21/02/2015
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[RP] Acte VI – Le Colonel, le Prince et l'Union.

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Acte VI – Le Colonnel, le Prince et l'Union.

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L'enlèvement avait été effectué de telle façon qu'il était pour le moment impossible de déterminer ce qui était arrivé au Prince. Et c'était très bien comme ça. A tout point de vue, l'opération avait quelque-chose d'illégale que l'Inquisition n'aurait pas manquée de désapprouver. Voir, de désapprouver très fermement. Or il n'était jamais bon de se mettre la sécurité intérieure à dos. D'un autre côté, on avait des plans pour le prisonnier. Il devait passer devant la justice, avec un avocat, et, dans un grand moment de soulagement populaire pour toutes les familles ayant été victimes de ses mercenaires, être jugé, scrupuleusement, point par point, preuve après preuve, jusqu'à la sentence finale. Un procès équitable, dont on ne doutait cependant pas du résultat, compte-tenu des crimes.

C'était le projet du temps du comité Estimable. Et le Comité Paix et Développement, qui avait pour ainsi dire hérité du dossier en cours de route, comptait bien le suivre à la lettre. En partie parce qu'il était des plus modérés, en partie parce que le respect de la loi était une vertu cardinale pour tout kah-tanais se respectant. Et Sakeh Ngobila, non content d'être un modéré, était très, très kah-tanais.

La situation était un peu particulière, cependant. La demande émise par les listoniens, celle de récupérer le prisonnier, avait hérissé l'ensemble du Commissariat aux Affaires Extérieures, à l'exception peut-être de la citoyenne Actée Iccauhtli, qui avait éclaté de rire avant de sobrement conseiller d'accepter la requête. En termes de Listonie elle était la seule experte. La seule femme, de toutes les chancelleries du monde, qui avait réussi à arracher un semblant de coopération à cette administration rétive, du temps de son gouvernement ultra-nationaliste. Elle faisait figure d’experte. On lui avait bien entendu répondu que ce n'était pas possible. Que le Prince devait passer devant un juge, qu'il n'y avait pas d'alternative à la loi.

Puis, on apprit comme ça que le prince avait mystérieusement disparu. Pour être exact, on avait jamais eu le prince en notre possession. Il avait effectivement disparu, et n'était pas réapparu, comme on le présupposait, dans une commune kah-tanaise, aux mains de milice. Fort étrange. Et l’Inquisition ne manquerait pas de le faire remarquer. Cela-dit il n'y avait aucune preuve de l'intervention des kah-tanais dans sa disparition, et si des bruits de couloir persistant évoquaient une action menée par le PIK, le parti indépendantiste n'était pas affilié à l'Union. En d'autres termes : pas vu, pas pris.

Là où ça risquait de devenir compliqué, c'était que le prince allait réapparaître. Pour être exact, le colonel Córdoba, homme de main du général en charge de la régence militaire des colonies, avait exigé de Sakeh qu'il vienne en personne, avec le prix, et qu'il lui présente. Sans expliciter ce qu'il espérait en faire. On sentait venir le traquenard à des kilomètres mais, faute d'alternatives crédibles, et la situation Kodedane devant être pacifiée d'une manière ou d'une autre, on accepta de jouer le jeu. Jusqu'à un certain degré. Et Sakeh, pas exactement rassuré, fit le déplacement.

Il visualisait encore la gueule goguenarde d’Actée, qui lui avait mis un petit coup dans l’épaule, dans une expression particulièrement rare d’amusement.

« T'en faites pas mon vieux, » avait-elle commencée d’un ton guilleret. « Ils ne feront pas de vous un martyr. Au pire un otage. Un otage… Qui pourrait à son tour disparaître. Comme ça. Par magie. » 

Puis un clin d’œil appuyé et un nouvel éclat de rire en voyant l’expression particulièrement déconfite de son camarade. Au comité c’était encore pire : les radicaux se gardèrent de toute réaction, sauf Styx, en charge des opérations clandestines, qui avait sourit d'un air horrible. Meredith insista simplement sur l'importance de sa mission et Caucase, aux difformités inversement proportionnelles à la droiture de son caractère, lâcha que c’était le Kah. Et là, il ne parlait pas d’idéologie, mais bien du principe mystique, la Roue, tout ça.

D’accord. La Roue de l’Histoire est inarrêtable. Mais si on pouvait éviter de la graisser avec son sang, ce serait tout de même mieux.

Enfin ! Il y avait de bons côtés à toute cette histoire. Et il profita de sa visite, ou plutôt la justifia, en passant à travers le très important réseau de chantier entamé par Saphir, compagnie kah-tanaise s'il en était. Les tardifs investissements du clan Saadin faisaient pale figure en comparaison à cette immense œuvre d'éducation populaire. Commencée des mois plus tôt, et qui avait déjà doté tant de villages en écoles, puits, générateurs. Bientôt l'eau courante. Sans parler du réseau de transport en commun conçu pour faire transiter les nouveaux ouvriers, mais aussi mis au service des communautés, et des syndicats. Les kodedans adoraient les syndicats, sans surprise. Tout le monde aimait qu'on lui redistribue un peu de pouvoir. Ces gens, au final, feraient un jour de bons anti-impérialistes. En tout cas les cadres du projet, kah-tanais comme autochtones, furent ravis de la visite d'un représentant de l'Union. Il y eut des photos, il serra quelques mains, commenta le projet et sa portée historique, puis se retira après avoir vu quelques maquettes et visité une école toute neuve.

Le lendemain, ce fut dans un convoi de jeeps blindées et entouré de gardes du corps miliciens qu'il se rendit au village où devait avoir lieu la "transaction" avec les autorités régionales. Il se disait que la présence miliaire listonienne s'était accentuée dans la région, et c'était tout à fait souhaitable avec les pillards mandrakiens qui rodaient. Pourtant, lorsqu’il descendit de la jeep et s'avança dans le village, entouré de trois kah-tanais en costard qui se dispersèrent pour sécuriser la zone, Sakeh se demandait plutôt combien de soldats kah-tanais le fixaient dans leurs lunettes, depuis les auteurs des rocailleuses où, paraissait-il, on les avait infiltrés au début de toute cette chienlit.

Il n'en savait rien. Au fond il s'en moquait. Patient, et voyant l'un de ses gardes du corps s'approcher en exécutant l'un de ces petits gestes sibyllin dont la sécurité a le secret, attendit le colonel.
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L’emprise de Listonia au sein du Kodeda était le fruit d’une longue histoire coloniale qui avait toujours été tumultueuse. C’était l’une des plus anciennes colonies de l’Empire colonial, celle-ci avait été conquise dès le XVème siècle sous l’influence des doctrines navales listoniennes qui avaient alors permis à l’Empire Listonien d’être l’une des premières nations eurysiennes à découvrir la surface du globe. Ce n’était d’ailleurs pas la première fois dans l’histoire du Kodeda listonien que le rôle de la Couronne était remis en question, la population locale avait la fâcheuse habitude de se tourner vers les vieilles traditions dès lors que la présence impériale se réduisait. C’est à cause de cette habitude détestable que certains descendants de l’ancienne monarchie locale comme la famille Saadin avaient été préservés par les autorités impériales, bien que leur ascendance noble ne fût jamais réellement reconnue par l’aristocratie de Listonia. Le Kodeda était la colonie la moins éloignée de la Métropole, elle approvisionnait cette dernière en carburants et en minerais, c’est pourquoi elle avait toujours été fermement tenue par les forces impériales. La désertion impériale, qui avait durée plus d’une année, était une erreur terrible du précédent gouvernement, une erreur telle qu’elle avait nécessité l’intervention de l’Empereur lui-même qui s’était caractérisée par la nomination de Cortès. Désormais l’armée impériale avait carte blanche pour rétablir la souveraineté listonienne sur les peuples soumis, la Couronne ne reculerait devant rien pour réaffirmer son autorité aux yeux du monde surtout après l’épisode humiliant du Pontarbelo.

Le village de Mamakhel était une petite localité rurale de près de deux-cents âmes, située dans le district d’Harat à environ une centaine de kilomètres de la capitale. Malgré sa proximité relative avec Nasabis, le village de Mamakhel était particulièrement pauvre et isolé du fait de sa position au cœur des montagnes. Son éloignement du réseau routier principal ne lui avait pas permis de véritablement se développer, c’était un village comme il y en avait de nombreux au Kodeda, le seul témoignage de la présence impériale se résumant en un bâtiment central qui accueillait les rares services municipaux des environs. C’était pourtant le lieu qu’avait choisi le Colonel Córdoba pour une rencontre qui devait se tenir dans le plus grand secret. La population était réputée docile et la région se trouvait encore dans la zone d’influence de la Garde Coloniale, il avait donc été convenu que Mamakhel allait être le lieu parfait pour cette affaire de la plus haute importance dont personne n’était au courant mis à part quelques privilégiés. Le village avait brièvement été décoré pour l’occasion, une longue table ainsi qu’un buffet se tenaient au cœur d’une tente dressée au centre de la seule place du village. Il y avait environ une cinquantaine de fusiliers de la marine impériale, reconnaissable à leurs bérets verts, certains patrouillaient près des principaux axes du village tandis que la plupart montaient la garde près de la place du village et face au bâtiment municipal. Quelques villageois flânaient nonchalamment dans les rues, jetant des regards inquiets vers la place principale.

Au Kodeda, personne ne savait réellement ce que voulait vraiment le Colonel Córdoba. Il était notoire que c’était un homme intelligent, il s’intéressait tout particulièrement à la culture locale, une chose qui contrastait énormément avec l’attitude désintéressée de ces prédécesseurs et qui lui valait une certaine popularité. Pourtant le double jeu qu’il menait au nom de Cortès pourrait entraîner des conséquences désastreuses pour la région, Córdoba jouait avec le destin du Kodeda sans même prendre la mesure du sort de sa population. Et pour l’instant personne ne semblait l’avoir compris, d’ailleurs il profitait encore d’un soutien populaire notamment au sein de la capitale coloniale.

L’arrivée du convoi kah-tanais avait été remarqué depuis un bon moment, plusieurs bergers locaux avaient accourus jusqu’au village pour prévenir les soldats. C’est donc tout naturellement que tout fut parfaitement en place lorsque les kah-tanais se présentèrent à l’horizon. Ces derniers avaient été espionnés quasiment pendant l’entièreté de leur trajet jusqu’au village. Dans ce district les autochtones étaient encore loyaux à la cause impériale et surtout depuis le retour en fanfare de l’armée impériale. Le représentant kah-tanais et ses hommes furent conduits à pied jusqu’à la place principale où se tenait la tente traditionnelle où le Colonel attendait les invités. Bien évidemment, la traversée du village devait paraitre particulièrement longue pour les kah-tanais qui croisèrent de nombreuses patrouilles lourdement armée sur le chemin. Enfin ils tombèrent nez à nez avec le Colonel, ce dernier discutait amicalement avec le chef du village tandis qu’un officier examinait la scène d’un œil alerte. Après un moment relativement long, Córdoba se détourna finalement du vieil homme pour s’intéresser aux invités kah-tanais. « Je savais bien que j’allais enfin vous rencontrer. Certains doivent surement vous prendre pour un fou, je ne sais pas si j’aurais moi-même accepter une telle invitation. » Dit-il d’un air moqueur à l’attention de Sakeh.

« Installez-vous, je suis certain que vous devez avoir soif après un si long voyage. » D’un geste autoritaire, il ordonne à des domestiques autochtones de servir un peu de vin à la délégation kah-tanaise. Córdoba est un homme athlétique de haute stature, le teint légèrement bruni par le soleil et le faciès habituel de l’aristocrate listonien, son regard est vif, dissimulant une ruse redoutable. Il porte un uniforme impeccable d’officier supérieur ainsi qu’une longue veste noire en cuir, un poignard traditionnel du Kodeda est visible à sa ceinture. Plusieurs coupes d’un célèbre vin listonien sont servies aux invités puis des petites assiettes composée d’un assortiment de pâtisseries orientales sont déposées au milieu de la table. Córdoba, toujours debout, continue de fixer Sakeh d’une manière étrange, après un instant, il se décide à parler de nouveau. « Vous avez mon cadeau ? » Déclare t-il à la manière d’un enfant.

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"Non, non." Assez étonnamment, il parlait portugais. Pour cause, il était origine de Recife, qui fut un temps la capitale d'un réseau colonial lusophone en Paltoterra. "Je représente le Comité, s’il venait à m’arriver quelque-chose..."

Il contint un frisson et continua d’un ton détaché. "L’Union réagirait naturellement en conséquences. Elle est assez confiante. Pas envers vous, si je dois être tout à fait honnête, mais en ce qui pourrait arriver si l’une des parties venait à ne pas se montrer parfaitement transparente. Disons que j'accepte mes responsabilités. Et les risques qui vont avec. Le sens du devoir, vous comprenez."

Il accepta le vin mais n'y toucha pas. On ne se désaltère pas avec de l'alcool. En fait il resta debout, mains sur le dossier de la chaise qui aurait dû être la sienne, entouré de ses gardes du corps et du personnel plutôt réduit de sa délégation. Autant de membres du Commissariat Suppléant à la Sûreté, dits tulpas, moins là pour remplir des tâches administratives d'aides-de-camp que pour donner l'illusion d'une certaine sécurité au représentant.

Sakeh Ngobila n'était pas particulièrement impressionnant, même s'il présentait bien. D'une taille modeste, il avait des favoris blancs et un visage ridé pas des années d'exposition au soleil. En entrant dans la tente il avait retiré un chapeau feutre à bords plats, mais conservé un manteau brun en tissu léger, surmontant un costume blanc de lin. Pas de cravates. Une médaille attestant un bref passage dans la protection civile ornait sa poitrine, à côté d'une autre, liée à une obscure brigade humanitaire. L'homme avait été élu - c'était bien connu - pour sa grande popularité parmi les décolonialistes et les populations dites racisées. Avant de représenter l'Union, il les représentait eux.

De là, on pouvait en déduire qu'il ne devait pas porter les listoniens, et encore moins les militaires listoniens, en grande estime.

"Ces procédés ont quelque-chose de mafieux. Et vous n'avez pas été particulièrement clairs sur ce que vous souhaitiez faire de ça." Il n'aimait pas vraiment désigner ce qui était, somme toute, un futur condamné à mort sous ce genre de termes. Ceci, ça, la prise, le cadeau. Pour lui c'était avant tout un homme qui, certes, méritait un jugement et probablement une condamnation, mais pas un tel cirque.

"Nous sommes très curieux. Là aussi, vous comprenez." Puis il lança un regard en coin à l'un des tulpas qui l'accompagnait, et ce dernier fit mine s'approcher de la sortie, attendant qu'on lui emboite le pas. La question du prince était une question compliquée. La question de son transport ici l'était d'autant plus. Dans les faits, le Grand Kah attendait probablement l'accident, inévitable, qui allait mettre le feu aux poudres. C'était inévitable, selon la plupart des élus. Et pour être honnête, la culture du sacrifice était telle qu'on acceptait paisiblement l'idée d'envoyer certains des siens à leurs morts si cela permettait que la roue continue de creuser son sillon. Sakeh fronça les sourcils.

Mais toute cette transaction irait à sa conclusion logique. Après quoi les représentants de l'Empire feraient ce qu'ils avaient à faire. Et la suite appartiendrait probablement à une histoire dont il espérait être au moins témoins, sinon acteur. Certainement pas victime.
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Córdoba s’agaçait visiblement de la décision du kah-tanais de ne pas boire le vin offert ni de s’asseoir. Même dans les coutumes locales, c’était perçu comme un signe de provocation alors il faut imaginer le manque de respect que cela représentait dans le petit monde de l’aristocratie listonienne. Le Colonel s’approcha de Sakeh d’une manière extravagante, tournant autour de ce dernier pendant quelques instants. À la mention des potentielles retombées en cas de menace sur le représentant, Córdoba afficha un rictus moqueur et tapota l’épaule du kah-tanais avec arrogance. « Vous êtes bien curieux pour un invité qui a l’air de vouloir déjà repartir. » Dit-il lentement tandis qu’il s’éloignait en direction du buffet où il se servit nonchalamment un verre. « J’ai été déçu par Monsieur Saadin, lui et moi, nous avons des affaires à régler. Je vous expliquerais tout cela quand vous me le présenterez. » Un nouveau geste vif du Colonel invita quelques-uns des fusiliers qui entouraient la tente à suivre les hommes de Sakeh qui devaient probablement se diriger vers le convoi où était potentiellement détenu le Prince.
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"Ma foi."

Et il s'installa pour de bon, souriant à son hôte d'un air de bon professionnel. Il ne l'appréciait pas, le considérait avant tout comme une brute, l'un de ces bourreaux de l'Histoire qu'il faudrait un jour ou l'autre condamner, mais pour le moment ce colonel était l'interlocuteur que l'Empire plaçait face à ses partenaires kah-tanais.

"Vous avez raison. Inutile de vous répéter."

Il ne toucha toujours pas à l'alcool mais acquiesça, pensif, en observant son hôte boire et se déplacer à travers la tente. Il avait quelque-chose de baroque, ce colonel. Comme une fenêtre ouverte sur une autre époque. On le disait souvent des empires, à plus forte raison de ceux qui n'avaient pas abandonné le modèle colonial. Mais cet homme, plus encore que sa patrie, dégageait ce sens tout particulier, cette susceptibilité, cette rancœur contre la modernité, cet amour du style et de l'appart. Du temps où l'Empire Listonien était une grande nation, il aurait sans doute été un grand homme. Ici, seulement, il n'était qu'une relique. L'époque des grands militaires avait pris fin des décennies plus tôt. Sans parler des gouverneurs militaires.

"Je m'en veux de vous avoir vexé. Nous venons de sociétés si différentes. Mais enfin après tout : nous sommes alliés Et..."

Il n'ajouta rien. Les fusiliers et le tulpa venaient de réapparaître, tenant solidement les épaules d'un homme, un peu âgé et bedonnant, à qui on avait soigneusement bandé les yeux. Il ne semblait pas mal-traité et pour cause : les services secrets kah-tanais ne maltraitaient pas, en règle générale, leurs prisonniers. Sakeh se redressa un peu sur son siège, et plissa les yeux. Désormais, il attendait de voir ce que son interlocuteur allait faire de son cadeau.
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Même au cœur des montagnes habituellement bien plus clémente que le reste du Kodeda, une chaleur étouffante s’était abattue sur le village. Au milieu de la place principale, la protection qu’offrait la tente était le seul échappatoire aux rayons mortels du soleil afaréen. Ailleurs, la présence militaire listonienne contrastait fortement avec l’ambiance aride et austère qui se dégageait de cette petite localité rurale. Les rues autrefois peu fréquentées accueillaient désormais les bottes des soldats listoniens et alors la vie locale semblait totalement à l’arrêt. C’était bien évidemment l’isolement de Mamakhel qui avait convaincu le Colonel d’en faire le point de rendez-vous de cette rencontre cruciale. Ici tout se qui arriverait resterait complètement inconnu du reste des habitants de la région, ici il pouvait enfin avancer ses pions et récolter le fruit de ses manigances et de ses tactiques douteuses.

Pendant un instant, le temps s’était comme suspendu tandis que le Colonel découvrait enfin le visage du Prince Mutarrif ibn Saadin. Ce n’était bien sûr pas la première fois qu’il le rencontrait, mais il ne l’avait encore jamais vu dans une position si fragile, sans son petit sourire satisfait. D’un geste de la main, le Colonel invita Sakeh à se taire, préférant savourer ce moment à sa manière. Córdoba se faufila ensuite tel un félin près du vieil homme, l’observant d’un air étrange et avec un intérêt soudain et déconcertant. « Vous reconnaissez ma voix, votre Altesse ? » Dit-il moqueur, la mine qu’affichait alors le Prince semblait confirmer que ce dernier savait à qui il avait à faire. « Je suis déçu, très déçu… Malgré toutes les preuves que nous avions contre vous, j’étais certain que ce serait vous qui alliez m’être le plus utile et pas eux. » Déclarait-il désignant Sakeh de la main même si le Saadin avait toujours les yeux bandés. « Je nourrissais tant d’espoir dans notre collaboration. Mais finalement, vous ne valez plus autant qu’avant. » Le Colonel laissa échapper un long soupire exagérément long avant de se détourner de Mutarrif et de reprendre sa place auprès de Sakeh. « Monsieur le représentant du Comité, je suis très satisfait du cadeau que vous faites à la Couronne. Je dois reconnaitre que le Kah a été bien plus efficace que nous ne l’attendions, c’est une chose que je n’oublierais pas. D’ailleurs je tiens à vous remercier personnellement pour avoir eu le courage de me faire parvenir Monsieur Saadin. Je suis certain que le Comité avait de nombreux projets pour cet homme, néanmoins nous avons-nous aussi des ambitions à son sujet. » Plusieurs soldats s’emparèrent du Prince au mépris de la présence des kah-tanais puis ils forcèrent ce dernier à s’asseoir à la table aux côtés de Sakeh, lui retirant son bandeau pour l’occasion. De son côté, Córdoba observait toujours Sakeh, fixant l’homme avec un large sourire inquiétant. « Je sais que j’avais promis beaucoup à vos supérieurs mais vous pouvez comprendre que ce n’est pas encore le bon moment pour la Couronne. La situation au Kodeda nous force à prendre des mesures exceptionnelles, le Grand Kah, l’Alguarena, l’Althalj, le Syndikali, ils jouent tous avec des forces qu’ils sous-estiment, au mépris de l’avenir de cette région. Mais je vais bientôt offrir la paix au Kodeda, soyez-en certain. » Il balayait du regard les deux hommes. « Grâce à vous deux, nous allons pouvoir rétablir progressivement la paix, ce n’est que le début d’une grande aventure ! Certes, je suis certain qu’aucun de vous deux ne s’attendait à un tel retournement dans votre fortune personnelle, mais lors des longues nuits qui vous attendent, ne perdez pas espoir, c’est la paix qui est au bout du chemin ! Après tout nous voulons tous la même chose, non ? » Aussitôt les fusiliers listoniens pointèrent leur armes sur les kah-tanais, encerclant méthodiquement ses derniers. Plus bas dans le village, l’escorte véhiculée de Sakeh s’était elle-aussi subitement retrouvée cernée de toute part, un homme qui ressemblait pourtant à un autochtone local avait actionné soudainement un lance-roquette endommageant un véhicule en travers de la route.

Au même moment, les échos d’un affrontement soutenu éclatèrent en provenance des hauteurs qui surplombaient la ville. Là-haut les commandos listoniens qui se cachaient dans les collines depuis déjà près de deux jours avaient repérés les kah-tanais qui s’étaient infiltrés dans les hauteurs, après une préparation minutieuse, ils avaient donné l’assaut sur les positions adverses qui ne s’attendaient probablement pas à être pris à revers. Les listoniens étaient chez eux, ils venaient à l’instant de le prouver aux kah-tanais. Quant au Colonel, il restait impassible tandis que ses hommes abattaient rapidement l’escorte de Sakeh sur la place du village. « Désormais vous allez servir la cause de la Couronne d’une façon ou d’une autre. » Déclarait-il alors que le vrombissement d’un hélicoptère approchant de la zone se faisait déjà entendre au loin.

Note HRP a écrit :Les soldats dans les hauteurs se sont déployés par ce message secret. Les soldats kah-tanais ont donc logiquement été repéré, ceci est précisé dans ce message secret. La situation a été vue au préalable avec Abitbol sur discord.
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« Vous faites une erreur », soupira doucement l’homme.

Il s’attendait à cette résolution et s’y était en fait préparé, intérieurement du moins, regrettant simplement d’avoir laissé son escorte l’accompagner. C’était le Kah. Et il était peut-être un énième sacrifié. En tout cas peu de doute que le comité l'emploierait comme tel. S'il croyait en la sincérité de ses pairs, il avait aussi et surtout une confiance absolue dans le cynisme de ceux qui, dans cette structure pourtant collégiale, géraient l'armée, les services secrets, la diplomatie. Car évidemment, lui prisonnier, ce serait Actée qui récupérerait la main sur ce domaine. L'Empire venait de mettre un terme à ce qui aurait dû être une période de paix, ouvrant par la même la porte à la plus grande des impérialistes sous faux-drapeau.

Lui qui n’ignorait pas les tenants et aboutissants du dossier, ne pensait pour l’heure qu’à une chose : la suite. Et celle-là risquait de faire plus de morts, de provoquer plus de chaos, de se jouer en la défaveur de toutes les kah-tanais et de tout les listoniens. Et cet imbécile de colonel, fier comme le paon qu'il était, pensant peut-être sincèrement s'être octroyé un avantage. Y a-t-il vraiment un avantage à frapper le premier ? Se rendait-il seulement compte de ce qu'il risquait de provoquer ?

Peu probable. Tout ne serait plus que souffrance, maintenant.

« Vous faites un telle erreur. Vous sacrifiez vos seuls alliés. »

Et, stoïquement, il se laissa faire.
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Après une vingtaine de minutes, les détonations cessèrent et alors un silence de plomb s’abattit sur l’ensemble du village et des collines environnantes. Si les listoniens avaient essuyés quelques pertes, les kah-tanais s’étaient véritablement faits massacrés malgré une résistance vaillante. Ils s’étaient jetés dans le gueule du loup et celui-ci s’était rassasié de leur naïveté. Désormais une épaisse fumée s’élevait de Mamakhel tandis que la crème de la Marine Impériale entonnait un célèbre chant nationaliste à la gloire de la Couronne. Les hommes s’activaient déjà pour nettoyer les lieux, Córdoba exigeait que toutes traces de leur passage aient été effacé avant le lendemain. Les cadavres allaient être enterrés dans une fosse commune sur les hauteurs et les véhicules seraient bientôt entièrement désossés par la population locale. Le chef du village fut d’ailleurs grassement récompensé pour sa collaboration avec les autorités impériales et on s’assura d’assigner quelques militaires à la surveillance du village, le Colonel était un homme prévoyant. Pour l’instant, personne ne devait découvrir ce qu’il s’était passé ici.

Córdoba s’avança fièrement au milieu de la place ensanglantée, il était ravi du succès de son opération même s’il tentait de ne pas le montrer aux otages. Plusieurs hommes robustes se saisirent du kah-tanais et du Saadin qui ne manqua pas d’exprimer sa lassitude échangeant un bourreau contre un autre. Le Colonel se tourna vers eux. « Vous êtes dorénavant des invités de la Couronne. Coopérez et tout se passera bien pour vous. Résistez et nous vous montrerons la longue expérience que nous avons acquise en Eurysie. » Sur un dernier sourire, il se détourna d’eux, ils furent bâillonnés avant qu’ils ne puissent répondre et on leur banda ensuite les yeux. Bientôt, ils furent conduits dans un hélicoptère de transport qui s’éloigna rapidement de la région et qui se dirigea finalement en direction de la flotte impériale.
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