Posté le : 05 mai 2022 à 02:44:40
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La première conclusion que se firent les représentants Kah-tanais, ayant écoutés, coup sur coup, l'échange particulièrement coloré des communistes pharois, et les diatribes non-moins fleuries des dirigeants sociaux-démocrates Norstalkien, fut que l'Eurysie du nord était, définitivement, une fabuleuse terre d'opportunité don le climat extrêmement rude donnait, manifestement, naissance à des "personnalités". Ou bien c'était quelque-chose dans l'eau. Dans tous les cas le choc culturel était intense, et provoqua un petit rire gêné chez le citoyen Aquilon, qui eut droit à un petit coup de coude de la part de Maximus de Rivera, et à un regard pesant de la part de la citoyenne Actée. On aurait dit deux parents grondant leur gosse. Ce qui n'était pas tout à fait inexact. Actée était clairement l'une des personnes les plus responsables du Commité, et Maximus de Rivera avait fait de sa mission personnelle le fait de stabiliser l'exécutif Kah-tanais malgré ses potentielles divisions.
Le terme latino, cependant, fit à nouveau réagir les deux hommes qui se lancèrent un coup d’œil surpris, puis haussèrent silencieusement les sourcils quand il fut - brièvement - question de censurer le jeune parlement de l'Union Albienne avant d'acquiescer l'air sombre lorsqu'il fut fait référence à la milice de merde Lofotenoise. Actée elle-même avait reçue des informations de premier ordre confirmant la présence de mercenaires nordiques au sein de la colonie occupée. Tout de même, il s'agissait officiellement de forces privées et elle se gardait bien d'émettre le moindre commentaire à ce sujet, ce pourquoi l'approbation silencieuse de ses collègues la fit se racler la gorge. Sobrement, mais fermement.
Actée : « Messieurs. Je suis comme vous. Je considère le Lofoten avec le regard qu'on porte à cette jolie voisine qu'on aimerait bien apprendre à connaitre mais qui persiste à voter à droite. Cependant. »
Elle se redressa un peu dans son siège, et se passa une main sur le front. Elle cherchait manifestement les mots juste pour synthétiser sa pensée sans mettre en cause la santé mentale de tout les partis impliqués.
Actée : « Je propose que nous gardions la Jolie voisine hors des discussions pour le moment. C'est un sujet ô combien passionnant, mais contingent au vrai problème : la Fédération. »
Aquilon : « Une jolie voisine, Actée ? »
Maximus de Rivera : « Aquilon, vous avez quelque-chose à redire à ce propos ? »
Aquilon : « J'ai une bonne amie lofotenoise, figurez-vous. Mais si vous parliez de leur chancelière... »
Maximus de Rivera : « De toute façon elle n'a pas été réélue. »
Aquilon : « Oui, oui. »
Maximus de Rivera : « Et c'est tant mieux. »
Aquilon : « En fin de compte on pourrait dire que la voisine... »
Maximus de Rivera : « Inutile s'étendre sur sa beauté, ce serait sexiste de l'objectifier. »
Aquilon : « ... A finalement votée à gauche. »
Maximus de Rivera : « Mais il faut voir quelle gauche. »
Actée : « Je proposais. » Elle posa le plat de ses mains sur la table et pencha la tête sur le côté, fixant ses camarades. « De garder le Lofoten. Hors de l'ordre du jour. »
Un petit moment de flottement.
Actée : « Maximus, si vous voulez répondre sur l'aspect militaire de la question ? »
Maximus de Rivera : « Hmhm. Bien. Bien entendu l'éventuelle mobilisation de troupes étrangères sur le sol de l'Enclave Pharoise ne conerne que vos deux pays, mais nous pensons que cela ne serait pas nécessaire. À ce stade il faut considérer que le Pontarbello sera occupé militairement par l'ennemi. Nous voulons éviter un conflit, donc nous préconisons plutôt une désescalade de la situation. Nous demanderons à nos amis des Brigades Solaires de quitter les lieux, et éviterons de pousser la Fédération, qui doit se sentir intouchable pour le moment, à porter atteinte aux intêréts Pharois dans la région. Concernant les éventuelles technologies antiaériennes, nous sommes en mesure de procéder à un transfert de matériel, à terme. Cependant il nous semble que pour le moment l'Eurysie ne compose pas un théâtre à risque.
Ce que nous pourrions vous proposer, cependant, serait une série d'exercices militaires communs sur le Sol du Grand Kah. Nous luttons contre des guérillas religieuses au sud de la région et dans le cas très improbable où un conflit ouvert éclaterait contre la Fédération vos troupes seraient ainsi formées aux opérations en terrain équatorial, ce qui pourrait s'avérer utile sinon vital. »
Actée : « À vrai dire ce "presque-conflit", si vous me permettez l'expression, offre de très nombreuses opportunités que nous ne pouvons pas ignorer. Inutile de revenir sur les aspects les plus évidents : pour commencer la situation impose à la plupart des puissances de prendre parti, directement ou indirectement. On me rétorquera qu'un bon service diplomatique rendait déjà ces informations évidentes mais au moins maintenant les choses sont claires, nous savons qui se situe où. Pour en revenir à ce que vous proposiez... Oui ? Allez-y Aquilon. »
Aquilon : « Concernant l'Organisation des Nations Commerçantes, je tenais simplement à dire que les cartes que nous avons à jouer de ce côté sont extrêmement limitées. Les puissances membres sont au mieux indifférentes au Liberalintern, au pire extrêmement hostiles à ses membres. L'idée est bonne, en pratique j'ai peur que cela nous coûte une énergie qui serait mieux utilisée ailleurs. Sauf votre respect, camarade Sakari. »
Actée acquiesça doucement. Elle était manifestement d'accord, même s'il lui peinait de fermer une prote avant même de s'y être engagée.
Actée : « Mais nous avons d'autres cordes à notre arc. Pour rebondir sur ce qui se disait plus tôt : nous pouvons ouvrir plusieurs fronts diplomatiques. Pour commencer il y a effectivement l'Union Albienne, qui pourrait devenir une voix puissante en Eurysie. Bien entendu ils vous qualifieront aussitôt de poupées communistes et que sais-je encore. Nous ne pouvons pas nous attendre à grand-chose d'autre qu'à des insultes, de leur part. Cela renforcera probablement la position de l'Union. Quand on est suffisamment mal insulté par les bonnes personnes, on engrange des points.
Et à ce propos, il y a l'affaire des... Caricatures racistes. »
Parmi les rares asiatiques dans la salle, son ton exprimait du dégoût et son expression une colère froide.
Actée : « Les services de propagande de l'Aguenara ont accusés les hommes des brigades solaires de crime de guerre. Ce qui est ridicule : ce sont des hommes formés au strict respect des conventions et droits humains. Cette propagande outrancière est d'autant plus ridicule que les positions civiles bombardées se trouvaient derrière les lignes des Brigades, attestant mécaniquement que les bombardement et tirs les ayant ciblés étaient ceux de l'ANPL. Et enfin, bien entendu, il y a des caricatures. Des. Saletés. De caricatures. Le Grand Kah est une nation syncrétique et cosmopolite. Les nazuméens composent un peu plus de 30% de la population. La plupart des brigadiers solaires volontés lors de ce conflit sont à priori des latinos-paltoterrans et des hommes issues de populations paltoterrannes autochtones. Qui ressemblent, ethniquement, à des nazuméens, mais n'en sont pas. Ces caricatures font ressurgir les heures les plus haïssables du péril jaune et sont, par ailleurs, parfaitement répugnantes dans ce qu'elles disent de la vision du monde de la Fédération et de ses États fantoches. Ce point est extrêmement utile puisqu'il a déjà provoqué des véritables réactions de rejet de la part de plusieurs pays, notamment Afaréens, ayant subits la colonisation et le racisme eurysien. Sauf votre respect, messieurs. »
Elle toussota.
Actée : « Ces agressions symboliques et l'incapacité des médias fédéraux à les condamner ou à en comprendre la violence, créent un climat extrêmement délétère mais parfaitement profitable : nous tombons mécaniquement dans le camp du bien, puisque nous faisons littéralement face au racisme décomplexe, globalement considéré comme, tout de même, pas très sympa. Cela signifie pouvoir compter sur l’opinion publique, sur le soutien de pays altermondialistes tel que le Banairah, l'Althalj, et ouvre la voie à des campagnes d'influence que nous pourrions mener à ce sujet au sein du Nazum. Plus jamais ça, sus au racisme, ainsi de suite. L'opportunité est immense et le mouvement déjà enclenché par la société civile. Pour en revenir à l'Afarée, c'est clairement là que les services de la Fédération comptent étendre leur influence à l'avenir, donc compter sur le soutien de puissances régionales sera essentiel pour assurer que les indépendances Listoniennes se fassent désormais dans de bonnes conditions. Nous luttons contre l'impérialisme, ici, rien de mieux que le faire en compagnie des premiers concernés. »
Maximus de Rivera : « Hm. Une dernière chose. Nous savons que la Fédération va organiser des élections au sein du Pontarbello. C'est une simple formalité visant à asseoir leur domination néo-coloniale sur la province. Ils veulent probablement effacer la nature paramilitaire de leur invasion, et assoir une légitimité démocratique. »
Aquilon : « On sait comme l'apparence de "démocratie" suffit à calmer l’opinion des libéraux. »
Maximus de Rivera : « Ces élections ne doivent pas être négligées. Nous pourrions peut-être, les changer en fiasco tournant à l'avantage des forces réellement indépendantistes. »
Il se renfonça un peu dans son siège.