait sur son bureau une pile de papier vierge, et un magnifique colt fortunéen dont la crosse était d'or et d'ivoire. Derrière le bureau, une grande table était recouverte d'une nappe blanche. De toute évidence, il y avait quelque chose d'intéressant au dessous, pour que Lograno prenne autant de soin à la dissimulation...peut-être était-ce le clou du spectacle ?
"Mes amis, ms partenaires de travail... Je vous remercie de vous être joint à moi ce soir. La nuit est fraiche et belle, et la vue de cette splendide plage garnie de vos effectifs me remplit le cœur de...elle me remplit le cœur...voilà tout simplement. Mais vous vous doutez bien que ce n'est pas pour profiter d'une bière que nous sommes là, quand bien même je ne dis jamais non au bon vin, lorsqu'il est accompagné des jolies serveuses qui vont avec.
Premièrement, et avant de commencer...je voudrais vous remercier d'avoir répondu à mon appel. Je vais vous dire une chose: j'ai horreur des tièdes, et je pense qu'il n'y a que des gens comme de notre trempe pour accomplir nos travaux immenses à venir. Nous sommes des héros ! Et des aventuriers ! Nous ne craignons pas le risque, nous lui chions dessus au risque ! Au diable ! Dans ce bureau, je ne vois que des gagnants, ou à minima des individus qui veulent gagner. Et notre prix, notre récompense, ce sera la Dodécapole...
Il nous manque simplement deux choses: les moyens matériels de le faire, et le moment opportun. Et j'ai bien l'intention de répondre à ces deux problèmes. Il se trouve que concernant notre deuxième préoccupation, Dame Fortune nous aime fort, puisqu’elle même semble avoir précipité les choses.
La Dodécapole se retrouve avec un chef absent et qui n'est plus là que pour faire l'intérim, trop occupé qu'il est à résoudre "les problèmes achosiens" de sa propre patrie. Adolfino Agricola, le soi-disant Hégémon, ouvre grand son cul à toute la Dodécapole pour que l'on vienne le prendre...ce n'est pas une occasion que je compte rater... C'est un avorton sans envergure et sans perspective, ce ne sera pas le plus grand de nos soucis. CEPENDANT...nous ne somme spas les seuls sur la ligne de départ pour le remplacer. Il est fort probable que le prochain hégémon ne soit pas un velsnien, une première depuis de siècles que même ces ordures arrogantes ont l'air d'accepter. Aussi, on dirait bien que nous devrons nous contenter de faire comprendre aux autres cités TOUTE l'étendue de notre légitimité...
Nous ne nous le cachons pas: le prochain hégémon ne pourra venir que d'une cité dont le poids est suffisant pour justifier sa place, ce qui nous laisse Apamée et Adria, au choix. Encore des tièdes prudents et peureux... Il nous faut frapper fort, pour faire comprendre à tous les membres de de cette confédération que seule notre cause pour permettre à la Dodécapole de devenir autre chose qu'une vulgaire bande de villages perdus à la lisière du monde fortunéen. Nous prendrons ce qui nous revient de droit, que ce soit à Fortuna, à Velsna ou à toute autre cité qui refusera d'admettre cette triste vérité: la Dodécapole est faible, et elle mérite mieux que d'être une Confédération lâche de trous perdus. Ce que j'ai fait pour Volterra, transformer une petite ville en paradis pour l'investissement et le minage...je peux le faire pour le reste de la Dodécapole, et je peux vous rendre tous riches dans le processus: c'est là le but de ma vie, rendre les largesses à tout mon entourage.
La grande question, est de savoir si le moment est venu de faire avancer nos premiers pions. IL SE TROUVE...que la première de ces opportunités vient de se profiler, et au meilleur des endroits, en péninsule d'Apamée ! Les cités de Porto Rosso et de Nuevo Fortuna se vouent une haine séculaire, faite d'histoires à dormir debout dont je me contrefiche. Il se trouve...que les deux villes sont comme qui dirait des sujets officieux d'Apamée, ce qui les pousse en permanence et au moindre de leur problème, à recourir à son assemblée citoyenne pour arbitrer leurs différends. Mais on dirait bien que cette fois...les choses ont dégénéré bien au delà de la simple plainte, et Apamée a perdu le contrôle de la situation.
Aussi, je me tourne vers vous: vous qui êtes mes frères et mes sœurs. Mes compagnons, mes...contractuels préférés...il me vient beaucoup de conseils à vous demander. En premier lieu, cela vaut-il la peine de nous mêler à cette affaire, et plutôt, d'attendre une autre opportunité de saper l'autorité d'Apamée sur sa propre péninseule ? Ou est-ce bien le moment de rugir comme les lions que nous sommes ! ...Comme vous pouvez l'entendre, j'ai déjà ma préférence, mais j'attends tout de même votre avis.
Enfin...et si nous nous mettons d'accord pour agir...comment pourrions nous le faire ? Faut-il se contenter d'envoyer du soutien matériel à l'une de ces cités ? Faut-il envoyer un petit contingent pour soutenir untel ? Ou bien mettre en place une grand expédition digne des anciens héros de Fortuna ? Nous devons garder à l'esprit que nous ne sommes pas encore officiellement en guerre avec Apamée, alors j'attends vos propositions.