21/02/2015
18:03:36
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[RP] Elämän Lähde / Munamiq Alhayaa

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02/05/2006, Océan du Nord


“L'argent fait un chemin dans la mer."
Proverbe de l'Althalj



La nuit tombée, la fraicheur de la saison permettait enfin aux couches de vêtements d’être moins nombreuses. Il y avait cette lueur au loin, d’une nuit qui n’en est plus une, cette transition d’un hiver long et noir perpétuel, à un été lumineux de jour comme de nuit. Dépareillé, à la mode Pharoise (est-ce bien une mode ou une culture, là se jouait quelques nuances de l’éphémère et de la norme), la femme au visage impassible longea une plage, ou plutôt un amoncellement de coquilles d’huitres ouvertes, vides. Cette “plage” longeait les eaux sombres venant lécher doucettement en vaguelettes paisibles cette petite anse qui se terminait au loin par un amas de bâtiments industriels divers sur pilotis et des rochers, rattachés aux habituelles pontons ou quais de type Pharois, adaptés à toutes sortes de navires ou embarcations.

Cette capacite Pharoise à vivre sur la mer, attachés à un rocher ou à une faible masse de terre au milieu de l’océan, n’était plus à prouver. Certains y voyaient un peuple apte à survivre aux challenges de la nature, ses changements et les difficultés qu’elle imposait, d’autres une invasion de l’espace naturel, une impression de chaos de développement général sauvage dont certains squelettes industriels polluaient la faune et flore. Et ce serait se méprendre que de considérer qu’à travers la liberté inconditionnelle Pharoise, le chaos régnait. Il y avait un ordre des choses, un respect de la nature et de l’Homme. L’Océan prodiguait, les Pharois acceptaient. Cette symbiose créait ces ilots sociaux et économiques afin de subvenir aux défis posés par la rudesse de cette vie dans ce Nord Est de l’Eurysie.

Un accès à la mer représentait un lien fort avec la société loin du continent, mais aussi avec la nature et il était par ailleurs indubitable que les Pharois étaient les meilleurs marins de ce siècle.




La femme, dont le manteau ressemblait à un patchwork de tissus rapiécés stylisé, capuche recouvrant la tête, remonta un petit escalier, de ce bois humide qui accepte volontiers quelques végétations glissantes et marcha sur une passerelle longeant un immense entrepôt recouvert de planches et suivi d’une conserverie ancienne d’où fumait une cheminée ancienne au panache sombre, les fondations de la bâtisse reposant sur un immense rocher ; proéminence bienvenue dans ce réseau de pilotis.

Une lampe de mouillage en laiton se balançait de gauche à droite, au grès du vent et tandis que les briques de la conserverie suintaient un amalgame d’eau et d’algues, il était possible d’apprécier la grandeur de cette fabrique. A vrai dire, la conserverie était immense et centrale à l’ensemble de l’organisation alentour. Quais ou pontons vers des entrepôts, dirigés vers la conserverie, quelques rails et treuils à l’arrêt entre les uns et l’autre, et de la conserverie sortaient d’innombrables grues et containers de diverses tailles sur des quais massifs bâtis en dur. Une flottille de bateaux de pêche en tout genre mouillaient non loin et donnaient à la scène nocturne une apparence d’un ancien film en noir et blanc du siècle dernier.
Comme si un nuage s’était abattu sur cette anse, le brouillard étouffait l’espace, qui d’ordinaire humidifie les lèvres et le visage, et accentue les odeurs lancinantes de poisson et de vase omniprésentes.

Les halos des lampes marines figeaient un peu plus l’atmosphère malgré leurs mouvements. La femme vérifia son téléphone mobile à clapet et le ferma d’une seule main pour le fourrer dans une poche recousue d’un sac en toile. Elle se dirigea vers de larges pans coulissants industriels fermés d’où certains rails s’engouffraient et ouvrit la petite porte sur le côté.



Un homme en ciré de pêcheur s’avança, large, et impressionnant par sa taille, et lui parla de sa voix grave. Rapidement elle donna son laisser passer et enleva sa capuche dévoilant un masque en latex noir brillant renforcé par des anneaux métalliques argentés et des lanières de cuir remontant du menton aux oreilles pour former un semblant d’oreilles de diablotin. Elle donna son manteau et sac à l’homme et alors apparut son ensemble accordé avec le masque, en latex dont de multiples coutures en fil, large et blanc, donnaient l’impression d’un rafistolage de membres humains, un Frankenstein dont les courbes sexy et suggestives étaient rehaussées d’un harnais métallique et de lanières en cuir, similaires au masque. Elle changea ses chaussures pour des talons.

La femme s’avança dans la pénombre de la conserverie, vers l’odeur de poissons frais et moins frais. De chaque côté des baies de déchargements avec de multiples treuils prêts à transporter des cargaisons entièrement de poissons vers de lointaines machines à l’arrêt. Un tapis large partait sur la droite, comme pour y vider le poisson et remontait vers un tapis cranté, telle un circuit de manège vers diverses mécaniques et étapes de transformation. Sur le sol, des grilles filtraient presque partout vers un système d’évacuation et la femme fit attention à ne pas coincer un talon dans une ouverture ou rainure malencontreuse.

La conserverie semblait avoir été inutilisée depuis un moment et pourtant c’était comme si elle pouvait se remettre en marche à tout instant. Le Pharois savait prendre soin des belles choses. Un autre homme en ciré de pêcheur lui fit un signe au fond de cette salle et il lui ouvrit une porte dérobée, quelconque.


La froidure tout comme le volume sonore aurait pu déconcerter, mais ce n’était pas sa première fois, toutefois son poil se hérissa sous ce latex fin et moulant.

De la pénombre, elle passa dans une ambiance d’halogènes bleutés. D’immenses et magnifiques thons jaunes s’alignaient, pendus à des crochets sur un plafond haut de plusieurs mètres. Les poissons étaient givrés, tout comme les murs de l’espace. Elle s’avança esquivant les premiers couples et individus dansant entre les thons figés. Tous habillés de manière similaire à la sienne, latex, cuir, masque en bois ou fer, accessoires divers comme une chaine à la main, des plumes ou un martinet, toutes et tous dansaient au même rythme à son niveau ou sur des passerelles grillagées un peu plus loin.

Elle bifurqua sur la gauche dans une autre salle a l’ambiance infrarouge, telles ces lumières pour développer d’anciennes photos argentiques. Ici des calmars géants pendaient, à moitié éventrés, certains s’adonnant à quelques libertés charnelles contre le mur ou dansant la tête renversée en arrière, épuisés ou en transe.

Connaissant son chemin, elle sortit par l’équivalent d’une porte de bateau ancienne, arrondie avec un hublot et la ferma derrière elle. Ici le son était très fort. Un DJ levait les bras sur un espace réservé au centre de l’immense entrepôt, la passerelle surplombant l’espace, retenue par de lourdes chaines, tel un bateau amarré. La foule était dense et il était presque difficile de discerner les individus, étant tous habillés de noir et très proches les uns des autres. Un trombinoscope rompait la pénombre par moment, figeant la foule dans des positions de danse enivrée par une musique Pharoise percutante. Sur les murs de l’entrepôt de gigantesques banderoles et drapeaux noirs, aux motifs blancs, rappelaient les mythes et légendes Pharois.


Non loin, des fauteuils suspendus dans le vide, à plusieurs mètres de hauteur, au-dessus d’une ouverture donnant en contrebas sur l’océan venant s’écraser par vagues sur des rochers soutenant la structure. Les fauteuils tenaient par de longues lanières en cuir et des anneaux entrelacés et permettaient à quelques personnes de s’isoler et discuter en privé. Il devait y avoir presque trois cents personnes dans cette salle.
La femme se faufila dans la foule, les corps se frottant les uns aux autres, le latex glissant ou s’agrippant. Une femme dont le masque en fer souriait de manière étrange lui fit un signe qu’elle reconnut et alors toutes deux se suivirent vers les fauteuils suspendus.
Un homme habillé en ciré de pêcheur, sans manches cette fois-ci, prit une longue perche et attrapa la lanière en cuir d’un fauteuil bien choisi et libre et invita la femme à s’y installer, qui enleva ses talons et les laissa sur le rebord. Une fois bien confortable, l’homme aux muscles saillants, laissa doucement le fauteuil suspendu reprendre sa position naturelle, au-dessus du vide donnant sur de lourdes vagues percutant la roche, en face d’un autre fauteuil, lui, occupé.

En face de la femme, l’homme, habillé en cuir rouge, était le seul à disposer d’un habit de couleur dans l’ensemble de la conserverie. Son masque représentait celui d’un poulpe en furie, le kraken assurément. Sa posture décontractée ne changea pas d’un poil de l’accoutumé et il joua de ses doigts créant une vague de son auriculaire à son index avec dextérité et enjoint son invitée d’un mouvement de la main à parler.

Ces fauteuils étaient une merveille, un cocon antibruit pour l’extérieur et qui disposait d’un amplificateur de son a l’intérieur. Alors que la musique hurlait dans toute la salle, ils pouvaient se parler sans problème et sans avoir à forcer la voix. Les Pharois disposaient de technologies et design très ingénus.

A travers le masque de latex et cuir de diablotin, les yeux dorés de la femme ne mentaient pas.



47 containers, 470 tonnes.
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« L’eau chaude n’est pas moins traitre que l’eau froide. »
- Proverbe Pharois


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Dans l’immensité océane des micro-puissances sans marine militaire, la piraterie prospère comme de la mauvaise herbe. Pour peu qu’on s’y intéresse un peu, on en trouve partout : pas un dock sans ses petits trafics, par une cale sans ses double-fonds, ainsi avait survécu le commerce international alors que d’un même élan les pays du monde entier s’étaient refermés comme des huitres en abandonnant les mers aux commerçants sans légalités.

Du pôle Nord au pôle Sud, d’un continent à l’autre, chaque jour et chaque nuit des hommes et des femmes s’adonnaient à ces activités viciées qu’étaient le marchandage et les échanges. De mémoire d’anthropologue, on n’avait pas déterminé de lois plus anciennes et plus fondamentales que celle-ci : le business animait l’humanité d’un feu impossible à éteindre. Censurez-le, encadrez-le, il prolifère sous d’autres formes, plus sourdes et plus étranges car depuis l’aube des temps on n’avait pas inventé de forces plus émancipatrices que la division du travail et son corollaire immédiat : le commerce.

Dans cette machine infernale, l’Althalj est un petit rouage qui a toute son importance. Sans lui, tout s’arrête… jusqu’à ce qu’un autre prenne sa place. Pour l’heure, toute la place est prise, coincée et bien intégrée dans une petite niche très controversée du commerce des opiacés.


Sous des latitudes plus clémentes que leur Pharois natal, une poignée de marin contemplent le ciel sur le pont d’un navire amarré. Ici la nuit est dégagée, d’un noir d’encre de nouvelle lune qui laisse le beau rôle aux étoiles. La chaleur bourdonne de moustiques et d’insectes inconnus qui tournent comme des rapaces autour des morceaux de peaux dénudées. L’Althalj a le goût de l’exotisme, des songes et des richesses de l’Afarée. Une promesse.

« Au bout du monde, vous serez riches. »

Il n’en faut pas forcément beaucoup plus à un marin pour mettre les voiles. Cette fois néanmoins, l’expédition s’est assortie d’un contrat.

« 470 tonnes. »

Bien trop pour ce que peut accueillir le petit navire pirate du Syndikaali. C’est une coque de noix plus adaptée à la mobilité et la vitesse qu’au transport de gros. Cela tombe bien, c’est exactement sa mission.

Sur le pont arrière, deux jeunes gens observent le ciel.

- « Et ça bin, c’est la constellation de l’anguille, parce qu’à côté y a la constellation d’la grotte marine qui… »

- « Mec s’tu veux m’enfiler tu l’dis de suite, j’ai pas b’soin d’tes métaphores salaces pour piger l’message. »

Il n’en auront pas le temps. Quelque part en dessous d’eux, le réveil du capitaine vient de sonner. C’est un brin de femme athlétique et très petite, de loin on dirait une poupée. C’est le contraire d’une poupée, c’est une bête fauve. Il existe toute sorte de pirates pharois et les mercenaires sont les pires : la mer est un monde vaste et cruel, ils vont où le vent les portes et font ce que l’argent leur commande et au milieu des vagues personnes ne se plaint jamais de leurs exactions.

C’est l’heure. Comme des centaines d’autres avant eux, ils vont partir de l’Althalj pour retourner en Eurysie. Certains rentreront au Syndikaali, mais la plupart s’éparpilleront en chemin comme des mouches qui s’étaient agglutinées sur une carcasse, transportant avec eux l’infection des marchés noirs. Cannabis.

La capitaine Meri – c’est son nom – réveille ses mécanos, et tapent à toutes les portes qu’elle croise en gueulant de se sortir les doigts du cul. Elle n’est pas vulgaire en société mais jouer les bonhommes est souvent un bon moyen de s’imposer dans ce monde rustre. Elle a également dû casser quelques doigts, au début.
Sur son passage, des têtes bouffies de sommeil émergent par l’entrebâillement des portes des cabines. Torses nus, cheveux écrasés, regard hagard, la manœuvre est bien connue, en quelques instants ceux qui dormaient sont déjà sur pied, une éclaboussure d’eau froide sur le visage et un flingue à la ceinture.

La piraterie n’est pas un dîner de galas. Ces gens là ont peut-être pour certains le romantisme chevillé au corps mais une fois sur le terrain, au creux de la vague, les idées sont emportées par le vent. Il ne reste que les corps qui se heurtent dans les couloirs trop petits, odeurs de sommeil et de viande, les muscles tirés violemment de leur engourdissement alors qu’il faut ajuster le cordage et relancer les machines. Le navire vrombit silencieusement, comme un chat, ceux qui vivent dessus le sente vibrer sous leurs pieds. A quelques dizaines de mètres de là, sur la côte, c’est le silence de la crique.

Les pirates sont là depuis quelques jours. Quelques jours passés à faire du repérage, à observer les allées et venues des navires de commerce innocents. Certains sont descendus à terre, discuter avec des « amis » et parfois glisser quelques billets aux bonnes personnes. Si l’on met de côté tous les aspects esthétiques, l’Althalj n’est pas si différent du Pharois, au fond. On y trouve là-bas comme ici des petits bars sur les docks, des entrepôts qui font bonne figure et des magnats de la drogue vautrés dans leurs goûts de nouveaux riches. Terreau fertile pour le commerce, s’il en est.

Sur le navire, désormais, chacun est à son poste. L’absence de vent empêche de déplier les voiles, il faudra donc allumer le moteur et briser le silence relatif de la côte. Sur terre, des animaux inconnus poussent des cris étranges. Il y a toujours cette fébrilité des « avants ». Avant que tout ne se lance et qu’on ne puisse plus rien arrêter, comme un acteur avant d’entrer en scène, le trac.

Dans le pont arrière, derrière la vitre qui lui ouvre la vue sur la mer, Meri scrute les radars, vierges de toute présence. Il n’est pas encore l’heure. Si les Pharois sont parfois des gens désordonnés, ils ont également l’habitude des opérations complexes et connaissent l’importance d’un timing millimétré.

Au niveau de la proue, le jeune homme à la drague maladroite a les mains qui tremblent. La chaleur est étouffante, surtout pour quelqu’un qui a passé son enfance à Helmi, si loin au Nord. Les claques qu’il se colle pour tenter d’écraser les moustiques sont le seul bruit venant troubler de silence. Accroupi près d’une écoutille, prêt à actionner la poulie qui libèrera les bouts du bastingage, un homme lui souffle de la fermer. L’autre répond qu’il ne parle pas. « La ferme vous deux ! ». Cette fois tout le monde se tait.

Sur le pont, la capitaine Meri alterne entre les voyants du tableau de bord, la mer, les radars, la mer, les voyants, les radars, la mer, il y a quelque chose sur les radars. D’un geste elle en informe son opérateur, celui-ci hoche la tête, entre une série de chiffre, décroche un combinet.

- « Dyhia c’est toi ma grande ? »

Il a parlé en Ath, mais son accent ne tromperait pas une chèvre. De l’autre côté du fil, une voix féminine grésille, ne laissant aucun doute sur ses origines althaljirs.

- « Tout est bon de notre côté. »

- « Ok on arrive ! »

Et tout commence. Le moteur se met à gronder, désormais la discrétion n’a plus de sens, sur le pont résonnent des éclats de voix, Meri gueule à tout le monde de se bouger. Les gens s’agitent, il n’a fallu qu’une poignée de seconde pour que le navire qui se laissait jusque là balloter par les flots d’une mer calme s’élance désormais en traçant de longs sillons blancs dans l’océan. Aucune lumière cependant, trop visibles de loin, Meri a été claire : « Le premier qui a l’idée débile de s’allumer une clope je le fous par-dessus bord. » Message reçu.

Il faut moins de cinq minutes de trajet pour qu’apparaisse à l’horizon la silhouette noire d’un porte-conteneur althaljir. Plus pratique dans ces eaux, il fera la première moitié du voyage. Au large des îles fortunéennes toutefois, son contenu sera déplacé dans divers cargos plus petits et éparpillé aux quatre vents de l’Eurysie méridionale. A bâbord, des éclats d’écume blanche trahissent la présence d’un second navire pharois. Jamais moins de deux, l’homme au masque de Kraken ne veut prendre aucun risque, il a construit une bonne part de sa fortune sur ce trafic et sait à quel point certains mafieux de pacotille lorgnent sur ses bénéfices. Meri est là pour ça. Dans les cales de sa vedette s’entassent les munitions pour mitrailleuses. Sauf à se fritter avec un navire de combat, le transport est bien protégé, ceux qui chercheraient à l’intercepter risqueraient une sacrée surprise.

Pour le moment toutefois, il n’y a pas trop de risques. Le terrain est repéré, les bonnes personnes ont été corrompues et l’Althalj touche indirectement une part significative des recettes pour cautionner largement ce petit trafic. La vedette se déporte près du porte-conteneur, Meri abandonne les commandes un instant pour sortir du pont.

- « Salut Dyhia ! »

Là-haut, une autre femme lui rend son salut. Si proche des machines, le bruit est assourdissant et mieux vaut ne pas trop s’approcher pour éviter les remous du grand navire. La réponse de Dyhia se perd dans le vent. Ils pourront toujours causer par radio.

Un long voyage les attends désormais, une moitié de monde les sépare de leurs nombreuses destinations. Quelque part de l’autre côté du navire, une autre vedette pharoise patrouille dans la nuit, petit rouage de la grande machine du commerce mondial qui bientôt de nouveau abreuvera l’Eurysie et le monde des psychotropes althaljirs, vendues par des petites mains pharoises. C’est cela, la division du travail, et le miracle de la civilisation humaine.
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12/02/2011, Localisation inconnue


“La modeste et douce bienveillance est une vertu qui donne plus d'amis que la richesse et plus de crédit que le pouvoir."
Proverbe de l'Althalj




"Les quantités demandées seront livrées."


Le silence prit place pendant un lapse de temps indéterminé, les vibrations rappelant à la folie qui se déchaînait plus haut.
Le kraken en costume pourpre fit un geste de la main pour signifier que l'entretien était terminé et la femme portant un masque blanc du personnel de santé Pharois se leva et n'eut aucunement besoin de politesses ou remerciements avant de rejoindre la porte de sortie.
Le bois ancien était sûrement de type bois de rose et avait été finement travaillé. Les rainures de cette matière exotique et noble étaient à présent comblées de l'usage du temps, l'effet ancien et précieux accentué par des poignées dorées aux motifs Fortunéens classiques.

Les deux portes s'ouvrirent juste devant elle et sortant du bureau, elle fut happée par le bruit et l'air surchargé et chaud. Deux gardes en costume trois pièces fermèrent immédiatement derrière elle et n'eurent besoin de lui indiquer la sortie.
Devant elle, un escalier en marbre plongé dans la pénombre montait droit et prenait un virage élégant vers la droite, vers... les lumières.

Le bruit se faisait de plus de plus omniprésent et les lumières scintillantes et clignotantes en haut des escaliers s'alignaient au tempo de la musique.

Les pas devaient résonner d'ordinaire sur les marches froides et lisses, propettes.
Arrivant en haut des escaliers, un homme en costume lui indiqua de continuer dans le couloir comme à son arrivée.

Posant le pied dans ce fameux couloir, les percussions des basses lui arrachèrent quelques milliers de cellules de ses tympans et les lumières lui laissèrent une tâche sombre presque indélébile dans son champ de vision pour le reste de la soirée.

Bien que la fête battait son plein avant son arrivée, elle put encore admirer l'endurance des participants à ces festivités fortement inhabituelles.

Des gens dansaient avec des habits hors de prix, en talons aiguilles flanqués de couleurs rouges, de colliers de perles étincelantes, de boucles d'oreilles de diamants et bagues atteignant le firmament de la pureté.
Quelle étrangeté de danser dans un couloir d'à peine de deux mètres de large et une bonne centaine de mètres de long...
Quelle étrangeté de voir la moitié des convives porter des blouses blanches ou des chemises longues ouvertes laissant quelques fessiers et chairs à l'air libre...

Le regard hagard ou avec un brin de folie, les femmes et hommes dansaient ensemble, comme s'ignorant ou s'appréciant.
Certains danseurs trottaient sur place, la tête renversée, les yeux révulsés. Un homme tenait une perche avec une poche à perfusion et levait l'autre bras au ciel et tournoyant doucement, une femme portant une robe alliant satin et strass dansant à ses côtés.

Juste sur le côté, une femme en fauteuil roulant matelassé de cuir partageait un cigare avec une autre femme dont les cheveux hirsutes ne laissaient aucun doute quant à la dernière fois qu'elle avait eu l'occasion de se les démêler.

Sans le vouloir, des néons sur la plafond voûté suivaient le rythme de la fête et clignotaient par intermittence, laissant un miroitement sur le carrelage entourant les portes.




Se frayant un chemin à travers la fête magistrale, elle enjamba un homme à quatre pattes et une femme imitant ce qui ressemblait à un ours debout, ou un dinosaure et ses petits bras de tyrannosaure rex.

De chaque côté du couloir, des chambres pleines à craquer ne présentaient qu'un simple couchage et un bureau face à de grandes fenêtres barrées donnant sur la noirceur de la nuit et de l'océan froid. Le numéro des chambres donnait la référence du bloc par la même occasion... A21... A19... A17...

Un homme en mocassins richement travaillés écartait les jambes et secouait la tête tandis qu'une patiente lui tenait l'épaule comme pour ne pas tomber.

Au loin, un femme habillée en nonne levait les deux bras au plafond comme pour y décrocher les étoiles, tandis qu'une femme en tenue d'infirmière faisait des vagues élégantes avec ses bras en direction d'un homme aux cheveux gominés et qui semblait porter un original d'une tenue Transblême fixant le registre des menus et activités de la semaine sur le mur d'entrée, comme obnubilé par son contenu.

L'invitée sortit par la porte d'entrée, laissant les gardes fermer la porte principale magnifiquement décorée et renforcée de cuivre oxydé.
Une haute barrière de fer forgé dégoulinait d'une pluie battante et brillait de la multitudes d'éclairs perdus au loin. La froidure du vent rompit immédiatement avec la chaleur étouffante dans le bâtiment et vint sortir brutalement l'invitée de la torpeur et de l'incongrue.

Au sein de la longue barrière noire, un portail et une marquise vitrée protégeant les écritures anciennes et intemporelles... ASYLON...

Juste en contrebas des falaises, une flotte immense de yachts modernes et démesurés se balançait doucement au rythme des vagues et de la musique qui s'étouffait derrière elle.
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Rencontre costumée dans l’antre du Kraken

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- Que ça ne devienne pas une manie de tout faire masqué, rouspéta Hymveri d’un ton brusque. Le Capitaine des pirates rouges semblait s’acclimater plutôt difficilement à ses nouvelles fonctions politiques et les responsabilités allant avec : chuchotis d’ombres pharoises et de conspirations internationales. Il avait toujours opéré dans la clandestinité bien sûr, et sous couverture, mais il restait fondamentalement un peu brute de décoffrage et les trop longues périodes passées dans le confinement du sous-marin n’avaient pas arrangé sa sociabilité.

A ses côtés, Mae Crannach afficha un sourire mutin. « Pourtant tu es très élégant capitaine, tu devrais porter ça plus souvent. »

Le club ressemblait typiquement à ce qu’on pouvait attendre d’un club pharois : mélange de lumière et d’obscurité, dans une ambiance musicale abominable qui obligeait à crier pour causer et permettait de comploter sans risque d’être entendu, ni même aperçu. Dissimulé dans l’éclat, rendu anonyme par l'ambiance frénétique et les comportements fébriles, portés par la drogue, le bruit et le baroque des tenues. Ses compatriotes avaient toujours porté leur libertinage en étendard et le punk ici s'accouplait au sordide, comme une forme de sublime. Il avait évolué en quelque chose de décadent. D’affriolant.

D’un geste doux, Mae vint refermer délicatement la fermeture éclaire de la cagoule d’Hymveri, masquant sa bouche pincée. « Silence maintenant chaton, tâche de te fondre dans le décor. Et qui sait, tu pourrais même t’amuser un peu. »

Le regard noir que lui renvoya Hymveri était éloquent, mais la cagoule empêchait assez efficacement de parler aussi sa lieutenante y trouva son compte. Chaussée de cuissardes et de résille, elle ne portait en tout et pour tout pour couvrir sa poitrine qu'une ample veste d'officier militaire ouverte par le devant. L'épice de la tenue tenait en ce que la veste avait véritablement appartenu à un haut gradé Gallèsant, zigouillé d'une balle dans la tête au large de l'Eurysie. Hymveri avait pour sa part choisi l'anonymat d'une tenue tout cuir somme toute assez classique dans certains milieux. Le visage astucieusement dissimulé, elle dénudait cependant ses bras comme une sorte de débardeur moulant dont il n'avait cessé de se plaindre depuis qu'on avait convenu qu'il l'enfilerait.
Au contraire de lui, l’élégante Damann paraissait comme un poisson dans l’eau dans le club, et ce fut elle qui poussa la porte du vestiaire privé, ouvrant sur un monde de néons tantôt verts, tantôt bleutés, de formes dansantes dans la fumée et d’une odeur mélange de brûlé de fumigène, de vapeurs d'eau fraiche et de transpiration. Il faisait chaud dans le club, chaud et bruyant, à la surprise d’Hymveri la musique se révélait moins brutale qu’alanguie, traînante et pulsante à la fois comme des battements de cœurs toujours au bord du raté.
Une main inconnue le frôla, qu’il envoya balader d’un geste agacé et s'esquiva derrière une carcasse de poisson suspendue à un croc de boucher. Par le passé, il avait sans rechigner patienté des heures entières enfermé dans un coffre au fond d'une cale, changé d'identité et de visage plus de fois qu’il n’en pouvait compter et supporté l’atmosphère étouffante de son submersible alors que son équipage et lui rationnaient l’eau potable, mais tout ça lui semblait ô combien plus naturel que de déambuler dans ce… cet endroit.

Ils atteignirent heureusement rapidement l’autre extrémité du club où un vigile avisa Mae de pied en cape avant de leur ouvrir l’accès à des escaliers de fer. Ceux-ci menaient à une plateforme en hauteur d’où, pour peu qu’on se penche aux rambardes, on avait une vue dégagée sur la piste de danse. S’en éloigner vous mettait cependant à l'abri des regards indiscrets.
Sans perdre de temps, Hymveri retira la cagoule de cuir. Il était en nage là-dessous. Mae lui passa un doigt sur la tempe pour découvrir son oreille des cheveux trempés mais eut le bon goût de ne pas faire de commentaire.

Plus loin dans la pénombre, perché comme un chat sur un siège suspendu les attendait leur hôte. A l’image des lieux, le Kraken explosait tous les repères : vêtu et masqué de cuir rouge, sa parure figurait des tentacules – ou bien des flammes ? – qui lui faisaient une couronne. Décontracté comme un Pharois en sa demeure, il leur fit nonchalamment signe d’approcher.
A ses côtés, un homme musculeux descendit pour eux deux sièges qui, une fois relâchés, les suspendirent à leur tour quelques mètres au-dessus du sol. Étonnement, on s’entendait parler là-dedans, et l’alcôve était admirablement ergonomique, épousant les formes du dos pour le soulager tout en vous évitant de trop vous alanguir. La musique ne vous y aurait pas autorisé, de toute façon.

- Madame Crannach, depuis le temps que mes amis Damann me parlent de vous… quel plaisir de vous accueillir. Et vous Capitaine Hymveri, c’est un honneur de rencontrer un si illustre pirate. Et Premier sous-marinier du Pharois qui plus est, quel meilleur endroit que mon modeste établissement pour profiter de votre amnistie...? Vous avez assurément bon goût en matière de divertissements.

- C’est pour parler affaires qu’on est ici, balaya Hymveri très premier degré. « Des Althaljirs nous ont donné votre adresse. »

Le Kraken eut l’air amusé et fit nonchalamment parcourir ses doigts sur l’accoudoir satiné de son fauteuil. « Je sais qui vous envoie à moi Capitaine Hymveri, inutile de prendre des précautions ici, cet endroit est spécialement conçu pour parler franc et… se mettre à nu. »

Son visage masqué s’épancha gracieusement du côté de Mae Crannach qui ne lui répondit d’un sourire matois. « Charmeur. »

Hymveri sembla s’agacer.

- Gare à vous avec celle-là.

Mae coula un regard amusé vers lui « Allons messieurs, n’est-il point possible de discuter professionnellement sans devoir supporter ces humeurs mâlignes ? »

Le Kraken hocha la tête d’un air entendu.

- Loin de moi l’idée de jouer avec les nerfs de notre cher capitaine, je n’ai à l’esprit que de vous complaire à tous deux. Et de faire notre affaire mutuelle, si j’ai bien compris. Il soupira. « Parlons franc chers amis, l’opium althaljir est m’est avis l’une des merveilles du monde moderne. Rare et chère car distillée avec parcimonie, mais si délicate qu’elle vous emporte sans véritables effets secondaires, un poison inoffensif, une révolution dans mon milieu. »

Visiblement décidé à faire la mauvaise tête, Hymveri eut une moue dubitative. « Des drogues douces il en circule un paquet pourquoi Main… notre ami commun nous renvoie vers vous ? »

- Deux mots chers amis : addiction et monopole. Le cuttlefish a non seulement le mérite d’épargner le client, mais il est très difficile de s’en passer une fois tombé dedans, d’autant que ses effets sont relativement bénins et permettent à l’addict de poursuivre une vie normale, de conserver son travail et sa vie sociale ce qui le rend d’autant plus ponctionnable. Mais surtout, ces plantes délicieuses ne poussent que dans la Sublime Althalj, et la Sublime Athalj n’en vend qu’à moi…

On ne pouvait que l’imaginer sourire, fat, derrière son masque rouge, mais Hymveri était tout disposé à imaginer quelque moue insupportable de vanité. Quelque chose qui l’avait toujours rebuté au sein de la société des capitaines pirates : leur insupportable suffisance. Persuadés tous autant qu'ils étaient que le monde leur appartenait.

Ce fut Mae qui reprit la parole, du ton tranquille qu’elle pimentait cependant toujours d’un petit regard rieur. Comme si tout ça n’était au fond qu’une blague entre gens de bonne compagnie. Hymveri l’avait choisie pour cela, comme bras droit, elle avait le don de calmer vos ardeurs par un recul mutin.

- Mettons qu’il s’agisse bien du petit trésor que vous nous décrivez, cher Kraken, un tel monopole… inexplicable qu’un homme d’affaire comme vous consente à le laisser filer aux quatre vents. Quelles sont vos conditions exacte pour obtenir de vous ce sésame ?

- Rien d’extravagant à vrai dire, j’ai une certaine confiance en notre ami commun, qui se porte garant de vous… ajouta-t-il en tournant imperceptiblement la tête vers Hymveri. « C’est le privilège d’être seul distributeur : je n’ai pas grand-chose à craindre. »

Hymveri leva les yeux au ciel.

- Si le produit est si rare comment pouvez-vous garantir que l’Althalj fournira les quantités demandées ? Nous ferions peut-être aussi bien de traiter directement avec eux.

Le Kraken eut un gloussement délicat.

- N’en faites rien cher capitaine, j’ai mis si longtemps à m’épargner la moindre concurrence, je m’en voudrai que nous ressortions d’ici mauvais amis pour une bête histoire de quantité. Passez commande et votre serviteur vous assurera une livraison impeccable, où que ce soit dans le monde. Je livre même en Transblêmie si cela vous chante. Il baissa d’un ton. Mais soyez grand seigneur, ne m’y contraignez pas.

Mae hocha la tête d’un air entendu. « Fortuna suffira pour le moment. »

- Laquelle ? Il y en a tant.

- La principale. Au large du Lido, est-ce possible ?

- Rien d’impossible à qui met le prix, rien d’impossible à qui y a ses amis. Ne craignez rien Mae Crannach, je me fais fort de ne pas vous décevoir.

- Deux tonnes par mois. Pour commencer, renchérit Hymveri.

- Vous commencez petit.

- Cela devrait vous rassurer, riposta Mae, on ne monte pas un réseau en un jour.

- A qui le dites-vous, s’amusa le Kraken, va pour deux tonnes alors. Sur votre parole que nous les compterons en dizaines bientôt.

- Si tout se passe bien, ouais, grogna Hymveri.

- Alors au sort ! Et à la joie des affaires conclues !

Disant cela, les accoudoirs de leurs fauteuils s’étaient ouverts pour laisser apparaître, en plus d’un shot d’alcool de prune pryscillien qui leur servit à trinquer, un cachet de cuttlefish, tout bleu tout miroitant.

- Pour approuver la qualité du produit, susurra le Kraken.

Mae refusa d’un sourire entendu « Jamais pendant le travail » et Hymveri également, mais sans sourire, lui. Il n’avait pas bu non plus, même pas trempé les lèvres. Le Kraken sembla le remarquer et faute de pouvoir lire l’expression de son visage, relâcha les épaules d’un air désolé.

- A votre guise. Mon club vous reste ouvert si vous désirez vous amuser malgré tout. La marchandise sera livrée au large de Fortuna dans trois semaines, à bord d’un porte-conteneurs carnavalais Le chat voyageur (ndtr : en français dans le texte), évitez de me le couler, sans dire qu’il n’y a que des gens bien à bord ils sont du genre fiables.

Mae hocha la tête.

- C’est entendu. Monsieur Kraken, merci de votre accueil, c’est un plaisir de faire affaires avec vous. Notre ami commun en sera ravis et nous ne manquerons pas de revenir vers vous dès lors que nos réseaux de distribution auront pris forme.

- Tout le plaisir était pour moi, la conversation et la vue étaient… délicieuses.

Mae lui répondit d’un clin d’œil, Hymveri se contenta de froncer les sourcils.
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Le vieil homme à la peau parcheminée lui sourit, quelques dents manquantes, toutefois un visage illuminé et rieur derrière de profondes rides.
Le petit hoquet qui sortit de sa gorge fut sa réponse.





Voilà plusieurs heures qu'ils avaient quitté Acilmum, deuxième ville des Tamurt n Althalj.
Le nouveau terminal de l'aéroport sera bientôt ouvert et le chantier colossal, de même que la qualité des engins utilisés, ne laissaient aucun doute quant au développement et aux succès Althaljirs de ces dernières années.
L'Althalj avait toujours été un mystère pour de nombreux étrangers. On y dessinait des maisons en terre, traditionnelles, finement travaillées et représentatives d'une civilisation Althaljir et régionale ancestrale, immaculée de la modernité des matériaux et des équipements. Peut être que dans l'imaginaire, y voyait-t-on des charrettes en bois et des boeufs avec des mobylettes et d'anciens pickups des années 1980 slalomant entre des marchés où la criée était omniprésente. Ca et là, des terrasses et cafés où les femmes sirotaient des thés avec des sourires ravis, gloussant et commentant sur le postérieur des hommes qui rénovaient et posaient les pierres formant le pavé des rues, à l'ombre des figuiers et quelques palmiers.

Tout était en fait assez proche de la réalité Althaljir.
Acilmum était toutefois LA ville principale de la Dorsale Glacée, l'Altilal Almujamada et ses nombreuses massifs et pics dépassant les 6,000 et 7,000 mètres. Perchée à plus de 2,000 mètres d'altitude, Acilmum était surtout le coeur industriel de l'Althalj, et ainsi le coeur de la contradiction et du tumulte interne entre production/croissance/préservation/écologie. Les mines de phosphate et cuivre étaient motrices de la richesse Althaljir et d'autant plus depuis la conversion légère de l'international aux technologies Althaljir, notamment les tubes à vide et ses applications étendues dans l'électronique, l'informatique, le civil, comme le militaire.
La ville alignait les mêmes traditions que partout ailleurs au sein des Tamurt n Althalj, avec des maisons traditionnelles, rénovées et préservées avec les mêmes matériaux et savoir faires d'antan. C'était comme un retour dans le temps, sauf que les trottoirs et les routes étaient parfaitement entretenues, les fils électriques étaient rarement visibles et on croisait beaucoup de vélos et peu de boeufs ou chevaux dans les rues. Le tramway qui grince, les vans remplis à craquer de passagères, il était rare de trouver un moyen de transport motorisé utilisé par une seule personne ; c'était comme si un idéal communiste avait fonctionné dans un univers de tradition musulmane.
Habillées avec les couleurs de la région, les jeunes femmes affichaient des hybrides de vêtements à la mode Althaljir et Fortunéenne ou Pharoise et quelques bribes de tenues Lofotènes. Jeans, baskets n'étaient pas vraiment communs, il y avait un vrai marché du vêtement recyclé et rafistolé avec soin qui disposait de similitudes franches avec la mode Pharoise... en moins sombre, étonnant.
Cheveux rarement couverts, le chapeau en paille tressée et multicolore de la région, le Mdal, semblait à la mode chez les femmes comme les hommes.

Ce qui frappe surtout la première fois aux Tamurt n Althalj est cette voix majestueuse qui interpelle, interroge... comment est ce que l'Islam peut être aussi féminisé, en contradiction avec les aprioris internationaux ?
L'appel du muezzin génère ce petit frisson de choc civilisationnel à l'arrière de la nuque lors de l'appel matinal.
L'appel de la muezzine génère ce frisson de choc culturel et du poids historique auquel fait et a fait face le Matriarcat Ilahmique tout au long des siècles passés, avant et après l'ère de Jamilah.

Par delà les minarets et les Sufayrs d'Acilmum, se dessinent les montagnes enneigées et les forêts brumeuses de la Dorsale Glacée.
Et lorsque le pavé rugueux passe à la douceur du basalte et enfin laisse abruptement place à la terre, le paysage montagnard, ces vallées encaissées et habitées, se transforme en reliefs brisés et lissés par les vents colériques et par la suite l'immensité de collines régulières.
De forêts à des arbustes et bosquets cloîtrés dans les combes et proche des cours d'eau, entre deux vallons de collines lisses et herbacées, le climat typique des Côtes Brisées prend le dessus et rase littéralement la verdure des cimes collineuses.

A vol d'oiseau, on traverserait la distance en peu de temps, mais en véhicule motorisé, un vieux pickup Jashurien, cette génération costaude et suffisamment simple afin d'entretenir et réparer soi même, met plusieurs longues heures à se faufiler vers la destination... et quelle destination.

Les couleurs jaunes, marrons et vertes laissent la place à une couleur lavande claire sur des arbustes à perte de vue.
Eparpillés comme des vignes sur des coteaux Althaljirs, le paysage et horizon sont lavande et bleu azur.
Un côté Leucytaléen peut être ?

Un camion croisa le pickup, bourré à craquer de fleurs pastelles.

Assise sur une chaise, les jambes écartées, pantalon de travail bouffant en tissu simple, la dame au regard sévère triait les branches des ces arbustes aux fleurs lavandes avec une dextérité impressionnante, remplissant des paniers en osier de grande taille et circulaires.
Derrière elle, un homme discutait avec une femme portant un fusil à l'épaule. Ces magnifiques fusils richement travaillés de marqueteries et dont la crosse se pose sous l'aisselle ou au dessus de l'épaule en fonction de la tradition locale ou familiale était un joyau national. Le fusil Althaljir était un élément indispensable du statut social et qarien et chaque maisonnée en disposait d'ordinaire d'un. La femme armée hochait la tête sans regarder l'homme lui expliquer quelque chose apparemment d'importance à son égard, mais qui ne semblait vraiment attirer l'attention de la milicienne.
Celle-ci regardait le pickup et ses passagers.
Elle interrompit l'homme qui se rabougrit immédiatement et elle se dirigea vers le pickup qui s'arrêta doucement auprès d'un muret en pierre, ces fameux murs coupe vent, zébrant les collines, construits sur des générations avec les pierres locales ou ramassées dans la région.

La chauffeuse sortit du véhicule et s'avança vers la milicienne.



قد يكون الامتلاء معك
Que la Plénitude soit avec toi.

وأن الإله تبتسم لك
Et que Ilah te sourit.


La milicienne fit quatre baisers alternants d'une joue à l'autre et la chauffeuse donna quelques explications discrètes.
L'homme rabougri initialement s'avança vers le passager à l'avant du véhicule et comme de nul part, il sortit un panier rempli de fruits et de bouteilles en verre emplies d'un liquide sirupeux.
Le vieil homme à la peau parcheminée lui sourit, quelques dents manquantes, toutefois un visage illuminé et rieur derrière de profondes rides.

Le passager au visage couvert d'un chesh ne parlait pas l'Alth, toutefois il n'eut pas de problème pour comprendre la possible transaction à venir. Il prit un fruit et une bouteille et laissa quelques billets Althaljirs dans la main du vieillard ravis et dont la peau rugueuse ne laissait aucun doute quant à sa longue expérience à travailler la terre.

Avec un accent à couper au couteau, le passager tenta de baragouiner quelques mots.

Le petit hoquet qui sortit de la gorge du vieil homme fut sa réponse. Le petit rire de surprise de l'effort de cet étranger, qu'il salua en mettant sa main à hauteur de visage, paume ouverte comme pour se couvrir les yeux du soleil venant de côté et il courba légèrement l'échine.

La milicienne rappela le vieillard d'un ton bien trop sec par rapport à un standard Eurysien occidental.

La portière claqua et la chauffeuse parla dans la langue de ses passagers.



"Tout ceci en fait partie. Le raffinage n'est évidemment pas ici.
Je vous conseille de boire cette bouteille le soir avant de vous coucher seulement, Capitaine, vous risqueriez de ne pas suivre correctement la visite... "


Cuttlefish
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