Posté le : 03 mars 2022 à 19:17:55
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– Soit. Elle acquiesça. Continuons en syncrelangue.
Le traducteur s'éclipsa poliment, retournant dans les rangs de la délégation pendant que la citoyenne Actée croisait les bras, écoutant attentivement son interlocuteur.
– Au contraire nous sommes partis d'un excellent pieds : regardez, je suis bien ici, non ? Nos différences idéologiques, bien que posant effectivement des problématiques réelles qu'il faudra prendre en compte au cours de nos échanges, ne nous empêchent pas de travailler en commun sur les sujets où cela a du sens. Elle sourit. C'est peut-être une question culturelle. Au sein du Grand Kah il est naturel de chercher le consensus et le débat. J'ai effectivement critiqué - et vertement je vous l'accorde - votre gouvernement. C'est un bon signe, je n'aurai pas mentionné le sujet si la situation n'avait pas été propice à une éventuelle coopération.
Elle acquiesça à nouveau puis emboîta le pas au ministre.
– Je vous suis.
Actée ne fit aucun commentaire du trajet. Avançant à pas souples, mains jointes dans le dos, elle observait la décoration des lieux d'un air pensif, sans jamais exprimer quel genre de conclusion lui inspirait l'ensemble. Sans doute quelque-chose sur le pillage des richesses du pays par sa classe dominante. Ou un constat plus esthète sur les styles artistiques traditionnels du Vieux continent. Étant paltoteranne, venue au monde dans une nation post-coloniale, elle n'avait pas connu beaucoup de "vieux" palais. La plupart avaient de toute façon été saisi et réhabilités par les révolutions successives. Sans parler que leur style n'avait jamais été fermement eurysien, nazuméen, ou paltoterréen. Toujours un mélange des trois. Arrivée dans la salle de réunion, elle s'installa face au ministre. Les membres de la délégation l'entourèrent dans un brouhaha de tissus, de mallettes que l'on pose et de commentaires que l'on émet à demi-mots.
– Une bonne discussion exige nécessairement une boisson chaude. Sur ce point au moins je ne trouve rien à redire, lâcha-t-elle en acceptant gaiement le thé, dont elle but une gorgée avec l'air expert d'une œnologue humant un cru encore inconnu. Elle semblait satisfaite. Le Grand Kah n'a pas d'ennemis, monsieur le ministre. Depuis le dernier cycle révolutionnaire, les années quatre-vingt-dix si vous préférez, nos forces armées n'ont été déployées que dans des opérations conjointes visant à protéger des gouvernements tel que celui de la jeune république Damann lorsque les monarchistes et fascistes tentèrent une révolution réactionnaire, ou celui de la jeune commune de Kotios lorsqu'après avoir obtenu son indépendance de l'Empire Francisquien elle fut attaquée par des forces fascistes financées et soutenus par l'armée impériale. En dehors de cela nous n'entretenons aucune inimitée stratégique ou diplomatique avec quelque pays que ce soit, et ne refusons de parler à personne, bien que notre posture humaniste et universelle nous place en situation d'imposition avec tout empire colonial, toute dictature et tout régime cherchant par dessus-tout à maintenir sa tyrannie. Nous nous opposons aux fascistes, aux tyrans et aux envahisseurs parce que notre crédo est avant toute chose profondément humain.
Elle s'interrompit le temps de boire une courte gorgée de thé.
– Nous entretenons, en dehors de ces généralités, un important réseau diplomatique. Inutile de vous faire la liste de nos amitiés et ententes régionales. sur le plan des alliances concrètes je peux vous citer l’Internationale Libertaire, dont l'union est l'une des nations fondatrice et rassemblant à ce jour la Libre Association des Propriétaires de Phares et de Filets d'Eurysie Septentrionale, les Églises australes unies, la Commune d'Albigärk et celle de Kotios.
Elle haussa doucement les épaules.
– Dernièrement la Francisquie se tient sage. Et concernant la Lambroisie... C'est intéressant. Pourriez-vous m'en dire plus ? Vous ne le savez sans doute pas - et c'est bien normal cette information n'est pas publique, sans être classifiée - mais nos services estiment que le gouvernement Lambroisien a peut-être détenu des ressortissants Kah-tanais dans les récentes mesures de durcissement du régime.