21/02/2015
18:28:00
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[RP] Acte V – Rencontre entre un Prince et un Colonel à Nasabis.

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Acte V – Rencontre entre un Prince et un Colonel à Nasabis.

Le Colonel Córdoba
Le Colonel Córdoba était l'homme de confiance du Général Cortés. C'était le plus jeune officier supérieur de l'armée impériale, une distinction qui lui avait valu une forte réputation auprès de l'aristocratie métropolitaine. Aujourd'hui il était le commandant-en-chef des garnisons coloniales de Kodeda.


C’était une matinée particulièrement chaude, une légère brise en provenance directe du désert balayait Nasabis de son souffle brulant. Comme toujours le ciel était haut et le soleil flamboyant, tandis qu’une épaisse fumée nauséabonde s’élevait déjà dans l’air, annonçant le début d’une nouvelle journée sur la colonie. Cette fumée c’était celle des usines de raffinage pétrochimique en bordure de la ville, c’était d’ailleurs la raison même du maintien de la présence impériale dans cette cité. Ce jour-là, Nasabis affichait un calme plat comme si rien ne s’était jamais passé, cette tranquillité relative était bien évidemment le résultat du renforcement de la loi martiale dans la région. Une situation qui semblait satisfaire les autorités impériales mais qui excédait inévitablement la population. Il y avait néanmoins une certaine tension dans l’air, les braises de la contestation ne s’éteignaient encore que difficilement. Ces jours-ci c’était de toute façon devenue presque une norme dans les colonies afaréennes de l’Empire Listonien.

Depuis la terrasse de l’immense propriété qui accueillait le Gouverneur de Kodeda, le Colonel Córdoba faisait les cent pas. La mission que lui avait confié le Général Cortés devenait bien plus complexe qu’il ne l’avait imaginé au départ. Si l’armée contrôlait complètement la capitale et les principales infrastructures portuaires et aéroportuaires, elle avait encore du mal à s’imposer dans les zones rurales de la province. Les récentes manifestations dans les campagnes étaient la preuve que l’autorité impériale n’était plus entièrement maître des lieux. L’Empire avait un attachement tout particulier envers Kodeda et c’était la raison du déploiement de plus de deux milles soldats dans la région. Córdoba ne pouvait s’imaginer un seul instant perdre la colonie, cela signerait probablement son arrêt de mort. S’il avait fait jusqu’ici une si belle carrière dans le haut-commandement listonien, c’était grâce à son intelligence et sa ruse, il comptait principalement sur sa propre compétence pour s’en sortir dans toutes les situations. C’était un homme plutôt grand et élancé aux traits caractériels de sa listonie natale, il atteignait à peine la quarantaine, il était jeune pour un homme de sa stature. Comme un signe de défi envers les locaux, il portait à la ceinture une dague antique qui avait appartenu autrefois à la lignée royale de Kodeda, un artefact qu’il avait dérobé dans le bureau de l’actuel gouverneur de la colonie.

Cette matinée était cruciale pour l’histoire de la province, il devait enfin rencontrer le Prince Saadin, un homme dont il avait beaucoup entendu parler depuis son arrivée au Kodeda. Ce politicien local qui descendait apparemment de l’ancienne monarchie locale était rapidement devenu un homme emblématique pour une partie de la population. Córdoba préférait négocier avec un homme raisonnable plutôt qu’avec les militants indépendantistes qui pullulaient dans les bas-quartiers, il avait bon espoir de pouvoir convaincre le Prince qu’une alliance avec les autorités impériales était la seule alternative pour l’avenir de la colonie. Bien évidemment, il jouait un double-jeu avec le Prince, ne souhaitant pas non plus que ce dernier ne prenne trop de pouvoir dans les affaires locales. C’était de toute manière l’occasion pour lui de jauger quel genre d’homme était Mutarrif ibn Saadin.
Septembre 2007 - Dans le palais impérial, au Kodeda.


Le Prince Mutarrif ibn Saadin, quittant sa voiture pour rejoindre les représentants de l'autorité impériale au Kodeda.
Invité en présence de l'administration coloniale, le Prince joue ses cartes pour maintenir ses intérêts dans le pays.


La chaleur quotidienne qui habitait le Kodeda n’affectait pas la motricité du Prince Mutarrif ibn Saadin lorsqu’il dût se rendre au palais impérial de la région, “invité” par les représentants de l’Empereur listonien à un échange courtois.

Son cordon de sécurité était moyennement enchanté par le déplacement, particulièrement depuis que les autorités impériales listoniennes avaient considérablement renforcé leur présence militaire dans la région d’Afarée occidentale. En outre, l’idée que le Prince Mutarrif ibn Saadin se rende à une réunion organisée par l’Empire, ne pouvait qu’inciter les extrémistes indépendantistes à croire que le Prince lui-même pouvait compter parmi les figures du colonialisme. Une image telle que celle-ci pourrait accentuer le risque d’assassinat contre sa personne. Mais l’ambition du Prince venait à nourrir en lui une certaine témérité et sa participation à la réunion ne manqua ni de sa présence, ni de sa ponctualité.

“Colonel Córdoba, quel immense plaisir de venir à votre rencontre. Les palais vous vont à ravir, permettez-moi de vous inviter en retour dans le mien, à Saribga. Une prochaine fois, nous trouverons l'occasion pour sûr.” Ces formalités et politesses échangés, le Prince invita un valet à le dépasser pour présenter sans geste brusque, un présent à l’attention de l’officier listonien. “Colonel Córdoba, veuillez accepter ce modeste présent pour honorer votre rang et la noblesse de votre mission en ces lieux.”

Si l’officier listonien s’avançait pour prendre possession du présent, il trouverait une magnifique dague ouvragée à la main, présentée sous un étui d’or, identiquement à la matière qui compose le pommeau de celle-ci.

Présent offert au Colonel listonien.
Dague beïdane offerte en présent par le Prince Mutarrif ibn Saadin.


En Afarée, chaque officier se doit d’avoir une arme blanche avec lui, symbole de sa résistance face à l’ennemi, lui permettant de servir la couronne même lorsque la faim le tenaille et que les balles manquent à son fusil. J’ai décelé en vous, et après ça, en la couronne listonienne, une grande force de conviction qu’il m’importe de mettre à l’honneur. C’est pour vous, j’espère qu’il vous plaira ! C’est un ouvrage beïdane, du nom de ma communauté. Une pièce de grande valeur par les matériaux qui le composent mais aussi par le temps et la technicité mis à l’ouvrage…”

L’échange de présents apporta un brin de convivialité à l’instant, tout en assurant un sauf-conduit au Prince dans le cas où la rencontre dégénérait. Arrête-t-on son invité lorsqu’il se présente à vous? Plus encore les bras encore chargés du présent qu’il vous dédie? Dans les sociétés occidentales, un tel forfait pouvait se dessiner sans avoir à payer lourdement les frais qu’une telle incorrection signifiait. Au Kodeda et dans les milieux traditionalistes défendus par le Prince, ce code de courtoisie avait encore un sens.

“Que puis-je pour vous Colonel Córdoba? Dites-moi tout ! Je nourris l'espoir de vous partager mes différents projets pour gonfler les données de la balance commerciale, offrir des résultants probants sur le très court terme...”
« Monsieur Saadin, votre réputation est donc vraie, vous êtes un homme ponctuel. C’est une qualité que nous apprécions en métropole, soyez-en certain. » S’avançant d’une démarche légère, il observa un instant le présent qu’on lui accordait, si l’attention se voulait surtout stratégique, elle était néanmoins vue par Córdoba comme un signe de respect envers la Couronne. « Et vous êtes un homme intelligent, une nouvelle qualité particulièrement utile surtout dans des temps aussi troublés. » Sans prendre le temps de toucher l’objet qu’on lui tendait, il fit signe à un jeune soldat en retrait, ce dernier récupérant alors le cadeau et disparaissant ensuite dans l’édifice. Les bras croisés dans le dos, se déplaçant autour du Prince tout en le détaillant du regard, Córdoba se voulait provocateur, gaugeant la patience de l’aristocrate. « Monsieur Saadin, même si je suis conscient de votre grande connaissance de l’histoire du Kodeda, permettez-moi un bref rappel historique. Depuis des siècles, l’Empire de Listonia maintient la paix sur ce territoire et vous apporte la prospérité et les joies du monde moderne. C’est d’ailleurs grâce à la lignée impériale que votre famille est encore aujourd’hui en place et qu’elle profite des honneurs. Le lien profond entre la Métropole et Kodeda est incontestable et il ne peut pas être remis en question à cause de quelques années d’errance. » Cette-fois-ci le Colonel se figea net devant Saadin faisant claquer ses bottes pour l’occasion. « C’est pourquoi vous comprenez ma déception lorsque j’ai appris que vos maraudeurs mandrarikans fouinaient autour de nos places fortes. Croyez-vous réellement pouvoir battre l’Empire sur son propre territoire, Monsieur Saadin ? » D’un air menaçant, il caressait le pommeau de son poignard tandis qu’il déblatérait puis un instant plus tard c’était comme si toute colère avait disparue de son expression faciale. « Voyez-vous la Couronne est prête à pardonner l’errance, le pardon est après-tout le fondement de notre église. Nous sommes même prêts à concrétiser vos aspirations les plus folles, si bien sûr vous nous faites la preuve que vous êtes toujours un homme raisonnable. Êtes-vous un homme raisonnable, Monsieur Saadin ?»
La confrontation entre les deux hommes, considérant l’endroit et les enjeux, aurait rendu l’air irrespirable à un bon nombre des personnes qui auraient pu assister à la rencontre. Mais le Prince, qui vivait depuis plusieurs mois sous la menace imminente d’un assassinat, d’un enlèvement ou même d’une arrestation, fruit d’un quelconque arrangement entre le pouvoir impérial et les lobbies présents au Kodeda, avait appris à surmonter la présence de ce stress permanent, consolidant ses soutiens parmi le monde rural et multipliant les contacts avec des sociétés militaires privées d’excellence, qui prenait en charge sa sécurité. Devant l’alarmisme affiché par le colonel listonien, l’aristocrate fit ce qui lui sembla le mieux à faire, en minimiser la portée.

“Oh colonel, j’imagine bien qu’il faille un peu plus de deux coupes-jarrets assis sur un talus et guettant les véhicules de fret à un stop pour ébranler l’Empire, sinon que Dieu nous garde si cela suffisait” La révérence et l’adhésion qui imprégnaient les mots du Prince souffraient d’un relatif stoïcisme, privant son interlocuteur d’une perception nette et précise quant à l’intérêt réel que porter le Prince à ces menaces. “J’ai effectivement facilité l’entrée sur le territoire de ressortissants mandrarikans fuyant la guerre car la main d’oeuvre nous manque, notre économie locale est encore rudimentaire, sans capacité réelle pour concurrencer nos plus proches voisins… Mais la pauvreté fait son chemin et la misère son lot de malheurs, vous m’apprenez la déshérence de ces nécessiteux et je me tiens à votre entière disposition pour participer à l'accalmie des routes commerciales nordiques.”

"Vous pensez bien mon colonel que, dans ces circonstances actuelles, la raison est mienne. J’ai en ma possession un certain capital, que j’ai d’ores et déjà promis de positionner sur les installations aéroportuaires afin de permettre le rééquilibrage d’une balance commerciale dans le pays, saignée à blanc par les importations par voie terrestre depuis le Grand Kah. La ruralité souffre et son ouverture sur le monde méritera un lot d’investissements qui, je vous le dis sans détour, ne sont plus à la portée de l’Empire. L’Empire n’a plus les moyens d’investir dans l’économie de ses possessions ultramarines. Sachant cela, pensez bien que j’ai pour moi toute la raison possible si je vous confiais avoir l’envie et le besoin de réindustrialiser notre région, alors qu’on lui impose toujours plus d’ouverture et de mondialisation, bien qu’elle ne soit pas prête à l’absorber…”
Satisfait du sang froid de son interlocuteur, Córdoba s’aventura vers une attitude plus adoucie, le sujet que représentait l’économie locale était l’enjeu principal de l’avenir de la région. « Je comprends vos inquiétudes, Monsieur Saadin. Mais ne sous-estimez pas la Couronne, encore aujourd’hui, nous avons des moyens que vous ne soupçonnez pas. Néanmoins nous avons une vision d’avenir pour le Kodeda et cette vision implique une représentation locale afin de ne pas couper le lien entre le peuple et son héritage culturel. La réindustrialisation du Kodeda est aussi notre ambition et si nous pouvons entrevoir les intérêts d’une ouverture internationale à Nasabis, nous reconnaissons qu’il existe d’importants chantiers pour sortir la ruralité locale de son état actuel. En ce sens, nous sommes tout à fait en adéquation avec vos objectifs et c’est pourquoi nous sommes prêts à faire de vous un allié en lieu et place d’un opposant. Je vais être direct car je sais ô combien votre temps est précieux, une place de gouverneur se libérera bientôt, celle-ci ouvrirait la voie à un renouveau du Kodeda tant institutionnel que politique. Afin de s’engager vers cette voie historique, la Couronne se cherche un visage au Kodeda, une représentation qui disposera de toute la légitimité pour engager une transition vers une relation rafraîchie entre la Métropole et Kodeda. C’est à vous que l’Empereur souhaite confier cette responsabilité, une position forte inédite pour votre dynastie qui est privée depuis longtemps de ce qu’elle mérite. Toutefois, il y a bien évidemment certaines conditions à cette offre, vous comprenez que nous ne pouvons pas permettre plus longtemps l’influence qu’exerce les lobbies sur la campagne kodedane. Nous attendons-donc de vous que vous fassiez vos preuves et que vous vous occupiez de la situation. »
Bien que le ton et l’arrogance affichée par le colonel Córdoba avaient matière à déplaire au Prince, ce dernier multiplia les gestes de complaisance à l’égard du délégataire impérial listonien, se jurant intérieurement que la dague offerte pour présent diplomatique serait peut-être bien celle avec laquelle il viendrait trancher la gorge de l’officier et le noyer dans son sang.

Peu enclin à pérenniser le statut colonial du Kodeda, le Prince Mutarrif ibn Saadin savait néanmoins qu’une lutte simultanément dirigée contre l’Empire listonien et les sphères d’influence kah-tanaises était une lutte perdue. De ce constat, et celui faisant état d’une autorité impériale listonienne enclin à proposer quelque chose sur la table, le patriarche des Saadin se ravisa et offrit en retour les conditions sine qua non de sa coopération.

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