21/02/2015
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[DOC PHARMACEUTIQUE] Pharmacopées traditionnelles en Maronhi | Daizō Morita

Pharmacopées traditionnelles en Maronhi
Daizō Morita


REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier très vivement tous ceux qui m'ont aidé dans la réalisation de cet ouvrage, et plus particulièrement : Futaba Matsui, pour la relecture critique et l’aide linguistique, les étymologies étant essentiellement alignées sur son dictionnaire des langues de Maronhi. Hayaka Matsui, pour la recherche bibliographique, les nombreux numéros d’herbiers et les enquêtes complémentaires.
Ido Arai, pour le support botanique indispensable : identification et diffusion aux spécialistes, sans compter les compléments d’herbiers.
J'assure de ma gratitude toute spéciale, ceux qui m'ont secondé dans le domaine chimique : Kintarō Ohno et Itsuki Noguchi pour la réalisation des tests préliminaires et Mamoru Abe pour les extractions et les isolements de substances. Nous tenons à remercier l’ensemble du corps médical de Maronhi (tant médecins des secteurs urbains que médecins des secteurs ruraux et médecins-chercheurs de l’Institut Punyama) pour son soutien diffus mais constant tout au long de nos recherches.
Enfin, au cours de mes tournées à travers la Maronhi, j'ai bénéficié de l’appui technique de nos canotiers : Shīdo Inoue, Yūta Wada ainsi que de l’assistance du guide Tōma Akikwa.


Daizō Morita
INTRODUCTION


Le travail que vous tenez entre vos mains est l’aboutissement de recherches d'abord individuelles puis collectives menées durant près de onze ans (de 1995 à 2006) aussi bien sur la place de l'Homme dans la Nature que dans le domaine particulier des pharmacopées dites traditionnelles.
A ces recherches, ont participé l’équipe des botanistes du Centre de la recherche scientifique de Siwa, deux ethno-linguistes spécialisés dans les langues maronhos ainsi que les très nombreux spécialistes, chimistes et botanistes auxquels furent envoyés les collections d’herbiers et des échantillons de drogues.

Après une présentation des systèmes de santé contemporains des Créoles et des Maronhos et de leur signification dans un cadre diachronique et synchronique plus large, l’ouvrage est organisé sous forme de fiches qui réalisent une confrontation entre le savoir traditionnel dans sa forme contemporaine et la recherche en chimie et pharmacologie.
Notre travail se veut avant tout un témoignage sur la complexité du savoir des populations étudiées dans la perspective d’une réappropriation par Ies Communautés maronhiennes de ce qui représente une partie essentielle de leur patrimoine culturel.

Les différentes sections chimiques et pharmacologiques des fiches de cet ouvrage sont composées comme une amorce et un encouragement à une recherche future du monde scientifique et du corps médical qui se donneraient comme objectif, par la découverte de nouveaux médicaments et l'utilisation rationnelle des plantes médicinales du plateau maronhien, la diminution des coûts de la thérapeutique purement médicamenteuse.
Un progrès dans ce sens consisterait, selon nous, à réaliser de véritables codex sectoriels dans lesquels le personnel de santé trouverait les informations pratiques utiles à une meilleure couverture médicale de la région concernée.
LA MARONHI ET LES HOMMES


Nous essaierons ici de rappeler brièvement les éléments naturels et humains les plus pertinents de l' « univers maronhien », surtout ceux qui peuvent être directement corrélés avec le domaine pharmaceutique. Pris à grande échelle, la Maronhi est un fragment de l’immense ensemble de la forêt vierge paltoterrane. Les variations climatiques se font du couchant au levant avec une diminution progressive des précipitations. La combinaison de ces facteurs est à la base de la diversité des formations végétales, accentuée par une micro-diversité des peuplements végétaux dont les causes sont en cours d’étude. Tout cela influence à son tour la nature des pharmacopées des différentes populations, par exemple par la rareté de certaines espèces utilisées, poussant les hommes à bien en connaître les peuplements, ce qui pourra être le monopole d’un individu, d’une famille, d’un groupe ethnique. Quant au panorama humain contemporain de la Maronhi, il est le produit de l’histoire coloniale récente en tant que facteur dominant et de l’histoire indigène antérieure en tant que facteur secondaire.

La pharmacopée et la médecine maronhiennes représentent un exemple de synthèse réussie. Des conceptions issues de la vieille médecine nippone et cathayenne cohabitent avec des conceptions maronhos. Quant à la pharmacopée, elle est véritablement une somme de connaissances soit empruntées aux populations de Maronhi d’hier et d’aujourd’hui, soit pour une part plus modeste de découvertes faites au fond des bois et des savanes. L’autre pôle, le plus ancien cette fois, du panorama humain maronhien est représenté par les sociétés indigènes maronhos. Sociétés dans leur immense majorité bien insérées dans leur milieu, relativement indépendantes les unes des autres, elles ont dû depuis la fin du XVIème siècle se réadapter sans cesse face à l’expansionnisme culturel et économique de l’Orient. Sur ce point précis de l’attitude des Paltoterrans face à l’impact de l’Orient, les conclusions des spécialistes divergent. Notre position initiale part du principe que face aux coups répétés de l’Orient, les autochtones se sont sans cesse réadaptés avec l’idée de préserver, en vue de jours meilleurs, l’essentiel de leur culture, en l’occurrence une production économique tournée vers le surplus générateur de loisirs, une conception de l’organisation sociale rejetant l’étatisme, et une relation immanente avec l’ensemble des composantes de la nature. En conséquence de quoi les Maronhos condamnent profondément à la fois la protection, même si elle se justifie en fait pour des raisons humanitaires, et l’assimilation, choisissant la voie de l’autonomie légale et admettant la collaboration tactique avec le monde extérieur.

Les sociétés précoloniales dont il est question ici illustrent bien, à travers l’exemple de leur ethnomédecine, deux facettes de cette situation.
Tandis que certains clans ont dû leur survie à la fois à l’absorption d’éléments humains et culturels disparates, et à un recentrage permanent à partir de systèmes sociaux claniques. L’ethnomédecine actuelle de ces clans est connectée à un système de représentation du monde strictement paltoterran, tandis que leur conception de la pathologie met sur un même plan une bonne partie des maladies « traditionnelles » et des maladies importées. Leur pharmacopée est composée de remèdes venant de tous les milieux naturels et, dans une assez forte proportion, empruntés aux populations voisines. D'autres clans, quant à eux, sont des populations émigrées de l'arrière-pays, choisissant un isolement partiel, ont dû se réadapter à une contrée quelque peu différente. Leurs systèmes de valeurs métaphysiques et leurs conceptions de la pathologie du corps sont largement celles des autres Maronhos restés plus à l'Est, tandis que leur pharmacopée en dépit de quelques emprunts, est à la fois la prolongation de connaissances anciennes et la transposition de savoir antérieur sur des espèces proprement maronhiennes. Dans les deux cas, opportunisme à court terme et permanence culturelle à long terme sont les deux mots clés qui s’appliquent le mieux à ces sociétés.
LE REMÈDE MARONHIEN


La pharmacopée maronhienne est à l’image des rapports qu’entretient le Maronhien avec la nature qui l’entoure, rapport qui est lui-même le produit d’une histoire naturelle et sociale. Elles sont l’expression vivante d’une culture et non un objet mort que l’on pourrait disséquer pour en étudier les différentes composantes.
La compréhension du système médical maronhien est donc indissociable de l’étude de la genèse de cette communauté nazumi en Paltoterra, tâche difficile pour une société souvent qualifiée de « société carrefour », née d’apports multiples, nippons, cathayens, etc, et dans une moindre mesure maronhos. Cependant nous nous proposons dans les pages qui suivent d’exposer les principaux éléments qui permettent selon nous de comprendre le système médical populaire créole maronhien. Nous espérons poser ainsi les jalons d’une recherche dont les prolongements historiques et sociologiques restent à faire. Si nous sommes conscients des limites de cette approche, nous espérons en revanche montrer combien l’ethnobotanique peut être riche d’enseignement pour de telles études.
Comme pour toutes les sociétés coloniales du Nouveau Monde, il nous semble possible de dresser les grands traits d’un processus historique dans lequel on peut distinguer au moins deux facteurs principaux : une influence autochtone précoloniale et une influence coloniale. Ces influences se sont mêlées, conjuguées pour donner naissance à la société maronhienne et à sa médecine. Le processus est le même dans ses grands traits pour la plupart des autres sociétés créoles du Paltoterra et d'Aleucie.
Ces différents facteurs s’exprimèrent dans le cadre socio-économique imposé par l'esclavage et le colonialisme. Les modèles des colons fortement valorisé au détriment des valeurs locales, ainsi que les différentes formes que prit l’esclavage dans ces colonies modelèrent des sous-ensembles culturels différents.
LES PLANTES MÉDICINALES


Le Maronhien contemporain, qu'il soit un Créole ou un Maronhos, est un sédentaire ; les drogues les plus usitées seront les plus accessibles et les plus familières, appartenant essentiellement à des milieux ouverts, et c’est avec les herbes des chemins que l’on prépare les tisanes habituelles. La plupart de ces plantes sont utilisées comme remèdes par les colons des autres pays paltoterrans.
Ces plantes apparaissent régulièrement dans les certains relevés ethnobotaniques émis sur ces pays, et représentent les classiques d’une pharmacopée créole panpaltoterranne.

Les premiers voyageurs et les premiers colons nazumis, pour lutter contre les nombreuses maladies qui les assaillaient, faisaient largement appel aux simples. Ils tentèrent en premier lieu de naturaliser les plantes médicinales du Nazum ou d’autres régions tropicales, les plus utiles à leurs yeux. Ainsi s’explique peut-être la large diffusion et la renommée des traitements nazumis tels que la moxibustion. Cet usage, comme biens d'autres, s’est maintenu jusqu’à nos jours dans la médecine de Maronhi. Les premiers colons rencontrèrent aussi soit les mêmes espèces connues partout dans le monde tropical, soit des plantes différentes de celles du Nazum mais occupant un rang homologue dans l’écosystème, ce qui favorise des transpositions des noms et des usages des unes sur les autres.
Le concours maronhos à la pharmacopée créole maronhienne est plus remarquable qu’il ne pourrait y paraître. Les noms des plantes attestent très souvent de leur origine paltoteranne : kouachi, genipa, simarouba, etc.
Enfin l’accroissement des échanges interculturels entre les communautés nazumis et les communautés maronhos, favorise l’enrichissement de la pharmacopée créole. Les drogues d’introduction récente, sont le plus souvent puisées des peuples indigènes, ces derniers passant souvent aux yeux des Maronhiens pour de grands guérisseurs.
La pharmacopée de Maronhi s’est donc édifiée avec l'assimilation successive d’apports dus aux autres groupes culturels de Maronhi. Pourtant, certaines phases du processus historique qui conduit à la constitution de la culture créole maronhienne ont été propices à l’acquisition des connaissances sur son milieu : la société maronhienne, si elle est née dans le creuset de la colonisation, ne s’épanouit qu’à partir de l’émancipation. En Maronhi contrairement à ce qui se passe dans d'autres colonies du Nouveau Monde, les grandes plantations n’ont pas survécu à l’émancipation du pays. Les colons indépendants se tournent alors résolument vers la réalisation du contraire de la colonisation vécue, c’est-à-dire fuir la contrainte et la servitude pour des bénéficiants lointains. Ces « nouveaux paysans » se dispersèrent alors en de multiples unités familiales, principalement appuyées sur la culture du manioc. C’est dans leur isolement au sein de la forêt maronhienne que les communautés rurales façonnent les traits les plus originaux de la culture créole maronhienne et découvrent certaines drogues qui semblent spécifiques à leur pharmacopée. Ainsi l’emploi d’espèces des genres quaruribea et sterculia dans la préparation de jus de tabac à renifler, est limité aux populations maronhos.
PRATIQUES MÉDICALES ET CONCEPTIONS DE LA MALADIE


Les pratiques médicales et les conceptions qui régissent la médecine créole maronhienne trouvent leur origine dans les traditions médicales et les croyances nazumis. La médecine traditionnelle cathayenne, avec ses principes de circulation de l'énergie vitale appelée "Qi" dans le corps, a influencé la conception holistique du corps et de l'esprit dans la médecine créole de Maronhi. Les praticiens de la médecine créole, tout comme les médecins traditionnels cathayens, considèrent l'être humain dans sa globalité et cherchent à rétablir l'équilibre entre les différents éléments constitutifs du corps. Mais il faut se garder de vouloir poursuivre une approche de la médecine empirique en nous tenant à des concepts inspirés par la médecine occidentale. Il convient de s’interroger sur le sens réel du symptôme et de la thérapeutique décrite : est-ce que l’information recueillie s’inscrit dans la conception large de la médecine venue d'Eurysie ou du Nazum ou est-ce qu’elle n’a de signification qu’à l’intérieur du cadre conceptuel de l’informateur ou du groupe auquel il appartient ?
La médecine nippone, quant à elle, a influencé les pratiques magico-religieuses de la médecine créole de Maronhi. Les guérisseurs, appelés "tisaneurs", utilisent des amulettes et des talismans, tout comme les prêtres shintoïstes utilisent des "ofuda" pour protéger les individus des maladies et des influences néfastes.
La médecine créole de Maronhi utilise également une grande variété de plantes médicinales, dont certaines, bien qu'étant spécifiques au plateau maronhien, ont tout de même des propriétés curatives similaires à celles utilisées dans les médecines traditionnelles cathayenne et nippone. Ces plantes sont souvent utilisées en infusion, en décoction ou en cataplasme pour soigner une grande variété de maux, tout comme dans la médecine traditionnelle cathayenne et nippone.
En fin de compte, la médecine créole de Maronhi est un témoignage de la richesse culturelle de la région, ainsi que de la sagesse et de l'expérience accumulées au fil du temps par ses habitants, qui ont intégré des éléments de la médecine du Nazum dans leur propre pratique médicale. En explorant cette forme de médecine, nous pouvons non seulement en apprendre davantage sur la santé et le bien-être, mais aussi sur l'histoire et la culture de la Maronhi, ainsi que sur les influences culturelles cathayennes et nippones dans la région.
LA PRATIQUE MÉDICALE CRÉOLE

Les plantes médicinales courantes sont souvent cultivées autour de la case et leur utilisation est associée à un rôle protecteur magique pour la maison. Le médicinier (Jatropha spp., EUPHORBIACÉES) et le calajourou (Arrabidea chica, BIGNONIACÉES), qui ont des propriétés médicinales, sont par exemple considérés comme ayant des pouvoirs magiques. Les préparations médicinales impliquent souvent un grand nombre de plantes et les quantités peuvent varier d'une personne à l'autre. Les nombres impairs sont souvent utilisés pour déterminer les doses, comme dans les pratiques médicinales cathayennes et nippones traditionnelles. La médecine créole est principalement utilisée pour les soins de santé familiaux quotidiens, mais en cas de maladies graves ou lorsque la médecine moderne est impuissante, les guérisseurs et chamans sont consultés.

En Maronhi, le guérisseur est doté de dons divinatoires tandis que le chaman est considéré comme un sorcier. Les guérisseurs et les chamans peuvent guérir les malades et sont consultés pour identifier les coupables d'une maladie. Les chamans sont des spécialistes de la magie et utilisent des sorts et des esprits pour soigner ou envoyer des malédictions. Les guérisseurs créoles ne se basent pas sur une connaissance approfondie de la flore maronhienne, mais plutôt sur quelques plantes qu'ils connaissent bien et avec lesquelles ils préparent des mélanges complexes. Certains guérisseurs créoles sont également liés à des sectes animistes et bouddhistes. Les peuplades des fleuves, qu'ils s'agissent de Maronhos ou de Créoles, ont une réputation solide en tant que guérisseurs et sont souvent consultés pour leur savoir authentique.
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