
Le petit village listonien de Ciríaco, sur la côte ouest de la péninsule, constitue un lieu de rencontre parfait entre les représentants cémétéens et banairais. Isolée du tumulte de Jadida, la capitale, ce terrain neutre garantit la discrétion des échanges.
La rencontre tant attendue entre les deux plus grandes puissances afaréennes, à savoir la Principauté de Cémétie et la République Directe de Banairah, respectivement première et deuxième puissance afaréenne, allait enfin se dérouler. Cette rencontre était attendue depuis maintenant 4 ans mais avait été reléguée coup sur coup suite à des problèmes de coordination des administrations. Pour les deux gouvernements en place, il s'agissait d'une erreur stratégique qui leur avait coûté leur influence dans le conflit meurtrier du Varanya, une véritable défaite pour la Cémétie qui dut faire marche arrière suite à la force militaire écrasante de la belliqueuse fédération archipélagique de l'Alguarana qui avait donné tout son soutien aux rebelles pro-démocrates. Désormais, en lieu et place du feu-empire varanyen se trouvait un régime fantoche dont on soupçonnait des liens de vassalité avec la fédération, du fait notamment de ses soutiens indéflectibles aux exactions commises au Pontarbello pour la mise en place d'une junte militaire dans l'ancienne colonie listonienne. Faute de coopération locale, les flux mondiaux reléguaient l'axe nord-afaréen, sous-estimant ses capacités de production et sa solvabilité. A cause de cette désunion totale du continent, même entre ses plus florissantes nations, l'interventionnisme étranger faisait légion et déstabilisait des régions entières, comme la corne ouest-afaréenne où se trouvent deux théâtres d'opérations, le Kodeda et le Shibh Jazirat Alriyh. Au sein du premier, deux factions s'opposaient : les révolutionnaires démocrates pro-kahtanais et le clan rétrograde Saadin qui espérait reprendre son pouvoir clanique sur les terres kodedanes. Au Shibh Jazirat Alriyh, l'Althalj tentait de défendre les populations locales de l'oppression de la couronne listonienne et les Pharois leurs intérêts dans leur exclave locale. L'immobilisme afaréen impliquait également la survivance d'états frauduleux obscurantistes tel la Mandrarika, un état mené par une élite sectaire manipulant sa population. Les fronts étaient multiples, et l'autodétermination afaréenne était en véritable danger. La rencontre visait donc plus que le développement d'une coopération entre les deux poids lourds du continent, elle visait à réfléchir pas à pas à l'avenir de la région, à penser à des stratégies à même de faire peser leurs décisions et d'être véritablement reconnus pour leur légitimité et leurs compétences.
Le choix de Ciríaco n'était pas anodin : il s'agissait d'un village construit entièrement par les colons listoniens à Alay Al Jadida pour se distinguer des villages jadidiens, transformés en exploitations agricoles et en parcs à esclaves. Il s'agissait certes d'un très joli village bucolique, paisible et discret, mais il représentait la menace fantôme, le spectre de l'impérialisme étranger. Il fallait s'unir, gagner en force pour protéger le continent et ses habitants.