District 8156 C : Base en phase de colonisation par la Légion Dante (Karvélie)
Posté le : 17 déc. 2025 à 09:10:56
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Posté le : 18 déc. 2025 à 17:46:22
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⮕ Le domaine de Belzébuth sur Terre.
Irina se tourna vers la voix. C'était son adjoint, le capitaine Malik Touré, un vétéran de 42 ans de l'Armée Démocratique du Gondo, un désillusionné parmi tant d'autres par son propre mouvement national et qui avait vu dans l'AFRE une organisation jeune mais prometteuse pour apporter la Révolution, la vraie, dans son pays et sur son continent. Après tout, cela faisait des années que le Gondo était en guerre civile et malgré un soutien pro-actif, les Kah-tanais n'avaient jamais pu libérer le pays définitivement. L'AFRE, elle, avait au moins le bénéfice du doute et ses actions en Kartvélie et en Retsvinie laissaient entendre que l'organisation avait cette fougue décisive que Malik considérait comme absente des mouvements communalistes soutenus par Axis Mundis. Malik observa lui aussi les écrans avec cette expression que Irina ne connaissait que trop bien maintenant.
Autour d'eux, dans les soutes de la vingtaine d'appareils de l'Armée Rouge estalienne, les combattants de la désormais nommée Légion Dante vérifiaient une dernière fois leur équipement individuel avec cette méticulosité particulière que seuls développent les soldats expérimentés avant une insertion en territoire ennemi, sachant que la moindre négligence dans la préparation du matériel pouvait signifier la différence entre la vie et la mort dans les heures qui suivraient le largage. Chaque combattant portait une combinaison NBC de nouvelle génération issus des arsenaux immenses des forces armées estaliennes, une merveille de technologie en somme portée sur trois couches : une couche externe en kevlar traité résistant aux déchirures et aux perforations et capable d'encaisser des impacts de shrapnel ou des contacts avec des structures métalliques corrodées ou coupantes ; une couche intermédiaire de charbon actif tissé dans une matrice de fibres synthétiques conçue pour neutraliser et absorber les agents chimiques qui pourraient pénétrer le kevlar externe ; enfin, une couche interne en polymère respirant qui évacuait la transpiration tout en maintenant une étanchéité parfaite afin d'éviter aux combattants de se noyer dans leur propre sueur après quelques heures d'activité physique, surtout dans un environnement où retirer sa combinaison, même quelques secondes, est inenvisageable. Le système de filtration autonome, installé dans un module dorsal compact qui pesait environ quatre kilos était capable de fonctionner pendant 72 heures continues en filtrant l'air ambiant à travers une série de membranes HEPA et de cartouches de charbon actif, ce qui produisait un flux d'air respirable qui était ensuite injecté dans le masque facial par un système de surpression légère qui empêchait tout reflux de l'air contaminé même en cas de microfissure dans les joints d'étanchéité. Les masques eux-mêmes représentaient une prouesse considérable, équipés de visière à affichage tête haute qui projetaient directement dans le champ de vision du combattant une multitude d'informations essentielles telles que les niveaux de radiation ambiante mesurés en temps réel par des capteurs géiger miniaturisés intégrés dans le tissu de la combinaison, la composition atmosphérique analysée continuellement par des senseurs chimiques capables de détecter des traces infimes de gaz toxiques ou d'agents biologiques, le niveau de charge restant dans les batteries du système de filtration, la température corporelle, le rythme cardiaque du porteur et même une fonction de vision nocturne, une nécessité compte tenu que l'éclairage naturel est considérablement atténué par la couverture nuageuse permanente et les particules en suspension dans l'atmosphère. Ces tenues étaient conçues pour la guerre, développées avec grand cynisme par l'Armée Rouge dont la logique de guerre totale et apocalyptique avait tendance à se refléter sur ses équipements généralement faits pour endurer des guerres de haute intensité. Bien sûr, la plupart des fonctionnalités supplémentaires des masques étaient une variante dédiée surtout aux forces spéciales, rares étaient les soldats estaliens à disposer de ces masques (en même temps, à quoi ça servirait à un fantassin ?). Mais l'AFRE, dont les fonds découlaient visiblement de l'instrumentalisation malhonnête des ressources kartvéliennes, avait su se les procurer à des prix préférentiels qui feraient chavirer n'importe quel industriel de la défense. C'est beau, la Révolution, surtout si ça nous donne une excuse d'avoir des promos.
Le docteur Amara Okonkwo, cheffe de l'équipe scientifique civile d'origine banairaise embarquée dans l'opération et professeure de biologie à l'Université de Biologie de Mistohir en tant que correspondante étrangère dans le cadre d'un des nombreux programmes de l'Internationale Libertaire et qui s'est engagée dans l'opération par curiosité scientifique du Dakora, passait entre les rangées de combattants assis sur les banquettes métalliques des soutes pour distribuer personnellement les dosimètres individuels, des petits appareils électroniques de la taille d'un briquet que chaque membre de la Légion devait en permanence porter sur la poitrine et qui enregistreraient la dose cumulative de radiation perçue par chacun, ce qui permettrait ainsi de suivre précisément l'exposition individuelle et de retirer préventivement toute personne approchant des seuils de danger établis par les protocoles médicaux de l'AFRE. Amara ouvrit le système intercom de la soute afin que chaque homme l'entende dans son oreillette.
Il y d'abord les isotopes radioactifs bien sûr, principalement du césium-137 et du strontium-90 mais aussi du plutonium-239 qui proviennent certainement de bombes sales artisanales. On trouve aussi des traces d'américium et de cobalt radioactif dont l'origine reste mystérieuse à ce jour. Ensuite, on a la contamination chimique extensive qui vient des industries lourdes qui ont continué à fonctionner sans aucun contrôle environnemental pendant plusieurs années, déversant dans l'atmosphère et dans les sols des quantités massives de dioxines, de furanes, de composés organochlorés persistants, de métaux lourds comme le mercure ou le cadmium, tout cela a créé des zones où le sol lui-même est devenu toxique. Enfin, et c'est peut-être la partie la plus imprévisible, nous avons des indications comme quoi des armes biologiques, probablement des agents pathogènes modifiés, ont étés utilisées, peut-être sous forme de spores dormants ou de réservoirs animaux, des agents dont nous ne connaissons ni la nature exacte, ni les modes de transmissions et encore moins s'ils sont encore virulents après tant d'années.
Les populations locales, qu'ils appellent ici les punks, semblent avoir développé des adaptations biologiques remarquables dans cet environnement apocalyptique, des adaptations que nous devons absolument étudier et comprendre si nous voulons avoir une chance de réussir notre mission à long terme. Il est possible que certaines mutations génétiques leur ait permis de métaboliser certaines toxines, peut-être que leur système immunitaire s'est adapté afin de résister partiellement aux radiations et il est tout aussi probable que leur physiologie respiratoire et cardiovasculaire leur permettre de fonctionner dans une atmosphère appauvrie en oxygène et chargée de particules toxiques. Nous devons prélever des échantillons tissulaires et sanguins, séquencer leurs génomes pour identifier leurs mécanismes d'adaptation et comprendre ensuite comment ça fonctionne au niveau moléculaire et cellulaire. Vous avez tous reçu une formation sur le sujet mais vous devez être conscient que la réussite des opérations militaires dépendent de ces recherches ainsi que pour l'avenir de ce peuple opprimé que nous allons libérer !"
Alors que Amana terminait son bref topo, le signal lumineux installé au plafond de la soute passa du vert au jaune. Il restait quinze minutes avant le largage et immédiatement, les combattants commencèrent leurs vérifications finales d'équipement avec des gestes précisés et répétitifs qu'ils avaient pratiqués des centaines de fois pendant des mois d'entraînement intensif. Le lieutenant Yusuf Ibrahimi, un autre Banarais, responsable du premier peloton de reconnaissance qui serait en charge d'établir le contact initial avec la zone de déploiement et de sécuriser le périmètre immédiate de la zone de largage, rassembla sa section dans un coin de la soute pour leur donner un dernier briefing.
Le signal lumineux passa au rouge, indiquant qu'il ne restait plus que deux minutes avant l'ouverture des rampes de largage et immédiatement, l'atmosphère de la soute changea, la tension nerveuse de l'attente faisait place à une concentration intense que chaque combattant ressentait au plus profond de son être, tous conscients d'avoir fait le choix risqué de rejoindre l'initiative de la Légion Dante au nom de l'idéal révolutionnaire, pourtant tous mis au courant des risques que ça impliquait et des difficiles conditions de vie sur place. Dans une des soutes d'un des appareils, réservé exclusivement au personnel scientifique, on vérifiait pour la énième fois l'arrimage des conteneurs de laboratoire qui représentaient l'investissement scientifique et financier le plus important de l'AFRE ait jamais consacré à une opération de terrain. Chacun des douze conteneurs pesait environ deux tonnes entièrement chargé et contenait es équipements scientifiques de pointe d'une valeur inestimable : des spectrographes de masse capables d'identifier et de quantifier des traces infinitésimales de composés chimiques et d'isotopes radioactifs dans les échantillons environnementaux, des séquenceurs génétiques portables de dernière génération capable de décoder le génome humain en quelques heures, des microscopes électroniques à balayage miniaturisés pour observer les structures cellulaires et subcellulaires avec une résolution nanométrique, des bioréacteurs d'urgence capables de synthétiser rapidement des contre-agents pharmaceutiques ou des vaccins en cas d'exposition à des pathogènes inconnus, des centrifugeuses à haute vitesse, des thermocycleurs pour l'amplification PCR, des chromatographes en phase liquide et gazeuse, des spectrophomètres et encore plein d'autres instruments, souvent issus des laboratoires de recherche universitaires estaliens. L'équipe scientifique qui composait la soute, soigneusement sélectionnés parmi les meilleurs chercheurs des institutions académiques de l'Internationale Libertaire (et donc sympathisants de la cause révolutionnaire que portait l'AFRE) représentait un éventail impressionnant de compétences spécialisées absolument nécessaires pour comprendre l'environnement du Dakora : des biologistes moléculaires experts en génomique, en protéomique et en biologie cellulaire ; des chimistes experts en chimie analytique environnementale et en toxicologie des composés organiques ; des physiciens nucléaires ; des médecins, souvent militaires, experts en radiobiologie et en épidémiologie ; des microbiologistes et enfin des bioinformaticiens.
Alors que les minutes défilaient, Amara Okonkwo était de plus en plus nerveuse, ajustant son casque pour la dixième fois de suite, manifestement moins habitué que les soldats professionnels et les grands brûlés des guerres révolutionnaires qu'étaient les combattants de l'AFRE, tous de pays différents et pourtant si similaires dans leurs méthodes de préparation. La guerre est un langage universel, c'est le moins qu'on puisse dire. Yusuf Ibrahimi s'approcha de sa compatriote, visiblement mal à l'aise dans son équipement NBC. Yusuf tenta de la rassurer.
- Un peu, oui.
- Respirez un grand coup et souvenez-vous des entraînements. Vous inquiétez pas. Le parachute va s'ouvrir automatiquement à l'altitude préprogrammée. Donc même si vous paniquez, vous vous écraserez pas comme une crêpe sur le sol, ahah !
- Hé, ça n'a rien de drôle, lieutenant !
- Pardonnez-moi, haha ! Bon...ne vous inquiétez, vous n'aurez pas le temps d'avoir peur que le parachute s'ouvrira alors respirez profondément, faites confiance à votre équipement et concentrez-vous sur votre boulot de scientifique. Nous, on est bien largués sur ce sujet mais je peux au moins vous donner des conseils de vieux briscard.
- Merci, lieutenan-"
Pas le temps de finir sa phrase que le signal passa au vert, les rampes arrière des appareils s'ouvrirent quasi-simultanément dans un rugissement métallique assourdissant, révélant le ciel jaunâtre et maladif du Dakora et permettant à l'air toxique extérieur de s'engouffrer dans les soutes malgré la surpression maintenue par les systèmes de ventilation des avions. Immédiatement, les capteurs atmosphériques intégrés aux combinaisons de tous les combattants commencèrent à afficher des données alarmantes sur leurs visières : dioxyde de soufre à 0,8 parties par million, ce qui était largement au-dessus des seuils de toxicité respiratoire normale et suffisant pour causer des dommages pulmonaires sévères en quelques heures d'exposition sans protection ; particules en suspension de césium-137 à des concentrations de plusieurs centaines de becquerels par mètre cube d'air ; traces détectables de gaz moutarde stabilisé ; composés organochlorés intégrées aux analyseurs automatiques et une multitude d'autres contaminations détectés. Einberg commença à crier de façon autoritaire dans le système intercom :
Les soldats de l'AFRE se précipitèrent vers les rampes ouvertes par vagues successives dans une chorégraphie quasi-parfaite, se jetant dans le vide avec cette confiance apparemment insouciante que seuls possèdent les paras les plus aguerris, leurs silhouettes disparaissant dans la brume toxique alors que leurs parachutes noirs se déployaient automatiquement quelques secondes après la sortie de l'appareil, créant dans le ciel malade une floraison temporaire de coupoles sombres qui ressemblaient de loin à des champignons vénéneux géants suspendus dans l'atmosphère jaunâtre. Les conteneurs de matériel suivirent immédiatement les combattants, largués depuis les soutes par les équipes de manutention restées à bord des appareils, chaque conteneur suspendu à des voilures cargo renforcées spécialement dimensionnées pour supporter le poids considérable de l'équipement scientifique et militaire, chaque conteneur étant également équipé de balises de localisation cryptées émettant des fréquences radio sécurisées pour permettre aux équipes au sol de les retrouver facilement une fois atterris sur place. Ibrahimi fut parmi les premiers combattants à toucher le sol, ses bottes militaires renforcées s'enfonçant dans une terre spongieuse et inhabituelle au toucher, d'un gris cendreux maladif strié de traînées orangées qui ressemblaient à des veines de rouille, c'était une texture que le lieutenant n'avait jamais vu auparavant, lui qui avait pourtant combattu dans la plupart des conflits de l'Internationale Libertaire aux côtés du Grand Kah et des Brigades Internationales. Il effectua immédiatement un balayage viseul à 360 degrés de son environnement, le canon de son fusil d'assaut ESH-14 estalien suivant automatiquement la direction de son regard alors qu'il évaluait les menaces potentielles. Tout ce qu'il vit concordait parfaitement avec les descriptions apocalyptiques que les briefings avaient fournies. Le paysage qui s'étendait devant lui était celui d'un monde qui avait été tué par l'Homme et par son avidité, une vision cauchemardesque qui semblait sortir directement des représentations artistiques d'un peintre possédé par le Diable de l'apocalypse biblique : des arbres squelettiques aux troncs tordus dans des angles impossibles se dressaient çà et là comme des doigts décharnés pointant vers un ciel malade, leur écorce noircie et craquelée tombant par plaques révélant un bois dessous qui avait pris une teinte verdâtre malsaine, des affleurements rocheux émergeant du sol à des intervalles irréguliers avec une surface rongée par l'acide atmosphérique jusqu'à en prendre une apparence presque organique, comme de la chair exposée plutôt que de la pierre, des carcasses délabrées des anciens bâtiments industriels avec des structures métalliques corrodées et tordues, des murs de béton fissurés et souvent écroulés, digérées par une corrosion chimique qui semblait progresser plusieurs fois plus vite que les processus de dégradation naturelle normaux. Son dosimètre émit un bip continu er régulier qui s'accompagnait d'un affichage numérique sur sa visière montrant exactement 3,1 millisieverts par heure, un niveau qui était certes élevé et qui nécessiterait de limiter le temps d'exposition mais qui restait néanmoins dans les marges de sécurité acceptables pour une exposition de quelques heures selon les protocoles médicaux de l'AFRE, du moins tant que cette exposition ne se prolongerait pas pendant des jours ou des semaines sans interruption.
- Reçu, Alpha Leader. Débutez la récupération du matériel et l'établissement du périmètre défensif. Parlez.
- Reçu, Overlord, terminé."

par moi l’on va dans l’éternelle souffrance,
par moi l’on va parmi la gent perdue.
La justice anima mon sublime architecte :
je fus bâtie par la puissance divine,
la suprême sagesse et l’amour primordial.
Avant moi rien ne fut créé, sinon l’éternel,
et moi je dure éternellement.
Vous qui entrez, abandonnez toute espérance.