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Journée diplomatique Vogimska - Pharois Syndikaali à Vologiyev

Avenue du théâtre, Vologiyev
Avenue du théâtre, Vologiyev

1er Mars 2006



Vologiyev, 1er Mars 2006, 10h59.
Jour de neige à Vologiyev, le théâtre municipal s'apprête à accueillir les représentants de la Libre Association des Propriétaires de Phares et de Filets d'Eurysie Septentrionale, accompagnés par Kazantsev. Environ un mois auparavant, les armées de la République du Vogimska et du Pharois Syndikaali mettaient fin à la guerre du Gordyp, en remportant le siège de Mostrigrad. Aujourd'hui est venu le jour de la célébration, des milliers de citoyens vogimskans sont dans les rues, arborant les couleurs du Vogimska et du Pharois Syndikaali sur la route prévue pour le convoi diplomatique en direction du théâtre. Un concert ainsi qu'une large fête sont organisés sur la place centrale de Vologiyev, non loin de la résidence administrative de Kazantsev. Pendant ce temps les représentants pharois et vogimskans se rencontrent à l'entrée du théâtre de Vologiyev, le théâtre Koniachev, afin de célébrer la gloire dignement entre dirigeants, protégés par l'armée et les services de renseignements intérieurs.

Volomyr Kazantsev et sa femme, Ivanna Kazantseva attendent patiemment les représentants du Pharois Syndikaali à l'entrée du théâtre municipal. Le véhicule diplomatique escorté par l'armée et par la sécurité pharoise devrait se présenter aux alentours de 11h.
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Preuve s’il en fallait que les idéologies politiques coulaient sur le Syndikaali comme la pluie sur un carreau, la Libre Association des Propriétaires de Phares et de Filets d'Eurysie Septentrionale s’était bien rapidement accommodée du nouveau changement de régime vogimskan. D’ailleurs il ne lui avait fallu qu’une bonne journée de discussion de son état-major pour décider de soutenir le nouveau gouvernement et de mettre fin au conflit pour préserver la région de tout risque d’embrasement.

Plus qu’à la couleur politique des nations du littoral, le Syndikaali s’intéressait à la préservation de la paix dans les mers du Nord et mettait un point d’honneur à y limiter les ingérences étrangères. Alors que l’ouest de l’Eurysie était en proie au chaos politique généralisé, l’est pouvait à termes devenir une zone prospère ou du moins libérée des carcans géopolitiques traditionnels.

Mais si le Syndikaali se surprenait à rêver de grands projets dans les eaux hostiles du nord du continent, la première des difficultés resteraient sans aucun doute de réunir toutes les puissances régionales autour d’une même table. Pour cela, seule fonctionnait la diplomatie, et au-delà de l’amitié que portait désormais les ministres pharois au nouveau gouvernement et à son état-major avec qui ils collaboraient depuis plusieurs mois, plusieurs sujets devaient être abordés lors de cette rencontre.

Une fois n’était pas coutume, Mainio avait été écarté de la rencontre. Quelques complexes tribulations politiques l’avaient retenu au pays et il se murmurait que l’imposant ministre des Intérêts internationaux prenaient trop de place, ces derniers temps, et qu’on cherchait à l’écarter. Le Syndikaali appréciait la geste pirate de certaines figures charismatiques et audacieuses, mais dans l’ensemble le pays se méfiait du césarisme et était de toute façon nourri d’un tel bouillonnement d’égos que personne n’était prêt à laisser émerger un chef naturel qui ne soit pas lui.

Ce furent donc les ministres Martta et Sakari qui annoncèrent leur venue au Vogimska. La première était une petite femme souriante et ridée, qui marchait à la vitesse d’une poule amputée et ne semblait plus y voir très clair. L’autre était un jeune homme au regard suspicieux, alerte et nerveux. Elle avait à charge le ministère de la culture et des arts et était la dernière ministre en poste du Parti Pirate, faction vénale et aventureuse, lui dirigeait le ministère des armés et représentait l’alliance rouge-verte des parti communistes et écologistes.

Des deux, elle était sans aucun doute la plus redoutable.

Martta : « Mon bonhomme, je n’aurai qu’un seul conseil : amusez-vous ! Le travail de ministre n’est pas très distrayant tous les jours alors pour une fois que nous pouvons faire la fête il faut absolument en profiter. »

Sakari : « Nous sommes avant tout là pour le travail. »

Martta : « Oh allons… ! ne vous faites pas plus austère que vous ne l’êtes. Vous verrez avec un ou deux verres de champagne je suis sûr que vous serez plus détendu. J’ai de bons souvenirs au Vogimska, vous savez ? Dans ma jeunesse, oh c’était il y a… soixante ans ? »

Sakari : « Soixante ans ? »

Martta : « Le sel préserve. Un beau vogimskan, Michael je crois, Misha je l’appelais, nous avons passé des jours formidables, dommage que la police secrète l’ait arrêté. »

Sakari : « C’est horrible ! Vous avez essayé de le libérer ? »

Martta : « Enfin Sakari nous sommes des pirates, pas des justiciers ! Je me suis contenté d’envoyer par le fond quelques navires de pêche et puis après huit jours mon deuil était passé. »

Sakari : « Vous éviterez de raconter cette anecdote quand nous serons arrivés. »

Martta : « Et pourquoi donc ? C’était l’ancien gouvernement, nous avons les mêmes ennemis dorénavant. »

Sakari : « Les pêcheurs n’ont pas d’étiquette politique. »

Martta : « Attendez de vous retrouver dans un abordage nous verrons si vous avez le temps de demander à vos adversaires s’ils sont encartés, ah nous arrivons ! »




Des Pharois, on en trouvait depuis peu au Vogimska. D’abord il y avait les militaires, bien que la plupart aient été rapatriés désormais, il s'en comptait encore quelques centaines sur la côte ouest du pays et depuis peu à Mostigrad, ceux qui avaient été chargés de l’évacuation des dissidents communistes vers la Lutharovie. Moins conventionnels étaient les opportunistes de tous bords, marchands principalement, entrepreneurs, parfois un peu contrebandiers qui avaient vu dans la réouverture au commerce du pays une occasion de s’installer sur des marchés vierges de toute concurrence.

C’étaient ces profils qu’on retrouvait dans les rues de la ville et qui s’étaient joint à leurs « frères » vogimskans, dont ils estimaient avoir trop longtemps été tenus éloignés par la dictature. A travers les vitres teintées du véhicule diplomatique, les célébrations faisaient chaud au cœur.

Arrivés devant l’entrée du théâtre, les deux ministres Pharois sortirent de la voiture, Sakari le premier et plus lentement pour Martta qui demanda à s’aider en s’appuyant sur le bras musclé du beau chauffeur. Opportunisme de vieux.

Sakari : « Monsieur Kazantsev, c’est un plaisir de vous rencontrer en personne. Et madame aussi. »
Il n’était pas très à l’aise avec les conventions diplomatiques. Les Pharois avaient une conception de la politesse un peu atypique. Martta avait plus d’expérience.

Martta : « Enchantée en effet. Cela faisait bien longtemps que j’espérais pouvoir revenir au Vogimska, j’ai toujours aimé ce pays, et maintenant qu’il ouvre ses ailes à nouveau… oh je suis certaine que nous ferons de grandes choses ! »
Le convoi diplomatique se fait apercevoir au loin, acclamé par la foule.

Ivanna Kazantseva : Ce sont eux ?

Volomyr Kazantsev : Qui veux-tu que ce soit ?

Ivanna se contenta de se taire face à l'évidente réponse de son mari. Il faut dire que sa question était relativement idiote, mais montre bien son stress alors qu'elle s'apprête à vivre sa première rencontre diplomatique en tant que première dame du Vogimska. C'était une femme plutôt grande, plus que son mari et qui avait l'air plus jeune. Le couple Kazantsev afficha un sourire alors que le convoi s'approche de plus en plus.
11h01, le véhicule diplomatique s'arrête devant les dirigeants vogimskans. Volomyr sort un mouchoir de son long manteau et s'essuie le front, puis relève la tête en souriant.

Les représentants pharois sortent du véhicule diplomatique.


Volomyr Kazantsev : Monsieur Sakari, de même pour moi. Bienvenue au Vogimska, c'est un plaisir d'accueillir pour la première fois des représentants pharois.

Ivanna Kazantseva [timidement] : Bonjour monsieur Sakari.

Volomyr Kazantsev : Bienvenue madame Martta. Heureux que mon pays vous plaise, en général beaucoup n'apprécient pas son architecture. Je suis aussi persuadé que nous arriverons à de grandes choses, surtout grâce à votre précieuse aide.

L'homme d'état présente un large et très sincère sourire quand aux dires que Martta, remplaçant son sourire hypocrite qu'il avait initialement pris afin de faire bonne impression. En effet ses conseillers lui avaient prévenus que la plupart des peuples en dehors d'Eurysie de l'Est avaient tendance à se sentir offensés si ils ne voyaient pas un sourire sur le visage de leur interlocuteur. Il semblerait qu'il ne s'agisse que d'un mythe vogimskan raconté pour rire des autres peuples, mais auquel toute la population croit. Cependant le sourire de Volomyr était cette fois bien naturel.

Ivanna n'effectua qu'un simple geste de la tête pour saluer Martta, ce qui déplaît à son mari qui enchaina la conversation.

Volomyr Kazantsev : Nous sommes tous deux très enchantés de vous rencontrer. C'est un grand jour pour nos deux patries, et pour fêter cela nous avons décidé avant les discussions de vous inviter à une chorégraphie interprétée par nos meilleurs militaires en matière de chorégraphies. Suivez-moi donc.


Kazantsev avait pris pour habitude de faire les choses vite, ce qui peut parfois brusquer les personnes avec qui il interagit. Cependant il s'efforçait à parler toujours de manière que l'on peut qualifier de diplomatique, et se tenait toujours droit malgré son handicap, en effet il se trouve qu'il avait de plus en plus de mal à marcher, et qui plus est à marcher droit.

Il invita donc ses invités à le suivre à l'intérieur du théâtre. Arrivé en haut d'un escalier, les quatre représentants d'État avaient chacun leur place réservée, avec quelques autres places autour pour les gardes et autres assistants. De là où ils étaient, ils avaient la meilleure vue sur la scène, et l'intérieur du théâtre était quelque peu impressionnant, c'est effectivement le plus prestigieux de Vologiyev, et même du Vogimska tout entier.


Volomyr Kazantsev : Je vous invite à vous installer. La scène à laquelle vous allez assister est un ballet typiquement vogimskan, rendant hommage à nos soldats, et en particulier aux marins du Pharois Syndikaali.

Il fut interrompu par l'arrivée du Général Magomedov en tenue militaire, ornée de toutes ses médailles militaires. Il chuchota à l'oreille de Kazantsev, qui répondit d'un hochement de tête. Le Général se tourne ensuite vers les représentants pharois.

Igor Magomedov : J'espère que notre ballet vous plaira, j'étais moi-même chargé de superviser la préparation de celui-ci. Je vous souhaite une agréable soirée.

Le Général quitte la loge, Kazantsev s'assoit donc sur un siège entre sa femme et Sakari. Quelques secondes plus tard, un serveur entre et apporte un plateau de quatre coupes de champagne sur une table basse.

Volomyr Kazantsev : Servez-vous, le ballet devrait commencer d'ici quelques instants.

Les applaudissements se font entendre dans le public en contrebas, principalement composé de militaires hauts-gradés et soldats du Gordyp blessés au combat, mais aussi de Responsables vogimskans et du maire de Vologiyev. La chorégraphie vient de commencer.

Un extrait du ballet en question
Martta : « Un ballet pour la ministre de la culture ! Vous savez y faire monsieur Kazantsev, rien ne pouvait me faire plus plaisir ! Vous savez, j’aime à croire que les Pharois sont des gens curieux, du moins tendanciellement, et savoir votre culture inaccessible pendant si longtemps, si proche et pourtant si hermétique, voilà que nombreux d’entre-nous n’ont eu de cesse de déplorer ces dernières décennies. La culture ne devrait pas dépendre de la politique, c’est une forme d’hérésie. Comme l’eau, elle est fluide, changeante, sans cesse en mouvement. La contenir dans des digues, qu’on les nomme frontière ou censure, me déplait fortement. »
Elle se tourna vers Sakari comme pour obtenir son approbation et celui-ci surpsi hocha la tête en bafouillant.

Sakari : « Heu, et pour l’architecture, nous ne sommes pas non plus de grands bâtisseurs… »
Martta : « Ça non ! Mais cela pourrait changer, le futur est un vaste espace indéterminé où de nombreuses choses imprévues se heurtent comme des boules de billard. Allons, j’ai besoin de m’asseoir. »
A l’invitation du dirigeant vogimskan, ils pénétrèrent dans le théâtre. Sakari n’exprima aucun sentiment à l’annonce du programme qu’il accueillit d’un hochement de tête soucieux. En tant que ministre de la Défense tout ce qui tendait à célébrer les militaires avait tendance à lui plaire, mais étant lui-même d’obédience communiste, bien que libertaire, le soutien de l’armée pharoise à la contre-révolution vogimskane avait suscité de nombreux débats au sein du PCP. S’il s’était résolu à engager les troupes du Syndikaali, c’était contraint par un vote du parlement. Au moins avait-il réussi à négocier l’extradition des communistes vogimskan lors du siège de Mostigrad.
Les démonstrations militaires autour de cet évènement avaient donc une saveur ambiguë mais il sourit poliment au général Magomedov – avec qui il avait déjà eu l’occasion de discuter sur le terrain – quand celui-ci leur annonça avoir personnellement supervisé l’organisation du ballet.

Sakari : « Si vos hommes combattent aussi bien qu’ils dansent, je ne me fais aucun soucis Général. »
Il se servit en champagne. Martta de son côté avait déjà vidé sa coupe, visiblement aux anges et tout entière concentrée sur le spectacle.

Martta : « A titre personnel, je préfère les danseurs aux soldats. Même si les deux ne sont pas antinomiques. J’ai rencontré un danseur dans ma jeunesse, mais je vous raconterai cela une autre fois. »
Le ballet aurait duré près d'une heure, pendant laquelle les dirigeants s'échangèrent quelques mots, généralement sans trop d'importance. Les représentants Pharois furent ensuite invités au restaurant le plus prestigieux de la capitale, afin d'y déguster un déjeuner traditionnel vogimskan. Kazantsev et Ivanna accompagnèrent donc Martta et Sakari à l'entrée du théâtre afin d'y rejoindre un véhicule diplomatique mobilisé pour l'occasion, à l'intérieur duquel se trouvait à l'arrière deux banquettes de deux places chacune face à face, suffisamment écartées et placées de manière à donner le plus de confort possible à ses occupants. Le dirigeant vogimskan invite donc les deux représentants pharois à prendre place dans le véhicule.

Volomyr Kazantsev : Je vous en prie.

Il grimpa ensuite dans le véhicule après les Pharois. Le portier referme la portière.

Volomyr Kazantsev : J'espère que le spectacle vous a bien plu. Le trajet ne sera normalement pas long, les routes qui seront empruntées par le convoi ont été vidées et sécurisées pour l'occasion. Êtes-vous bien installés ? Souhaitez-vous quelque chose ?
Martta : « Le spectacle était formidable, ça oui ! J'avais l'impression de voir la culture vogimskane déployer ses ailes voyez-vous ? »
Sakari hocha la tête pour confirmer les paroles de son aînée, avant de décliner la proposition de collation.

Sakari : « Merci, j'ai mangé dans la loge. »
Martta : « Parlez pour vous ! Vous êtes fin comme un fil de fer mon ami, vous devriez manger plus, auriez vous de l'eau pétillante par hasard dans cette belle voiture ? Je sens que je vais en avoir besoin si nous causons. Oh et, à ce propos, que pensez-vous de passer aux choses sérieuses à présent ? »
Volomyr Kazanstev : Quoiqu'il en soit, ce repas fait partie du programme de notre rencontre, les restaurateurs nous attendent avec les plats les plus raffinés de ceux de la gastronomie vogimskane. Je suis certain que vous serez satisfait. Sincèrement navré, je peux vous offrir de l'eau plate, j'espère que cela ne vous déçoit pas mais nous n'avons actuellement pas d'eau pétillante.

Il sert donc un verre d'eau plate à son invitée avec le sourire et s'en verse un autre pour lui, sans même en proposer à son épouse Ivanna qui le regarde avec jalousie.

Volomyr Kazanstev : Bien, en ce qui concerne les choses sérieuses, nous pouvons commencer à parler de ce pourquoi nous sommes réunis. Je vous préviens tout de même que le trajet sera court, cela ne nous empêchera pas de poursuivre au sein du restaurant autour d'un bon repas. Soit, commençons, vous avez la parole.
Martta : « Je vous remercie, honneur aux anciens n'est-ce pas ? Je ne vous apprendrai rien en rappelant à tout le monde à quel point l'océan gelé du nord et plus généralement ces espaces maritimes qui bordent le nord-est de l'Eurysie et le nord du Nazum sont atypiques sur la scène internationale. A la fois un lieu foisonnant de richesses car principale route commerciale de la région, et espaces dangereux, autant à cause de sa piraterie endémique que des conditions météorologiques qui gênent pendant l'hiver le déplacement des navires. Les particularismes politiques régionaux, également, car peu portés sur le libre-échange, donnent à cette zone des enjeux multiples et complexes. Il n'est pas seulement question de commerce dans cette affaire mais bien de géostratégie.

Le Syndikaali nourrit depuis quelques années le projet d'investir dans cette région, afin d'en faire un véritable espace à part entière, régi par des lois et des intérêts communs. Mais pour se faire, nous ne pouvons seul peser dans la balance et nous pensons que l'appui du Vogimska sera le bienvenue. Votre révolution récente en a été un parfait exemple, sans nos liens avec la Lutharovie et l'intervention de la marine pharoise, la région aurait pu s'embraser en un rien de temps. Nous devons empêcher cela, à commencer par l'instauration d'un conseil de défense capable de réagir aux crises politiques de la manière la plus multilatérale et harmonieuse possible et empêcher toute escalade militaire. Le Citoyen Sakari travaille déjà en ce sens. »

Celui-ci hocha la tête.

Sakari : « Plus nous serons nombreux à rejoindre cette organisation plus celle-ci sera efficace pour endiguer les crises majeures que risque la région. Si chaque camp sait qu'il risque le coalition contre lui de tous les autres, il se tiendra tranquille, malgré des intérêts antagonistes. Mais cette coalition exige de la coopération et une interdépendance politique. Nous n'avons ni le désir ni la vocation d'être seuls les gendarmes du nord de l'Eurysie. »
La vieille pirate reprit.

Martta : « En effet, j'ai toujours préféré le concert des nations à un bien triste solo, aussi correctement exécuté soit-il. Cela nécessiterait néanmoins quelques compromis, le premier d'entre-eux étant d'être prêt à collaborer avec des puissances aux régimes politiques très éloignés des nôtres. Mais c'est ainsi, si tout le monde s'entendait bien point n’aurait besoin de diplomatie n'est-ce pas ?»
Elle rit.

Martta : « A ce projet ambitieux s'en ajoute un second plus prosaïque : les liens commerciaux qui unissent nos deux nations. En cela j'aimerai vous demander, monsieur Kazanstev, connaissez vous le dossier de Merengrad, en Lutharovie ? Nous aimerions... reproduire ce modèle au Vogimska, avec votre permission. »
Kazantsev efface son sourire, et laisse un long et lourd moment de silence, caractérisé par de violents regards jetés à ses homologues Pharois. Ivanna semble vouloir sortir de la voiture.
Il boit une gorgée d'eau, puis reprend la parole au bout de quelques dizaines de secondes.

Volomyr Kazantsev : Développez, je vous prie.
Martta : « L'idée est simple, elle se base sur le principe de libre-échange. Nous souhaiterions installer dans les pays bordant l'océan du nord divers port-francs, des enclaves dédiées au libre échange et qui serviront de points de relais pour les marchands dans ces régions. Ce statut de Zone Economique Exclusive a l'intérêt de permettre de travailler avec des nations qui a priori ne partagent pas nos idées sur le commerce, notamment communistes, vous l'imaginez bien.

Un réseau de port-francs dynamiserai assurément la région, leur multiplication serait autant d'ouverture de marchés locaux, de porte sur chaque nation et ses besoins. Toutefois, ces statut de cantonnent à une région précise, ce qui assure le contrôle de chaque pays sur sa souveraineté économique, tout en facilitant le voyage des marins qui savent pouvoir compter sur divers lieux où faire halte en toute sécurité.

Merengrad possède ainsi des lois d'exception ce qui a permis à certaines de nos entreprises de s'y installer durablement, dont la riche Merenlävät qui a investi à plusieurs reprises sur place pour financer des usines et des infrastructures industrielles. Assurément, cela dynamiserait la région du Vogimska qui accueillerait cette ZEE. »
Volomyr Kazantsev : Je ne puis accepter. Cependant je propose que des lois et décrets soient passés au Vogimska pour faciliter le libre-échange et la circulation de marchandises pharoises. Je tiens tout de même à vous faire remarquer que le grand banditisme est particulièrement présent au Vogimska, je vais même vous confier qu'il est omniprésent et risque de compromettre le transit de marchandises sur le territoire vogimskan. Je sais ce que vous pensez mais la solution militaire est impossible, nous ne pouvons pas envoyer l'armée contre ces groupes dans la mesure où ils sont l'uns des acteurs les plus importants de l'économie au Vogimska, leurs affaires représentent beaucoup de nos revenus. Ce n'est absolument pas négligeable. Je précise que tout ce que j'ai dit et que je dirais doit rester strictement confidentiel, rien ne doit sortir de cette voiture. Pour en revenir au sujet, je propose comme solution de passer des accords avec les groupes les plus importants du pays afin qu'ils assurent la protection des ports utilisés pour le libre-échange.

Le véhicule diplomatique ralentit jusqu'à s'arrêter devant le restaurant en question, où le chef et plusieurs serveurs attendent leur arrivée, entourés d'une dizaine de gardes armés et de quelques journalistes.

Volomyr Kazantsev : Nous y voilà. Vous me ferez part de votre réponse lors de notre déjeuner si cela ne vous importune pas.

Le portier ouvre la portière du véhicule, Kazantsev force un sourire pour les appareils photo des journalistes.

Volomyr Kazantsev : Je vous en prie, les invités d'abord.

Il descend du véhicule après Martta et Sakari, suivi d'Ivanna qui tente par moments de forcer son sourire, sans succès. Ils marchent ensemble vers le restaurant et sont accueillis par le chef du restaurant, tout souriant.

Serguey Tabakov (le chef) : Bienvenue au Xорошие Bареники. Nous sommes heureux d'offrir à notre dirigeant et à ses homologues pharois le meilleur de la cuisine vogimskane. Tout est prêt, nous espérons que cette expérience vous plaira. Suivez-moi, je vous prie.

Le sourire de Kazantsev devient naturel. Le chef Tabakov amène ses invités d'exception à une table près d'une baie vitrée par laquelle on peut admirer le panorama de la ville de Vogymsk. En effet, le restaurant est placé sur une petite colline qui surplombe la ville, donnant une vue magnifique sur la capitale vogimskane et sa périphérie industrielle. Au milieu de la ville se tient le palais Kazantsev qui semble imposer sa puissance aux immeubles résidentiels de la capitale, mais qui semble tout de même faible face à la fumée des industries au loin. Kazantsev et Ivanna s'assoient en face des représentants pharois.

Volomyr Kazantsev : Jolie vue, n'est-ce-pas ?

Serguey Tabakov : J'ai pris soin de vous choisir la place qui, à mon goût, est la meilleure. Bien, j'espère que vous êtes bien installés. Pour commencer, je vous propose ce vin blanc de 1991 pur produit du terroir vogimskan. Il est produit près de Koperodvinsk, dans le sud-est du pays. Je suis certain que vous l'apprécierez aussi bien que nos clients les plus raffinés.

Il verse le vin dans chacun des verres d'une manière élégante.

Serguey Tabakov : Vous me ferez part de votre opinion au sujet de ce vin. Je pars en cuisine préparer votre plat de résistance. Faites-moi signe si vous avez besoin de quoi que ce soit.

Le chef part en cuisine, laissant ses invités seuls avec deux gardes. Kazantsev boit une gorgée du vin servi par Tabakov.

Volomyr Kazantsev : Quel excellent vin, vous ne trouvez pas ? Bon, revenons-en aux faits. Faites-moi part de votre réponse à propos du sujet de tout à l'heure, s'il vous plaît.
Au parole du chef d'Etat, les deux ministres échangèrent un regard. Une fois de plus, ce fut la vieille Martta qui reprit la parole, l'enveloppant d'un grand sourire.

Martta : « Bien entendu Monsieur Kazantsev, chaque chose en son temps, nous en discuterons après le repas. »
La suite se déroule dans un restaurant dont le nom, heureusement traduit par le hôte, échappe aux deux Pharois. La barrière de l'alphabet brouille assurément ce que la proximité géographique de leurs deux pays a rapproché. Dans l'oreillette des ministres, le traducteur tente de saisir les nuances du discours et de faire saisir la symbolique sémiotique de messages.

Sakari : « C'est magnifique. »
Souffle Sakari.

Le jeune homme semble sincèrement impressionné. A son âge, il n'a pas eut beaucoup d'occasion de voyager encore, embourbé dans des questions politiciennes, c'est avant tout un activiste sur les épaules duquel on a placé une veste de ministre. Il s'adapte, bien que brille encore parfois dans son regard la lueur curieuse des fascinations enfantines.

Martta, elle, fait des compliments de grand-mère au restaurateur, et sirote son vin par petites gorgées, mais finit son verre très rapidement. Pirate, elle avale l'alcool comme du chocolat chaud.

Leur hôte revient aux choses concrètes, le regard de Sakari abandonne la fenêtre et la main de Martta repose le verre vide à présent.

Martta : « Monsieur Kazantsev, puis-je vous parler franchement ? Ce problème de criminalité endémique, le Syndikaali l'a connu et le connait encore. Il y a plusieurs manière de gérer ce genre de perturbations de l'ordre social : on peut évidement le combattre, déchaîner toutes ses forces dans la bataille, au risque de s'épuiser et pour un résultat souvent médiocre... »
Elle sourit, cette petite bonne femme semble avoir une autre idée derrière la tête.

Martta : « Ou bien... on peut en faire une force. Contrairement à ce que vous dirons certains économistes libéraux, le marché noir n'est pas un marché illégitime. Certes les lois n'y ont pas cour, ni code du travail, ne prélèvement d'impôts, mais la valeur marchande est belle est bien là. Il suffit savoir comment la capter. Institutionnalisez le crime et le crime n'existe plus, organisez le blanchiment d'argent et il n'y a plus d'argent sale, prenez le contrôle de la mafia, et la mafia devient votre meilleure alliée.

Le Syndikaali, derrière ses airs bonhommes, est un hub de contrebande, personne ne l'ignore bien qu'il soit assez mal vu de le dire tout haut. Cela ne s'est pas fait en un jour mais si vous le souhaitez, nous pourrions partager nos méthodes avec le Vogimska ? Et balayer d'un souffle cette épine dans notre pied. Il n'y a pas de honte à pactiser avec le crime, nous ne sommes pas moralisateur, une bonne politique est une politique qui marche et préserve les intérêts de chacun. Voilà le prix de la liberté. »

Volomyr Kazantsev : C'est précisément ce qu'il se passe. Ces bandits font du mal aux entrepreneurs et aux gens honnêtes mais sont malgré tout une source de revenus non négligeable. Ils sont respectés et en accord avec mon gouvernement. Je dois dire que je n'ai pas vraiment eu le choix. J'ai l'impression que le crime organisé n'est pas le même au Pharois et au Vogimska. Vous savez, j'ai eu l'occasion d'assister à l'exécution d'un communiste par un groupe mafieux de Markanovo, ils sont sanglants, sans scrupule et n'hésitent pas à pratiquer la torture avant d'exécuter leurs victimes. Ça irait encore si ces méthodes n'étaient pratiquées qu'envers des communistes…

Kazantsev s'arrête de parler. Il saisit son verre et boit une gorgée avant de reposer le verre sur la table.

Volomyr Kazantsev : Cette situation n'est pas possible, mais je suppose que je n'ai de toute façon pas le choix, ils rapportent plus d'argent que les industries.
Aux paroles de Kazantsev, Sakari s'éclaircit la gorge.

Sakari : « Monsieur Kazantsev, peut-être est-il le moment de rappeler que j'appartiens moi même à la faction communiste du Syndikaali. Je sais que votre passif avec les rouges autoritaires est encore vif mais s'il vous plait ne nous mettez pas tous dans le même sac, ce serait insultant. »
Martta : « Allons Sakari, monsieur Kazantsev n'a pas dit cela, vous surréagissez. Néanmoins, sans modérer la dengerosité de vos mafias, personne n'est naturellement fou furieux, je pense. La violence est toujours pondérée à une autre violence : celle de l'Etat, celle de la pauvreté, celle de gangs rivaux, que sais-je ? »
Elle a un petit rire fluet de vieille dame.

Martta : « Ce que je vous propose, monsieur Kazantsev, c'est de nous laisser essayer. Nous avons des gens, au Syndikaali, qui savent gérer ce genre de chose. Nous pas pour éradiquer le crime, cela personne ne le peut, mais pour essayer de le canaliser. De l'orienter dans des directions intéressantes et adaptées à la paix civile.

Je ne promets pas des résultats. Mais je promets au moins que les choses vont changer au Vogimska. Et entre voisins, amis et alliés, il nous faut nous entraider n'est-ce pas ? »
Volomyr Kazantsev : « Croyez-le ou non, ils sont ce qu'il y a de plus impitoyable en Eurysie, mais sans eux le Vogimska s'effondre. Je me demande même si ils ne préparent pas un putsch. Cette situation ne durera pas, le Vogimska doit se lever, mais des solutions doivent d'abord être trouvées. La pauvreté comme vous l'avez souligné est un énorme problème pour le pays, j'irais jusqu'à dire qu'au Vogimska la criminalité est le seul moyen de ne pas tomber dans l'extrême précarité. Je ne demande pas à éradiquer le crime, ce que j'espère secrètement c'est la dissolution des groupes mafieux. »

On peut apercevoir de l'autre côté du restaurant le chef Tabakov sortir de la cuisine accompagné de deux serveuses et deux serveurs. Ils marchent en direction des dirigeants, les quatre serveurs portent chacun avec soin un plateau avec cloche.

Volomyr Kazantsev : « Si je vous en parle aujourd'hui de manière strictement confidentielle, c'est bien parce que je suis conscient que des solutions peuvent m'être proposées de votre part. »

Le chef Tabakov et ses serveurs arrivent à la table. Les plateaux sont posés avec délicatesse face aux dirigeants, et les cloches sont soulevées. Un plat à première vue succulent et très bien présenté se présente face aux invités du chef.

Serguey Tabakov : « Mesdames, messieurs, j'espère que vous avez bien profité de votre apéritif. Voici des vareniki au saumon et au fromage, accompagné de poivrons marinés farcis. Des questions ? »
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