22/02/2015
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[RP] Une simple exécution

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Une simple exécution

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Plus encore que la poésie, plus encore que les gâteaux, plus encore que de sentir le moteur de son navire vrombir sous ses pieds alors qu’il lançait l’assaut sur un chalutier isolé, le capitaine ministre Mainio n’aimait rien tant que le plaisir chaque jour renouvelé de se coucher auprès de sa douce et tendre femme et de se réveiller à ses côtés au matin. Son parfum, ses cheveux en bataille, et l’odeur du café chaud et des croissants qu’il dégustait sur la terrasse en contemplant son jardin et en lisant le journal. Peut-être l’après-midi iraient-ils se promener dans le marais ? Ou s’installerait-il dans son fauteuil pour lire quelques poèmes ? Son benjamin, le seul enfant qui n’ait pas encore quitté le domicile familial, viendrait lui faire signer un mot pour le lycée, et Mainio en profiterait pour lui demander des nouvelles de sa petite amie Annikki. Le garçon bafouillerait quelque chose et filerait sans demander son reste. Voilà une vie comme il les aimait. Une vie qui méritait d’être vécue.

Mais cette vie n’était pas la seule que vivait le capitaine ministre Mainio. La plupart de son temps était consacré aux affaires et nom de dieu qu’il y en avait... à se demander comment ce foutu pays avait pu tenir debout sans lui.

Il était une heure du matin passée et la lumière de son petit bureau au ministère était toujours allumée. Du septième étage, les lueurs de Pharot en contrebas ne suffisaient pas à éclairer à elles seules l’intérieur de la pièce et il avait dû se résoudre à brancher plusieurs lampes pour y voir clair. Mainio détestait travailler aussi tard. Cela déréglait complètement le précieux cycle de sommeil qu’il avait mis des années à retrouver, lorsqu’il avait choisi d’abandonner la piraterie, dix ans plus tôt. C’est qu’on dormait très mal, sur un bateau, particulièrement lorsqu’on en était capitaine. Les sollicitations ne manquaient jamais.

Il était en train de terminer de parcourir un rapport de la CARPE sur l’état de la Damannie lorsque son téléphone sonna. Pas son portable, ni le téléphone rouge qui servait à la diplomatie, ni le bleu pour les appels venant de l’intérieur du ministère que Thavo, son secrétaire, lui passait. Non, le blanc. Ligne cryptée.

Il décrocha.

- « Mainio j’écoute ? »

- « Capitaine ministre Mainio, la Merenlävät a des informations à vous transmettre. »

- « Espoir ! Ma chère ! Comment allez-vous ? Figurez-vous que je pensais justement à vous tout à l’heure, je me disais – une personne aussi charmante, pourquoi ne vous vois-je jamais de vive yeux ? C’est vrai que le téléphone est pratique mais vous pourriez passer au bureau de temps en temps. »

- « Je suis à Kotios actuellement, Mainio, et je n’ai aucune envie de me déplacer au ministère pour vous voir. »

Le ministre fit la moue derrière son combiné.

- « Oui cela fait deux bonnes raisons, je comprends, que puis-je pour vous Espoir ? »

La Merenlävät appelait rarement d’elle-même l’administration du pays, les deux parties ayant convenu qu’en dehors des nécessaires réunions de coordinations et Etats Généraux de la piraterie, mieux valait au maximum éviter les contacts entre des représentants politiques et la mégacoopérative. Question d’opinion publique, les Pharois avaient beau être des gens dont la conception de l’autorité était souvent douteuse, cela ne les empêcherait pas de voir d’un mauvais œil la vaste collusion entre intérêts privés, politique et grand banditisme si ces liens devaient être exposés au grand jour.

- « Pohjoishammas, une unité de la Meremme nous a récemment acheté plusieurs caisses d’armes et d’explosifs. D’après nos informations ils seraient en train de préparer une expédition punitive contre le quartier francisquien de la ville, en réaction aux derniers évènements au Damann. »

Un sourire mielleux se dessina sur le visage boudiné du ministre.

- « Oh... une nouvelle qui me réjouit indiscutablement. Pas que la violence me plaise, soyons clair, mais chacune de vos dénonciations m’apparait comme un véritable cadeau de Noël, soyez-en sûr ! »

- « Je n’en doute pas, Mainio. Vous avez toujours eu un goût déplacé pour le sordide. »

La Merenlävät était le très officieux organisme intermédiaire entre la piraterie pharoise et le Syndikaali. Une coopérative de pêcheur s’étendant dans plus d’une quinzaine de pays d’Eurysie du nord et dont le commerce officiel du poisson et des fruits de mer servait en vérité à camoufler sa fonction de facilitateur pour toutes les organisations mafieuses de la région. La Merenlävät vous fournissait des réseaux, des infrastructures, un carnet d’adresse et ne demandait en échange qu’un simple abonnement pour tous ces services. Un paiement régulier pour intégrer le plus large regroupement de criminels au monde, structurés et organisés afin d’éviter au plus possible de se marcher sur les pied et bénéficier du savoir faire des uns les autres.

Le tout fonctionnait... relativement. Parfois, il fallait faire tomber quelques éléments gênants. Tous les pirates et mafieux qui s’engageaient à respecter les règles de la Merenlävät n’étaient pas des gens en qui on pouvait avoir aveuglément confiance et certains avaient tendance à déconner. Si vous dépassiez les bornes, si vous foutiez le bordel, si vous menaciez l’équilibre de la cohabitation précaire entre les divers organisations eurysiennes, la coopérative vous envoyait un premier avertissement. Un simple ambassadeur qui poliment rappellerait les conditions auxquels vous pouviez bénéficier de ses services.
Si la leçon n’était pas retenue, il n’y avait pas de seconde chance, vous étiez éliminé. Dans le meilleur des cas, la Merenlävät vous livrait au Syndikaali. Vous aviez alors la délicieuse surprise de voir débarquer à cinq heure du matin les gardes côtes dans votre chambre et d’être sorti en caleçon direction les cellules gelées de Pharot. On vous collait un procès qui finissait souvent mal, la Merenlävät ayant pris soin de fournir toutes les preuves nécessaires pour vous faire passer un long moment en taule. En cas de crimes de sang, la pendaison n’était pas improbable.
Si vous aviez moins de chance, toutefois, ou si vous ne résidiez pas au Syndikaali, c’était la Merenlävät en personne qui se chargeait de vous. Guerre de gang, empoisonnement, accident tragique, tout était bon pour décapiter la tête du poulet fou ; on ne déconnait pas avec le business.

- « Vous avez déjà appelé les autres, Espoir ? »

- « Vous êtes le premier sur la liste, je contacte les ministres Paulinaa et Elina après vous. »

- « Bien bien... »

Et lui de mettre au courant le ministre Kaapo à présent. Quatre ministre dans la confidence, c’était trop, se fit la réflexion le capitaine Mainio. Surtout qu’ils venaient de trois formations politiques différentes. Un ou deux aurait été plus sage, assurément, on ne gardait pas un tel secret si longtemps sans quelques précautions. Néanmoins, il n'était pas mécontent de se savoir le premier appelé. Au delà de toute vanité, le cas échéant il pourrait ainsi bloquer l'information à la source si cela s'avérait utile. Espoir était l'intermédiaire de la Coopérative avec le gouvernement et on l'avait choisi pour son intelligence politique et sa bonne connaissance des rouages et jeux de pouvoirs au sein de l'administration pharoise. Il ne faisait aucun doute que dans cette grande machine compliquée, Mainio jouait un rôle absolument central.

- « Je vais mettre l'équipe anti-terroriste en route, je vous remercie Espoir, c’est toujours un plaisir de contribuer à la grandeur de notre petit pays à vos côtés, pensez à moi la prochaine fois que vous aurez envie d’un thé et d’une conversation agréable. »

- « Bonne soirée Mainio. »

Le clic du combiné, et ce fut tout. Mainio hésita. Devait-il prendre l’un de ces délicieux petit gâteau qu’il avait dans le placard derrière son bureau avant de passer son deuxième coup de fil nocturne ? Sa femme lui disait toujours qu’elle l’aimait dodu, que ça le rendait confortable, mais des fois le ministre regrettait la taille svelte de sa jeunesse, quand il naviguait encore dans les mers du nord et pouvait grimper un escalier sans friser la syncope.

Allez, juste un petit gâteau.

Il avala la dernière bouchée et décrocha le téléphone pour composer le numéro du ministère de la terre.

Le téléphone sonna deux fois dans le vide puis une voix de femme décrocha.

- « Capitaine Mainio ? »

- « Bonsoir Jaana, je ne vous dérange pas ? Comment allez vous par cette sombre nuit d’hiver ? »

La voix de l’autre côté du fil esquissa un gloussement.

- « Plutôt bien, le Syndikaali est calme depuis quelques jours. Comment puis-je vous aider capitaine ? »

- « Je vous en demande beaucoup je sais Jaana mon petit mais pourriez vous s’il vous plait me passer le capitaine ministre Kaapo ? »

Mainio sentit distinctement le silence embarrassé qu’accueillit sa demande. Il soupira et ajouta :

- « Je sais qu’il dort, Jaana, mais je n’appellerai pas si ce n’était pas important. »

- « Bien sûr capitaine, je m’en occupe tout de suite. »

Il eut tout de même à patienter un quart d’heure entier quand la voix irritée de Kaapo retentit de l’autre côté du téléphone.

- « Mainio espèce de petit fils de phoque, bouffeur d’algue c’est quoi ton putain de problème ?? »

- « Bonsoir à toi aussi, j’ai un petit projet d’attentat à te transmettre vois-tu. »

L’autre parut interloqué.

- « Un attentat ? Pourquoi tu ne vois pas ça avec la CARPE ?? »

Mainio leva les yeux au ciel.

- « Un attentat CONTRE nous, bonhomme, écoute prends toi un verre de whisky et remets toi les idées en place, je ne veux pas qu’on laisse trainer cette affaire. »

- « Ah oui bon, sois plus clair aussi. Bordel de merde qu’est-ce que vous me cassez les couilles tous avec ces conneries, j’enfile un pantalon et j’arrive bouge moi ce qui te sers de gros cul on se retrouve au ministère de la terre, allez ! »

Le capitaine n’eut pas le temps de répondre que le téléphone sonnait dans le vide. Il soupira. La nuit allait être longue, une bonne raison pour prendre un second petit gâteau.
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