Gina Di Grassi (Avril 2018)

Les berges du nord de la péninsule d'Apamée sont un endroit béni par sa beauté, un froide beauté. Bien que le temps y soit par souvent maussade, comme tout le pays de l'île des têtes de pierre (hrp: nom donné par les velsniens à l'île au nord de la Manche Blanche), la péninsule toute entière bénéficie de courants favorables, à la fois au commerce, mais au climat. Ils sont doux, assez fort pour permettre la bonne circulation des navires, pas assez pour dégénérer en violentes tempêtes. Ses cités: Apamée en tête, Porto Rosso et Nuevo Fortuna, se sont enrichies du passage des étrangers, avant de devenir dans les décennies qui m'ont précédé, un centre culturel valorisé par le tourisme naissant. Si cette patrie n'a jamais eu le privilège de devenir nation à l'ère moderne, elles se sont données corps et âme à la culture, de la manière la plus sophistiquée qui soit, les jeux confédéraux de Dame Fortune prenant place tous les quatre ans sur le territoire de la démocratie appaméenne. Le climat est doux au vu de sa latitude, mais cette péninsule est elle également pour sa magnificence piégeuse. Par beaucoup de fois, des générations de marins se sont laissés prendre par le charme verdoyant de cette terre, aveuglés par les brumes qui font entrer cette patrie dans l'horizon observable bien trop tard, et se sont ainsi laissés entraînés trop près des côtes. Il n'est pas rare que des malheureux, encore aujourd’hui, viennent s'échouer dans des hauts-fonds, bordés de rochers tranchants comme des rasoirs. Les vagues qui viennent s'abattre sur la côte ont sculpté au fil du temps cette merveilleuse arnaque qu'est le nord de la péninsule apaméenne, comme un coup du sort organisé par le destin, et qui a interdit à Porto Rosso et à Nuevo Fortuna de ravir l'Empire des mers à Apamée. Cette beauté les a condamné à la petitesse de leurs ports et de leurs flottes: ces rochers noirs dépassant de la plaine herbeuse au loin sont les principaux contributeurs de l'hégémonie d'une ville sur les deux autres.
Au sud du territoire de Nuevo Fortuna, se dressait la plus immense de ces lames, une lame noire dépassant de l'horizon comme un avertissement adressé aux pêcheurs: "Accostez plus loin, étrangers.". Le rocher de Couroupédion, comme l'ont appelé les colons fortunéens lorsqu'ils l'ont découvert, se rappelant peut-être de leur mythique origine héllène, est ainsi un messager de bonne augure: il est l'un des seuls de ces récifs que l'on peut voir de suffisamment loin pour ne pas se laisser emporter sur les rocs volcaniques, il observe depuis plus de mille ans les travailleurs de la pêche et les chercheurs de perles, impassible. Bien que je n'y ait jamais été, c'est là une description que je tire des récits d'autres, dont la plume fut bien plus aiguisée que la mienne, et dont les mots sont justes au vu des photographies et des vues m'étant parvenues. En hauteur au dessus de la plage de galets où trône ce roi des rocs, se dressait une autre merveille, cette fois faite par l'Homme, au sommet d'une falaise. Des petits fortins comme ceux là, il en sortait régulièrement le long des côtes des anciennes colonies fortunéennes. La plupart eurent été bâtis du temps où les pirates, qu'ils soient achosiens, pharosi de la péninsule d'Albe, ou norrois de Tanska, venaient razzier ces terres des richesses qu'ils n'avaient guère l'habilité de produire. La plupart ont disparu, mais pas celui-ci, qui a été reconstruit encore et encore, au fil du temps, car il gardait la baie donnant accès aux pêcheries et arsenaux de la cité de Nuevo Fortuna par la mer. On dit que les velsniens s'en emparèrent en 1241, lors de la Guerre d'Apamée, et qu'ils se servirent de celui-ci comme d'une base pour faire le siège de la cité du sud. Lorsque la ville d'Apamée se fut rendue aux velsniens, ceux-ci gardèrent le fort comme garnison, qu'ils remirent à un commandant de manière héréditaire. Le fortin devint un château inspiré des demeures palatiales de l'Eurysie du sud et de la Renaissance fortunéenne, centre d'un grand domaine agricole, perdant sa vocation militaire. Puis, il tomba dans l'oubli de l'Histoire, et sa silhouette ne devint qu'un fantôme visible par tous les marins approchant du rocher, l'ombre menaçante d'une forteresse qui fut redoutable, symbole d'une Dodécapole perdant elle aussi tout rôle militaire ou politique majeur dans cette Manche Blanche battue par les flots de la géopolitique.
On y voyait parfois des passants et des locaux passer devant, arracher les mauvaises herbes de ce qui restait de ses ruines, par respect pour l'Histoire et par réflexe. Mais en ce début du mois d'avril, alors que la saison des pluies printanières débutait, des mouvements allaient renvoyer le rocher de Couroupédion dans la lumière aveuglante de la grande Histoire, tout comme le reste de la Dodécapole. Les premiers pourparlers entre Porto Rosso et Nuevo Fortuna ayant échoués, les deux cités furent sur le pied de guerre depuis le début de l'année, ponctuée de coups de main et de massacres sans envergure. Trop modestes pour être appelés la guerre, mais trop cruels pour être appelés des jeux. La mise en marche de la guerre fut longue et laborieuse pour deux cités dont l'appareil militaire était modeste, et dont les soldats n'étaient que de simples miliciens. Ainsi, ils travaillaient la semaine, et s'entretuaient le dimanche. Mais ce conflit prit une autre tournure, car dés lors que les apaméens échouèrent à ramener la paix entre les deux cités, qui se tenaient griefs en vertu de différents territoriaux immémoriaux, gravés dans la pierre par une vendetta sans fin, ont comprit de tous les bords que l'affaire fut plus grave qu'à l'accoutumée.
Aux coups de main meurtriers succédèrent des troupes plus grandes, mieux armées, mieux organisées et dont la mobilisation fut plus durable Ceux qui allaient à la guerre on comme pique-nique y étaient désormais en permanence, vivant de la terre, pillant les campagnes et les petits bourgs de part et d'autre de la frontière. Les deux cités avaient monter au fil des mois des petites forces armées capables de subir le coût d'une guerre longue, par des réformes militaires inspirées de la cité velsnienne, par la création d'une Garde civique dont ces deux patries ne disposaient plus depuis des décennies. Les camps temporaires laissèrent place à des bases en dur, et une chaîne hiérarchique plus stricte, et on commença même à voir poindre de ci et de là, un armement plus lourd: quelques canons, des camions et des citernes pour ravitailler des véhicules civils reconvertis pour la guerre, qui nécessitait un plus grand investissement en hommes et en argent, qui bientôt vint à manquer pour ces deux villes de 60 000 âmes chacune. La Zecca de Velsna contracté des prêts auprès de chacun pour que la machine ne se grippe pas, et les affrontements pouvaient ainsi durer tout l'hiver et le printemps qui se profilait.
Dans cette pièce de théâtre, le rocher de Couroupédion et sa ruine seraient le premier décor: ainsi il a été décidé de par l'importance stratégique du lieu, et par la faiblesse de Nuevo Fortuna, dont la campagne du début du printemps se déroulait sur son sol. Au début de l'année, les porto rossiens et les néo-fortunéens se battaient à la frontière: trois mois plus tard, les milices de Porto Rosso arrièrent en vue du rocher de Couroupédion: une erreur stratégique par-ci, une faiblesse numérique par là permirent à l'un d'être l'attaquant, et à l'autre, la contrainte d'être défenseur. Du rocher, les porto rossiens s'installèrent das les ruines, reconstruisant l'esquisse d'un camp entre ses quatre murs, avec la pierre pour paroi et le ciel pour plafond, car cela faisait depuis bien longtemps que la bâtisse n'avait point eu de toit. Ils étaient un peu plus d'un millier d'envahisseurs, mettant la campagnre à feur et à sang par intermittence, rentrant les bras chargés de vivres, car les camions de ravitaillement étaient encore rares, et de butin, car ce n'est pas parce que c'était la guerre qu'il ne fallait pas faire ses affaires de l'argent et du commerce. Mais plus qu'une base avancée perchée sur un promontoire rocheux, le rocher de Couroupédion permettait aux militiens de Porto Rosso un contrôle de l'entrée de la baie de Nuevo Fortuna. Le stratège de l'armée rossienne, Dom Petrucci, avait placé ses quelques pièces d'artillerie, non pas vers la campagne, mais vers les flots d'où les navires allant et venant à Nuevo Fortuna, qu'ils soient civils ou militaires, furent pilonnés systématiquement. En l'espace d'une prise de position, de ce vieux chapeau détruit et reconstruit, toujours pour de bonnes raisons, les gens de Porto Rosso avaient coulé un nœud autour de la gorge de la cité adverse.
Ce qui était une situation précaire pour Nuevo Fortuna fut le cinglant rappel de leur faiblesse, qui poussa la cité a une réponse forte: sa campagne incendiée, son territoire en partie occupé constituaient un affront fait à la liberté de cette patrie, qui fut piquée au vif. Dans un élan de patriotisme défensif, Nuevo Fortuna, qui fut repoussée encore et encore durant ces trois mois de guerre, organisa une nouvelle levée militaire exceptionnelle sous le commandement du Stratège Dom Farna, illustre et habile personnage en qui Dom Petrucci avait trouvé son égal. Farna réorganisa de fond en comble la Garde civique néo-fortunéenne, et attendit le bon moment, que l'imprudence de Petrucci l'emporte sur sa raison. La cité fut vidée de ses gens capables: 2 000 soldats en armes, un sacrifice immense pour une si petite ville. Couroupédion, position avancée, pu facilement se changer en un piège pour ses occupants. D'une manœuvre énergique, la milice locale coupa le ravitaillement des assaillants, telle une faux, enfermant les mille malandrins de Porto Rosso. D'assiégeants, ces derniers se retrouvèrent du jour au lendemain dans la misérable condition d'assiégés. Porto Rosso réagit immédiatement, elle aussi en mobilisant la totalité des effectifs à sa disposition, tentant de provoquer une rupture dans le dispositif assiégeant le rocher. D'une escarmouche, on assista bientôt à un affrontement dont l'issue serait cruciale, et où les deux cités jouèrent leur va-tout. La situation était ainsi au début du mois d'avril: deux forces équivalentes, se fixant au loin, avec deux stratèges, hésitant à lancer la première attaque d'une bataille décisive pour l'avenir de leurs cités.
En coulisses, on sentit la gravité de la situation, tant du côté des démocrates apaméens, qui avaient convenu d'une dernière tentative pour rétablir la paix entre les deux ennemis, que du côté du césariste Lograno, guettant chaque opportunité pour établir un cadre permettant la chute d'Apamée, et poser un pied dans la péninsule. L'hésitation des deux armées constituait probablement la dernière fenêtre de tir pour que la paix s'impose...ou bien une simple pause dans un massacre à venir. A n'en point douter, au dessus de Porto Rosso et de Nuevo Fortuna se déroulait une bataille à distance entre Apamée et Volterra. Et dans le sillage des armées, allaient et venaient observateurs et émissaires dans les camps retranchés de chacun. L'heure fut cruciale, et la diplomatie avait l'occasion de s'exprimer pour la dernière fois: alliances et marchés, encouragements à la guerre ou appel désespéré à la paix, la décision était désormais dans les mains de tous les acteurs de cette triste pièce...
- Les deux cités ont mobilisé des forces d'envergure équivalente, peut-être 2 000 gardes civiques chacune, ce qui rend l'issue d'un affrontement très incertaine. Si la milice de Porto Rosso paraît mieux équipée, elle est toutefois épuisée par des mois de campagne, est loin de ses bases et a été coupée en deux par la vive réaction des néo-fortunéens.
- Les armées de Porto Rosso et de Nuevo Fortuna se préparent pour un affrontement d'envergure qui aura certainement des conséquences importantes. Celui qui emportera la décision aura sans aucun doute la main haute dans d'éventuelles négociations de paix, voire même, en cas de défaite décisive, l'une des deux cités pourrait être vaincue et son territoire occupé durablement.
- Si les deux forces sont légèrement équipées, un armement lourd commence à faire son apparition, de même que des moyens logistiques. Porto Rosso semble avoir l'avantage en nombre de pièces d'artillerie, mais la rupture des communications avec ses bases devrait affecter sous peu les réserves en obus et munitions de l'armée si rien n'est fait pour la sortir de cette situation.
- Les deux stratèges militaires des forces en présence, Dom Petruci (Porto Rosso) et Dom Farna (Nuevo Fortuna) ont organisé leurs armées "à la velsnienne": un noyau de citoyens-soldats autour duquel évolue des troupes mercenaires et étrangers venant du monde fortunéen et d'au delà, et une doctrine générale axée sur le déploiement de petites unités autonomes très mobiles. La prise d'initiative personnelle y est fortement valorisée, de même que la rapidité. Les deux armées sont donc d'une composition et adoptent une approche de la guerre très similaire.
- L'armée de Porto Rosso, s'il elle est coupée de ses ravitaillements, est solidement retranchée sur le rocher de Couroupédion. La déloger ne se fera pas sans lourdes pertes.
- Attention, une armée de renfort de Porto Rosso devrait tenter de briser l'encerclement du rocher.
- Les deux armées sont facilement influençables par la perspective du butin facile.
Lieu de l'évènement: Péninsule apaméenne

HRP: Règles de l'évènement:
- Tous les joueurs peuvent influer sur le déroulement de cette bataille, ou même si il aura bien lieu. Il sera laissé à chaque joueur un laps de temps raisonnable pour déployer leurs talents de diplomate (ou de soldat), contacter chaque camp pour en favoriser un, ou prôner un arbitrage.
- Tout contact par courrier doit être fait dans le topic ci-joint, et toute arrivée de diplomate ou de soldats dans le QG de campagne de l'un ou l'autre camp devra être RP dans le topic de rencontre.
- Si l'évènement s'étale trop dans le temps, le MJ avertira les joueurs de la fermeture imminente de la fenêtre de négociation. Si aucune issue pacifique n'est trouvée à ce stade, l’affrontement aura lieu.