Les rues d'Eberstadt ne sont décidément plus ce qu'elles étaient. On pouvait lire en gros titre dans les journaux le nombre d’accidentés de la route augmenter année après année sans que les raskenois ne soient capables identifier l'origine du phénomène. Les mauvaises langues évoquent la sur-motorisation des véhicules, l'absence de limitation de vitesse ou encore le mépris des règles élémentaires de la sécurité routière par une bonne partie de la population...mais pour le Sergent Square, il n'en était rien. Comme il avait coutume de le dire, ce n'est pas la voiture qui est en tort, c'est le conducteur. Le sergent Square avait une très bonne idée des raisons d'une telle vague d'accidents: l’émergence d'un véritable phénomène de société qu'était celui des courses de rues clandestines. Des dizaines, parfois des centaines de jeunes qui se réunissaient partout et tout le temps, que ce soit dans des boulevards peu fréquentés, des frontons de mer ou les ruelles de beaux quartiers. Ce groupe d'individus était en train de concevoir une véritable contre-culture des codes de l'automobile raskenoise, mais cela, bien évidemment, le sergent Square n'en avait que faire. Le décompte des morts sur la route était le seul indicateur valable à ses yeux. Il s'était alors juré d'en finir avec ces maudites courses de rue, coûte que coûte, si bien que celui-ci a obtenu récemment la tête du département de police "poursuite" de la ville d'Eberstadt , après plusieurs mois de forcing.
Pour combattre ces bandits, le sergent Square était parvenu à une conclusion malheureuse: il fallait combattre le feu par le feu. On reconnaissait aisément les membres de cet escadron d'élite à leurs véhicules de patrouille: des Steiner sportives de presque 500 chevaux à la silhouette reconnaissable qui suffisait à mettre en suite la plupart des coureurs clandestins. Cet investissement, de manière très logique, avait été considéré comme une dépense légitime par la mairie d'Eberstadt, une pensée qu'une grande majorité des habitants de la ville estimaient de même.

Square surveillait les rues de la métropole raskenoise tel un aigle de proie, à la recherche de voitures manifestement modifiées pour la course parmi le trafic. Entreprise peu commode, car on estimait qu'environ 15% de la population raskenoise faisaient de tels "ajustements" sur leurs véhicules, et que la loi était quelque peu laxiste sur la question. Mais il lui arriva un bolide, filant en coup de vent devant sa corvette à l'arrêt. Une voiture rouge, laissant un bruit d'avion réaction derrière elle, et l'équivalent d'émission de CO2 d'un jumbo-jet. Ni une ni deux, la poursuite s'engage, courte, car le conducteur s'arrête dés le voyant de la municipale s'allumer sur le capot du bolide du Sergent Square. Ou peut-être nous pourrions parler de...conductrice...

"Police municipale d'Eberstadt, arrêtez vous."
A son volant, une jeune femme à l'accent teylais, mais dont l'habitacle hurle qu'elle est bel et bien raskenoise, à en juger par le fameux sapin qui sent bon "Stanislas", largement répandu dans la population. Le véhicule du Sergent Square effectue plusieurs donuts autour du véhicule suspect à l'arrêt, et celui-ci en sort, retirant ses ray-ban avec un air bravache. La fenêtre s'ouvre de la portière conducteur, une jeune femme à la crinière blonde tombe nez à nez avec le fléau des street-racers. Square arbore son badge de la municipale comme un trophée, goguenard, presque moqueur.
" Salut salut...eh bien, c'est une sacrée caisse que t'as là. Pots d'échappement latéraux, un filtre pour accentuer le bruit du moteur... C'est pour la frime tout ça ? Ou est-ce qu'il y a quelque chose qu'il faudrait que je vois sous le capot ? Je te dérange ? J'espère que je ne t'ai pas coupé à...je sais pas, participer à une course illégale par exemple. Donne moi tes papiers s'il te plaît...sympa le sapin Stanislas au passage, j'ai le même, mais c'est pas ça qui te sauvera."
Le jeune femme s’exécute et lui présente sa carte grise et ses papiers d'identité:
"Chloé...c'est tout ? Jute Chloé ? T'as pas de nom de famille ? Bon bref... Je vais t'expliquer ce qui va se passer: on va embarquer ta voiture, on va la démonter, regarder si tout est en règle, et suivant si c'est le cas...tu le reverras ou pas, et tu prendras le panier à salade. Combien tu veux parier pour la taule ? M'est d'avis que je vais trouver des trucs intéressants... Aller, maintenant tu sors de cette caisse."
Le sergent Square s'apprête alors à ouvrir la portière pour appréhender la conductrice, tout en posant la main sur son desert eagle de service, calibre standard de la municipale d'Eberstadt qui pendouillait à sa bretelle, lorsqu'il est coupé dans son mouvement par le grésillement de son takie.
"Unité 32, on nous signale une course de rue au croisement de la 5ème et de l'Avenue Paulus. A toutes les unités, rendez vous sur place pour interpellation."
Le policier referme alors brutalement la portière de rage, serrant le poing, et posant son doigt devant sa bouche:
"La prochaine fois...t'auras pas autant de chance. Je prends le matricule de ta caisse, et t'as intérêt à prier pour qu'on se croise pas à un carrefour."
Non content de partir, le sergent sort sa clé de voiture bien en évidence devant la jeune femme, et prend un grand plaisir à laisser une grande rayure sur la portière, avant de s'éclipser...