
AlinéaLes derniers tintements du grand clocher de Volkingrad raisonnaient à travers les ruelles, lorsque finement, la pluie tomba. D'abord maigre, elle se posait délicatement sur vitres, toits et auvents, refroidissant le moteur encore chaud de certaines voitures. De légères flaques s'éparpillaient, tantôt ravivées, tantôt battues par le rare passage d'une automobile. Cette douce pluie venait attendrir la terre, coulait sur les feuilles des arbres, elle se manifestait par divers endroits. Allant du majestueux chêne jusqu'au cendrier égaré sur une des innombrables terrasses, cet écoulement semblait s'apparenter au temps. Long à l'illusion, court en réalité, cette pluie s'achèverait un temps dans la soirée. Pour l'heure elle s'intensifiait, peu à peu, les flaques se joignaient, comme si un artiste venait ajoutait ses touches à une mosaïque perpétuellement mouvante. Ce son devint enfin constant, une vague monotone mais si reposante, un orchestre à la mélodie millénaire. Les feuilles, simplement humides quelques instants auparavant, pliaient sous le poids de l'eau, les branches s'apprêtant à les suivre. Lorsque les gouttières commençaient seulement à s'emplir, ce désormais déversement s'intensifia encore. De grands rideaux couvrirent finalement chaque façade, là où les flaques se suffisaient, de grandes marres se formaient. L'averse s'imposait, les toits en subissaient le martèlement, tout cela questionnait, tel climat sous un habituel août rayonnant.
Mais août n'était plus, la saison des pluies imposait un hiver délusoire. Les essuie-glaces battaient frénétiquement, le cliquetis d'une horloge incessante, rares étaient tout de même les voitures. il demeurait aussi certains passants, malheureusement égarés dans cette fine brume. Tandis que des enfants sautaient innocemment dans quelques flaques, des employés se précipitaient, dévalant et ciselant ces mêmes étendues d'eau. L'on pouvait presque observer les derniers commerces se vider, les derniers lampadaires commençaient enfin leur allumage et cette pluie, dominant l'ensemble métropolitain. Les intérieurs étaient secs, l'extérieur lui, était uniformément battu par la pluie, l'on décelait même dans un coin de rue un couple qui s'abritait maladroitement sous le même parapluie, espérant vainement la fin du déluge. La capitale sombrait peu à peu dans ce sommeil désormais nocturnes, de rares infrastructures encore éveillées.
C'était le cas de l'aéroport, lui qui ne dormait jamais. Habituellement, il ne faisait qu'accueillir voyages d'affaire et touristes. Aussi, il était le seuil du transit Kartien vers le monde, desservant marchandises et services. A de plus rares mais toujours occasions, cet aéroport était le berceau de la diplomatie. C'était cette infrastructure précise, qui voyait défiler chaque délégation étrangère depuis désormais des dizaines d'années. Et encore une fois, cela allait être le cas, à ceci près de ce climat mélancolique. Sous cette Volkingrad endormie, la République Impériale de Karty s'apprêtait en réalité à recevoir l'un des sommets les plus historiques qui soient. Ce n'était certes pas la première fois que Karty organisait un sommet d'une telle envergure, cela demeurait toutefois la première fois pour bien d'autres occurrences. La première fois que des Estaliens fouleraient le sol Kartien oui, la première fois que ces mêmes Estaliens, Raskenois et Kaulthes se joindraient en Karty, mais surtout et avant tout, la première véritable fois pour l'Eurysie centrale. Toutes ces délégations avaient la même idée en tête, faire de cette région un havre de paix, du moins ce qu'il s'en approche le plus. Sur ce sentiment de solennité, la Chancelière s'avança enfin devant l'ensemble des délégations, annonçant ces quelques mots.
Chancelière Orlovski-"Mesdames, messieurs, diplomates du monde, la République Impériale de Karty vous transmet ses plus chaleureuses salutations. Je vous salue également, j'ai à cœur de croire que ces quelques et malheureuses intempéries n'entraveront point nos discussions. Je me réjouis très sincèrement de vos venues, témoignant certes de nos disparités je vous l'accorde, mais aussi d'une volonté partagée. Cette volonté noble de la paix, une valeur que beaucoup sur ce monde semblent oublier."