06/03/2018
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[RP] Activités intérieures en Costa Sueñoleja

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Loin des projecteurs, les cafards s'activent dans l'ombre.

Les cafards en question

Sueñoleja est une fourmilière, elle grouille de petites créatures aux histoire souvent sans intérêt. Certaines gagnent à peine de quoi manger en travaillant honnêtement, selon les règles. Elles sont humiliées, souillées, torturées. Elles vivent dans des taudis en plastique et crèvent à cinquante ans de faim ou de maladies qu'on croyait disparues depuis le moyen-âge lorsqu'elles ne sont pas abattues avant par un policier paranoïaque, un petit dealer de rue ou les deux à la fois, le tout dans l'indifférence totale des plus grands.

Ce sont les fourmis.

D'autres vivent leur vie sans aucune limite, ne respectent aucune autorité. Ils prennent tout ce que Mère Nature a à leur offrir et ils le monnayent au prix fort. De la drogue, des armes, des putes ? Ça ne fait pas plus de victimes que l'alcool ou le tabac et puis, s'il y'a une offre, c'est qu'il y'a une demande. On fait plaisir à des gens et ça rapporte. Tout le monde y gagne, qui irait s'en plaindre ? Et tant pis si une poignée d'innocents meurent au milieu de tout ça. Ils écrivent leurs propres lois, parce que dans un pays comme celui-là, où les cartels sont rois, ou les jugés et les élus côtoient la racaille et les maquereaux, la justice est aveugle. Et sourde.

Ce sont les cafards et c'est sur eux que sera faite toute la lumière.


Sommaire :
Le Roi de la ville :
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Musique d'ambiance
Le Roi de la Ville
Partie 1 : Le château des rats

Le château des rats

DdrrrRIiiiiinnNnnngG

16 Octobre 2017, 6h31. Comme tous les Lundi matin, Aurelio est réveillé en sursaut par la sonnerie stridente de son réveil et par sa migraine héritée de sa beuverie de la veille, au cours de laquelle il a pu noyer ses tracas et ses angoisses de la semaine passée dans des flots de cette pisse de veau bon marché qu'on appelle "alcool" en regardant un nanar minable sur les amours de personnages riches, beaux, heureux et cons comme leurs pieds. Après être resté quelques minutes à comater en pensant à la journée qui l'attend, il se décide enfin à se lever et se dirige vers la cuisine où il allume la radio avant de se verser un bol de lait froid, le micro-onde étant toujours en panne, dans lequel il jette avec lassitude les dernières miettes de son paquet de céréales. Un treizième corps de prostituée retrouvé décapité dans un canal, trois poulets abattus au cours d'une intervention dans les bas-quartiers, l'armée Chandekolzane décimée par les forces coalisées... Les gens aiment le gore, alors on leur donne du gore.

Il finit son frugal petit-déjeuner par un café tiède et dégueulasse dont l'arrière goût, auquel il ne prête guère plus attention, rappelle étrangement l'odeur du gazole avant de quitter les murs gris crasseux de son appartement dont la porte affiche le numéro 26. Il ne prend pas la peine de la fermer, la serrure ayant été brisée par un cambrioleur trois semaines plus tôt. Le pauvre type a retourné tous les meubles et brisé une demi-douzaine d'assiettes mais il n'a rien trouvé, il n'y avait rien à trouver, à part les trois-cent pesos et la montre en bronze de la boîte en métal planquée dans la chasse d'eau de ses chiottes. Elles ne marchent pas de toute façon, autant qu'elles servent à quelque chose. Aurelio se contente de verrouiller son palace de rêve avec un morceau de scotch (ça n'arrêtera pas un voleur motivé mais c'est déjà ça de fait) avant de se diriger vers la station de métro la plus proche, à deux rues de chez lui, qu'il emprunte tous les jours pour se rendre à son lieu de travail : le Gran Paraíso, restaurant huppé des quartiers riches de Sueñoleja la Ciudad où les élites viennent manger des homard pour plus cher que ce qu'il gagne en un an, dans des plats en argent, sur des tables d'acajou couvertes de napperons en dentelle, en écoutant du jazz joué en direct par de vrais groupes, sur une vraie scène éclairée, dans une salle aux murs de marbre et au sol si propre, si lisse, si bien astiqué qu'on peut y voir son reflet. Ça change du Perrico, son quartier gris et sale où les déchets sont jetés à même la rue, là où dorment ceux qui ont encore moins de chance que lui, là où on peut se faire égorger pour un regard de travers lancé à la mauvaise personne, sans que personne n'en ait rien à foutre, là où vivent ceux que les riches appellent les rats.

Ces murs marbrés et ce sol luisant, Aurelio n'a jamais pu que les entrapercevoir à travers la porte des cuisines, lorsqu'il apporte son seau de patates juste pelées au Chef Romano qui l'engueule en hurlant "Mes patates ! Mendoza, où sont mes patates ?", ce à quoi il se retient avec peine de répondre "Dans ton cul !". Comme tous les petits employés comme lui, il a interdiction formelle de poser un orteil dans la grande salle, il ne faudrait pas que les millionnaires si sensibles qui y sont attablés soient rebutés par son odeur naturelle de pauvre, ça pourrait les rendre malade ces pauvres bichons. Pourtant, les tocards toujours souriants et serviables qui apportent leurs repas gastronomiques aux richards ne sont pas beaucoup plus riches que lui, on leur file juste des costards de contrefaçon chourés dans des boutiques d'occasion pour faire illusion. Mais lui, il n'est bon qu'à éplucher les patates qui garnissent les assiettes des clients. Au moins, ça lui évite d'avoir à supporter les regards hautains et méprisants de ces connards prétentieux nés avec une cuillère en or dans le cul. Pour qui ils se prennent ces salopards qui ont hérités de leur fortune ? Pour qui ils se prennent à le regarder de haut ? Alors, toute la journée, de huit heure à dix-huit heure, heure à laquelle on l'autorise à retourner dans son taudis natal, Aurelio épluche des pommes de terre et les met dans un seau, puis il l'apporte au Chef, aux cuisines, d'où il regarde avec dégoût l'élite de son pays s’empaffer de pâtés en croûtes, à travers le va-et-vient des portes poussées par les serveurs costumés.

À dix-huit heure donc, Aurelio, libéré de cet enfer puant le homard que des cons appellent "restaurant", reprend le métro pour rentrer chez lui.


DDRrraAIiiiiiINNnnG

17 Octobre 2017, 6h34. Comme tous les Mardi matin, la sonnerie retentissante du réveil sort soudainement Aurelio de son rêve, amplifiant du même coup son affreuse gueule de bois, souvenir de sa soirée de la veille passée dans la Casa Buenita, le bar poisseux au coin de la rue où il a pris l'habitude d'aller oublier ses inquiétudes et ses peines en buvant quelques cocktails devant un match de football ou une course de chevaux, entouré d'abrutis qui ne peuvent pas s'empêcher de parier le peu d'argent qu'ils possèdent sur les exploits de types qu'ils ne connaissent ni des dents ni des lèvres. Aurelio serait bien resté dormir quelques minutes de plus mais son patron n'apprécie pas les retards. Ils se lèvent donc et allume sa radio pour écouter le journal du matin puis se sert un bol de lait toujours aussi froid (il faudra qu'il pense à faire réparer le micro-onde) dans lequel il ajoute quelques morceaux de biscuits durcis, faute de mieux. Un gentil jardinier qui massacre toute sa famille à la tronçonneuse, quatre cranes humains retrouvés dans le bureau d'un maire, huit-cent morts à Sankt-Josef... Les gens adorent le morbide, alors on leur donne du morbide.

Comme toutjours, Aurelio conclu son petit-déjeuner par un café immonde au bon goût d'essence (il faudra aussi qu'il pense à changer de marquer, à moins que ça ne vienne de la machine) puis il quitte sa piaule pourrie, au deuxième étage de son immeuble pourri, et descend dans une rue pourrie pleine de déchets, de crasse, de pauvres et de putes devant lesquels il passe sans leur accorder le moindre intérêt. Les rats, qu'on les appelle. Il se rend à la station la plus proche et s’achète un ticket avant de monter dans une rame de métro grise métallique puant la pisse et le chien mouillé dans laquelle les gens semblent le regarder avec un air qui pourrait tout aussi bien signifier le mépris que la peur et, à vrai dire, il leur rend le même regard. Enfin, il arrive à son arrêt puis il marche quelques minutes jusqu'au Gran Paraíso où il travaille. Pas question, cependant, d'entrer par la grande porte : sa dégaine de clochard des quartiers malfamés risquerait d'importuner les barons, les sénateurs et les entrepreneurs de renom qui ne désirent rien d'autre que manger un peu de caviar à 20 000 pesos le kilo accompagné de quelques verres de vin à 100 000 balles la putain de bouteille. Juste les petits plaisirs simples de la vie ! Vie à laquelle ils accordent bien moins de valeur lorsqu'il s'agit de remplir leurs assiettes sur le dos des malheureux !

Aurelio passe donc, comme tous les employés, par la porte arrière, celle qui donne sur une benne à ordure, et s'installe, sans perdre son temps à saluer ses cons de collègues, sur son tabouret flanqué de deux seaux, l'un plein de patates non-épluchées, l'autre pour y mettre celle qu'il a épluché. C'est ça son métier : éplucher, éplucher des milliers de patates pour un gros cons aigris qui passe ses journées à lui crier dessus, éplucher des milliers de patates pour nourrir des centaines de connards de milliardaires égocentriques qu'il déteste, chaque jour, pendant des heures et des heures, sans discontinuer, pendant des années et des années, sans avoir le droit de faire quoi que ce soit d'autre parce qu'il n'est pas assez bon pour être serveur, ou balayeur, ou même récureur de chiottes, n'importe quoi qui apporterait un peu de changement dans sa putain de vie mécanique, qui lui donnerait une chance d'évoluer dans sa putain de situation de merde, qui l'épargnerait de devoir supporter les insultes de ce putain de Chef cuistot, la connerie niaise de ses putains de collègues, les airs hautains de ces fils de putains de clients ! Parce qu'il n'est pas assez bon pour que son opinion ait la moindre valeur ! Parce qu'il n'est qu'un putain de rat grouillant dans la crasse et la poussière, à peine un être humain, trop heureux de lécher les bottes des nantis pour un salaire de misère !

À dix-huit heure, ce sale bâtard de Romano l'insulte une dernière fois. Il est l'heure. Vous pouvez vous casser les merdeux. qu'il dit cet enfoiré. Alors Aurelio, comme tous les merdeux, se casse de cet endroit maudit et reprend son métro gris pisseux pour rentrer dans son appartement gris pisseux, au deuxième étage d'un immeuble gris pisseux, en plein milieu d'un quartier gris pisseux, peuplé de pauvres gris pisseux.

Et de rats !

Au moins, eux y trouvent leur compte.


ddrRRIIiiinnNGg

18 Octobre 2017, 6h27. Comme tous les putains de matins, le bruit insupportable de ce connard de réveil arrache Aurelio des bras doux et rassurant de Morphée avec la même douceur que si on lui avait fracassé le crane avec un maillet. Mais même si ce maillet n'existe que dans son esprit fracturé, il ressent tout de même l'affreux mal de tête avec lequel il se réveille tous les matins parce que, la veille au soir, il a noyé dans des flots de mauvaise bière la douleur intense que lui procure sa misérable existence et la certitude qu'il ne sortira jamais de cet enchaînement infini d'insultes, d'humiliations et de coups que l'ivresse et la béatitude seules peuvent faire oublier un instant, comme s'il était piégé dans une boucle temporelle et que Dieu ou le putain de Destin avait décidé de lui faire revivre la pire journée de sa vie pour l'éternité ! Comme dans ce film avec ce putain de rongeur ! Encore un rat !

Aurelio aurait beaucoup aimé rester dormir un peu plus longtemps, pour l'éternité par exemple. En fait, il aurait aimé mourir. Il n'aurait plus à supporter les murs ternes de son appartement, le goût affreux de sa nourriture, les infos déprimantes de la radio, la crasse des rues, l'odeur du métro, les remarques du Chef Romano, la fierté mal placée des clients, la bonne volonté stupide de ses collègues, les bruits de la cuisine, les feux qui refusent de passer au vert, les vieilles qui avancent comme des escargots en prenant toute la largeur du trottoir, les impôts, les factures, les gens, leur stupidité, leur mépris, leur odeur, leur espoir niais d'un monde meilleur, l'égalité, la paix, la tolérance, le progrès, le bonheur. Mensonge ! Seulement des histoires qu'on raconte aux enfants pour les faire rester dans le droit chemin et qu'ils oublient d'oublier une fois devenus adultes ! La vérité c'est que le bonheur est réservé aux riches et que la richesse est en quantité limitée. Pour l'obtenir, il faut en hériter, ou il faut la prendre à quelqu'un d'autre, par la force. Pour que certains soient heureux, il faut que d'autres soient malheureux. Aurelio est né pauvre et malheureux mais il refuse de mourir pauvre et malheureux. Ça serait leur concéder une victoire, aux riches. Ça leur prouverait qu'ils sont supérieurs ou que l'avenir des miséreux est sombre et sans issue, que c'était leur Destin. Ça prouverait quelque chose dont Aurelio n'est pas certain mais, une chose est sûre, il refuse d'accepter ce Destin. Il refuse de laisser la société le détruire. Il refuse de mourir sans avoir pris sa revanche sur tous ceux qui se sont moqués de lui, qui se sont essuyés les pieds sur son dos, qui se sont remplis la panse en profitant de son travail. Il refuse d'avoir épluché des milliers de patates pour des centaines de plats de grand luxe sans jamais avoir pu en goûter un seul. Il leur prouvera à tous que lui aussi, le gamin des bidonvilles, le rat, mérite sa part du gâteau.

Et puis, pour celui qui n'a pas les tripes de se jeter sous un train, dormir, c'est ce qui se rapproche le plus de la mort...

En attendant, Aurelio allume son poste de radio et se sert un bol de lait froid avec des morceaux de biscuits parfaitement répugnants. Douze enfants tués dans une fusillade en milieu scolaire, un fourgon blindé mitraillé en pleine rue, Carnavale sous les bombes... Les gens se complaisent dans la violence, alors on leur donne de la violence. Il finit par un café dégueulasse puis reprend le métro puant pour aller travailler au Gran Paraíso. Il s’assoit sur son tabouret, il épluche ses pommes de terre, il remplit son seau, il l'apporte au Chef Romano, il trébuche sur une casserole qu'un connard a fait tomber, il se pète la gueule, le seau tombe, les patates s'éparpillent. Alors qu'il se met à quatre pattes pour les ramasser, le Chef arrive en trombe, attiré par le bruit du seau en métal frappant le carrelage. Il hurle Bordel de merde, qui m'a foutu un abruti pareil ?! avant de le renverser sur le dos d'un coup de pied dans les côtes. Incapable de porter un putain de seau ! À force de côtoyer les patates, t'as fini par devenir aussi intelligentes qu'elles ou comment ça s'passe ?! Pauvre con ! Puis, son discours terminé, il retourne à ses fourneaux en marmonnant. Connard de sadique, ça lui fait plaisir d'humilier ses larbins. Aurelio se relève avec peine, finit de ramasser les tubercules maudites puis les apporte au Chef qui semble déjà avoir tout oublié. Le soir venu, il rentre chez lui, comme tous les soirs.

Mais cette fois, contrairement aux autres soirs, alors qu'Aurelio s'apprête à ouvrir la porte de l'appartement n°26, il s'aperçoit que le scotch qui la maintenait fermée avait été coupé. Il a alors le réflexe absolument stupide et inutile de regarder rapidement autour de lui, des fois qu'un voleur l'attendrait tranquillement adossé à un mur avec une pancarte. À gauche, une tapineuse et son client, à droite, un gros moustachu à l'air beauf tellement bourré qu'il s'est effondré endormi devant sa porte sans avoir eu la force de tourner la poignée, mais pas de cambrioleur potentiel. Craignant que le ou les voleurs soient encore à l'intérieur, Aurelio farfouille dans ses poches à la recherche d'un objet qui pourrait servir d'arme mais ne trouve rien de mieux que la clé de la porte, celle qu'il utilisait quand elle avait encore une serrure. Puis il entre. Là, il trouve, à l'attendre allongé sur son canapé, un homme à l'air bourru finissant une cigarette.

Tuco ?! Qu'est-ce que tu fous là ?

Et toi, qu'est-ce que tu fous à tenir tes clés comme si t'allais égorger quelqu'un avec ?

Bordel Tuco, on rentre pas chez les gens sans prévenir ! T'aurais au moins pu attendre que je sois rentré !

Beh eh, t'es drôle toi, j'allais pas rester debout au milieu du couloir comme un con alors que y'a un appartement ouvert avec un canapé super confortable sur lequel me poser juste à côté.

C'est pas une raison. Et en parlant de mon canapé, vire tes sales bottes dégueulasses de mon accoudoir, gros porc.

Le "gros porc" se redresse brusquement, énervé. Moi qui avais un super plan pour toi qu'es toujours en galère de tune, voilà comment tu me traites. Si c'est comme ça j'me casse, allez salut pobre bastardo.

Nan attends. Désolé Tuco. C'est à cause de ce bâtard de Romano, il m'a encore pris en grappe cet enfoiré. C'est quoi ton super plan ?

Encore lui ? Bon, okay, on en parlera sur le chemin. Allez viens, on est déjà en retard.

Tuco est un homme bien en chair approchant de la quarantaine dont le physique grand et épais contraste avec la frêle carrure d'Aurelio. Affichant toujours un air jovial et portant uniquement des vêtements peu chers mais néanmoins élégants, il apparaît devant la plupart des gens comme un être benêt et maladroit, voire parfaitement stupide, mais tout de même apprécié du fait de son sens de l'humour et de sa serviabilité, toujours prêt à aider les autres dès qu'ils le demandent. Les gens qui le connaissent mieux, comme Aurelio, savent qu'il est tout autre. Tuco est en réalité un truand de bas étage qui vend ses services aux caïds et autres types peu scrupuleux des bas-quartiers en compensant son manque d'intelligence par sa très grande débrouillardise, sa brutalité sans réserve et son obsession du travail bien fait. Menace, extorsion, renseignement... parfois un tabassage en règle ou même un assassinat selon les rumeurs, il peut faire n'importe quoi pour n'importe qui tant qu'on y met le prix. Du travail en freelance qu'il appelle ça.

En dehors de son "travail", ses nombreux contacts avec les chefs de gangs lui ont permis de se faire une idée assez précise du fonctionnement du monde criminel de Sueñoleja dont il tire profit pour trouver de nouvelles combines et de nouveaux moyens de gagner de l'argent. Combines qu'il partage souvent avec ses très nombreux amis proches.

Tuco le truand

Tuco se lève prestement du canapé litigieux et prend la direction de la sortie, descendant dans les rues crasseuses sous un ciel déjà assombri, talonné par Aurelio.

Alors ? Ta combine ?

Tu connais Jorge ?

Jorge ?

Le garagiste.

Le cocu ?

À ce qu'il parait. Enfin bref, j'ai déjà fait affaire avec lui. Un type très sympathique qui, en parallèle de ses activités de mécanicien tout à fait honnête, gère l'ensemble de la distribution de crack à l'échelle de tout le quartier pour la Horda.

La Horda ? Le cartel de Cochinilla ? La bande de Pascalo Estanelbar ?

Celui-là même. De ce qu'il m'a dit, une bande de voyous, dirigée par un hijo de puta qui se fait nommer Pulpo (quel nom à la con), a débarquée de nulle part le mois dernier et a commencée à le racketter lui et tous les commerçants du coin. Il a demande de l'aide à ses patrons mais ces salauds ont refusés de venir le protéger, soit-disant que s'il a pas les moyens d'engager des gros bras pour assurer sa sécurité c'est que son opé est pas assez rentab'. Alors il a décidé de les envoyer se faire foutre et de faire défection chez les bleus.

Les Equis Azules.

Ouais ouais, c'est ça, t'es bien renseigné toi. Donc il veut rejoindre les Equis pour qu'ils assurent sa sécurité face à l'autre hijo de puta mais il a peur d'être surveillé par les Cochinillos et de se faire buter s'ils découvrent son stratagème alors il a besoin d'un intermédiaire pour faire le premier pas et, vu que j'bosse pour aucune bande et que j'connais un peu tout le monde, il a naturellement pensé à moi.

Et donc ? Qu'est-ce que j-

Mierda, c'est Pulpo !

À une vingtaine de mètres en face des deux hommes se tenaient trois individus à l'air louche marchant dans leur direction, tous trois étaient vêtus de sweat-shirt épais qui faisaient paraître leurs silhouettes plus massives qu'elles ne l'étaient en réalité. Celui de gauche avait sa capuche relevée, cachant ses yeux, tandis que celui de droite portait un bandana masquant le bas de son visage, du sommet de son nez au haut de la gorge. Tous deux étaient armés, l'un avec une batte de baseball en aluminium, l'autre avec un pied-de-biche. Celui du milieu, le fameux Pulpo, se distinguait de ses deux larrons par le tatouage de pieuvre qui couvrait toute la surface de sa face et par sa carrure beaucoup plus fluette.

À leur vue, Tuco blêmit instantanément et fit discrètement signe à son comparse de se retourner et de marcher dans la direction opposée. En voyant deux autres gus aux mines tout aussi patibulaires, dont l'un s'appuyait sur ce qui semblait être une barre à mine, discuter à l'autre bout de la rue , il détourna sa route vers une ruelle sombre à proximité en espérant que Pulpo ne l'aurait pas repéré et ne l'y suivrait pas. Mauvais calcul : la ruelle en question donnait sur un cul de sac où la bande de Pulpo, qui les avait bel et bien repéré depuis le début, eu tôt fait de les y rejoindre.

Tuco ! Mi hermano !

Pulpo afficha un air amical à la vue de Tuco comme si sa présence lui procurait une grande joie. Il s'approcha de lui tout souriant avec les bras grand écartés comme pour lui faire une accolade lorsque son "hermano" lui répondit avec un brin de voix beaucoup moins convainquant.

Salut Pulpo.

Qu'est-ce qu'il y'a mi hermano Tuco ? répondit-il avec un air sincèrement affligé, son sourire s'effaçant presque immédiatement pour laisser place à une mou profondément attristée. T'es pas content de me voir mi hermano, mi amigo ? Moi qui me faisait une joie de te revoir voilà que tu me fuis. C'est comme ça que tu traites tes amis ? C'est comme ça que tu me traites ???

Non j-. Tuco est soudainement interrompu par un violent coup de poing dans le ventre.

Cállate pobre capullo ! Plus jamais tu essayes de me fuir pendejo ! Je veux mon argent et tu vas me le donner !

Je l'ai pas maintenant sur moi mais je te promets qu- Cette fois, c'est le gorille à la capuche qui met fin à la discussion avec un coup de batte dans l'aine de Tuco qui plie sous la force du coup et s'écroule au sol en position fœtale. Le babouin lui assène deux coups de pied supplémentaires au même endroit avant d'être bousculé par Aurelio.

Laisse le tranquille hijo de put- Le connard au bandana intervient en frappant Aurelio dans le haut du dos, l'envoyant lui aussi rejoindre son camarade au sol avant de le rouer de coups.

Bande de bâtards, on est qu'deux !!! Pulpo rétorque avec un coup de pied dans le visage geignant de Tuco qui lui déboîte le nez avant de sortir un revolver et de lui enfoncer le canon dans la bouche.

Perro estúpido, cesse de me manquer de respect ! J'en ai marre de tes promesses, de tes excuses à deux balles et de tes gémissements ! C'est la quatrième fois que je te demande de me rembourser ce que tu me dois, la quatrième fois que tu te fous de moi et même si j'ai été compréhensif jusque-là, je vais finir par perdre patience coño ! Débrouille-toi comme tu veux, vends tes organes, braque des mémés ou mets ton cul aux enchères je m'en fous mais rends moi mon argent, cent-mille pesos, c'est-ce que tu me dois. Si je n'ai rien la semaine prochaine, je te jure que je te tue de mes mains, toi et ton putain de pote, avec ce putain de flingue ! Et j'abandonnerai ton cadavre aux clébards, bastardo !

Sur ces mots, Pulpo et sa paire de larbins s'éloignent de l'impasse à la sortie de laquelle les attendaient les deux types à la barre à mine, laissant derrière eux Tuco et Aurelio en très mauvais point. Après un bon quart d'heures d'agonie, le duo malchanceux peut enfin se relever avec difficulté et se traîne jusqu'à un banc à proximité où ils se posent pour reprendre leurs esprits.

Hijo de puta, je crois qu'il m'a pété une côte.

Puto, c'était qui ces types, Tuco ?!

C'était ce hijo de put-

Je sais qui c'était, merci ! Mais qu'est-ce qu'il te voulait à la fin ?

Rien rien. Juste une petite dette que je lui dois.

Une petite dette ? Il a parlé de 100 000 pesos, Tuco !

C'était pas autant au début, y'a eu des intérêts supplémentaires pour chaque semaine de retard.

Mais bordel, qu'est-ce que t'es allé foutre à emprunter de l'argent à un caïd de cité qui écume les rues pour tabasser des commerçants ?

Putain Aurelio, tu sais quel travail je fais ?! Tu crois que ça rapporte d'aller dire à monsieur Maricón que sa femme se tape monsieur Malparido ? Tu crois qu'on me paye combien pour aller réclamer les 100 balles de dettes que le coiffeur du coin doit au receleur d'à côté ? Y'a que les gros boulots risqués qui rapportent vraiment et parfois ça foire et c'est moi qui me fait pigeonner. Dans ces moments là faut bien que j'emprunte de la tune pour payer mon loyer et ma bouffe en espérant gagner de quoi rembourser le mois prochain.

Pourquoi à lui ?

Tu sais bien que tout le monde me connait. Tous les gens qui prêtent de l'argent dans toute cette putain de ville m'ont mis sur leur liste noire. Ils veulent plus me voir. Pulpo a été le seul gars assez idiot pour me faire confiance. Tu noteras qu'il le regrette.

Erf... Dis-moi Tuco, ton garagiste là... Il t'a promis combien pour ton "super plan" ?

Tuco avale sa salive et hésite avant de répondre.

Mille pesos.

Mille p- Putain Tuco, tu veux dire que je me suis fait péter la colonne vertébrale par un loduarien mental pour mille pauvres pesos ?! J'aurai pu me retrouver tétraplégique Tuco, et ça aurait été de ta faute !

Déconne pas. Il t'as pas frappé si fort qu-

Ta gueule Tuco, tu la ferme ! Aurelio se lève du banc et marche quelques pas avant de se retourner vers Tuco. Tu m'as bien baisé Tuco, t'avais pas besoin de moi pour ta combine mais pour te protéger de ton créancier pas vrai ? Eh ben dommage pour toi, ça a raté. C'est la dernière fois que je te fais confi-

Attends Aurelio. J'avais pas prévu de croiser Pulpo aujourd'hui, à sept heure du soir, à plusieurs pâtés de maison de chez moi, c'était un putain de hasard ! Si je t'ai proposé de venir avec moi, c'est parce que tu te plains tout le temps d'être exclu de mes combines. Et puis, je voulais pas me retrouver tout seul face aux gars des Equis.

Aurelio commence à reprendre une attitude plus calme mais néanmoins toujours froide et distante. Une combine ? Milles pesos t'appelles ça une combine ?

Mille pesos c'est juste pour faire le courrier. Non, quand les Equis auront virés les Cochinellos du quartier, ils auront besoin de gars du coin pour reprendre le flambeau. Des gars comme nous. Jorge m'a promis une place de choix dans sa nouvelle organisation.

Aurelio, maintenant définitivement calmé, retrouve à nouveau une écoute plus intéressée de la proposition de son ami. Tu veux qu'on prennent le contrôle du narcotrafic dans la zone ? C'est pas un peu risqué ?

C'est ça ou éplucher des patates pour le reste de ta putain de vie, Aurelio ! T'as toujours rêvé de prendre ta revanche sur la société, de te hisser aux sommets, de prendre la place qu'on t'a injustement refusée. Tu crois que c'est en faisant le larbin pour un connard de cuistot que tu vas y arriver ? Dans ce putain de pays, les gens comme nous, les rats comme ils nous appellent, les gens comme nous n'ont qu'un seul moyen de se sortir de la merde et c'est celui-là. Je te donne ta putain de chance, Aurelio. À toi de la saisir.

... Ton gars, il peut attendre jusqu'à demain ?

Ben, j'espère bien. De toute façon, je peux pas aller le voir dans cet état, t'as vu la gueule de mon nez ? Nan nan, on ira le trouver demain so- Tuco n'a pas le temps de finir que son interlocuteur s'est déjà retourné et s'éloigne de lui sans même le regarder, les mains dans les poches.

À demain, Tuco.

À demain...
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