Le Colonel Córdoba était l'homme de confiance du Général Cortés. C'était le plus jeune officier supérieur de l'armée impériale, une distinction qui lui avait valu une forte réputation auprès de l'aristocratie métropolitaine. Aujourd'hui il était le commandant-en-chef des garnisons coloniales de Kodeda.
Depuis la terrasse de l’immense propriété qui accueillait le Gouverneur de Kodeda, le Colonel Córdoba faisait les cent pas. La mission que lui avait confié le Général Cortés devenait bien plus complexe qu’il ne l’avait imaginé au départ. Si l’armée contrôlait complètement la capitale et les principales infrastructures portuaires et aéroportuaires, elle avait encore du mal à s’imposer dans les zones rurales de la province. Les récentes manifestations dans les campagnes étaient la preuve que l’autorité impériale n’était plus entièrement maître des lieux. L’Empire avait un attachement tout particulier envers Kodeda et c’était la raison du déploiement de plus de deux milles soldats dans la région. Córdoba ne pouvait s’imaginer un seul instant perdre la colonie, cela signerait probablement son arrêt de mort. S’il avait fait jusqu’ici une si belle carrière dans le haut-commandement listonien, c’était grâce à son intelligence et sa ruse, il comptait principalement sur sa propre compétence pour s’en sortir dans toutes les situations. C’était un homme plutôt grand et élancé aux traits caractériels de sa listonie natale, il atteignait à peine la quarantaine, il était jeune pour un homme de sa stature. Comme un signe de défi envers les locaux, il portait à la ceinture une dague antique qui avait appartenu autrefois à la lignée royale de Kodeda, un artefact qu’il avait dérobé dans le bureau de l’actuel gouverneur de la colonie.
Cette matinée était cruciale pour l’histoire de la province, il devait enfin rencontrer le Prince Saadin, un homme dont il avait beaucoup entendu parler depuis son arrivée au Kodeda. Ce politicien local qui descendait apparemment de l’ancienne monarchie locale était rapidement devenu un homme emblématique pour une partie de la population. Córdoba préférait négocier avec un homme raisonnable plutôt qu’avec les militants indépendantistes qui pullulaient dans les bas-quartiers, il avait bon espoir de pouvoir convaincre le Prince qu’une alliance avec les autorités impériales était la seule alternative pour l’avenir de la colonie. Bien évidemment, il jouait un double-jeu avec le Prince, ne souhaitant pas non plus que ce dernier ne prenne trop de pouvoir dans les affaires locales. C’était de toute manière l’occasion pour lui de jauger quel genre d’homme était Mutarrif ibn Saadin.