11/05/2017
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Rencontre informelle au Manoir Nemeth (République Sociale de Peprolov - Svobansky-Normanie)

À l’ombre du feu et des caméras

Manoir Nemeth
Manoir Nemeth en banlieue leyloise
L’avantage, comme le désavantage, de ne représenter qu’un petit pays en termes de poids politique, était qu’on passait plus inaperçu que d’autres délégations accaparées tour à tour qui par la presse, qui par d’autres chefs d’Etat, qui par des diplomates informels venus rôder dans les couloirs afin de flairer les discussions stratégiques qui pourraient se tenir en marge de la conférence.
L’avantage aussi d’avoir rendez-vous avec son hôte était que ce dernier tendait à vous faciliter la tâche. Alexei Malyshev, premier ministre du Prodnov, n’ignorait pas être sous surveillance des services secrets pharois – les fouines ! – mais son propre cabinet noir travaillait depuis son accession au poste suprême, à le protéger des influences extérieures, fussent-elles celles d’alliés. Ou prétendus alliés.

Les élections étaient terminé, Peprolov avait parlé, une nouvelle partie s’entamait désormais, n’en déplaise au Syndikaali et à ses ambitions de contrôle – ou d’amitié, ils pouvaient bien appeler ça comme ils voulaient, la République Sociale jouait pour elle-même.

Le premier jour de la conférence venait de s’achever et chaque délégation devait à présent avoir regagné son lieu de résidence, préparer discours et manigance du lendemain.
On avait logé les Prodnoviens à l’hôtel Rózsaszín, un choix que Malyshev souponnait de n’avoir pas été pris au hasard, autant en raison du nom de l’établissement que de sa proximité avec la bordure de la ville. De retour dans la suite qui lui était allouée, Malyshev se changea rapidement, abandonnant l’austérité de son costume de chef d’Etat qui l’avait enserré toute la journée pour des vêtements plus confortable, mais également plus passe partout.

Il n’espérait pas tant être discret qu’on évite de le déranger lors de ses déplacements, lucide sur la surveillance dont faisaient certainement l’objet les chefs d’Etat par le Renseignement, mais peu disposé à perdre du temps en procédures divers et barbantes que ne manqueraient pas de lui imposer les services de sécurités svorbansk s’il apparaissait que le premier ministre du Prodnov était parti en ballade.

Pour l’occasion, on lui avait mis à disposition une seconde voiture, plus discrète que les imposantes berlines – ou pire ! limousines – noires avec lesquelles s’affichaient ostensiblement les chefs d’Etat, et après s’être glissé sur la banquette arrière devant la sortie de l’hôtel en compagnie de son chef du Renseignement, le camarade Yakov Opokin, et d’un officier de l’état-major chargé de la sécurité, ils se laissèrent emporter vers la banlieue leyloise.

Il ne fallu qu’une vingtaine de minute au véhicule pour stationner dans une rue déserte d’où la petite équipe rejoignit à pied le manoir Nemeth, une imposant bâtisse cossue d’architecture traditionnelle, devina Malyshev. Dans le hall, ils furent accueillis par un personnel réduit au minimum qu’imposait la discrétion et tandis que Yakov Opokin et le camarade officier Pietrov étaient menés dans un salon adjacent où ils pourraient fumer et boire tranquillement, on mena Malyshev Alexei à l’étage.

Là-haut, passé un couloir au parquet bruyant, il pénétra dans un autre salon, plus petit et troué de larges et hautes fenêtres qui laissaient voir les immeubles de la ville au dehors. Le soleil avait commencé à entamer sa descente, après tout on était en hiver et les journées étaient courtes, si bien que la pièce était nimbée d’une couleur rougeâtre qui se reflétait sur le velours des rideaux et des sofas matelassés.

- Judicieux choix de couleurs, commenta Malyshev Alexei en pénétrant plus en avant dans la pièce. « Rebonsoir Bálint. »

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Vu du manoir, côté sud.

Le manoir Nemeth, une bâtisse vieille de plus de 200 ans, qui a accueilli en son sein les descendants de la richissime famille du même nom. Sur les coteaux de Leylo, celle-ci offrait à ses résidents une vue sublime peu importe l’orientation des fenêtres. Tantôt côté plage, tantôt côté ville, permettant d’associer le charme de la campagne puis en quelques pas, le charme de la vie citadine. Cela faisait maintenant plus de 10 ans que Bálint était le propriétaire du manoir depuis la mort de son père et la mise en maison de retraite de sa mère, chaque jour, il ne pouvait se lasser de la beauté de cette maison aux salons rustique restant en dehors de l’air du temps. Malheureusement depuis sa nomination comme Premier ministre, il ne pouvait résider à plein temps dans son propre manoir, devant loger au Capitole national, résidence officielle de tous les chefs de gouvernement depuis 1912. Quelle tristesse était la sienne lorsqu’il devait quitter chaque fin de week-end son petit havre de paix, entouré de sa famille et de ses quelques amis dont il accordait encore ça confiance. Il était très courant, et cela partout dans le monde, que les personnalités politiques une fois le poste suprême d’obtenu, se détachent de certains amis pour bâtir des relations plus approfondies avec des personnes entièrement fiables. Mais tel un caprice il revenait tous les week-ends discrètement dans son « chez lui » afin de pouvoir profiter pendant deux jours de l’odeur des pins et de l’eau de mer. Les mouettes qui chantaient et le vent toucher lentement ses joues comme une caresse divine.

Lorsqu’il était au manoir, il troquait souvent sa veste de costume au profit d’habits civils, dans sa main droite une ombrelle et de l’autre un modeste sac de plage. Dès qu’il le pouvait il sortait sans garde du corps, leur faisan tous les coups possibles afin de les semer et ainsi pouvoir errer seul dans la campagne. Malheureusement cela ne durait jamais bien longtemps, il y avait toujours une berline noire qui avait pour vocation de le « coller aux basques » avec à son bord deux ou trois agents de l’État. Une fois sur la plage, il se contentait de se mêler à la foule de vacanciers tout en gardant un simple polo et short, se couchant face à la mer. Ses lunettes de soleil empêchaient que l’on le reconnaisse de loin mais de près celui-ci était tout de même plus exposé à une possible reconnaissance par les vacanciers et les touristes. C’est alors qu’un plan hors du commun se mettait en place, faisant entourer le jeune Premier ministre des gardes du corps déguisés en vacanciers allongés sur des serviettes de plage mais ceux-ci fixant l’horizon. Quelle vie ! C’est comme cela que Bálint Nemeth était condamné à vivre depuis son accession au poste suprême, caché, surveillé et protégé.

Mais la vie allait s’adoucir pour lui pour l’instant de quelques heures. La nuit tombée un défilé dé d’employés parcourait le manoir en direction de la sortie pour des « vacances exceptionnelles ». Seulement 5 - 6 restèrent pour travailler, notamment des cuisiniers. La bâtisse avait été nettoyée de fonte en comble et les rideaux tirés. Une première voiture arriva, toutes deux éteint sans la moindre escorte. Un homme mince, grand et jeune débarqua, ouvert rapidement par des employés. C’était Bálint Nemeth qui débarquait tel un voleur dans sa résidence, inspectant son logis pour s’assurer que celui-ci était à la hauteur de son hôte. « Un ami de longue date » répétait-il à son garde du corps personnel qui ne le quitte jamais. Les heures défilaient et une deuxième voiture noire, simple, proche de celle de citoyens lambdas entra dans la cour d’honneur du manoir. À son bord, un certain Malyshev Alexei Stanislavovich, Premier ministre de la République Sociale du Prodnov. Un petit état du nord-est de l’Eurysie né de la division de la République socialiste du Prodnov. Il entra lentement dans l’habitacle, déposa son manteau sur le porte-manteau et suivit alors un employé qui le guida jusqu’au Salon Sombre. Là bas, était assis Bálint les jambes croisées, qui se leva rapidement voyant son ami pénétrer dans la pièce un sourire au coin de la bouche.

Malyshev Alexei Stanislavovich : “ Re-bonsoir Bálint. „

Bálint Nemeth : “ Bonsoir mon ami. Comment vas tu depuis le temps ? „ dit-il en le prenant dans les bras de manière digne et humble.

Bálint Nemeth : “ Je souhaitait te féliciter pour ton élection à la tête de la République Sociale du Prodnov. Tu le mérite, même si je ne comprend pas bien ton souhait d’abandonner la démocratie. „ dit-il en lui faisant signe de prendre place sur le fauteuil.

Devant lui était positionné un apéritif avec de petits shouteurs à Vodka en provenance du Pharois-Syndikaali. Il saisit alors la bouteille et il rempli les deux petit verres de manières assez généreuses et se leva. Ainsi il leva son bras vers le plafond comme si il faisait un serment. Il entonna par la suite une chanson qui devait rappeler le bon temps à son invité, qui, eseprait-il, chanterait la suite.

Bálint Nemeth : “ Un matin, à ton réveil, ô camarade, camarade, camarade-rade-rade. Un matin, à ton réveil, on t’a retiré ton soleil. Les loups sont entrés, dans la ville, ô camarade, camarade, camarade-rade-rade, les loups sont entrés dans la ville, ils étaient cents ils étaient milles. Tu ne voulais pas, vivre en cage, ô camarade, camarade, camarade-rade-rade, Tu ne voulais pas vivre en cage, tu avais bien trop de courage. Tu as pris les armes à ton tour, ô camarade camarade camarade-rade-rade, tu as pris les armes, à ton tour pour que je puisse chanter un jour. „ chanta t-il en regardant son interlocuteur.
Blutorsa

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Plus sobre que son ancien camarade, Alexei lui rendit toutefois son accolade. L’éducation martiale qu’il avait reçu et son enfance en contexte dictatorial avaient participé à lui forger une personnalité peu expression, même en privé. Il ne mettait finalement l’emphase que lorsqu’il fallait prendre la parole en public, et tout cela était un jeu de comédien.
Ses années à l’Université privée d’Eisendorf, au Walserreich, lui avaient toutefois appris à se dérider un peu. Il avait non seulement pu se découvrir un sensibilité pour les arts de la plume, mais aussi le plaisir de la camaraderie, des aventures potaches et des soirées étudiantes où cela chantait en allemand.

D’excellent souvenirs, forgés dans un entre-soi élitiste de jeunes de bonnes familles, et destinés à de grandes choses. De ses anciens compagnons, certains avaient fini préfets, hauts fonctionnaires ou ministres de leurs pays d’origine, ils se donnaient encore des nouvelles parfois, dans le langage crypté de la Blutrosa, cette société secrète estudiantine où chacun promettait, main sur une rose fossilisée, de faire de grandes choses et de ne jamais trahir le secret de l’organisation.

De sa promotion, Malyshev Alexei avait toujours estimé être le plus ambitieux. Du moins jusqu’à sa rencontre avec Bálint Nemeth. De deux ans son aîné, cet étudiant en économie originaire du Royaume de Svobansky-Normanie, nation slave du sud de l’Eurysie, avait été une découverte surprenante et rapidement s’était nouée entre eux une amitié sincère.
Leurs opinions politiques différaient beaucoup, héritées du contexte culturel dans lequel chacun avait grandi, Nemeth étant une sorte de noble en son pays quand Malyshev était le fils d’un préfet de l’Etat prodnovien, dans une nation qui avait aboli les privilèges depuis plus d’un siècle. En ressortait deux visions du socialisme réel, Nemeth jugeant que seule une sensibilité de gauche et redistributive pouvait palier les impensés du capitalisme, Malyshev estimait pour sa part que les compromis étaient impossibles avec toute forme d’idéologie bourgeoise. Il fallait systématiquement et en tout tuer les reliquats de pensée bourgeoise sans quoi celle-ci s’infiltrait, à la manière d’une mauvais herbe ou d’un dégât des eaux, dans les fondations du pays.

- Merci pour tes félicitations.

La remarque qui suivit lui tira un ricanement. Bálint n’avait pas changé, ils ne s’étaient pas revu depuis des années et pourtant la première chose que son ami trouvait à lui dire était son scepticisme vis-à-vis de ses idées politiques.

- Tu comptes vraiment parler de ça ce soir ? Je croyais qu’on avait acté notre désaccord il y a dix ans.

Suivant le geste de son homologue, Alexei récupéra un shooter et le leva lui aussi. Depuis la fin de ses études, il avait presque oublié l’existence de l’hymne à boire de la Blutrosa mais à l’instant où Bálint l’entonna, les paroles de celle-ci lui revinrent instantanément, pour les avoir chantées des dizaines de fois au bas mot.

« Un matin, à ton réveil, ô camarade, camarade, camarade-rade-rade,
Un matin, à ton réveil, on t’a retiré ton soleil.
Les loups sont entrés, dans la ville, ô camarade, camarade, camarade-rade-rade,
Les loups sont entrés dans la ville, ils étaient cents ils étaient milles.
Tu ne voulais pas, vivre en cage, ô camarade, camarade, camarade-rade-rade,
Tu ne voulais pas vivre en cage, tu avais bien trop de courage.
Tu as pris les armes à ton tour, ô camarade camarade camarade-rade-rade,
Tu as pris les armes, à ton tour pour que je puisse chanter un jour.
»

Puis, sur la dernière note, il siffla le contenu du verre d’une traite.

- Za vashe zdorovie !

Le verre fut reposé sur la table et Malyshev prit place dans un des canapés où il croisa les jambes, l’air satisfait.

- Qui aurait pu penser, voilà dix ans dans cette cave sordide, que c’étaient deux futurs chefs d’Etat qui prêtaient serments sur la rose de pierre ?

Il secoua la tête.

- Nous avons parachevé les ambitions de tous nos camarades de l’époque.
Livre

Malyshev Alexei Stanislavovich : “ Tu comptes vraiment parler de ça ce soir ? Je croyais qu’on avait acté notre désaccord il y a dix ans. „

Bálint Nemeth : “ Je suis juste étonné du virement que prend ta politique, toi qui était si branché sur la liberté des peuples et le fait que le pouvoir doit leur appartenir. Tu as de bien bonne manière de l’illustrer. „ Dit-il en d’un air mesquin.

Malyshev Alexei Stanislavovich : “ Qui aurait pu penser, voilà dix ans dans cette cave sordide, que c’étaient deux futurs chefs d’Etat qui prêtaient serments sur la rose de pierre ? „

Bálint Nemeth : “ Si tu savais toutes les épreuves que j’ai dû parcourir depuis la fin de mes études. Comment être socialiste lorsque l’ont est riche ? C’est ce qui m’a causé bien des tords, dieu merci je possède un bon entourage, qui ont sut gommer ce détail. „ Dit-il en s’asseyant de nouveau sur le fauteuil les jambes croisées, son vert d’alcool dans la main.

Malyshev Alexei Stanislavovich : “ Nous avons parachevé les ambitions de tous nos camarades de l’époque. „

Bálint Nemeth : “ L’avenir nous le diras encore et encore, l’avenir c’est le socialisme modéré et non radical. Ainsi nous pourrons toi et moi réellement achever les ambitions de l’époque. „ Dit-il en sirotant dans son verre.

Le jeune Premier ministre ouvrit un dossier poussiéreux qu’il avait préalablement posé sur la table à côté de l’apéritif.

Bálint Nemeth : “ Te souviens tu de comment l’ont c’est rencontré ? „ Dit-il en en regardant son interlocuteur droit dans les yeux.
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Assis dans le canapé comme on prend place sur un trône, Alexei Malyshev avait laissé son bras gauche sur les rebords du dossier, le droit faisant tourner le liquide alcoolisé dans son verre, d’un geste paresseux.

- C’est parce que tu manques d’imagination, cher ami, répondit-il avec une pointe d’ironie. « Le pouvoir populaire ne se limite certainement pas à la démocratie bourgeoise et ses avatars. Je compte faire du Prodnov une véritable république populaire, si cela peut te rassurer, où le pouvoir ne sera pas accaparé par une seule classe sociale, mais également distribué à travers toute la société. »

La mention des épreuves qu’avait dû traverser Bálint Nemeth lui arracha un sourire ironique. Terrible fardeau, en effet, que la richesse. Alexei lui ne s’en était jamais plaint, sa famille n’était certes pas noble, mais appartenait aux élites du Parti Communiste et pour cela, il avait pu faire ses études au Walserreich et n'avait jamais manqué de rien. Mais n’était-ce pas ce qu’on souhaitait pour tous les hommes ? Ne manquer de rien ? Il n’y avait pas de raison de se flageller pour ce que la révolution avait offert à ses partisans, en revanche, la richesse acquise d'une naissance aristocratique était effectivement plus ambivalente, question légitimité…

- Tu as toujours été trop mélodramatique, balaya-t-il d’un haussement d’épaule. « Un bourgeois de gauche, c’est vieux comme la gauche, hein. Mais je te crois pour la conquête du pouvoir. C’est une foutue gageur. »

En revanche, la remarque suivante de son ami lui fit lever les yeux au ciel.

- Ah oui ? La violence appelle la violence et la radicalité appelle la radicalité. Quand ton pays aura été coupé en deux par des envahisseurs, tu changeras peut-être d’avis. D’autant qu’aux dernières nouvelles, ce n’est pas moi qui achète des armes à l’Alguarena, je te signale, si c’est ça que tu appelles du socialisme modéré, je ne vois pas très bien ce qu’il y a de socialiste là-dedans.

Légèrement agacé par la tournure de la discussion, il vida son verre. La journée avait été assez fatigante, à écouter la moitié du continent s’envoyer des piques interposées, le tout enrobé d’une hypocrisie dégoulinante.
Alexei se pencha pour reposer son verre sur la table et en profita pour jeter un coup d’œil intrigué au dossier que venait d’ouvrir son ami.

- A l’université. Ce n’était pas dans le parc ? Ou au club ? Matz von Weingart a présenté un peu tout le monde à ce moment là…

Ses mains désormais libres, il sortit un paquet de cigarette de la poche de sa veste et en alluma une, avant de les tendre à Bálint.
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