
De sales combats, il était évident qu'un homme tel que Francesco Misiano, commandant quarantenaire à la tête de la "Tribune V des gardes civiques de Vatluna" en avait vu beaucoup. Celui qui en plus était Primipile de la Grande Tribune, c'est à dire commandant ayant préséance sur les autres tribunes de l'armée, avait déjà participé à un certain nombre de campagnes: du temps de la guerre civile des triumvirs, il avait combattu pour le gros Scaela, étant donné que sa cité en avait la même chose. Plus tard, il avait participé aux opérations de maintien de l'ordre durant la campagne raskenoise. Pour finir, il avait fait la Pravoslavyy. Aussi, il est d'ordinaire peu de choses qui surprennent ce type de personne à l'ordinaire. Mais ce qui s'était déroulé ces trois derniers jours étaient sortis bien au delà de ce qui était perçu comme étant la norme parmi les soldats velsniens, même les gradés comme lui.
La violence des combats urbains de Sépalbon fut d'une rare intensité. Se battre dans une métropole de 30 millions d'habitants relevait d'un défi inconnu pour beaucoup de combattants, même parmi ceux ayant connu la bataille d'Hippo Reggia. Devoir prendre les blocs d'habitation les uns après les autres revenait à ouvrir une nouvelle bataille à chaque coin de rue. Si la population était restée relativement passive par la faible popularité du Cong (source: arbitrage des opérations du renseignement jashuriens au Chandekolza), il était évident qu'il y avait eu des morts civils en raison d'une densité par habitant parmi les plus élevées du monde. De plus, les troupes velsniennes étaient certes entraînées, mais les trois quarts des tribunes étaient constituées de soldats appelés, comme il est de coutume que soient faites les armées de la cité velsnienne. La plupart d'entre eux ont un travail en dehors de la guerre. C'était probablement pour eux qu'il était le plus pénible d'être envoyé à l'autre bout du monde , et c'était également eux parmi les soldats qui commettaient le plus "d'erreurs malheureuses".
Pour toutes ces raisons, la progression avait été rapide, mais sanglante, et on ne comptait plus les morts et prisonniers de l'armée du Cong. Aussi, il parut logique qu'une semaine environ après le début des hostilités, le Cong du Chandekolza fasse acte de reddition dans une allocution officielle. Dés lors, la progression au travers de la mégalopole tentaculaire jusqu'au Palais du Cong, qu'il fallait encore prendre, a été plus rapide, seulement ralentie par les bouchons de civils. Dans tout ce fatras, la colonne de la Tribune V de Vatluna, dirigée par le Primipile Misiano fait figure d'avant-garde. Pour le moment, elle est l'unité s'étant le plus enfoncer dans le dispositif urbain, au point d'atteindre le palais au petit matin du 9 septembre, alors que le soleil vient poindre le bout de son nez dans ce climat luxuriant de mousson, dont l'humidité vient s'accrocher jusqu'aux gouttes suintant du nez des soldats du Primipile.
Mais si la guerre touchait probablement à sa fin, cette journée allait probablement s'avérer la plus longue de la guerre pour ces hommes et ces femmes. Quelle erreur de penser que le Palais du Cong fut déserté de tous ses occupants. Quelle erreur de penser la vue de colonnes de prisonniers fut un bon signe de repartir chez soi en un sel morceau. Non, le Palais n'était pas totalement désert.
Il est 6h du matin lorsque la colonne du Manipule (équivalent velsnien d'une compagnie) de tête de la Tribune s'approche du Palais du Cong, sortant de la forêt de béton et d'acier qu'étaient les quartiers les plus pauvres de Sépalbon, au profit de la verdure retrouvée du Palais. Peu prudents, la plupart des soldats du Manipule avancent à découvert, traversant l'avenue vide qui les sépare des jardins du Palais, lorsque le bruit d'une détonation vient siffler aux oreilles de gardes civiques qui se couchent tous à l’instant-t.
Une balle avait suffit pour mettre à l'arrêt toute la colonne, dont le commandant, le Primipile Misiano progressa vers l'avant pour se quérir du problème. Le Maître de Manipule de tête, à couvert derrière un terre-plein de fleurs, à quelques encablures de l'entrée des jardins, fit signe au Primipile:
"Commandant. On a essuyé des tirs ! Je crois que ça vient du palais. Je veux pas voir une seule tête qui dépasse, restez à couvert !"
Ce devait être une erreur, on avait pourtant été informé plus tôt des désertions massives dans l'armée du Cong. Ce dernier avait capitulé, alors pourquoi faisait-il tirer ? L'hypothèse d'un tir ami fut balayée lorsque personne ne répondit aux cris d'avertissement du Manipule vers l'avant....et qu'on leur répondit...en syncrétique ? Le Primipile jeta un coup d’œil furtif à l'une des fenêtres du palais d'où la voix semblait provenir. Non, ce n'était pas une hallucination auditive, c'était bien du syncrétique, dont la voix était portée par une personne ne portant aucun uniforme apparent.

Le Primipile Misiano (oui c'est Sam Rockwell)
Misiano prit alors un bout de tissu blanc et l'accrocha au bout d'un fusil, pour l'agiter au dessus de sa tête, à découvert:
"Cessez le feu ! Cessez le feu ! Primipile Francesco Misiano, Tribune V des Gardes civiques de Vatluna, Grande Tribune Militaire du Pays ushong. Je peux savoir qui vous êtes ? Est-ce que le Cong est avec vous ?"