

Vasiliy était dans son bureau, relisant le discours qu’il prononcerait dans quelques heures devant tout le peuple latruant. Il corrigeait de son écriture fine les quelques phrases encore trop imparfaites. Ce discours, il le voulait grand, fédérateur, annonciateur de ce que serait les deux dernières années de son quinquennat, mais aussi de ce que serait le futur du Latrua et de son armée. Cet exercice, auquel il se prêtait rarement, avait été poussé par l’invitation de deux dignitaires kartiennes au défilé militaire. Les paroles qu’il prononcerait seraient aussi pour ses alliés, pour les convaincre d’aller plus loin dans la coopération, principalement dans le domaine militaire.
La porte de son bureau s’ouvrit soudain. Sergey entra dans la pièce. Il était vêtu d’un costume bleu marine, et il arborait fièrement une cravate bleu clair, aux motifs fins et délicats. Vasiliy délaissa la version annotée de son discours pour s’avancer vers son mari. Il lui toucha l’épaule, resserra légèrement sa cravate et l’embrassa. Il lui dit :
« Vous a-t-on dit que vous étiez très séduisant dans ce costume Monsieur Shulichenko ?
- Plus d’une fois, répondit Sergey en riant.
- Les enfants vont bien chez tes parents ?
- Oui. Ma mère leur a préparé un programme très chargé pour la Fête de la République. Elle a dit qu’un jour comme celui-ci ça se fête.
- Je suis bien d’accord avec elle. Sais-tu quelle heure il est ?
- 8 h 45 mon amour. Pourquoi ?
- Les dirigeantes kartiennes devraient arriver d’une minute à l’autre à l’aéroport. J’ai demandé à Yuliya de les accueillir et j’attends sa confirmation.
- Elle ne saurait tarder.
- J’en suis convaincu, répondit Vasiliy. »
Le téléphone portable posé sur son bureau svibra soudain. Le Président s’avança jusqu’au meuble au bois vernis, témoin du temps qui passe, emportant tout : les Hommes et leur pouvoir. Il regarda l’écran. Un message venait de s’afficher : Elles sont arrivées. Vasiliy sourit et se tourna vers son mari :
« C’est bon, dit-il. Il faut que je me remette au travail. Et toi, tu ne vas pas tarder à partir. »
Il embrassa son mari sur le front puis sur les lèvres, le regarda tendrement et lui glissa à l’oreille :
« On se retrouve dans la tribune officielle. À tout à l’heure, je t’aime ! »
Sergey envoya et baiser et sortit de la pièce, laissant seul son président de mari avec son envie correctrice compulsive.

***

L’avion de la délégation kartienne venait de se ranger devant la passerelle. Le vent était encore frais en ce début de mois de mars. Yuliya attendait ici depuis une quinzaine de minutes avec ministres, responsables locaux, militaires et gérants de l’aéroport. La porte de l’avion s’ouvrit enfin. Quelques hommes et femmes, chargés de valises et d’attaché-cases, sortirent de la carlingue de l’appareil. Les conseillers et assistants partis, deux femmes sortirent à leur tour. Elles descendirent les marches de la passerelle avec assurance. Arrivée en bas de l’escalier, la Première Ministre leur tendis la main et les salua :
« Madame la Gouverneure de la Présidence Fédérale Orlovski, Madame la Gouverneure de la Présidence Fédérale Shimanskaya, Excellences, je m’appelle Yuliya Belyakova et je suis la Première Ministre de la République du Latrua. C’est pour moi un honneur et un privilège de vous accueillir au Latrua. Si vous voulez bien me suivre... »
Elle présenta aux dirigeantes kartiennes les différents membres de la délégation latruante présents sur le tarmac. Elle les conduisit vers le cortège de voitures qui devait les amener jusqu’au centre-ville. Les trois femmes montèrent dans une des voitures qui, dès que la porte fut fermée, s’élança en direction de Vrarany. La Première Ministre dit :
« Excellences, nous nous dirigeons vers les lieus des commémorations et du défilé militaire. Lorsque nous arriverons, vous rencontrerez le chef du protocole. Il attendra avec vous le Président de la République qui arrivera quelques minutes après vous. Vous assisterez, et participerez si vous le voulez, au dépôt de gerbe devant le Monument à la Révolution puis vous gagnerez en voiture la tribune officielle située en bas de l’avenue de la République. De mon côté, je rejoindrais directement la tribune après vous avoir déposé. J’espère que cette organisation protocolaire vous convient. N’hésitez pas à me poser des questions. »
Elle sourit.
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