16/05/2018
12:53:39
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Cher docteur Géminéon, je m'interroge...

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Mon propre implant...
Cher docteur Géminéon,

Je m'interroge après vos récents succès en matière de greffe. Nous en avons déjà discuté mais je tenais cette fois à mettre mes doutes par écrit et vous exposer la totalité de mon raisonnement. La question de l'identité est centrale pour notre civilisation et je m'interroge sur notre propension à tenir certains axiomes pour acquis, notamment la dimension mécaniste de nos corps et l'idée bien trop ancrée de mon point de vue que la conscience survivrait, voire réapparaitrait à l'identique lorsque les conditions matérielles à son émergence sont réunies. Pour le dire plus simplement, docteur Géminéon, je doute. Je doute que nous revivions effectivement dans les ordinateurs après notre mort, je doute que les clones soient de véritables extensions de nous-mêmes et désormais, je doute des effets réelle de cette greffe de cerveau que vous avez réussi sur la persistance de l’identité individuelle du patient.

Car toutes nos connaissances sur le sujet, docteur, ne sont au fond que des expériences de pensées. Comment nous assurer que la conscience demeure et qu'il ne s'agit pas d'un simple leurre d'une mémoire refabriquée et qui nous donne l'illusion de notre propre continuité ? Mon propre implant, censé cartographier mes données cérébrales en temps réel, ne me semble parfois plus un si grand bouclier que cela face à la mort et il m'arrive de me demander si je devais un jour décéder, me réveillerais-je véritablement dans la machine ou est-ce un autre moi, une copie, qui s'éveillera ? A quoi bon l'immortalité je me le demande, si c'est un autre qui la vit, et que je suis mort ? Car c'est la vie qui me transcende, et pas la perspective de la transmettre à un autre. Sinon, je me serai contenté d'avoir des enfants, or mes ambitions sont d'une autre nature. Prenez le temps, docteur, de lire ma lettre, et répondez moi je vous en prie, car ce débat est nécessaire à l'apaisement de mes angoisses.

Votre dévoué,
Jean Javel
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