25/02/2015
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[Histoire] Schisme et Eschatologie Stupéfaite

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"Qui vous connaît petite ne vous respecte pas grande."
Proverbe Althalj


1993, Sahra', Ouest Afarée


Le sable est doux, rugueux, impatient, lancinant, frais, calcinant, salvateur, délétère.

Elle passa sa main sur le haut de la dune et laissa le sable filtrer à travers ses doigts, comme celui des sabliers, fin et continu. Il restait ce petit résidu, cette fine pellicule sur ses doigts et au creux de sa main, où certains sillons se dessinaient là où le sable n'avait pas adhéré, lorsque le poing s'était refermé.
Le vent porta une partie du sable plus loin, ce vent chaud et agréable du matin avant que la fournaise ne vienne le remplacer dans ce cycle journalier de la froidure à la brûlure.

Et au loin, des dunes à pertes de vue, peut-être une montagne par là-bas, mais rien n'était sûr, dès lors que l'évaporation floutait déjà l'horizon où des strates de couleurs jouaient avec l'œil ; orange, jaune, blanc, bleu ciel miroitaient sur quelques vagues de sable et s'effaçaient au fur et à mesure que le soleil étirait ses rayons à travers cette contrée décharnée et de cette beauté immaculée.

Quelques mouvements du pied et des vaguelettes repoussèrent doucement quelques grains de sables qui dévalèrent les pentes de la dune, laissant d'étranges veines éphémères dégringoler délicatement et que le vent lissa presque immédiatement pour toujours.

Le regard se porta au loin et les premiers embruns chauds et typiques du Sahra’ chatouillèrent le visage.

En contrebas, étrange que cette mosquée au centre du désert, sur un rocher surplombant les dunes, quelques unes pouvant atteindre plusieurs dizaines de mètres de haut ; cette bâtisse simple affichait des murs burinés par les âges, comme rongés, un visage grêlé par le sable et les alvéoles formées dans la chaux. Elle devait avoir plusieurs siècles, comment avait-elle survécu tant d'années, aussi loin des villages ou hameaux habités...
Avec les premières sensations d'humidité sur le corps, elle sentit que l'heure était venue. Ses vêtement amples, foncés, qui d’ordinaire laissaient quelques traces indigos sur la peau, sans en être importunée et au contraire signe de fierté de ses origines, firent transpirer. Elle laissa son visage marquer, bordant des marques de henné, entourant de beaux yeux dorés, qui ne firent aucun doute quant à ses origines. Elle descendit la dune, en de longs pas glissants et habitués, n’y perdant ses chausses, effleurant le sable ou s’y enfonçant par endroits, avec cette dextérité des peuples de cette partie du continent.

Au pied du monticule de sable, un homme l'attendait, de même que plusieurs femmes habillées à l'identique. L’homme, dont la barbe poivre sel réhaussait la couleur mate de sa peau, longuement exposée au soleil brûlant de ce tropique, était habillé tout de noir et indigo foncé. Il avait dans son regard, le poids des âges, mais aussi une sagesse et une raison qui lui rappela à quel point il avait toujours été là pour elle. Elle tendit son long fusil jezaïl à l'homme qui s'inclina respectueusement. Finement travaillés, à canon long et dont la crosse se portait sous l'épaule, ces fusils avaient apporté de nombreuses victoires par le passé face à l'agression colonialiste et étaient restés le symbole de la combativité de leurs peuples. Chaque foyer, maisonnée, disposait d'un ou plusieurs de ses fusils dont autrefois seules les femmes avaient le droit de porter et d'employer.
La tradition voulait qu’elles portent toujours cette arme traditionnelle et maintes fois améliorées au fil des générations, devenant un modèle unique antique dont l’ergonomie restait identique, bien que le système à percussion eût été remplacé par un système moderne avec la possibilité de charger manuellement trois à quatre munitions.

L'homme héla quelques partis à l'entrée de l'escalier naturel montant vers la bâtisse et tous libérèrent le chemin.
Les femmes qui attendaient étaient toutes vêtues pareillement, de ces amples vêtements foncés du désert. Les yeux dorés pour la plupart, on discernait deux femmes plus jeunes, toutefois tout aussi patientes que leurs ainées et dont les fusils étaient un chef d’œuvre d’une valeur culturelle inestimable. Elles se rapprochèrent et suivirent, résignées.

Elle marcha droite et lentement, suivie de ses paires, qui laissèrent leurs fusils à l'homme qui se courba pour les aligner délicatement sur un tapis coloré, déposé à même le sable, qu’il recouvrit par la suite d’un large tissu tressé pour s’assoir tranquillement à leur côté.
Elles étaient six en tout et montaient les marches lissées par le passage du temps et creusées par endroits où le pied se dirige naturellement. Etonnamment, un chien importuné fuit sans discernement devant la foulée des femmes pour sauter et se nicher dans le creux de la roche, dans un coin encore ombragé. Elle sourit bien qu’elle ne put y voir de signe.

Au niveau de l’entrée de la mosquée, une porte s'ouvrit. La large porte en bois, aux pans extrêmement lourds et pourtant bien secs, grinça et laissa s'échapper un peu d’air frais et parfumé d'encens, ce parfum typique des temps anciens et des traditions. Elle en fut ravie.

Et avec toute logique patriarcale, elles se dirigèrent vers un espace séparé d'un long mur de moucharabié et dont un large voile transparent, obturait la vision de la prière des uns et des unes. Pas d'accompagnateurs, de mahrams, elles n'attendirent pas qu'on leur rappelle les règles de bienséances de la mosquée et firent comme chez elles.
Toujours habillées et couvertes de leur large vêtement, entourant la tête et le visage, ne laissant dépasser que les yeux et parfois le nez, elles s'assirent par terre... face au voile et à leurs interlocuteurs.

La voûte de la mosquée était magnifique, des reliquats de couleurs et de détails bleus s'entremêlaient et laissaient à l'art le soin de rallier les moins vertueux et rappeler que la beauté est aussi divine et que la divine est belleté. La séparation, bien qu'estompée par le voile blanc sur toute la longueur de la mosquée, tel un immense rideau, était faite de bois et dévoilait certains détails impressionnants, rappelant que le désert savait aussi préserver.
Les rayons du soleil s’immisçaient par de petites ouvertures au niveau d’un dôme modeste en taille, entouré de petits autres dômes captant l’air chaud. La lumière éclairait les femmes, tandis que les interlocuteurs restaient dans l’ombre. Elle y vit un signe.

Et ainsi il parla.
L'interlocuteur les remercia tous d’être présents et par l'entremise d'une prière, rappela la place de chacun dans la société et utilisa quelques proverbes anciens bien choisis et finement rapportés à la thématique du jour. La voix de l’homme était légèrement éraillée, l’âge ajoutant sa fourbe intonation. Toutes et tous écoutaient.
La théologie s'immisça presque immédiatement dans ce monologue, les sourates, les ayats et hadiths, les interprétations des choix du prophète et des règles édictées par Dieu, et ce afin de formuler la voie des vertueux et unique de l'Islam. Il n’y avait pas de discussion, il y avait sa parole et certains écoutaient sans réagir tandis que d’autres hochaient et approuvaient.
Les chamboulements sociétaux et la nature de l’Homme, il y avait un fil conducteur et elles le savaient, mais il n’y eut aucune interruption ou irrespect pendant ce monologue qui dura le temps que les rayons de soleil eussent le temps d’éclairer presque entièrement l’espace occupé par les femmes.

Et voilà enfin la conclusion ; vint enfin la place de la Femme, la place qui leur revenait.

Dans cette écoute d'un monologue dont le message salafiste authentique n'avait de place à l'interprétation et à la déviance, les femmes derrière le voile retirèrent le vêtement couvrant la tête et un effroi et silence interloqué prirent place instantanément. Les wahhabites avaient déjà été indulgents, mais telle effronterie…

Elle se leva, entourée des femmes qui l’accompagnaient.
Elle se leva et s'avança la tête nue vers le voile, et elle s'arrêta à un mètre peu ou prou.



Elle n’appartient qu’à Ilâh d’être seule.


Et sur ces mots, toutes sortirent, d’un pas fier et farouche, comme pour marquer le moment, marquer à jamais les esprits, sous les vociférations d’hommes outrés et gesticulant, certains retenus par le geste des plus anciens.
La scène était spectaculaire, car les imams, ayatollahs, mollahs, autres chefs religieux et même un ouléma, étaient rassemblés dans cette mosquée, chiites, sunnites, certaines écoles juridiques principales bien représentées telles les Jafarites ou Malikites, Hannafites, Hanbalistes.

Quant à elle, elle était restée debout face au voile, attendant que ses paires soient sorties, puis elle reprit tandis que certains aïeux demandaient aux plus embrasés de se taire.



Lorsque Ilâh a béni Muhammad des révélations coraniques, la confusion et le doute profane fut effacé par le premier musulman, qui fut La première musulmane à avoir la Foi.
Khadija, Ilâh est puissante, aura été la voix de la sagesse, cette douceur ferme qui rassura et orienta le prophète Muhammad vers Ilâh.

"Un vêtement l’un pour l’autre"

Aujourd'hui, les filles d'Ilâh détermineront leur futur, avec les mêmes leçons et us de la Bien Aimée Khadija, et notre ijtihad nous prodiguera, avec votre concours si vous le souhaitez, le chemin à parcourir.
La création de la nation, sous la grâce d'Ilâh est une aberration que vous refusez, pour que l'Islam reste sous la coupe d'une interprétation ayant sied à des générations masculines. La nation et la religion peuvent vous sembler indissociables, néanmoins la première verra le jour, et la voie d’Ilâh saura ou non occuper les cœurs.
Vous n'en oubliez aucunement que les femmes de l'Islam ont, à travers le Coran et la Sunna, les mêmes droits que les hommes. Les femmes ont les yeux rivés sur la bénédiction d'Ilâh, sur notre peuple et vos craintes subjuguent la sagesse que le Coran et Muhammad nous ont enseignée.

Ilâh est puissante.

Certains hommes avaient presque... approuvé certains dires. On voyait en ces hommes le mutjahid qui dormait et, qui avec toutes leurs connaissances, acquiesçaient un changement. L’Islam n’avait rien de rétrograde et seuls quelques salafistes influents monopolisaient le débat. Mais point de débat prit place en ces lieux, elle décida de suivre ses convictions et quitta la mosquée, laissant derrière elle une assemblée qui, à présent, redévoilait pleinement ses différences internes, ne montrant plus aucune unité derrière l’homme au monologue.

Un homme jura et il y eut un silence honteux de l'autre côté du rideau.

Quant à elle, la porte s’ouvrit dans cette chaleur désertique qui coupe le souffle des non-initiés, cette impression de ne plus pouvoir respirer, alors que l’air s’engouffre dans les poumons et oxygène normalement.

En bas des escaliers, les femmes avaient déjà repris leurs fusils et attendaient en la regardant sortir de la mosquée. Elle s’arrêta en haut des marches et prit le temps de bien peser la situation.

Il y avait du vrai dans cette pensée d’une nation indissociable de la religion, mais Ilâh n’imposait pas et les traditions alliées à la pensée critique seraient mis en première ligne de l’organisation à venir.

Ijja inspira profondément, il y avait beaucoup à faire.



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"L’Adrad fut recouverte de l’Aman, rugueuse et froide,
Et se constitua de cette union, soyeuse et chaude, Il".
Texte antique Beth



De Nazalie ou Epibatie, l’influence Eurysienne se propagea à travers l’Afarée. Cette force militaire, économique et culturelle engendra à travers la Leucytalée d’immenses progrès sociétaux, technologiques et certains iront jusqu’à utiliser le terme réducteur et Eurysien de « civilisationnels ».
Les birèmes et trirèmes Rémiens auront jalonné à travers la mer « centrale », les premiers vrais signes d’un commerce transnational et international aux dimensions titanesques pour l’époque. L’Eurysie aura été suffisamment orgueilleuse pour ne pas avoir à comparer cette ascension civilisationnelle avec celles déjà bien établies au Nazum avec l’Empire Yahudharma ou certaines grandes civilisations du Paltoterra.

Les Rémiens disposaient de siècles d’expansion militaire et une intégration de toutes les facettes de la guerre au sein de la société, allant de l’éducation militariste des jeunes, aux taxes agricoles, passant par une logistique et des infrastructures réfléchies et de bonne qualité, à la valorisation de cercles d’érudits spécialisés dans ce que nous appellerons de nos jours, la recherche. Les avancées technologiques en architecture navale, dans les mathématiques et la construction, de même que l’art (philosophie) permirent à ces vastes légions Rémiennes de jouir de bagages adaptés aux conquêtes lointaines et capricieuses : des soldats disciplinés et formés, l’habitude de toujours négocier et établir des marchés afin de ravitailler efficacement leurs troupes ou comptoirs, un prestige antique bien ancré et craint et enfin des dirigeants et officiers intelligents et expérimentés.

L’Afarée ne fit pas exception et tomba sous le joug successif des vagues Rémiennes, fortement intéressées par les ressources des grands fleuves du Nord Est ou de la Mer des Bohrins et dont les abords regorgeaient de richesses agricoles dont les qualités sont encore vantées de nos jours, mais aussi, intéressées, par le Nord Ouest dont les ressources minières permettaient de payer en or ou en cuivre les dépenses incommensurables d’un Empire au train de vie très élevé.
Le continent disposait néanmoins d’un avantage géographique considérable et malgré des routes commerciales existantes avec l’ensemble de l’Afarée, un mur naturel dissuada à travers toutes générations de Rémiens sa traversée. En effet le Sahra´ coupait déjà le Nord de l’Afarée, bordant la Leucytalée du Sud, allant aujourd’hui, des contrées Althalj jusqu’à l’Astra ou le Sud du Banairah. Les Rémiens eurent ainsi tôt fait de suivre les cótes orientales afin de rejoindre les contrées dorées de l’Assarénie, la Mazandie et les exceptionnelles contrées au Nazum, l’Eucratide et la Sougésie.
A l’Ouest, l’Empire n’a jamais réussi à s’installer de manière durable, que ce soit au niveau de la Leucytalée ou outre-Leucytalée, fortement concurrencée par la grande cité de Novir et les Hellènes.

Il existe toutefois deux exceptions.
Datant de l’ère des Théodosinides, l’Histoire de l’exploration Eurysienne de l’Afarée est ainsi contredite par les deux hameaux de Leptis et de Sericeus Lacrima.
Situé, pour le premier, au sein de la réminiscence d’une colonie de l’ancienne Aricie, Leptis dispose de vestiges d’un marché, d’infrastructures typiquement Rémiens, dont le dallage des routes en croisillon. La pierre utilisée est locale, mais la technique et l’architecture en rond du marché avec d’anciens piliers en arcs romans ne laissent aucun doute quant aux similitudes Eurysiennes. Les outils retrouvés sur un site archéologique sur les abords de la ville actuelle ont été envoyés au sein de la capitale de l’Athalj au Musée de la Femme ; le marbre de Leptis est aujourd'hui épuisé malheureusement.
Les vestiges pour le second sont bien plus nombreux. Un temple, un amphithéâtre, des fortifications et des vestiges de trirèmes et amphores (fonds marins) font partie intégrante de l’ancienne cité de Sericeus Lacrima. Des écrits mentionnent cet hameau/cette ville comme un comptoir lointain dont…



« … les blanches vagues martèlent la roche dans une fureur assourdissante et apaisante.
La mousse blanche qui s’en détache au vent s’agrippe aux pierres dont s’écoulent à flot les larmes soyeuses de l’océan. »
Temple antique de Lacrima di Perla




Vestiges de mosaïques sur le Temple antique de Lacrima di Perla



Les peuples de l’Althalj ne mentionnent pas cette cité toutefois. Il est d’ordinaire que cela soit le cas lors d’un conflit à cette époque, les poèmes ou textes ne faisant aucune mention du Tahbit Taht Alriyh (Alth) ; seulement à partir de l’installation des Fortunéens lors de l’âge des explorations Eurysiennes.


Extrait d’un chapitre de la collaboration Afarénne
« l’Histoire de l’Afarée et de l’Althalj »,
Musée de la Femme, Icemlet
9750
"Altilal Almujamada, qu'ils sont petits."
Autrice Althaljir inconnue


1842, Acilmum


L'embrasement du bois réchauffait le visage. Les flammes dorées et orangées piquetaient doucement le nez et les joues tandis que le froid mordant de ce vent constant venait défaire ce petit répit, ce plaisir ou cette source presque vitale dans cet horizon de malheur.

Au loin, derrière des nuages bas et chargés, des monts et parois enneigées à perte de vue. Ces premiers avançaient si rapidement, qu'il était presque possible de sentir sous ses pieds le sol bouger, comme une sensation que la terre tourbillonne en même temps que le ciel énervé virevolte et rappelle que doucement il a occis.

Les bottes s'enfonçaient dans la couche fraiche et épaisse de neige et après que celle-ci eussent imprégné les vêtements et les plis, l'humidité gagna du terrain et séjourna de manière insidieuse. Les écharpes entouraient ce qui pouvait l'être et par la même occasion, une tête recouverte pour certains, par chance, d'un shako.
Les mains tremblaient, tout comme l'échine. Le froid se délectait d'une transpiration de plusieurs heures et le vent finissait un travail méticuleux. Dans notre malheur, les odeurs corporelles, de l'infection, de nos barbaques purulentes s'échappaient un temps, la douleur de la froidure et de cette sensation que les os se fissurent prenant place.

Là derrière cette combe, les rochers aideraient un temps à récupérer, à l'abris du vent. Il y avait un sapin ou deux dans les environs, chahutés et rigides ; de quoi faire un feu et tenir encore une nuit supplémentaire.






Voilà plusieurs semaines que l'expédition sous la coupe du triumvirat exceptionnel du Général de Brigade Anthelme De Ferret, le Oberstleutnant Berndt von Steuben et le FitzRoy Lord Hugh Hardinge, avait connu son délitement.

Le Général de Brigade disposait d'une flotte bien supérieure à ses confrères d'armes et cette dernière avait été instrumentale à la bonne logistique et l'approvisionnement dans cette partie du continent aujourd'hui célèbre pour ses vents. Ayant pris soin d'éviter les territoires occupés par les Eurysiens du Sud Ouest, la confrontation se ferait sûrement après avoir débarqué l'ensemble des troupes au sein de cette mer plus calme dont la couleur verte et dont la transparence pourrait lui donner un nom.
43,500 soldats sous trois étendards distincts venaient à partager un objectif peu prétentieux d'établir de manière pérenne trois comptoirs dans ce golfe "Ohne Sturm". La carte du continent avait été divisée entre les trois nations impériales dans le but de contrer l'extension à outrance et mondiale d'un monopole de l'Eurysie du Sud Ouest.
Le Général de Brigade De Ferret séjournerait au Nord du golfe, une entrée vers le vaste désert du Sahara. L'Oberstleutnant avait comme mission de sécuriser l'Est, un couloir qui permettait une ascension vers les richesses côtières et minières du centre du continent et le Fitzroy Lord Hugh Hardinge ne se contenterait pas seulement des côtes fertiles et tempérées de l'Ouest, mais aussi pousserait les bordures des frontières dessinées au-delà de la vaste dorsale montagneuse pour englober les prétentions de la compétition.

Le plan était simple... enfin...
La ville des autochtones d'Essaime Lait permettait à la flotte considérable de débarquer les troupes et de se ravitailler, tandis que les navires de guerre reprendraient le large afin de faire jonction avec le gros des forces du Triumvirat au large afin d'empêcher aux navires de ligne de Fortuna et Listonia toute opportunité de saborder les opérations terrestres.
40,000 soldats prendraient la direction de l'Ouest vers la place forte de Lacrima di Perla, une expédition de près de 500 kilomètres à travers un terrain peu connu, mais toutefois pas hors de portée de l'expérience et du prestige de leurs armées. Après les conquêtes de l’Aleucie, les armées avaient eu tout usage de leur capacité à s’adapter et surtout séduire et quérir des guides locaux à force de vins et spiritueux Eurysiens.

Ainsi le Général de Brigade avait la responsabilité Navale et du contingent à Essaime Lait tandis que les Oberstleutnant et Fitzroy Lord seraient à la tête de deux corps d'armée expéditionnaires à travers la montagne en direction de l’Ouest. Les Empires du noyau civilisationnel se devaient de défaire une fois de plus les Empires rivaux.







Le Leutnant hurla l’ordre, la tête haute, le torse bombé, en première ligne. Son large manteau foncé recouvrait un uniforme bleu marine impeccable. Des boutons d’or magnifiques et détaillés fermaient le manteau laissant dépasser un col rouge et doré dévoilant son grade. Nulle écharpe pour cet officier qui était coiffé d’un casque à pointe en cuir bouilli, caractéristique de ces nouveaux uniformes modernes impériaux.
L’ordre suivant et la première ligne mit un genou à terre tandis que les deux lignes visibles baissèrent leurs fusils en joue. La coordination était impressionnante. Quelques fusils aux nouvelles culasses avec un levier latéral avaient été réquisitionnés pour l’expédition et ils seraient mis à bonne contribution en ce jour. Tandis que l’ensemble des autres fusils du Triumvirat se rechargeaient encore par la bouche, ces nouveaux équipements devaient augmenter la cadence de tir de manière significative et ainsi révolutionner la guerre telle que les grandes armées la connaissait en ce siècle.

Et l’ordre de tir précéda un court instant une immense déflagration, propulsant en avant un brouillard de guerre fameux et illuminé par la suite des tirs des soldats qui n’attendaient plus les ordres pour coordonner.
Le déluge de tirs continua encore plusieurs longues secondes avant que l’officier n’allonge son bras dans les airs afin de se faire voir et entendre afin que tous cessent de tirer.

Au loin, un muret de pierres, pas plus haut que quelques dizaines de centimètres, avait littéralement blanchi sous l’averse de plomb, disséminant moultes shrapnels de pierre alentours. La pente douce jusqu’à ce mur empêchait de voir les dégâts sur l’ennemi.
L’officier attendit que le vent emporte les quelques fumées restantes et tourna doucement la tête vers ses hommes pour donner l’ordre d’avancer d’un bras tendu, armé d’un pistolet.
La bouche ouverte, aucun son n’en sortit néanmoins alors que du sang s’y immisçait et coulait abondamment sur son menton.
Le cauchemar prit une nouvelle propension dés lors que la ligne vit quelques soldats s’écrouler et hurler de douleur. Les tirs reprirent vers le muret qui semblait bien fixe et paisible. Les regards se tournèrent alors vers les flancs et les rochers environnants. Dans la nouvelle fumée enveloppant la ligne se diluant à mesure que certains reculaient ou se collaient en paquets, des trébuchements et des vociférations suivirent.

Le paysage était celui d’un début de montagne, enchevêtrements de murets de pâturages, délimitations de fortune de propriétés terriennes, de cette herbe rase qui jalonne les côtes marines, de ces quelques amoncellements rocheux ici et là, formant par endroits d’impressionnantes façades où les oiseaux se nichaient ou les moutons s’abritaient du vent. Au loin, des collines éparses, mais surtout une montée vertigineuse vers de hauts reliefs ponctués de neiges et bosquets accrochés aux corniches naturelles. Là-bas, derrière les arbres, un petit éclair lumineux discret attira l’attention d’un soldat ajustant son casque, l’autre main tenant son fusil presque par la bouche en courant se mettre à l’abris.

Le son du tir était faible et sûrement perdu au sein de la cohue.

L’ennemie ne faisait pas la guerre sur le champ de bataille à l’Eurysienne.







We are soldiers of our King! Stand up and hold the line!


Tenir la ligne ? Mais quelle ligne ?
Rechargeant les fusils à la dernière minute afin d’éviter que la bourre trempée ne gèle, les baguettes s’affairaient de haut en bas de manière désordonnée.
Après avoir incendié les maisons des bergers, ils avaient pris refuge dans cet espace à l’abris du vent. Dans ces maisons, les hommes et enfants au regard étonné et outragé avaient été exécutés sans semonce ; nulle trace des femmes, comme à l’accoutumé. Celles-ci les traquaient déjà, ils en étaient sûrs. Les soldats avaient alors maudit le Fitzroy d’avoir attiré l’attention avec un tel incendie. Autant allumer un phare au milieu d’une nuit sombre, à moins que Lord Hardinge ne l’eût fait exprès afin de provoquer le combat… C’était gagné.

Sans voir l’ennemie, ils avaient perdu encore une douzaine de soldats. Deux d’entre eux, visages dans la neige, s’étaient écroulés sur leur cornemuse dans un bruit affreux, un son de désolation et de défaite pour ces soldats emprunts de traditions.
Impossible de les prendre avec le restant grimpant vers un col afin de fuir cette vallée maudite. Ils tiraient dans la direction opposée et reprenaient leur course effrénée vers le col, s’arrêtant quand épuisé pour recharger et tirer une fois de plus. Le roulement était effectué dans cette retraite très compliquée avec peu de visibilité. Le Fitzroy, quant à lui, avait le visage violacé de colère et levait un sabre en claudiquant dans la neige. Ses grands pas gauches rappelaient qu’il n’avait pas marché comme ses troupes depuis des semaines, et que la mort de son cheval, bien que fortuite afin de donner quelque viande aux troupes affamées, avait été le plus tragique des évènements pour ce noble ayant confondu la guerre avec les récits monumentaux et épiques de la littérature Eurysienne.
Voilà plusieurs heures qu’ils montaient et épuisaient leurs munitions, espérant ainsi empêcher l’ennemie de les rattraper.

Non loin du col, le pied s’enfonçait jusqu’à la cheville seulement, le vent empêchant la neige de s’y installer trop longtemps. Malmenés par le froid, le blizzard empêchait de voir correctement à présent et pourtant derrière le col, ce petit dôme, d’une centaine de mètres de largeur, encastré entre deux parois rocheuses gigantesques, les sommets perdus dans les nuages, il y avait comme un ciel un peu moins sombre et chargé, un possible éclairci dans ce déchainement des éléments.
Manteaux gris et rouges, shakos sans plumes ou couvre-chef de fortune, ils devaient être encore presque 300 soldats à tenter le passage du col, le souffle court, les jambes ankylosées par un effort continu et des jours de froid et de malnutrition.

Et au sommet du col, la plus étrange des créatures les regarda, les attendait.
Et au fur et à mesure que la retraite approchait du col, les soldats s’arrêtèrent, surpris et fascinés, exténués.

Presque sans prêter garde, le blizzard s’arrêta et le vent s’estompa, laissant toute chose se murer dans un silence de plomb où seuls les souffles haletants perçèrent.

Quelle étrange rencontre…




Le Fitzroy hors de lui, maudissant l’univers et cette contrée de malheurs, sortit un pistolet de sa ceinture et visa la créature.
Alors que le pistolet explosait et que la balle s’échappait et tuait, un hurlement aigu résonna et se répercuta entre les parois rocheuses entourant le col. L’hurlement prit de l’ampleur et le blizzard reprit de plus bel.

A travers la neige et la glace, par le col, devant eux, des centaines de femmes hurlaient.
Leur course vers ce qu’il restait de l’armée du Triumvirat semblait inarrêtable.

Fourrures et sabres courbés, le Triumvirat n’atteignit jamais Lacrima di Perla… ni Acilmum.

2164
Novembre 2010, Asefsaf

Le pèlerinage au Rocher d'Ilah est sûrement le plus grand évènement annuel des Tamurt n Althalj.

Elles sont des centaines de milliers à se déplacer en ce mois de Novembre 2010 aux gares routières ou ferroviaires d'Asefsaf.
La ville est connue pour ses Sufayrs, mais aussi pour le célèbre et hiératique Rocher d'Ilah.

Lorsque Ilah apparut aux Femmes, Āmina bint Wahb, mère de Mohammed et Oumm Ayman (nom d'origine Barakah bint Tha'laba) nourrice de Mohammed, plus tard le prophète de l'Islam, portèrent leur regard empli d'amour et de sagesse sur cet enfant touché par la grâce afin de le préparer à un destin majestueux.
C'est avec amour, sagesse et une emprunte céleste qu'Āmina bint Wahb et Oumm Ayman élevèrent Jamilah, soeur jumelle de Mohammed.

Lors de la révélation à la Grotte de Hira, les jumeaux se firent une promesse qu'ils ne dévoilèrent jamais au monde. (sauf peut être à Oumm Ayman)

Toutefois en Novembre 611 du calendrier Julien (Rémien), la prophète Jamilah, accompagnée de ses compagnes ou sahbiyyahs (Alth : صَحَابِيَّةٌ), dans le sens compagne de destinée, foule du pied le Rocher d'Ilah et y séjournera pendant 10 longues années.
Les premiers curieux s'arrêtèrent pour aider cette communauté discrète et petit à petit écoutent les paroles de Jamilah et par son entremise d'Ilah.
Les hadiths de Jamilah sont une base dévote de l'Ilahmisme.


Le Rocher d'Ilah



A ce jour, la conversion de l'Afarée de l'Ouest, et notamment les regions de l'Althalj, a été effectuée autour du Rocher d'Ilah, qui fut le lieu d'écoute et d'échange avec Jamilah et ses sahbiyyah.

Chaque année, afin de rappeler les premières révélations de la Grotte de Hira et de l'arrivée au Rocher d'Ilah, les pélérines se rassemblent auprès du rocher tandis que les prières sont effectuées et les hadiths sont partagés à toutes et à tous.
Seules une poignée d'éminences religieuses peuvent monter le Rocher et s'adresser au monde.
La tradition qarienne découle largement des privilèges et de la reconnaissance des Tamurt n Althalj envers les sahbiyyahs, qui accompagnèrent la traversée du Sahra' jusqu'à Asefsaf.
Les moeurs et le matriarcat Ilahmique portent une importance considérable à ces évènements fondateurs presque en parallèle de ceux de l'Islam découlant du prophète Mohammed.



Jamilah au Rocher d'Ilah s'adresse à la foule



Oumm Ayman, sahbiyyah de Mohammed, laissa échapper en partie le secret des jumeaux. Sur son lit de mort, la compagnon glissa à Mohammed.


"Tu Lui as promis le monde au Couchant."
4207
1839, Sahra



Les chevaux avaient soifs.

Le vent effroyablement chaud séchait et humidifiait dans un cycle infernal. Les vêtements amples essayaient de couvrir tant bien que mal les armures qui avaient été en partie enlevées et attachées au paquetage ou aux chevaux portant, tel des dromadaires, le gros des vivres et du matériel.
Dans un tintamarre caractéristique du métal qui s'entrechoque, la cuisine martelait les targes et autres ustensiles en métal.
Marchant lentement dans cette vaste étendue où seuls les roches et cailloux de la taille d'un poing jalonnaient une terre ferme et poussiéreuse, le sol était foulé et tremblait.
Le dos légèrement courbé pour certains, les plus expérimentés faisaient bonne figure autour de la masse de fantassins marchant, une lance surmontée d'un ruban virevoltant au vent, ou portant un fusil sur l'épaule sans formalisme à l'Eurysienne. Il était question d'optimiser son énergie sous le soleil brûlant de ces terres désolées du Sahra avec la prétention de pouvoir sortir de la torpeur de la fatigue si d'ordinaire la situation le nécessitait.

Un cavalier enveloppé de noir arrivait au trot, sur une magnifique monture, sûrement d'origine Banairaise, svelte, musclée et rapide.
Le cimeterre et le pistolet aux dorures finement travaillées à sa ceinture ne laissaient aucun doute quant à son statut social et au sein de l'armée.

Allant en contre sens de la marche, il ne s'arrêta pas et continua le trot, buste droit, tête tournée vers les troupes haletantes sous le poids de la fournaise, soulevant son bassin avec expertise afin de préserver l'énergie de sa monture et l'intégrité de sa colonne vertébrale.

Au sein de ce cortège massif, les troupes portaient des casques argentés, cervelières typiques, dans le sommet était orné soit par un pique, soit par une lune. Bordés d'un shesh et enveloppant la tête et le métal autant que possible, certains l'avaient troqués pour le tissu simple et le portaient sur leur paquetage ou sur des chevaux presque entièrement recouverts de ces protections presque comme une décoration écaillée au dessus de nombreuses gourdes en peau de chèvre.

D'immenses étendards verts, jaunes et rouges aussi, permettaient de donner une mesure de la force du vent qui par bourrasque aveuglait temporairement les soldats.
Dépassant le cortège de front, les troupes semblèrent plus ordonnées avec des rangs et une uniformisation de l'armement. La prépondérance de fantassins munis de piques et de fusils était indéniable, dont les armures de cuir bouilli recouvraient une grande partie de leur vêtements amples. Flanqués par une cavalerie aux airs farouches et impressionnants. Ces derniers portaient un vert foncé, avec pour seul métal des brassières en bronze finement ciselées.

Il y avait tant de poussière soulevée par la marche cadencée de ces fantassins au son d'un tambour et des prières murmurées que l'horizon était presque entièrement obstrué.



- Allah ibarek lak, qu'as tu vu ?

Le cavalier noir avait rejoint le Rayiys qui chevauchait auprès de sa garde personnelle et aligna la vitesse de son cheval à celui du chef. Portant un casque ancien et doré avec une protection nasale élégante, le Rayiys portait des vêtements travaillés et le démarquant clairement de la masse par leurs richesses. Les pistolets longs jumeaux à sa ceinture étaient sûrement les plus chers au monde de par le travail d'orfèvre et l'ivoire immaculé de la crosse.

- Rayiys, nous devrons traverser un passage entre les reliefs rocheux. C'est sûrement un piège, toutefois je ne vois pas de passage alternatif, sans nous rajouter encore plusieurs jours de marche supplémentaire.

- Allah est avec nous et nous guidera dans notre choix. Et pour les puits ?

Le shesh abaissé sur son visage, par politesse, ne masqua donc aucunement la grimace du cavalier. Il avait été les yeux de l'armée depuis des années et jamais les armées puissantes de l'Afarée Islamique n'avaient poussé aussi loin à travers le désert.

- Rayiys, les puits désignés par les nomades ne seront pas suffisants pour étancher la soif de l'armée.

En écoutant les paroles de son pisteur le plus expérimenté, l'homme se gratta la barbe brune, traitée au henné pendant des décennies.
Il se tourna sur sa selle pour regarder les troupes en marche, mettant de côté son sabre à la poignée sertie de diamants.
Les visages tirés et les lèvres sèches et éclatées par le soleil étaient simples à lire. Les cavaliers ne faisaient pas pâle figure, toutefois les chevaux n'avaient pas mangé à leur faim depuis un temps.

Le Sahra était immense et quant à lui insatiable.


- Merci, je m'occupe de prévenir Bachir et ses adorateurs d'Ali.
Quant à toi, je veux que tu confirmes le nombre de ces catins. Je ne veux pas de surprise. Nous savons, toi comme moi, que derrière les reliefs rocheux, coulent deux rivières vers la mer d'Emeraude.


Le cavalier repartit cette fois au galop vers l'avant garde tandis que le Rayiys regardait passer son armée puissante et fatiguée.
1645
Traduction par Doress Aït Jamilah d'écrits secrets de la bibliothèque de la Sororité datant du VIIe siècle.



"Lorsque le coeur se serre et que la gorge se noue face à la beauté, la mélancolie, la tristesse et la joie, l'émotion est honnête.

Dans cette voie de l'honnêteté, nous nous dirigeons par delà le sable vers les montagnes et ses vents frais après un voyage long et harassant.

Le sentier d'Ilah m'apparaît clairement malgré les méchefs. Je ressens encore Sa présence et revis l'évènement."



"A travers nous toutes, nous essaimons un socle sain et bienveillant.

Nous sommes chez nous, où les voix sont chantantes et les sourires viennent simplement."



"Ilah, je Te remercie.
Puisse Ilah protéger et apaiser mon frère au Levant.
Puisse Ilah pérenniser notre joie et celle de nos consoeurs."



"J'entends la fin de cette vie.
Elle murmure avec douceur le matin.

Les enfants ne l'entendent pas encore.
Les femmes souhaitent l'ignorer.
Les aïeules écoutent ses conseils avisés.

La vie a été trop courte pour de nombreuses familles."



"Voilà plusieurs années que je ne discerne plus nettement les visages ou les formes.
La lumière éclaire mes paupières ou mes yeux et je sens la chaleur du soleil sur ma peau.

Toutefois, par moment je vois apparaître très clairement ma famille, mon conjoint alors qu'il n'est plus de cette vie depuis plusieurs décennies.
Ces personnes vaquent à des activités sur le fond trouble qui est mon quotidien à travers mes yeux trop vieux et cela me remplit de joie.

Et enfin Les murmures se sont transformés en souvenirs de discussions passées et de mémoires enfouies.

Je suis bénie par Ilah, ma vie se termine sans maux."


"Aujourd'hui, je n'écris plus pour notre grande soeur, ayant dédié ma vie à apposer ses mots, ses pensées sur les parchemins d'Ilah.
Je la pleure, je te pleure Jamilah, mon amie."



Jamilah et son amie
Enluminure au sein du livre renfermant les parchemins d'Ilah
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