L’économie Kah-tanaise actuelle est, plus que toute autre chose, l’héritière de ces circonstances particulières.
Avec une augmentation annuelle moyenne de 7% entre 1992 et 2000, et de 10% entre 2000 et 2008, l'économie Kah-tanaise est passée en 16 ans d'un PIB total de 300 milliards à plus de 1098 milliards de dollars. Cette période, surnommée "Miracle Économique Kah-tanais" est souvent employé comme preuve par l'exemple de la faisabilité de l'économie participative socialisée, et est généralement attribuée à la combinaison d'un important marché intérieur, d'une gestion intelligente de la reconstruction, d'une population active dynamique et formée et, peut-être le plus important, d'une exploitation sans vergogne de l'économie mondiale, fût-t-elle principalement capitaliste.
Les grands principes de l'économie kah-tanaise sont la Socialisation des moyens de production et l'autogestion des travailleurs. Définitivement libertaire, elle rejette aussi la planification au sens classique du terme, jugée centralisatrice et autoritaire, au profit d'un système de coopérative favorisé dès les premiers jours de la révolution.
Les théoriciens du communalisme soutiennent, sur la base de preuves empiriques, que l'autogestion, la propriété commune, l'autonomie des travailleurs et la sensation de contrôler son existence (définis dans la doxa communaliste comme des « motivations intrinsèques) sont des incitations bien plus efficaces que le gain monétaire ou l'appel à la hiérarchie (qui sont des « motivations extrinsèques »). Selon Quri Xen Suchong, les motivations intrinsèques liées au travail sont bien plus cruciales dans la motivation des travailleurs que les notions de gestion hiérarchique et la dépendance excessive à l'égard de la compensation monétaire comme récompense. Il est en effet démontré que ni la hiérarchie ni le salaire n’empêchent les burn-outs, la sensation d’inutilité, les "bullshit jobs". Plus généralement il est admis que ces notions sont à l’origine de l’aliénation, elle-même contre-productives.
Les penseurs technocrates suggèrent pour leur part que les motivations intrinsèques, combinées à un système de prime, pourraient avoir des effets positifs sur les performances et la motivation des travailleurs autonomes. Selon leurs recherches, la solution optimale serait donc de combiner les incitations intrinsèques à des motivations extrinsèques sans que celles-là ne viennent entamer le sentiment d’autonomie, de compétence et de contrôle sur son existence.
Quoi qu’il en soit, le système Kah-tanais n’est pas libéral au sens commun du terme. Considérant la propriété privée comme du vol (ou plus précisément, la propriété privée comme le nom d’un mécanique permettant à des individus de faire sécession de la société démocratique par l’accumulation de moyens), et considérant le salaire comme une chaîne empêchant le travailleur d’exister indépendamment de son aliénation, l’objectif assumé de l’Union et d’arriver à une économie de l'abondance, ce qui, au moins sur le plan institutionnel, est en grande partie le cas. Il faut comprendre que l’économie n’est comprise que sous le prisme des besoins auxquelles elle doit répondre. Ne répondant à aucun autre objectif, cette économie n’a pas pour prérogative d’enrichir des propriétaires et, par conséquent, ne favorise pas la création de fortunes. Les richesses produites sont la manne commune des citoyens, à travers le système coopératif et autogestionnaire. Ce qui ne sert pas à répondre aux besoins des kah-tanais est réinvesti.
Le Kah en tant que théorie indique que le capitalisme, la croissance économique basée sur l'accumulation de capital et la propriété privée, dépend de l'exploitation du surtravail. Est surtravail tout travail n'étant pas récompensé à hauteur égale de ce qu’il produit. Le système capitaliste est donc un système de spoliation du travail. Une société d'abondance permet quant à elle la distribution libre des biens, rendue possible par l'abondance découlant de bonnes pratiques économiques et d'une automatisation allant croissante. L'économie communaliste permet, grâce à des niveaux d’automatisation de plus en plus élevés, une production de plus en plus importante assurant un pool croissant de ressources accessibles à la redistribution. En termes très prosaïques, les fonds qui viendraient enrichir une minorité d’individus ou seraient dépensés dans la valeur ajoutée d’objets ne nécessitant, en eux-mêmes, pas une valeur travail équivalente à leur prix du marché sont, dans cette économie, immédiatement réinvestis, s’ils ne participent pas à la réponse aux besoins des habitants.
Il est fréquent que le terme même « commissariat » et l’habitude voulant que l’économie ne puisse être dirigée que du sommet vers la base, comme dans les régimes à économie capitaliste traditionnelle ou ceux à économies planifiées centralisées, donnent la sensation d’une économie Kah-tanaise cadenassée, dont les principes fondateurs cacheraient en fait une organisation verticale ne laissant ni la place à l’initiative, ni la place à une quelconque improvisation ou déviation par rapport à un plan économique rédigé au sommet et imposé à la base, dépendant des rapports, qu’on imagine volontiers tronqués, que celle-là rédigerait pour rendre compte de son action.
Il s’agit là de lieux communs qu’il vaut mieux réserver aux émissions de propagande et que tout économiste sérieux se doit d’oublier pour comprendre le fonctionnement de l’économie kah-tanaise et les principes lui assurant à la fois sa flexibilité et sa croissance.
Pour ce faire il convient de commencer par expliquer les liens entre la Confédération et ses acteurs économiques. Dans le Grand Kah, tout est politique à un degré ou un autre. Tel est le propre de la "démocratie", chose publique, étendue à tous les domaines de la société. On pourrait ainsi arguer que l’économie est, comme le gouvernement, populaire, mais ce serait une acrobatie stylistique assez peu éclairante quant au fonctionnement concret des choses. En termes simples, le rôle du gouvernement n’est pas de régir la vie économique de l’Union, ni même de l’encadrer, mais de fournir les outils et les éléments nécessaire à son fonctionnement. C’est le rôle des trois commissariats.
L’économie est organisée autour de coopératives et d’industries auto-gérées. Celles-là sont construites et régies par les travailleurs, qui se fixent leurs propres objectifs, élisent leur direction et s’appuient sur les organisations syndicales et communales pour obtenir les sommes nécessaires au développement de leur activité économique. Ces usines se coordonnent entre elles à travers le pays grâce à un principe dit de "planification démocratique", similaire à une économie de marché sans capital. Ou plus précisément, à une économie de marché dont chaque acteur serait propriétaire d’autant de parts dans son entreprise que ses collègues. Ce tissu économique se développe donc à sa guise, et répond aux communes où sont implantés les lieux de production. Le rôle des Commissariats n’est pas de gérer, mais d’assister.
Le Commissariat à la Planification se charge d’organiser les scrutins et les sommets visant à établir des plans économiques, à comprendre une analyse de la production de l'Union, des besoins de son économie, de sa population, et de ses perspectives globales et régionales de développement. C’est une tâche complexe qui demande un important niveau de compétence et une étude précise des besoins et compétences de la Confédération. Cette organisation est en communication avec tous les sites de production de l’Union – que ce soient les coopératives les plus importantes ou les syndicats représentants les exploitations individuelles ou de second plan, s’informe de leurs besoins, de leur capacité pressentie de production, de leurs capacités d’expansion. Ce Commissariat peut émettre des préconisations, des textes non-contraignants destinés aux acteurs économiques ou aux communes dont ils dépendent. Sa vision générale des choses lui permet de mettre en relation des projets d’expansion économique ou de rationaliser à l’échelle confédérale la production économique.
Le Commissariat au Maximum tire son nom de la Loi du Maximum, mise en place lors de la première révolution, en 1782, pour limiter le prix de certains produits de première nécessité. Ce nom est trompeur. Dans les faits le Commissariat au Maximum ne gère plus le prix des produits. Son rôle est de fournir une estimation précise de la richesse produite dans l’Union chaque année, en vue d’émettre un avis (généralement accepté tel quel par les communes) sur la quantité de richesse allouée gratuitement à chaque citoyen de l’Union. C’est l’instrument en charge du maintien de la société d’abondance, qui gère aussi l’économie "accessoire", les produits de luxe que les kah-tanais peuvent acheter avec leurs primes pour accompagner leur dotation annuelle. C'est un instrument extrêmement important du système communaliste, dont l'existence administrative sert surtout à rationaliser et incarner un aspect qui, sans cela, serait délégué aux acteurs économiques et politiques.
Le Commissariat au Commerce Extérieur, pour sa part, reçoit les informations du Commissariat à la Planification et s’arrange pour importer les ressources nécessaires au fonctionnement de l’économie de l’Union et, si nécessaire, au remplissage des besoins de la population. Il se charge aussi d’organiser et de gérer l’allocation des ressources dédiées à l’exportation aux grands consortiums kah-tanais servant de liens entre l’économie coopérative et le marché extérieur, fermement capitaliste. C’est peut-être le commissariat économique ayant le plus de pouvoir et d’indépendance, principalement parce que c’est au Commissariat à la Planification de rendre des comptes aux communes, celui au Commerce Extérieur ne traite qu’avec les acteurs économiques, en se basant sur les conclusions des Plans, mais sans directement contacter les chambres communales.
Ces commissariats accompagnent donc l’économie Kah-tanaise au jour le jour. Ils servent aussi de juge de paix en cas de conflits entre différents acteurs économiques. Dans les faits une coopérative pourrait tout à fait décider de ne pas travailler avec eux, c’est le cas de nombreuses exploitations individuelles ou ne servant qu’à alimenter leurs communes. Ces acteurs économiques acceptent cependant de ne pas être accompagnés pour acquérir la production potentiellement nécessaire d’autres communes/d’acteurs étrangers. Enfin, il faut noter que les membres de commissariats sont généralement issus des acteurs économiques ou des communes. Contrairement à d'autres périodes de l'Histoire kah-tanaise, les affaires confédérales ne sont pas gérées par des fonctionnaires issus de la capitale, mais par des groupes d’individus directement originaires des différentes régions de l’Union.