
Bureau du ministre des Affaires étrangères

Mikhail Ivanovitch STEINER, ministre des Affaires étrangères
Comme à son habitude à cette heure, Mikhaïl Ivanovitch sirotait un thé glacé. Devant la fenêtre, la main gauche dans le dos, la droite tenant son verre, il regardait les bourrasques souffler la neige sur les malheureux gardes royaux affectés à la surveillance du bâtiment. Il songeait au calvaire que devait vivre ces hommes présentement, à attendre dehors dans le noir et le froid, prisonniers du devoir qui était le leur, alors que lui pouvait se payer le luxe d’un thé glacé dans son bureau. Derrière lui se tenait son office, un bureau et une bibliothèque murale en bois précieux, qui couvrait deux des quatre côtés de la pièce. Sur son bureau était ouvert un épais dossier, rempli de feuilles agrafées et couvertes de chiffres et d’annotations, à côté se trouvaient une paire de petites altères et des élastiques de musculation.
Quelqu’un toqua à la porte.
- Entrez !
- Mr le ministre, l’Avion de l’Archonte Elpidien est annoncé à l’aéroport dans 30 minutes.
- Bien, je vous remercie. Prévenez le secrétaire de sa majesté et celui de Monsieur O’Bourne, je pars pour l’aéroport.
Sans attendre de réponse de la part du nouvel arrivant, qu’il n’avait même pas regardé, il le congédie d’un geste. Le temps d’un soupir, un regard au tremblement qui commence à agiter sa main droite et il termine son verre d’un trait.
- Quand ‘faut y aller, ‘faut y aller… courage !!
On a beau avoir les dents longues, arriver ministre des Affaires étrangères à 35ans, ce n’est pas donné à tout le monde, et l’Archonte Elpidien, Méridéas Pericléïde, n’était pas n’importe qui. Mikhaïl saisit le dossier sur son bureau, sa veste et sorti de son bureau, immédiatement suivi par deux gardes royaux assurant sa protection. Autant il avait fini à se faire à ceux qui gardaient le bâtiment, autant il avait encore du mal à supporter la protection dont il faisait l’objet. Netharia était un pays calme, aucune menace ne venait troubler sa sérénité pour le moment, alors pourquoi ces deux gugusses à chapeau en peau d’ours pour le suivre partout où il allait ? De plus ils portaient des armes. Le jeune homme les avait en horreur depuis un incident de tir lors de son service militaire. Elles étaient utiles, certes, mais leur proximité le rendait nerveux. Pour se calmer, tout en descendant rapidement les marches le menant à sa voiture avec chauffeur, il regarda rapidement le nom sur son dossier : Méridéas Pericléïde.
Ce qui avait frappé le jeune ministre des Affaires étrangères, c’était qu’ils avaient le même âge, et qu’ils avaient tout deux fréquenté les rangs de l’armée. Mais c’étaient peut-être leurs seuls points communs selon son dossier, car là où lui n’avait fait que son service militaire obligatoire pour tout citoyen de Netharia, Pericléïde avait vraiment combattu, et ce très tôt, à un âge où les Nethariens sont encore au Lycée. Il avait rapidement grimpé les échelons de la hiérarchie grâce aux aléas des combats, et avait fini à la tête de son gouvernement. Un personnage qui avait de quoi intimider quelqu’un qui n’avait affronté que la politique, avec certes son lot de vipères et de coups bas, mais, jusqu’ici, personne n’en était mort.
Au téléphone dès son entrée dans sa voiture, il ne raccrocha qu’une fois arrivé devant le grand terminal 1 de l’Aéroport International Anton Kagelhart, l’aéroport d’Eskad.

Aéroport International Anton Kagelhart, Grand Terminal 2, départs

Grand Terminal 1, arrivées
En descendant du véhicule, il aperçut du coin de l’œil un officier de la garde royale donner les dernières instructions à sa formation, en attente de part en d’autre d’un grand tapis rouge. Sa voiture partie, une grande limousine vint s’arrêter à l’extrémité du tapis. Mikhaïl secoua la tête. Tant de salamalec pour une rencontre commerciale, cela le dépassait. Lui, dont la diplomatie n’était absolument pas la spécialité, qui se retrouvait à diriger celle de son pays. Lui qui était fait pour donner les conseils dans l’ombre se retrouvait à présent sous les feux de la rampe, tout ça parce qu’un homme un peu trop droit s’était peut-être fait un devoir de récompenser ses meilleurs conseillers et amis. Et qu’il avait peut-être jugé que le physique avenant du jeune homme serait un premier contact sympathique avec le pays.
*Quelle connerie* pensa Mikhaïl en s’engouffrant dans le grand hall 1, ses deux inséparables gardes sur les talons. Il traversa le hall à grands pas et retrouva le couple royal et le premier ministre devant la sortie 3 du grand hall 1.

Grand Hall 1
Il s’inclina profondément devant le couple royal, qui paraissait coincé dans leur costume de cérémonie. Les jeunes souverains lui répondirent en hochant la tête avec un sourire. Des personnes normales propulsées à un rôle auquel ils n’aspiraient pas, voilà l’image qu’ils revoyaient. Pour les avoir pratiqués depuis quelque temps, Mikhaïl savait que le roi Klaus et la Reine Alexa, bien que souverains officiels du royaume de Netharia, n’aimaient guère le cérémoniel entourant les réceptions diplomatiques et mondaines, et encore moins les costumes qu’ils étaient obligés de porter. Klaus ne jurait que par le couple pantalon cargo et chemise à carreaux, quant à Alexa, elle préférait celui du jean et d’un bon pull en laine.

Le jeune couple royal en tenue protocolaire.
Se tournant vers le premier Ministre il lui serra chaleureusement la main. Les deux hommes étaient unis par une franche amitié qui s’était renforcée pendant la campagne électorale. Mikhaïl se demandait néanmoins souvent pourquoi Arthur l’avait placé aux affaires étrangères plutôt qu’à le garder comme conseiller.

Le premier ministre Arthur O'Bourne
- Tu arrives juste à temps, Mikhaïl, il vient de finir son roulage, dit Arthur O’Bourne en montrant le bi-réacteur Elpidien en approche de la porte mobile.
- Il est arrivé en avance sur ce qu’on m’avait dit !
- Une histoire de vent favorable lors de la descente, précisa le roi.
- Le genre qui fait gagner dix minutes… ces phénomènes resteront un mystère pour moi…
- Tu te sens près ? demanda le premier ministre, sachant que c’était la première grande épreuve diplomatique de son ami.
- Tu rigoles ? Je tremble tellement que je pourrais te faire une mousse au chocolat sans efforts !!
Arthur O’Bourne fit une accolade fraternelle à son jeune ami et le regarda avec un sourire confiant. Pas besoin de paroles pour dire que Mikhaïl avait toute sa confiance. La fanfare derrière eux commença à jouer l’hymne Elpidien alors que le cordon de la garde se mettait au garde à vous. Aux premières notes Mikhaïl sursauta. Selon le protocole, c’était à lui d’accueillir l’Archonte et de lui présenter le couple royal et le premier ministre. Il vit la porte de l’avion s’ouvrir. Sa première rencontre d’un officiel étranger en tant que ministre des Affaires étrangères allait commencer.
Il s’avança vers l’homme qui ressemblait à la photographie sur son dossier de l’Archonte Pericléïde, sans tiquer outre mesure sur la toge portée par le jeune chef d’état. Après tout, Arthur O’Bourne portait bien le kilt chez lui et Mikhaïl n’était pas sectaire. Le fait que l’Archonte ai le même âge que lui finit par le calmer à mesure qu’il se rapprochait de lui, et il salua enfin son vis-à-vis, un sourire franc sur le visage.
- Bienvenue à Netharia, Excellence, j’espère que vous avez fait bon voyage. Permettez que je vous présenter son Altesse le roi Klaus et son épouse, la reine Alexa, qui seront nos hôtes pour ce soir. Je vous présente également le premier ministre Arthur O’Bourne, qui nous accompagnera aussi le temps du repas dans la résidence royale.