01/03/2015
13:05:54
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[Grand Kah - Saint-Marquise] Visite d’État à Commune ville-libre

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Lac-Rouge avant la colonisation.

Si la visite de la présidente de Saint-Marquise avait littéralement été décidée du jour pour le lendemain, le Grand Kah s'y préparait en fait depuis des mois. Le Commissariat aux affaires extérieures avait prévu depuis longtemps d'organiser la visite de dignitaires étrangers, on avait déjà établi des protocoles correspondants à tout type de situations. Quand l'avion de la délégation Saint-Marquoise se posa sur la piste du principal aéroport de Commune Ville-Libre, tout était prêt pour la recevoir.

La délégation présidentielle fut reçue par un contingent diplomatique à la tête duquel se trouvait le délégué protocolaire en charge des évènements, un vieil homme d'ethnie paltoterranne parlant un français parfait. Les journalistes étaient tenus à distance de sécurité par des marquages au sol et quelques rares membres de la Protection civile. Ils ne cherchaient de toute façon pas à s'approcher, faisant preuve d'une discipline étonnante. Le délégué protocolaire présenta les salutations distinguées de l'Union à ses invités, ainsi qu'un rapide rappel du programme : remise de cadeau par une pionnière du Parlement, défilé de salutation puis réunion de travail et dîner diplomatique. Il fit mine de s'assurer que tout cela convenait aux invités, sachant pertinemment qu'on ne pouvait pas changer l'important dispositif diplomatique s'ils répondaient que non, puis le petit groupe entra dans plusieurs hélicoptères sécurisés de l’Égide – la sécurité intérieure de l'Union – qui décolèrent en direction d'Axis Mundis.

La Capitale du Grand Kah était une ville assez étonnante, dont on devinait l'histoire chargée à la multitude de styles architecturaux qui s'y côtoyaient comme autant de greffons. Construire au centre d'un lac, elle était reliée à la terre ferme par de grandes artères routières où courraient des lignes de train, de tram, des pistes cyclables et de grands trottoirs. On devinait assez peu d'activité automobile mais une abondance de transports en commun reliant entre eux les différents districts. C'était une ville tout en canaux droits, en parcs, en jardins et champs flottant à la surface selon des méthodes développées avant-même la colonisation. Malgré sa très importante population, Axis Mundis jouissait d'une certaine autosuffisance alimentaire. Son réseau électrique était principalement alimenté par l'exploitation du lac et des fleuves en découlant, et ses structures les plus monumentales ne s'enfonçaient pas dans le sol, malgré son caractère humide voire marécageux, grâce à d'importants travaux visant à raffermir leurs fondations et à créer de grands réservoirs sous-terrain. C'était une cité moderne, piétonne et verte. Depuis le ciel on pouvait voir les grandes avenues principales qui la traversaient. Des drapeaux Kah-tanais et Saint-marquois y avaient été accrochés à intervalles réguliers.

Les hélicoptères de la délégation diplomatique se rendirent à Axis Mundis. La commune administrative spéciale était le centre névralgique et idéologique de l'Union. Construit autour des anciennes pyramides autochtones et du palais du Daïmio colonial, qui avait été en grande partie détruit lors de la guerre d'indépendance à la fin du dix-huitième siècle. Des constructions plus récentes l'avait remplacé : désormais c'était une suite impressionnante de structures ministérielles, de palais au style aztéco-asiatique et de Pyramides entourant une grande place d'honneur, noire de monde, décorée de drapeaux et d'étendards, depuis laquelle on pouvait observer le lac. Des petits navires de la garde lacustre s'y trouvaient en formation. Les hélicoptères se posèrent un peu à l'écart, dans un héliport du Parlement général, siège de la Convention. Le délégué protocolaire s'inclina respectueusement puis disparu pour laisser place aux membres du Comité de Volonté Public, ou plutôt à la citoyenne Actée Iccauhtli, une femme élégante quoi qu'à la peau un peu grêle, connue avant-même d'entrer au gouvernement pour ses talents d'auteure, au citoyen Edgar Alvaro Maximus de Rivera, qui passait dans le Kah pour un homme intelligent et modéré et à l'extérieur pour un parfait inconnu, et le citoyen Maxwell Bob, ancien guérilleros qui avait activement participé à renverser la dernière dictature militaire Kah-tanaise et faisait désormais office d'illustre vieillard et président d'honneur du Comité. Ce fut Actée qui prit la parole, d'un ton chaleureux et en tendant une main à ses invités.

« Madame la président, messieurs. Je suis ravie d'enfin vous rencontrer en personne. J'espère que vous avez fait bon voyage ? »

Elle se plaça à la droite d'Isabelle Deprey et lui indiqua d'un geste élégant de la suivre. À côté d'elle, Maximus de Rivera commenta à l'intention du premier conseiller.

« Les hommes de la Garde d'Axis Mundis vont vous rendre les honneurs militaires, mais avant ça l'orchestre civil de la commune va jouer nos hymnes. »

Ils se mirent en route, traversant l'héliport gardé par quelques hommes en imperméables colorés de l’Égide, et débouchant après une série de colonnades style maya sur la grande place aperçue tout à l'heure. La voir depuis le ciel ne rendait pas honneur à sa taille, et on devinait qu'en d'autres temps tous les marchands d'un immense empire devaient s'y rendre. Maintenant c'étaient plutôt des journalistes de tout les médias du pays, ainsi que de quelques-uns qui auraient été invités sur demande de Saint-Marquise. Ils se trouvaient à l'écart, cette fois maintenu en place par un important cordon de sécurité. Une foule opaque salua l'arrivée des dignitaires en agitant des nombreux drapeaux, quelques pancartes, et en scandant des slogans mondialistes en syncrelangue. Cela sembla froisser Maximus de Rivera et beaucoup amuser Maxwell Bob, le président d'honneur, qui mis une petite tapie amicale dans le dos de son collègue et pivota vers les Saint-Marquois.

« Eh bien oui, nous avons beau essayer de nous montrer un peu ordonnés, on ne peut tout simplement pas contenir le peuple. Si il a envie de saluer en désordre, il le fera. Le vieil homme inclina la tête et offrit un sourire simple à ses interlocuteurs. Ils sont très contents que vous aillez accepté notre invitation. »

Puis il se tut, car on commença à jouer les hymnes nationaux des deux pays, le temps que la délégation traverse la place sur un tapis rouge, puis monte les marches d'une des plus petites pyramide jusqu'à son sommet. Elle faisait office de promontoire face à la place, et on y avait dressé une série de micros, de drapeaux, ainsi que des caméras montées sur les degrés de la structure. Une jeune adolescente s'y trouvait, vêtue d'un uniforme jupe - chemise blanche - cravate noire, un brassard aux couleurs du Grand Kah à l'épaule. C'était presque une enfant, mais elle avait l'air sûre d'elle. Elle s’inclina les bras le long du corps en apercevant la présidente, puis pivota vers un grand garde d'honneur en uniforme blanc, auquel elle prit d'abord des fleurs tropicales – rares, soigneusement empaquetées de façon à préserver leurs racines – qui furent données au premier conseiller Henry Peters, puis une petite boîte de velours, qu'elle ouvrit pour en faire émerger une médaille d'argent à ruban blanc, noir et rouge, qu'elle remit, en s'inclinant bien bas, à la présidente.

« Votre excellence ! Veuillez recevoir l'Ordre de l'Amitié du Grand Kah, en signe de respect de la part du Parlement général et de toutes les communes, républiques ainsi que des syndicats de l'Union. » Elle se redressa, lançant un bref regard en coin à Actée, qui lui indiqua un clignant des yeux qu'elle se débrouillait très bien, puis s'écarta, et contourna le groupe en compagnie du garde d'honneur. Actée indiqua vaguement la place et plus précisément le grand tapis rouge qui s'y étendait.

« Là, il n'y en a plus pour longtemps. »

Le ton était guilleret. Elle semblait satisfaite de voir que la cérémonie se passait pour le moment sans accro. Elle se redressa mains dans le dos, et leva un peu le menton, semblant prendre la pose pour les photographes ou les caméras. Ses collègues l'imitèrent dans une moindre mesure.

Il y eut d'abord une déflagration, et il s'avéra que les navires de la garde lacustre s'étaient vus couverts de batteries d'artillerie effectuant désormais un authentique Salut au canon, pendant que trois formations de la garde d'Axis Mundis, portant chacune des couleurs différents, remontaient la place dans une parfaite synchronicité, allant du Parlement jusqu'à la pyramide. Cela dura un peu plus de trois minutes, après quoi les troupes effectuèrent une rapide démonstration – salut au sabre, inspection par un officier supérieur, montage et démontage de fusil, et la cérémonie fut terminée pour de bon. Maximus de Rivera remercia les militaires puis indiqua les micros faisant face au petit groupe, et la foule de journalistes et de civils qui s'étendait plus loin, confinée derrières les barrières et les gardes.

« Si vous voulez dire quelques mots, sinon nous allons directement passer en salle de réunion pour commencer à travailler. »
Portraits
Les Représentants de Saint-Marquise.

La Présidente et le Premier Conseiller, Henry Peters, étaient impressionnés par la délicatesse que les représentants du Grand Kah leur avaient fait à leur égard. Leur donner, l'Ordre de l'Amitié était pour Isabelle Deprey et Henry Peters un signe de fraternité qu’éprouvaient les kah-tanais envers la République de Saint-Marquise.

Toujours dans un état d'esprit de splendeur, la Présidente et le Premier Conseiller se regardèrent avec un air enjoué :

HENRY PETERS
"Madame la Présidente, je peux vous dire qu'il savent recevoir dans ce pays."

LA PRÉSIDENTE ISABELLE DEPREY
"Je le confirme."

Voulant les remercier de cet accueil chaleureux, la Présidente prit la parole afin de répondre à la question d'Actée Iccauhtli sur le voyage qu'ils avaient fait depuis l'Aéroport John Mont-Law jusqu'à la Commune-ville libre :

LA PRÉSIDENTE ISABELLE DEPREY
"Chers représentants de cette nation qu'est le Grand Kah, je vous remercie de nous accueillier, le Premier Conseiller Henry Peters et moi-même. Pour répondre à votre question Madame Iccauhtli, notre voyage s'est super bien passé.
C'est une joie d'être ici, d'avoir accepté votre invitation afin de permettre à nos deux nation une relation diplomatique qu'il se doit.
Encore une fois, merci."


Actée acquiesça longuement en entendant que le voyage de la présidente s'était bien passé, et s'inclina à nouveau lorsqu'elle fut remerciée.

« Merci à vous, nous apprécions vraiment que vous soyez venu en personne. » Elle se redressa ensuite et s'écarta pour laisser les Saint-marquois descendre de la pyramide en premier, accompagnés par les citoyens du Grand Kah qui les guidèrent en entretenant la conversation jusqu'à un bâtiment voisin à la grande place, dans lequel le groupe se dirigea jusqu'à une salle de réunion. C'était une pièce de nature assez traditionnelle, occupée par une table basse entourée de coussins et décorée dans un style sobre mais chaleureux et élégant. Actée s'éclipsa brièvement pour aller chercher du thé, et ce fut le citoyen de Rivera qui pris la parole pendant qu'elle servait les différents acteurs de la conférence.

« Madame la présidente, monsieur le Premier conseiller. Il y a de nombreux sujets à discuter. Je vais faire une liste, de tête, à laquelle vous pourrez ajouter ou retirer ce qui vous semblera opportun ou au contraire superflus. Nous pourrons ensuite discuter des grandes lignes d'une éventuelle déclaration commune sur laquelle s'articuleront d'éventuels accords. Qu'en dites-vous ? »

Il attendit un instant, avalant une courte gorgée du thé que venait de lui servir Actée. Cette dernière pris enfin place à la table, en compagnie du citoyen Maxwell qui ne semblait pas très à l'aise si près du sol, probablement à cause de ses vieilles articulations. De Rivera repris.

« Pour commencer la question diplomatique. Le Grand Kah souhaiterait ainsi signer une déclaration de paix et d'amitié conjointe avec votre gouvernement, dont les termes témoigneraient de notre désir respectif de ne pas porter atteinte au bien-être du peuple de l'autre nation. Des termes assez vagues pour nous permettre de faire évoluer notre diplomatie dans le cas malheureux où les évènements imposeraient un refroidissement des relations, mais composant une bonne base pour des échanges sains entre nos deux nations.

Ensuite la question économique : l'Union a une importante production dans plusieurs domaines, caoutchouc, bois rares, cacao et sucre, métaux. Nous avons aussi une industrie culturelle extrêmement vivace – films et séries, littérature, la bande dessinée et le jeu vidéo sont en plein essors ainsi que, conclusion logique, une industrie de pointe très développée dans les domaines des systèmes informatiques et des composants électroniques. Nous pourrions avec vous établir un panel de produits pouvant potentiellement jouir de droits de douane préférentiels, et vous rendre la courtoisie sur des produits phares de Saint-Marquise. Cela permettra d'établir d'importants liens entre nos sphères économiques.

Vient la question culturelle : nous serions favorables à des jumelages de villes et à quelques programmes de coopération entre nos universités et nos musées, de nature à faciliter l'exportation du savoir et la compréhension mutuelle entre nos peuples. Le style d’éducation de l'Union est, de ce que j'ai pu comprendre, très différent de celui pratiqué dans la plupart des démocraties libérales : je suis certain que ces échanges nous permettront d'enrichir nos perspectives respectives.

Enfin, la question diplomatique et militaire. Comme la citoyenne Actée vous l'expliquait dans ses missives, l'Union envisage de devenir un important acteur du commerce international. Tant par les dispositions économiques dont je parlais à l'instant que par une implication de ses forces armées dans la protection des flux commerciaux. Nous voulions donc savoir en quelle mesure Saint-Marquise serait intéressée par cette sécurisation des voies Aleuciennes, et quelle forme pourrait prendre une collaboration à ce sujet. Le Kah a l'habitude d'envoyer ses officiers former les armées de ses partenaires, et si vous acceptez notre aide il serait apprécié par nos services de pouvoir réapprovisionner nos flottes dans vos ports. Nous cherchons actuellement des partenaires acceptant d’accueillir sur leur sol une base militaire de petite envergure et de louer des docks visant à assurer une protection efficace de la bulle Aleucienne contre toute menace pirate. Vous aurez constaté en lisant l'actualité que cette dernière commence à s'exporter hors de l'instable Eurysie. Nous cherchons aussi des pays qui seraient prêts à nous vendre des navires de combat, si votre industrie militaire est intéressée nous paieront rubis sur l'ongle.
»

Il pivota vers ses collègues.

« Je crois que je n'ai rien oublié ? »

Maxwell Bob acquiesça.

« Tout est dit. »
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