
Eddonna s'arrêta devant un palmier, retirant son couvre-chef pour mieux l'admirer. Elle tendit un bras, caressant de ses doigts délicats une des feuilles de l'arbre, qui était en pleine santé. "Quelle vitalité ! Quelle preuve de résilience ! Quelle revanche admirable de la Wanya sur les forces de la nature !" Voilà ce à quoi pensait la Première Ambassadrice de la République Démocratique du Wanmiri, alors qu'elle se préparait à accueillir la délégation anaistésienne. "Le volcan nous a lancé un défi, et nous l'avons relevé. Trop nombreux sont ceux d'entre nous qui ont perdu la vie, mais nous avons réussi un exploit. Jalitaya est désormais une ville tout ce qu'il y a de plus moderne ; une vitrine éclatante de la renaissance wanmirienne... de la renaissance de la Wanya."
Continuant sa déambulation dans ce petit jardin intérieur, elle réfléchissait à ce qui devait être évoqué au cours de cette réunion. "Les projets culturels d'abord, ce sont les plus importants. Il s'agit du meilleur moyen de resserrer les liens avec nos cousins anaistésiens. L'ouverture d'une Maison de la Wanya à Papee-Teri est la priorité. L'organisation d'une course de tuk-tuk à Jalitaya ou d'une de catamarans dans les Isteal ou à travers l'Hallula ensuite. Et puis une exposition internationale entre nos pays tous les trois ans, pour mettre en valeur les œuvres et productions des peuples de la Wanya... Tant d'opportunités à saisir !"
Tandis qu'elle se préparait mentalement à la rencontre qui allait suivre, elle prit un virage, de sorte à se diriger vers une des sorties du jardin, pour aller accueillir ses visiteurs qui ne tarderaient pas à arriver à l'aéroport de Jalitaya. "Et puis, il faudra traiter les sujets d'ordre géopolitique. L'île de Panasi risque de créer des tensions avec l'Anaistésie ; il faut à tout prix en faire un vecteur de lien pour parer aux éventuelles critiques. Faciliter l'obtention des permis de pêche dans la zone pour tous les ressortissants anaistésiens est une idée... ou alors en faire une réserve naturelle, de sorte à leur garantir la non-militarisation de l'île, et préserver la biodiversité locale ? Ou encore en faire une base aéronavale dédiée à la défense de l'Anaistésie...? Mais ils risqueraient de prendre ça comme une menace, alors même que nous nous apprêtons à leur proposer de prendre en charge leur sécurité. Enfin bref, je saurai sonder le terrain et trouver l'option qui leur conviendra le mieux."
Elle sortit finalement du bâtiment, sachant pertinemment qu'elle y serait probablement revenue d'ici quelques heures, lorsque viendrait le temps d'offrir à ses invités les traditionnels gorerans, avant de formaliser les décisions qu'ils auraient prises ensemble. Une voiture l'attendait, prête à l'amener directement sur le tarmac de l'aéroport.
Elle venait d'arriver lorsque l'avion de la délégation anaistésienne se posa en douceur sur la piste. Tout avait été fait pour garantir le meilleur accueil possible. La fanfare et la chorale de la récente université jalitayaise jouèrent successivement les hymnes nationaux de chacun des pays, avant d'interpréter plusieurs chants traditionnels de la Wanya, dont une ode à la paix et l'harmonie. Eddonna accueillit la délégation avec tous les égards possibles, puis les invita à monter dans le véhicule qui les attendait, d'où on les emmena jusqu'à un promontoire rocheux qui dominait la région. La route, qui serpentait dans la forêt, débouchait sur une clairière, au centre de laquelle trônait un petit fort, datant du XVIème siècle. Il avait été construit pour se défendre des attaques de "commerçants" velsniens qui, non content de piller les richesse locales, menaient parfois des raids dévastateurs, jusque sur Dhavalae même.
Aujourd'hui, il incarnait autre chose : l'espoir. Ce fort avait servi, quelques quinze années plus tôt, de premier quartier général aux révolutionnaires. Il représentait la chute du Viswani, et la victoire des valeurs de la Wanya sur l'autoritarisme... et surtout, il offrait une vue imprenable sur toute la région environnant Jalitaya et sa baie. On pouvait ici admirer tout à la fois le volcan, les champs et les territoires de jungle encore inexploités, ainsi que la ville moderne de Jalitaya. Par temps clair, l'on pouvait apercevoir les chantiers navals qui faisaient la réputation de la cité, et le ballet incessant des navires - gros commerçants : tankers, pétroliers, méthaniers, comme petites embarcations de pêche. Et si en plus de cela, on avait une bonne vue, on pouvait discerner dans le lointain l'île des Isteal la plus proche.
"La vue vous plaît ? Je viens ici quand je veux me ressourcer."