- Existentiel : préoccupation de tout instant, légitime l'usage de frappes et d'attaques visant l'éradication complète du pays.
- Élevé : préoccupation sérieuse, légitime une veille stratégique et une doctrine de sabotage pro-active.
- Moyen : préoccupation ponctuelle, légitime une veille informationnelle et l'usage d'attaques biochimiques à portée limitée.
- Marginal : préoccupation lointaine, légitime une veille informationnelle et l'infiltration des infrastructures pour un usage non-agressif.
Les nations dont la menace est moins que marginale n'apparaissent pas dans ces rapports.
Nous considérons le Grand Kah comme l'une des menaces les plus élevées pour la Dalyoha Compagnie en raison du caractère eschatologique de cette nation. Paradoxalement, c'est également pour cette raison que nous devons compter aujourd'hui le Kah comme l'un des rares alliés potentiels et dignes de ce nom pour la Principauté de Carnavale. Le Grand Kah est une nation avec une vision holistique de l'histoire et de la géopolitique, dès lors elle agit sur le temps long et son projet pourrait, à termes, entrer en collision avec le projet de transcendance carnavalaise. Considérant la puissance militaire du Kah et sa capacité à offrir un contre-modèle attirant pour le genre humain, nous devons aujourd'hui considérer les Communes comme la principale menace pour la Dalyoha Compagnie et concentrer toutes nos forces à sa neutralisation.
Néanmoins, le Grand Kah est également l'une des rares nations en mesure de comprendre Carnavale et son potentiel. Elle peut être une alliée comme une ennemie, la première possibilité étant actuellement en train de se réaliser. Ainsi, l'anéantissement du pays et de sa population ne doit avoir lieu qu'en dernier recours. Dans la mesure du possible, cette option ne doit être envisagée qu'en cas d'extrême urgence et préparée en secret. Les Laboratoires Dalyoha et la Cité noire doivent privilégier un rapprochement des Kah-tanais et la diffusion de nos valeurs pour les retourner. Le terrain d'affrontement doit autant que faire se peut rester sur le plan culturel et idéologique. Pour cela, nous recommandons à la Dalyoha Compagnie de se doter des moyens soft-culturels adaptés à la population kah-tanaise dont la conquête des esprits doit devenir la priorité.
Le danger que représente le contre-modèle kah-tanais repose sur sa gestion de l'abondance. Le Grand Kah est la seule nation à avoir réussi à garantir à sa population l'absence presque totale de pénurie et une répartition honnête des richesses, sans abandonner la grandeur de son projet eschatologique. C'est une surprise au regard du modèle carnavalais qui a acheté sa puissance en asservissant les masses par la violence et contre une promesse de transcendance. A transcendance égale, le modèle kah-tanais est supérieur puisqu'il n'implique pas de souffrance ni de sacrifice. Pour l'être humain dont le cerveau cherche le confort et la paresse, le risque est grand que les Carnavalais se laissent séduire par la solution de facilité. La Dalyoha Compagnie doit donc mettre l'accent sur ses avantages comparatifs et les pousser davantage encore, sans aucune concession. Tout recul sur notre supériorité sera un clou dans le cercueil de notre eschatologie.
Nos avantages sur le Grand Kah sont peu nombreux mais significatifs. D'une part, nous ne dépendons pas d'une expansion soutenue à l'internationale pour prospérer. La Principauté de Carnavale, c'est sa force, a atteint l'autonomie économique par l'innovation et le génie de sa population. Ainsi nous ne sommes que faiblement dépendants des chaînes de valeurs mondiales, au prix d'avoir repoussé toujours plus l'exploitation du capital humain. Ainsi, bien que le modèle du Grand Kah soit indiscutablement plus vertueux que le modèle carnavalais, nous sommes moins susceptibles d’être perçus comme une menace idéologique que les communalistes, se dont nous pouvons jouer.
D'autre part, la Principauté de Carnavale ne flatte pas que les désirs matériels qui alanguissent l'esprit et le corps mais également certaines pulsions humaines qu'une société radicalement égalitaire ne parvient que difficilement à satisfaire. La domination d'autrui, la cruauté, le sadisme et leurs miroirs, désir de se soumettre, d’être dirigé, de suivre un chef, etc. ne peuvent y être assouvis que par des pratiques artificielles, de jeu de rôle mutuellement consenti, et sont donc moins satisfaisantes. Or les Laboratoires ont compris que certaines des plus grands esprits de notre siècle comptaient précisément parmi ces personnalités insatiables que la violence et le vice stimulent et motivent. Nous captons donc cette manne d'intelligence là où d'autres s'en privent pour des raisons éthiques et morales.
Enfin, le projet carnavalais, parce qu'il est suprémaciste et transcendantale, permet une véritable résolution de l'histoire (et non une fin). Là où les Kah-tanais s’embarrassent de tolérance culturelle avec leur modèle fédéraliste, Carnavale propose de fondre l'humanité dans une super-humanité rassembleuse, qui dépassera les clivages. Certes il est autorisé de penser que l'abondance promise par le modèle communaliste saura permettre un dépassement des frontières culturelles, mais c'est un vœu pieu. Nous pensons au contraire qu'une humanité comblée s'ennuie et que l'ennuie fait ressurgir ses démons pulsionnels. La grande fédération Kah-tanaise sera, le lendemain de son achèvement, une boucherie, car l’effacement des rapports de force conduira mécaniquement à leur déplacement dans d’autres sphères de la société. Ce sera le règne de la concurrence intérieure et à la fin de la guerre civile au nom d’enjeux symboliques, à défaut d’être matériels.
En lui opposant une conquête infinie de tous les aspects de la réalité, les Carnavalais engagent l'humanité réconciliée dans un mouvement sans fin, dont les seuls limites sont celles de l'espace, qui est en pleine expansion. Au lieu de proposer une fin à l’humanité, nous lui proposons un mouvement perpétuel. La promesse carnavalaise, à l’inverse de la promesse kah-tanaise, est qu’il n’y a pas de fin, pas de mort, pas de limites. La fin de l’histoire c’est la mort, l’utopie c’est la mort, Carnavale c’est la vie. La Dalyoha Compagnie c'est la vie. Ave.
Le 12 janvier 2018