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Le vote de confiance du Président Po

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Le vote de confiance du Président Po


Chapitre I : Tous pour Yuming ?

    26 décembre 2017
    Bureau central du Parti Communiste Baïshanais


    Yin Huili était l'un des plus fidèles ministres de Po Dongfang. Avec Hua Renhua, première-ministre, il faisait partie des rares à être dans le gouvernement depuis septembre 2008, lors de la première élection de Dongfang. À ce titre, Yin Huili savait qu'il jouait un rôle important dans la politique actuelle et que le président lui vouait une confiance presque aveugle.
    Pourtant, il y a quatre semaines, le Président Po avait fait le choix de quitter ses fonctions de Premier-secrétaire du Parti Communiste pour se consacrer pleinement à la présidence. Et à ce moment-là, le paternel du Parti avait fait le choix étrange de nommer sa fille, Po Yuming, comme remplaçante. Ce choix avait surpris beaucoup de monde, et Yin en faisait partie.
    Si le profil de Yuming faisait sens : elle avait un bon leadership et saurait reprendre la succession de son père avec douceur et fermeté, elle demeurait l'une des benjamines du gouvernement. Yin Huili le pensait : la filiation ne devait pas être un critère de succession. D'autres qu'elle avaient pu s'investir davantage au sein du Parti, depuis plus longtemps et méritaient davantage ce poste-là. D'autres profils avaient les compétences et l'envie d'obtenir ce rôle qui, bien souvent, menait à la Présidence du pays. D'autres profils avaient l'approbation de ses pairs et la sévérité d'un chef de pays. D'autres profils... comme le sien.
    Ainsi, quand Yin Huili avait appris presqu'en même temps que tout le monde le changement de direction du Parti, il avait dû masquer sa déception. Il le méritait plus qu'elle, il le savait. Il était là depuis plus longtemps. Et Po... Yin était persuadé d'avoir une relation particulière avec le Président, comme un celle que pouvait avoir un apprenti et son mentor une fois sa formation accomplie. Presque comme un père et son fils. N'avait-il pas eu confiance en lui pour lui proposer sa relève ? N'était-il, au final, qu'un pion dans la stratégie de Dongfang ? Yin le vivait comme une trahison, lui qui avait donné sa vie au Parti.

    Yin Huili s'avança en direction du bureau de vote n°2 du bureau central du PCB de Haijing. Il montra sa carte du Parti. Même si tout le monde le connaissait ici, il n'échappa pas au contrôle d'identité. Puis il s'installa dans l'isoloir avec son enveloppe et son bulletin à déposer.
    Le vote s'articulait autour d'un bulletin unique à déposer : un formulaire où il fallait cocher Pour ou Contre Po Yuming. Et surtout, où il fallait écrire son nom et son numéro d'identité du Parti en haut à gauche. Yin était un ancien du Parti, il savait très bien que l'identité était vérifiée pour intimider les électeurs qui souhaitaient se prononcer contre Yuming. Il savait aussi que certains seraient victimes de représailles, voire expulser du Parti. Il connaissait les rouages du PCB mieux que quiconque. Et pourtant, il avait envie de voter contre. Il savait que beaucoup de membres du Parti auraient souhaité quelqu'un d'autre. Qu'ils auraient préféré le voir lui, comme premier-secrétaire du PCB. Ses conseillers, son entourage, tous pensaient comme lui. Et s'ils étaient assez nombreux pour faire quitter Yuming de ses fonctions ? Peut-être que Po le nommerait ensuite ?
    Alors, Yin Huili prit le stylos de l'isoloir et cocha CONTRE. Parce qu'il était contre.


    Les votes étaient terminés depuis quelques heures. Le dépouillement avait eu lieu dans tous les bureaux du PCB du pays et le parti avait engagé un huissier pour conserver les résultats jusqu'à leur annonce par Po Dongfang lui-même. Le Président de la République Populaire du Baishan pénétra sur l'estrade, face au pupitre que tous les membres du Parti scrutaient désormais. Au bureau de Haijing, ils étaient nombreux à être venus pour assister à l'annonce des résultats en présentiel.
    — Chers Camarades, je vous remercie tous d'être venus ce soir. Comme vous le savez, aujourd'hui, nous allons découvrir si le Parti Communiste souhaite poursuivre dans sa continuité, ou bien prendre une autre direction. Ce n'est pas seulement pour ou contre Po Yuming que vous avez voté aujourd'hui, mais pour ou contre la confiance que vous accordez à la politique menée depuis près de dix ans au parti. C'est une décision historique qui bâtira notre futur, celui du pays et celui de notre Parti. Sans plus attendre, voici les résultats.
    Le Président prit l'enveloppe et décolla les languettes qui la refermaient. il prit le temps de découvrir son contenu et déclara :
    — Le vote d'aujourd'hui a recueilli 253.221 voix exprimées. En faveur de la direction de Po Yuming, 201.255 voix. En défaveur, 51.966 voix. Avec une majorité de voix favorables, Po Yuming conserve la direction du Parti.
    Des applaudissements commencèrent à s'élever dans la salle.
    — Je vous remercie tous pour votre confiance et ce vote. Je vous invite désormais à un pot commun afin de fêter cette décision.
    Le président, d'habitude impassible, ne cacha pas sa satisfaction et se mit à son tour à applaudir les résultats du scrutin. Il resta ainsi deux ou trois minutes à applaudir Po Yuming et le public qui avait donné sa confiance à la benjamine du Parti. Puis, le Président quitta la scène. Là, il fut accueilli par sa première-ministre à l'air sérieux, qui le prit à part et lui chuchota à l'oreille :
    — Huili a voté contre.


Synthèse des résultats
Êtes-vous favorable à la direction du PCB par Po Yuming ?

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Chapitre II : Tous pour Po Dongfang ?

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    28 décembre 2017
    À Qiancheng


    Qiancheng faisait partie des villes de taille moyenne, plutôt calme. Son nom, « ville de l'argent », provenait notamment du fait qu'elle abritait autrefois de nombreux casinos. Aujourd'hui, ils avaient tous fermés sous l'ordre du gouvernement Sui en 1980, qui considérait leurs activités non-valeureuses et anti-communistes. Depuis ces années-là, la ville avait perdu de son attrait touristique et certaines boutiques prospères survivaient uniquement à l'aide des subventions étatiques. Heureusement, sa proximité avec l'Empire Burujoa lui offrait la place de plateforme tournante entre les deux pays. Un moindre mal pour les affaires.
    En cette journée de décembre, Li Caoyun s'était libéré de son boulot pour aller voter. Monsieur Li était le gérant de la station essence. Pas n'importe laquelle : la première du Baishan que l'on rencontrait quand l'on venait de Xine-Shoudu.
    Li Caoyun s'avança vers l'entrée du bureau de vote n°15 de Qiancheng-Est. Il y avait déjà de nombreux autres habitants qui attendaient devant l'entrée du bureau. À l'entrée, des militaires ne laissaient passer qu'une personne à la fois dans la pièce. La configuration du vote avait l'air très différente de d'habitude. Mais les électeurs ressortaient très vite, et la file d'attente avançait convenablement.
    Quand ce fut son tour, les militaires demandèrent à Li Caoyun sa carte d'électeurs. Ils vérifièrent son identité, qu'il n'avait pas déjà voté et fouillèrent ses affaires. Question de sécurité. Li Caoyun n'était pas vraiment gêné par ces mesures : elles garantissaient la sécurité du Baishan et son bon fonctionnement. Quand on voyait ce qui se passait dans les pays occidentaux, il était bien heureux d'avoir l'armée et les forces de l'ordre surveillant la ville. Et puis, il n'avait rien à se reprocher, ni rien à cacher. Alors, on ne l'embêta pas davantage et on le laissa entrer dans le bureau de vote.
    Il pénétra une pièce presque vide. Au milieu de celle-ci se tenait une table avec deux boutons. L'un rouge marqué de 赞 (pour), l'autre vert marqué de 反 (contre). Et derrière, un écran de télévision qui donnait les résultats en cours du bureau de vote :

赞:5,124(99.4%)
反:32(0.6%)

    Li Caoyun fut très surpris de ce procédé inhabituel à bulletin non-secret qui laissait apparaître en temps réel les résultats... c'est si moderne !, pensa-t-il. L'un des militaires armés gardant l'intérieur de la salle le pressa un peu :
    — Veuillez procéder au vote, s'il-vous-plaît. Appuyez sur le bouton rouge pour soutenir le Président, vert si vous êtes contre la République.
    Li Caoyun s'avança, étonné. Il regarda les résultats en cours. Qui étaient les 32 personnes qui avaient bien pu oser voter contre le Président Po ? De plus, devant l'armée ? Ceux-là n'avaient donc honte de rien ?... Pour lui, c'était sûr, il voterait pour. Sans plus d'hésitation, il appuya sur le bouton rouge, et observa les résultats changer.

赞:5,125(99.4%)
反:32(0.6%)

    — Bien, quittez maintenant le bureau de vote.
    Le gérant de station essence quitta le bureau, l'air interrogatif. Que se serait-il passé s'il avait voté contre ?



    À Taifeng

    L'ambiance était festive depuis une semaine à Taifeng. Les manifestations des derniers jours, bien que violentes, avaient conduit à leur première victoire : le président baishanais leur offrait la possibilité de voter contre lui. Ils le savaient tous : la majorité du pays voterait en faveur de Po Dongfang. Taifeng n'était pas assez peuplée et son influence restait limitée par le Parti Communiste pour qu'elle joue véritablement un rôle décisif dans cette consultation. Mais les électeurs taifengais se réjouissaient de pouvoir se prononcer contre, et d'affirmer leur identité nationaliste aux yeux du pays.
    Tian Leiya travaillait dans une entreprise d'import-export du port de Taifeng. Il y était comptable, rien de très enthousiasmant. Ce qui lui donnait le sourire dans sa vie était d'élever ses deux enfants. Elle souhaitait pour eux qu'ils puissent vivre dans un pays beaucoup plus libre que la République Populaire du Baishan. Comme de nombreux diplômés de Taifeng, elle avait pensé à l'expatriation. Mais comme de nombreux diplômés de Taifeng, elle n'avait jamais osé franchir le pas. Elle ne parlait pas suffisamment bien anglais. Et puis, elle avait toute sa famille ici : ses parents, ses cousines et ses amis. Alors, elle se raccrochait à l'espoir d'un avenir meilleur pour les provinces de Taifeng. Une sortie du communisme, quitte à revenir à la monarchie si c'était le prix à payer pour la liberté. Alors, naturellement, elle se dirigea vers le bureau de poste de son quartier avec l'objectif de voter contre le Président en exercice.

    L'entrée du bureau de vote était gardée par l'armée populaire du Baïshan d'une part et de la police locale de Taifeng. La présence des deux forces qui s'étaient affrontées lors des manifestations rendait l'atmosphère tendue. La ville était calme, presque glacée, comme si la moindre mouche posée au mauvais endroit pourrait créer une explosion en plein cœur de la cité. Tian Leiya avait presque peur qu'un affrontement éclate au moment où elle rentrerait dans le bureau. Mais il ne se passa rien.
    Elle entra dans le bureau où avaient été placés plusieurs isoloirs. Elle montra sa carte d'électeur, récupéra une enveloppe et les deux bulletins de vote POUR et CONTRE. Puis, elle se réfugia dans un isoloir. C'était si facile : placer son vote dans son enveloppe. Elle leva les yeux vers le plafond : rien, ni caméra, ni affiches de propagande. Alors elle enfouit son bulletin CONTRE dans l'enveloppe et rangea le bulletin POUR dans une poche de son jean pour pouvoir le brûler plus tard. Ainsi, personne ne saurait qu'elle a voté en défaveur du Président. Ni l'armée, ni le gouvernement. Puis, elle sortit de l'isoloir et glissa son bulletin dans l'urne.
    — Tian Leiya. A voté !


    À Taifeng
    Le soir du vote


    Les derniers électeurs venaient de glisser leurs bulletins dans l'urne. La pièce se vida et l'armée populaire du Baïshan rentra dans le bureau de poste pour le décompte des voix. Ils tirèrent les rideaux des isoloirs pour s'assurer que personne ne se cachait, et installèrent un grand bac en métal au milieu de la pièce. Là, ils vidèrent l'urne de ses bulletins. L'un des militaires sortit une boîte d'allumettes et s'occupa de mettre feu aux voix. C'est comme cela que l'on comptait démocratiquement les votes au Baïshan.
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Chapitre III : Tous contre le Baïshan


Synthèse des résultats
Soutenez-vous la politique du Président Po Dongfang ?


Résultats nationaux
赞:75,725,628(94.1%)
反:4,712,361(5.9%)

Résultats à Taifeng :
赞:5,208,126(64.5%)
反:2,904,221(35.8%)



    « Les résultats du suffrage d'aujourd'hui montrent l'inutilité et la violence excessive des manifestations qui ont eu lieu la semaine dernière. Les 5 pourcents les plus belliqueux et prêts à défier l'autorité ne doivent en aucun cas avoir une influence dans notre politique intérieur. Le seul but de ces personnes est d'entacher l'harmonie de la République Populaire du Baishan, et il est dans notre devoir de ne pas céder face à cette tranche de la population prête à tout pour faire passer l'individualisme et la violence au-dessus de nos principes populaires et démocratiques.
    Aujourd'hui, vous avez été des millions à vous exprimer en faveur de la politique qui est mise en place depuis une décennie. Vous avez été une extrême majorité à vous exprimer favorablement, et les voix qui se sont élevées aujourd'hui font bien plus de bruit que celles dissidentes qui s'acharnent à faire basculer notre République dans le chaos. À ces personnes qui nous ont soutenu aujourd'hui, je voudrais exprimer ma gratitude et leur adresser ce message : nous continuerons ! Nous continuerons à soutenir une République plus juste, à garantir l'harmonie dans les 100 provinces du Baïshan, et nous continuerons à nous battre contre le nationalisme de plus en plus présent, notamment dans les provinces de Taifeng. Aujourd'hui, notre victoire est absolue, car même a Taifeng, nous sommes majoritaires, avec plus de 60% de voix favorables.
    Vive le Communisme, vive le Baïshan, vive le Peuple !
 »

Po Dongfang, à Haijing, le 28 décembre 2017


    À Taifeng
    Le soir du 28 décembre


    Mu Yu venait de prendre connaissance des résultats du vote consultatifs de la journée. S'il n'était guère surpris des 95% de voix favorables au niveau national, il s'étonna de voir que près de deux tiers des taifengais soutenaient le Président Po. Cela ne concordait pas avec la réalité : le nombre de manifestants, les contestations grandissantes dans la Province, les sondages locaux qui montraient que 70% des taifengais ne soutenaient pas la politique communiste. Les votes étaient truqués, c'était certain. Et le chef de file des nationalistes éclata de colère. Le Baishan, et en particulier Taifeng, méritait mieux que cette prison rouge. Alors, il prit son téléphone et invita les taifengais à se réunir sur la Place du Commerce.

« Patriotes taifengais, adorateurs de la liberté, les votes truqués cherchent à nous intimider en nous laissant croire que nous sommes minoritaires. Montrons qu'ils ont tort, réunissons-nous dès maintenant sur la Grande Place du Commerce. Soyons si nombreux que l'absurdité de leurs résultats soient révélés ! La démocratie et la liberté en dépendent, il est de votre devoir de citoyen de les défendre ! »


    La nuit était tombée sur la Place du Commerce, mais les lumières illuminaient la foule. Jamais de mémoire d'hommes il n'y eut autant de monde sur la Place. Même lors des manifestations du mois de décembre, la place n'était pas aussi remplie. Et pourtant, la ville demeurait silencieuse, comme si la population entière était dans l'attente.
Une camionnette surmontée d'un gyrophare bleu tentait de se frayait un passage parmi la marée humaine. Arrivée au centre de la place, elle s'arrêta et Mu Yu en sortit. Pour être vu le plus loin possible, il monta sur le toit du véhicule. Là, la foule applaudit, brisant le silence. Un sentiment d'unité engloba le centre-ville de Taifeng. Mu en fut presque ému et eut du mal à prendre la parole quand il reçut le micro.
    — Chers compatriotes, merci d'être venus si nombreux. Vous montrez ainsi que nous sommes unis, et que, contrairement à ce qu'ils affirment, nous ne soutenons pas la dictature en place !
    Les voix s'élevèrent pour soutenir les propos du nationaliste.
    — Ils ont cherché à nous humilier, mais ce soir, ce sont eux qui sont humiliés !
    À nouveau, les voix et les applaudissements remplirent la Place.
    — Nous n'avons pas été écouté, alors notre combat doit poursuivre !
    Les personnes avec qui il était venu montèrent une vasque sur le toit du camion, et l'un d'eux tendit un flambeau au politicien. La flamme illuminait d'une lumière dansante le visage de Mu Yu.
    — Cette flamme sera le symbole de notre unité. Tant qu'elle vivra, elle sera témoin que le vent de Taifeng souffle toujours. Nous la garderons allumée le temps qu'il le faudra, le temps que le communisme ne tombera pas à Taifeng ! Ce feu, c'est notre symbole de la liberté !
    L'homme plongea la tête du flambeau dans la vasque et un feu énorme et flamboyant prit possession du récipient. La place tout entière s'éleva et applaudit longuement. Le souffle de Taifeng était né, et l'espoir de liberté n'avait jamais été aussi forte.
    — Mu Yu ! Mu Yu ! Mu Yu !
    Son nom résonna dans la ville comme le tocsin qui alertait d'un changement à venir.
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