Posté le : 25 oct. 2025 à 23:51:01
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Lettre d'un survivant des saintes prisons retrouvée tout récemment :
"J’avais 11 ans, je vivais dans les basses montagnes de l'est khardazien. Chaque matin nous prions, nous prions tout bas, il ne fallait pas se faire entendre. Puis un matin d’hiver 1764, trois hommes en tenue noire marquée d’une croix de Jérusalem dans le dos. Ils m’ont annoncé que nous étions un danger. Un danger ? Un enfant de 11 ans ? Je ne comprenais pas. Ils m’ont emporté, un bandeau sur les yeux. Je ne voyais rien mais j’entendais. J’entendais les cris de douleur, de colère, d’incompréhension. Puis des coups de feu. Beaucoup de coups de feu. Puis plus rien. Silence.
J’ai appris plus tard qu’il m’avait laissé en vie car j’étais jeune et que j’avais encore le temps de changer, de "revenir sur le droit chemin". J’ai compris que je ne reverrai plus ma mère ou mon père. Voir même que je ne reverrai personne de toute ma vie entière. On m’a jeté dans une pièce de 3m². Sans lit, sans fenêtre, sans lumière. Juste une bougie et une croix. Ils nous disaient que la croix serait notre objet le plus utile, qu’il nous ramènerait au droit chemin. La seule chose à laquelle elle a servi était de tuer, de se tuer. Je ne voyais rien mais j’entendais, j’entendais les râles, les corps s’effondrant sur le sol. Puis de nouveau plus rien, le silence absolu. Il y a des silences qui s’entendent.
Un bout de pain sec et un verre d’eau par jour. Pas de couverture, pas de paroles. Si l’on parlait, notre porte s’ouvrait et un coup de feu s’entendait. Pas de jugement, juste une balle. Une seule balle. Puis le silence revenait. Ce silence résonnait dans mes oreilles et résonne encore aujourd’hui.
J’ai survécu 13 ans dans ces infâmes prisons. Puis un jour de 1777, une erreur. Une porte mal fermée. J’ai saisi cette chance mais sur le chemin vers ma liberté, un gardien. Je n’avais pas d’autre choix. Alors je l’ai attrapé et étranglé. Il m’a expulsé de son dos d’un coup sec. Cependant, son arme fut éjectée en même temps que moi. Je la saisis et sans réfléchir, j’appuie sur la gâchette. Un coup de feu d’une seule balle. Une balle sans jugement comme il nous l’avait fait. Puis, le silence. Encore le silence. Après, j’ai couru. Couru des heures, voir des jours. Puis je me suis enfui. J’ai passé la frontière avec la Carande. De là, j’ai pris un avion pour me rendre en Azur. Là j’ai été placé sous la protection diplomatique du pays. On m’a dit que c’était terminé, que je ne vivrai plus l’horreur que j’avais vécue.
Aujourd’hui je parle, je vis et je respire. Mais chaque nuit, lorsque les lumières s’éteignent, je me retrouve dans cette prison. Je suis le seul à en être sorti. Où du moins, je suis le seul connu qui en soit ressorti vivant. À l’heure actuelle, je suis recherché par les croisés khardaziens pour meurtre sur un gardien de cette horrible prison. Et aujourd’hui, je vous parle car je ne veux pas que l’on oublie ce que le Khardaz a fait à ceux qui sont "différents". Pas rebelles. Pas meurtriers. Juste musulman. Allāhu Akbar !
Aujourd’hui je parle. Je vis. Mais chaque nuit, je suis de retour là-bas. Dans cette tombe allumée par une bougie. Avec une croix pour seule compagnie. Je suis le seul à être sorti vivant. Et je ne veux pas qu’on oublie ce que la Khardaz fait à ceux qui sont nés différents. Pas rebelles. Pas dangereux. Juste… musulmans."