Posté le : 27 sep. 2025 à 01:07:15
4254
La très difficile mise à flot eu des effets différents sur Hemeraldo Vera et Alkesto Divardra. Le Directeur du Conseil riait jaune et essayait de faire bonne figure mais il bouillonnait intérieurement. Il faut dire que Vera n'est pas connu pour son auto-dérision, au contraire même. De son côté, le Secrétaire aux Affaires Etrangères de la RFY était satisfait de voir son supérieur se ridiculiser un peu. Il savait que ce couac mettrait en colère son homologue et que cela pourrait par conséquent aussi mettre en péril les négociations avec les triumvirs siliquéens. "Tellement siliquéen", se disait-il dans le même temps, avec toute l'arrogance qui caractérisait les Sedjanais, notamment vis-à-vis de leurs voisins siliquéens.
Il savait pourtant pertinemment que la Manche-Silice était une alliée importante pour la Youslévie. Il fallait donc faire bonne figure. Il se reconcentra pour accompagner Vera sur le podium pour son discours. Le chef de l’État, outre les formalités inhérentes à ce genre de rencontre qui consistaient à remercier les hôtes et rappeler l'importance des liens entre les deux nations, ne parla que de lui pendant toute sa prise de parole. Il se permis de prendre quelques libertés par rapport à ce qui avait été convenu lors du briefing. Divardra, bien que gêné, avait fini par s'habituer à ce genre d'initiative mégalomaniaques.
Mais le Secrétaire aux Affaires Etrangères n'était pas au bout de ses peines. Il faillit avoir une descente d'organe lorsqu'il vit Vittorio IV Podestat se rapprocher de Vera lors d'un des rares moments de calme qu'offrait cette journée éprouvante et assommante de protocole. Le Podestat n'était pas connu comme étant le plus conciliant des triumvirs, et ce déjà depuis la mandature d'Heran Romeretegui. Le monarque, sans doute du fait qu'il ne soit pas issu de la société civile, avait une réputation d'homme un peu déconnecté et caractériel. Divardra avait donc toutes les raisons d'avoir peur de cette discussion, il en devenait même presque pétrifié et n'osait plus bouger. Il préférait ne pas se mêler de cette discussion qui pouvait mener à un incident diplomatique.
Vera semblait écouter attentivement le Podestat, il hochait la tête et regardait vers le bas, l'index recroquevillé sur sa bouche, position qu'il prenait habituellement quand il se concentrait. Divardra voyait maintenant le libertaire Firmino Costa se rapprocher et rebondir sur ce que disait Vittorio IV. C'en était trop pour le diplomate que se décida finalement à aller sauver le Directeur du Conseil et à le sortir de ce guet-apens. Il avait à peine fait deux mètres que Vera s'exclama :
"Et bien messieurs, merci beaucoup pour votre enthousiasme. La Manche-Silice occupera toujours une place importante dans les préoccupations et les cœurs youslèves. Sur ce, je suis désolé de vous fausser compagnie mais il faut que je me rende aux toilettes. Ah tiens, Alkesto je vous avais perdu, voudriez-vous bien me montrer le chemin des commodités ? A tout de suite messieurs..."
Avant que Divardra ne put répondre, Vera le pris par le bras et le força à se retourner. Dans l'incompréhension la plus totale, le premier glissa au second, non sans ironie :
"Que se passe-t-il ? Ils veulent nous renvoyer chez nous ?
- Pire, ils veulent que chez nous devienne chez eux ?
- Ok je vois. Par rapport à nos prédictions ?
- C'est la pire de toutes, on est dans la gueule du loup."
Une fois enfermé dans les toilettes, et après avoir vérifié que personne ne pourrait les déranger, Vera résuma tout ce que Costa et Vittorio IV lui avaient dit. Immédiatement, Divardra pensa que ce n'était pas aussi pire que ce Vera avait laissé pensé. Les deux avaient une cigarette à la main et tentaient de trouver le meilleur moyen pour se sortir de cette situation.
"Bon, c'est vrai que c'est un peu la merde est on est dans l'un des pires scénarios qu'on avait imaginé. Ils veulent presque la fédéralisation. On se doutait qu'ils nous invitaient sans doute pour ça. Maintenant qu'on sait pourquoi on est là il faut se mettre d'accord sur une marche à suivre et décider jusqu'où on acceptera d'aller. Il faudra être ferme mais sans les vexer ou qu'ils se sentent humiliés."
Les deux hommes restèrent donc une bonne demi-heure dans les WC à tenter de se mettre d'accord sur la bonne tactique pour aborder cette rencontre à haut risque pour le couple siliquo-youslève. Il n'était en effet pas question d'accepter la plupart des propositions de la Manche-Silice, le Nouveau Parti Nationaliste avait été élu sur une critique du libéralisme et il n'allait pas revenir sur cela. Toutefois, certaines des propositions étaient intéressantes. Il fallait donc trouver le juste milieu pour ne pas trop froisser le triumvirat tout en restant suffisamment ferme pour ne pas rentrer en Youslévie avec des propositions qui feraient scandales.
Quand ils sortirent enfin, ils se firent sermonné par leurs collaborateurs youslèves qui les avaient perdus, ils avaient failli lancer l'alerte générale. Vera, avec toute la classe qu'on lui connaît, rétorqua :
"Quoi ? On peut même plus chier en paix ?"