Posté le : 25 jan. 2022 à 00:28:52

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30 août 2006 - Aserjuco

Approche d'Aserjuco

.Panorama de l'artère principale d'Aserjuco.

L’avantage des réceptions faites sur le territoire alguareno est qu’elles offraient toujours un ensoleillement acceptable pour tout invité n’ayant pas peur de transpirer. La journée du 30 août fut de cet acabit, dans un pays où l’hiver ne s’étale pas sur plus de trois mois. Le beau temps ajouta son lot de badauds lorsque la venue de la délégation kah-tanaise fut connue du grand public.

Il faut dire que la teneur de l'événement était à la hauteur du beau temps dominant la rencontre : le réchauffement des relations diplomatiques avec le Grand Kah pouvait promettre aux marchés financiers de la région, une relative stabilité locale, écartant durablement l’hypothèse d’un conflit en Paltoterra.

La coopération du Grand Kah et de l’Alguarena autour des détroits Paltoterrans, assurerait en outre des dynamiques commerciales plus importantes, par l’évitement de taxes excessives sur les biens ainsi que les capitaux en circulation. Mais tout ceci à ce stade demeurait encore pure spéculation et la rencontre diplomatique qui s’est ouverte à la demande du gouvernement kah-tanais, entretenait encore plusieurs horizons possibles, mobilisant très largement le personnel du département aux affaires étrangères alguareno, à l’instar de la Conseillère fédérale Martha Fulton.

Vasterien

Re : Rencontre Kah - Alguarena

Posté le : 25 jan. 2022 à 23:41:37

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Pour Actée Iccauhtli, auteure à succès, universitaires ambulante et désormais membre incontournable du Comité de Volonté Public, la rencontre qui se profilait à l'horizon était peut-être la plus importante de sa carrière. Peut-être la plus importante de ce Nouveau cycle du Kah, en fait. Ce ne serait peut-être pas celle dont on se souviendrait le mieux, ni celle que l'on citerait en priorité dans les livres d'histoire, ni celle sur laquelle on écrirait des études à succès et produirait de longs animes sulfureux de critiques politiques. Mais enfin : toute l'Histoire ne pouvait pas être faite de grandes démonstrations lourdes de sens, même celle d'un pays comme le Kah, marchant à la fierté et l'espoir.

Elle avait tourné toute la journée dans les quelques pièces lumineuses de son appartement, en périphérie de Lac Rouge. Vérifiant ses notes, tâchant d'assimiler les fondamentaux de la culture, de l'histoire et de la stratégie arkencane. Elle faisait les cents pas, récitait, lisait, réfléchissait, pensait à tout ce qui pouvait découler de son éventuel succès, tout ce qui pouvait découler de son éventuel échec...

Si la citoyenne Iccauhtli jouissait d'une réputation de froideur et d'intelligence, elle n'en gardait pas moins quelques réflexes estudiantins dont elle se serait bien passé, parmi lesquels une certaine tendance à tout intellectualiser et une incapacité chronique à faire confiance à ses propres instincts. Il lui fallait du palpable. Informations, rapports, notes, témoignages. Des choses que lui fournissaient les très efficaces services de son ambassade, mais qui faisait d'elle technicienne d'un genre planificateurs, dont la réflexion avait constamment besoin d'être alimentée, quitte à parfois friser le débordement.

En l’occurrence la situation méritait tout de même bien cette agitation : après tout ce n'est pas tous les jours qu'on a l'occasion de préparer une rencontre avec la première puissance du monde. Il fallait clairement définir ce que le Grand Kah cherchait, ce que l'Alguanera voudrait, et comment concilier les deux avec finesse et élégance.

Il y avait aussi la question de qui amener avec elle. Tout décideur au sein du Kah était soumis à la règle de collégialité, qui imposait d'avoir avec soi un représentant, délégué, ou tout autre pair jouissant d'un niveau d'autorité équivalent ou, à défaut de ça, d'un contre-pouvoir institutionnel. Une relique d'un autre temps, depuis entrée dans la culture, qui visait originellement à éviter la concentration des pouvoirs. Elle estima ses options. Maximus de Rivera serait parfait, mais il était essentiel qu'il reste à Lac Rouge. Zeltzin était occupée au Nazum, ce qui était dommage puisqu'elle incarnait le versant commercial de l'Union. Aquilon ? Si elle l'appréciait tant sur le plan humain que politique, elle devait avouer qu'il était trop idéologue. Le genre à considérer l'Alguanera comme une nation ennemie de façon arbitraire. Dangereux, donc. Suchong ou Notario ?

Elle les évacua sans chercher de raison particulière, se rendant compte que de toute évidence elle allait encore devoir travailler avec la rejetonne de la famille impériale. L'inexplicable créatrice de mode faite membre du commité. Une anomalie qui ne cessait de l'agacer, mais qui, au moins, offrirait un contraste plein de chaleur à son propre caractère. Elle se saisit de son téléphone et composa le numéro de la citoyenne Rai Sukaretto.

…

« Citoyenne ?
– Salut et Fraternité, Actée ! Si tu veux passer chercher ton tailleur il faut impérativement que ce soit avant ce soir. J'ai fait quelque-chose avec les boutons, j'espère que ça te plaira.
– Les boutons ? Bon. De toute façon nous devons parler. »

Pour cette rencontre, il avait officiellement été décidé de reconduire le très surprenant duo dépêché à Tiarmina il y a de ça plusieurs années, à l'occasion du Premier Sommet du Paltoterra. Ce furent donc les citoyennes Rai Sukaretto, inoffensive et populaire, et Actée Iccauhtli, incontournable pour toutes les questions de diplomatie, qui se rendirent à Aserjuco. Si aucunes d'elles ne jouissaient d'un titre particulier de cheffe d’État, elles étaient tout de même des membres à part entière du Comité de Volonté Public, auquel l'Union avait délégué le gros de son pouvoir exécutif. Elles faisaient à défaut d'autre terme, figure d'autorité. Leur déplacement n'était donc pas anodin, quand bien même les spécialistes du protocole du monde entier ne savaient pas très bien s'ils devaient traiter les citoyens du Comité comme des ministres ou des dirigeants.

Les deux avaient fait le trajet au sein du Fierté Argenté de l’Éternelle Libération Céleste, que l'on nommait simplement Fierté Argenté et qui avait déjà été présenté au monde à Tiarmina. L'étonnant Zeppelin, sensé représenter la politique calme, respectueuse et écologiste de l'Union, était arrivé dans le ciel de la capitale fédérale, se dirigeant à bon rythme sur les pistes qui lui avaient été indiquées. La grande baie d'observation accrochée à l'avant de ce dernier était manifestement occupée par deux petites figures humaines que l'on devinait sans peine être les envoyées du Grand Kah, observant sans doute la ville en discutant de la rencontre qui allait suivre. Comme pour saluer la foule, de larges étendards du Grand Kah et de la Alguanera furent déployés de part et d'autres du ballon dirigeable tandis qu'il amorçait sa descente. Une fois au sol, les deux citoyennes, suivis de près par une délégation d'experts en tout genre parmi lesquels se tenaient probablement des gardes du corps, émergèrent. Le contraste entre les deux était assez saisissant.

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Actée Iccauhtli et Rai Sukaretto

La première était une femme de taille moyenne, descendant plutôt des populations autochtones malgré un teint assez pâle. Arborant un air sérieux, voir un peu froid, et vêtue d'un tailleur particulièrement élégant rendant parfaitement honneur au secteur de la couture de l'Union, qui comme le reste des secteurs du luxe, était étonnamment réputé pour celui d'une nation refusant le principe même d'élitisme. À côté d'elle, Rai Sukaretto dégageait clairement un charisme très travaillé, qui témoignait de sa longue expérience de célébrité. Saluant la foule, gratifiant ses interlocuteurs étrangers de sourires radieux et d'accolades, impeccablement habillée mais dans un style beaucoup moins sobre qui rappelait qu'après tout, c'était bien elle qui avait pendant des années dictée la mode au pays des communes. D'une façon un peu étrange, on imaginait sans peine qu'elle descendait d'une longue lignée de dictateurs plus ou moins charismatiques.

Ce fut d'abord Actée qui s'exprima.

« Voilà qui rappelle Tiarmina, je suis sûre que cette rencontre sera au moins aussi constructive que le premier sommet du Paltoterra. De toute façon il en va de l'avenir de la région. Quand on voit l'exemple que donne l'Eurysie, notamment, on ne peut que s'intimer à soi-même de se montrer constructif et coopératif.
– En tout cas nous sommes très honorées d'être accueillis ici, excellences. Le climat rappelle un peu Lac-Rouge. Si j'étais croyante j'y verrais de bons auspices. Tout de même, c'est agréable ! Et comme je l'expliquais à Actée il fait toujours beau en Paltoterra, ce qui ne signifie pas nécessairement qu'il y fait bon. »

Elle laissa la phrase en suspens, souriant de son air éternellement radieux.