11/05/2017
22:55:21
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Actée Iccauhtli, Valtter Haapalainen, rencontre à Lac-Rouge.

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L’urbanisation de Lac-Rouge, plus grande ville de l’Union et centre de ses administrations, avait souffert autant que jouit de la préservation du plan médiéval de la cité, quadrillage de rues, d’avenues et de canaux lacustres certes droits mais empêchant, jusqu’à un certain degré, l’établissement d’une métropole moderne classique : il avait fallu adapter la science architecturale à la ville pour en préserver l’aspect et les qualités, ce qui avait été, au fils des siècles, une lutte de tout les instants dont le résultat avait au moins le mérite d’être satisfaisant à bien des égards.

Lorsque les finnevaltais étaient arrivés à l’aéroport international de Lac-Rouge, situé sur les rives de l’immense lac sur les îles duquel s’était implanté la ville, ils avaient été reçus par une délégation civile qui les avait accueillis dans les formes et les avait guidés dans un convoi de véhicules électriques jusqu’à la structure devant leur servir d’ambassade, située à proximité de l’enceinte médiévale entourant Axis Mundis, ancienne place des temples et palais nahualtèques, où siégeaient depuis l’Assemblée générale et les différents commissariats du Kah. Ils traversèrent ainsi l’un des nombreux ponts courant en ligne droite jusqu’au centre de la ville, la circulation y était assez faible entre-autre grâce à un solide réseau de transports en communs, bus et trams jouissant de voies réservées représentant environs la moitié de l’espace routier. Le pont se prolongeait ensuite dans une avenue aboutissant là où se rejoignaient les autres grandes axes routiers, soit au niveau de la commune spéciale d’Axis Mundis. Celle-là était entourée de remparts blancs et rouges, derrière lesquels on devinait les hautes formes des pyramides et palais à degrés. Le complexe palatial avait été sujet à de nombreuses modifications au cours des âges et les différents régimes ayant dominé la région ne l’avait que très tardivement considéré comme un monument historique, l’adaptant avant cela aux nouvelles inventions de la période. L’Union avait pour sa part opté pour une solution intermédiaire consistant à limiter les modifications apparentes des structures les plus anciennes : des commissariats dédiés avaient ainsi été construits sur une extension de la commune spéciale séparée du cœur historique par des canaux. C’était à proximité de cet ensemble de jardins et de bâtiments modernes qu’était placée l’ambassade du Finnevalta, bien en vue de l’ancien palais impérial, ayant d’abord abrité les princes nahualtèques, puis les shoguns coloniaux et où siégeait désormais le comité de Volonté Public, et à deux pas de la Chambre Hyper-Structure, où se trouvait le commissariat aux Affaires Extérieures et plusieurs autres ambassades et consulats étrangers sur le sol Kah-tanais.

Dans l’ensemble, Lac-Rouge était une ville verte. Construite sur plusieurs îles naturelles et artificielles reliées par des ponts, ses premiers habitants avaient creusé d’importants réseaux de canaux délimitant d’une part les calpulli, (ou "grande maison", genre de communes médiévales servant de cellule de base aux sociétés de la région), et permetant en outre de rapidement déplacer des biens et des personnes à l’aide de barques et de petits navires. Cette organisation autour des canaux avait été préservée de telle manière qu’on aurait pu comparer la cité à une Fortuna du Nouveau Monde – ce que les chroniqueurs coloniaux ne s’étaient pas priés de faire. De nombreux travaux d’aménagement avait depuis été menés pour éviter que le Lac ne s’assèche, que les fondations de la ville ne s’affaissent ou ne deviennent marécageuses, que la pollution rendre la zone toxique dans son ensemble, etc. Même les chinampa, champs cultivés sur des îles artificielles à proxitmité des calpulli, existaient toujours ici, servant aux communes de la métropole d’obtenir une part importante de leur nourriture sans avoir besoin de recouvrir à l’exportation de produits issus de l’agriculture. Le poisson pouvait être péché dans le lac, dont une partie séparée de l’autre par un vieux réseau de digue était composé d’eau salée, et la viande, consommée en quantités plus faibles que dans d’autres pays, elle, venait des communes agricoles voisines. Se promener dans cette ville c’était donc passer d’îles en îles, observer les navires qui allaient et venaient sur l’eau, l’imposant réseau de tram et métro courant entre les quartiers d’habitation traditionnels et les zones plus modernes, toutes colorées et décorées de guirlandes, d’arbres et d’espaces verts, abritées du soleil par des tissus aux motifs traditionnels, ponctués de grands panneaux où l’on affichait pas tant de la publicité que des messages des communes, d’individus, ou d’information générale. Commémoration de la mort du citoyen untel, rencontre politique sur la question du nettoyage des canaux de telle commune, point où l’on peut obtenir des disquettes de tel programme vidéoludique, telle atelier annonçant l’arrivée massive de bière Ipacaltec, etc. La vie culturelle, aussi, semblait assez foisonnante et on comptait de nombreux théâtres en plein air et manifestations culturelles, politiques ou religieuses témoignant de l’intense syncrétisme de cette grande métropole dont les plus de cinq millions d’habitants venaient de virtuellement toutes les cultures du monde. Pour reprendre les termes d’un certain auteur, Lac-rouge, de son nom révolutionnaire "Commune ville-libre", était en proie à une certaine agitation. Et ce depuis plus de deux siècles.

Bien sûr on oubliait pas les grandes pyramides, encore couvertes du sang des sacrifiés, courant de leur sommet au sol en une traînée sèche et brune. Aujourd’hui, cependant, les prêtres-juges étaient au repos. Il n’y avait pas de condamné à mort. Les monuments, aussi anciens que sinistres et magnifiques, étaient au repos : et on tuait de toute façon peu. Ces évènements étaient devenus rares, avec la fin des guerres et des drames nationaux.

Lorsque Valtter Haapalainen arriva devant l’appartement de la citoyenne Iccauhtli, il put constater que celle-là n’habitait pas exactement une résidence de ministre. Il s’agissait d’une série d’immeubles récents couverts de plaques blanches bleues et rouges, dressés autour de squares et de jardins individuels et traversés par un monorail suspendu, dans la continuité de l’Avenue de la Liberté, l’un de ces fameux axes partant d’Axis Mundis aux rives du Lac en ligne droite.

Lorsqu’il lui adressa un message par le biais de son ambassade, lui signifiant qu’il souhaitait la rencontrer, la réponse tomba rapidement, portée par un délégué du Commissariat aux Affaires Extérieures :

« Je suis très heureuse de lire que votre arrivée s'est bien passée et tiens à m'excuser de mon absence hier : la réunion quotidienne du Comité de Volonté Publique s'est éternisée et j'ai préférée ne pas vous déranger à des heures indues.

Je vais vous donner une adresse, rencontrons-nous à treize heures pour parler. C’est un établissement où l’on mange bien et où l’on sera tranquille pour aborder les sujets qui nous attendent. 
»


Le point de rendez-vous était un restaurant facilement accessible depuis la commune spéciale d’Axis Mundis. Situé à l’orée du complexe palatial, c’était un bâtiment blanc et rouge, d’apparence traditionnelle et ne comptant qu’un seul étage en plus de son rez-de-chaussée. Son toit était surmonté de créneaux rouges profonds représentant plusieurs serpents aux aspects anguleux.

Entouré de peupliers faux-tremble plantés à intervalle régulier dans la chaussée, l’endroit dégageait un certain calme et semblait relativement isolé. La salle principale était ouverte vers la rue, en lieu et place d’une cloison elle n’avait que des piliers entre lesquels on avait dressé de voiles de coton fin. Il y avait probablement un service de sécurité dépêché pour l’occasion, des membres de l’Égide – la sécurité intérieure kah-tanaise – ou bien d’un groupe spécial de la Protection Civile, mais en l’état ils étaient invisibles.

Valtter fut accueilli dès son arrivée et dirigé vers une arrière-salle à laquelle on accédait en descendant une paire de marches. C’était un lieu où l’on mangeait près du sol, comme dans certaines cultures du nazum. Les gens s’asseyaient sur des coussins face à des tables au raz du sol, et parlaient à voix basse. Il y avait d’ailleurs assez peu de clients, peut-être que l’endroit avait été privatisé. Ou bien l’on mangeait simplement peu, à cette heures, dans cette culture. L’arrière-salle s’avéra être équipée pour accueillir un petit groupe d’individu, mais il n'y avait que deux services sur la longue table. Séparée du reste du restaurant par une porte, la cloison opposée était ouverte et donnait sur nn large canal de l’autre côté duquel on apercevait l’enceinte d’un temple shinto. Un autre canal, perpendiculaire au premier, partant en ligne droite vers le nord, donnant une perspective impressionnante sur la partie inoccupée du lac et, plus loin derrière ses rives, les grands massifs montagneux entourant la ville et au centre de tant de mythes régionaux. La citoyenne Iccauhtli était présente, se tenant sur les quelques marches qui descendaient de la pièce jusqu’à l’eau, où se trouvait une pirogue. Une petite silhouette que ses vêtements – un pull beige et une jupe noire chevauchant un pantalon de même tissus – faisaient nettement ressortir sur le fond bleu et vert de l'extérieur.

La citoyenne se retourna en entendant entrer Valtter et s’inclina brièvement, congédiant par la même l’homme qui l’avait guidé jusqu’ici. Un adage disait que les kah-tanais n'étaient pas chaleureux sauf s'ils étaient chez eux : peut-être ce dernier contenait-il un fond de vérité.

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« Bienvenue, installons-nous ! »

Elle lui fit le bénéfice d’un de ses rares sourire puis s’installa en tailleur sur les coussins, indiquant du doigt deux cruches sur la table.

« Pulque, eau. Si vous buvez autre-chose ils l’amèneront. » Puis, d’un ton joyeux. « Je me suis dit que j’allais vous épargner les salles de réunion du commissariat. Et puis vous devez apprendre à connaitre notre Union, et ça passe aussi par sa cuisine. »

À côté d’elle, posé sur un autre coussin, se trouvait un épais attaché-case contenant sans doute de quoi travailler. Il y avait aussi une veste noire, soigneusement pliée et posée. Le boitier d'un personal digital assistant dépassait d'une de ses poches.
ValtterValtter

Valtter rentra à l'ambassade Finnevaltaise, située à proximité de l’enceinte médiévale entourant Axis Mundis, après être rentré bredouille de son excursion aux appartements de la citoyenne Iccauhtli. Lors de son cours trajet le séparant de l'ambassade, Valtter se rendit compte de l'incroyable nombre de lac constituant la ville. Cela ressemblait à ce qu'il avait l'habitude de voir au Finnevalta. Les lacs y sont très nombreux, on peut aisément dire, c'est une particularité physique reconnue internationalement. "Le Finnevalta, c'est le pays des lacs". On pouvait entendre ce genre de propos dans la bouche de touriste étranger. Ainsi, le dépaysement n'était pas si évident que cela pour Valtter. Le plus difficile pour lui actuellement, c'était de s'adapter à la température anormalement élevée, pour lui, à cette période de l'année pour lui. Lac-Rouge est très certainement une ville chargée d'histoire, bien conserver par les autorités kah-tanaise, se dit-il. Les Kah-tanais fidèles à leurs réputations. Un savant mélange entre des bâtiments historiques, comme des temples ou des palais, et des bâtisse certainement récente, d'une élégance certaine, se mariant parfaitement avec le reste de la ville. Lac-Rouge était bien plus développé que n'importe quelle ville Finnevaltaise. Valtter en fit le triste constat. Les transports en communs sont évidemment présents dans toute la ville et les infrastructures sont d'une complexité inégalé au Finnevalta. Les ponts serpentaient, la ville de manière élégante, un modèle d'aménagement du territoire dont nous pourrions nous inspirer se demanda Valtter. Malgré la présence, d'innombrables lacs, le royaume d'Albi, puis après le Finnevalta n'ont pas misé sur le développement de villes présentes sur ses sources d'eau. Contraintes techniques trop difficiles à surmonter pour l'instant. L'atmosphère générale se dégageant de la ville est fougueuse, enflammée, chaleureuse, autant d'adjectifs pour décrire une ville ayant un climat chaud et des paysages au couleurs vives, rappelant forcément cette température élevée. Valtter avait chaud, il dut retirer sa veste pour ne pas étouffer sous le poids de la chaleur.

Les panneaux de Lac-Rouge sont visiblement paradoxaux pour Valtter. Ils n'affichaient pas essentiellement de la publicité, comme dans la plupart des villes des pays "développés". Ceux-ci avaient tendance à fortement agacée Valtter. Il détestait par dessus tout les panneaux publicitaires à outrance, faisant la promotion de biens ou de services à laquel il n'allait certainement jamais prêter attention. Il se sentait agressé par ce genre de pratique commerciale maladroite. Il préférait sans aucun doute la méthode kah-tanaise, des panneaux annonçant des informations utiles à la vie quotidienne des citoyens, avec ponctuellement, de petites affiche publicitaires discrète. Il portait bien plus attention à ce genre de publicité. Il vit justement une spécialité culinaire qui lui donna envie. Il la testera plus tard, pour l'heure, il devait rentrer à l'ambassade. À quelques pas du bâtiment, désormais, Finnevaltai, une salle de spectacle en plein air était installées et une pièce de théâtre était en train de se jouer. Valtter, fervent amateur de théâtre, allait se diriger observer de plus prêt la pièce quand soudain Elli, la vice ambassadrice Finnevaltaise, l'interpella. Elle le prévenait de la réception d'un message de la citoyenne Iccauhtli. Les affaires commencent. À travers ce message, Valtter avait été convié à rejoindre son homologue dans un restaurant le lendemain à treize heures. Parfait songea Valtter, j'avais justement envie de manger les spécialité kah-tanaise...

Le lendemain, Valtter se rendit sans faute au point de rendez-vous. Il se retrouva face à un bâtiment blanc et rouge, d’apparence traditionnelle et ne comptant qu’un seul étage en plus de son rez-de-chaussée, son toit était surmonté de créneaux rouges profonds représentant plusieurs serpents aux aspects anguleux.Dès son arrivé, Valter fut reconnus par des kah-tanais, visiblement chargée de l'orienter. Il fut reçu en bonne et due forme et dirigée vers l'arrière-salle de la pièce qui semblait être la principale, étant donné la présence de certains clients. Dans la salle, se trouvait la citoyenne Iccauhtli attendant certainement Valtter, les yeux rivés vers le lac et les montagnes servant de décoration naturelle à la pièce. Celle-ci était particulière à appréhender pour Valtter. Il avait l'habitude des bâtiments en béton fermé par quatre murs, ornés de modestes décorations. Les salles Finnevaltaise lui paraissait soudain vraiment vides et froides comparée à celle dans laquelle il s'apprêtait à entrer. À la vue de son arrivé, la citoyenne Iccauhtli s'inclina légèrement ce qui déstabilisa Valtter. Il n'avait pas l'habitude de saluer ou de se faire saluer par les gens de cette manière. Il tenta de s'incliner brièvement en guise de réponse. Ils s'installèrent tout deux face-à-face en tailleur sur des coussins extrêmement confortable. Encore une habitude à prendre pour Valtter, manger assis quasiment à même le sol, il ne l'avait jamais essayé. Il voulait se dépayser en s'installant au Grand-Kah, il était servi...

"Bienvenue, installons-nous !", s'exprima la citoyenne Iccauhtli.

"Merci à vous de m'accueillir, je suis heureux de l'accueille reçu à l'attention de ma délégation, ainsi que l'honneur que vous me faites de m'accorder un peu de votre temps. De plus, je boirais bien de l'eau plate s'il vous plait. "

Valtter sortit de sa petite pochette un petit dossier de quelques documents.

"En effet, la culture d'un pays passe souvent en sa cuisine, se sera avec plaisir que de manger en votre compagnie."

"J'aurais juste une petite question pour commencer, est-ce normal qu'une telle chaleur soit de mise à ce moment de l'année. Dans ma contrée, en septembre, on s'approche doucement, mais sûrement des températures négatives ! "
La citoyenne réagit aux remerciements de l’ambassadeur en secouant la tête, sans cesser de sourire.

« C’est tout naturel. »

Elle écouta ensuite sa question en lui servant l’eau. Peut-être qu’elle la reçue comme un genre de plaisanterie. Ou bien celle-là lui rappelait simplement son propre désarroi quand, s’exilant dans les pays d’Eurysie, elle constata qu’il y faisait déraisonnablement froid. À l’époque – elle était une jeune universitaire qui ne s’imaginait pas encore tout à fait promise à un tel avenir – elle avait trouvé le climat des pays du nord quelque-peu révoltant.

« Et encore, vous avez de la chance, Lac-Rouge est sur un plateau montagneux, dans les plaines c’est encore pire. Enfin je reconnais que nous avons un mois de septembre particulièrement doux. »

Elle sembla hésiter puis continua d'un ton enjoué.

« En fait ce climat est en grande partie la raison pour laquelle le Grand Kah a été le foyer de sociétés industrieuses, avant la colonisation. Le climat y est extrêmement diversifié, composé de zones environnementales différentes allant de la jungle humide aux hauts plateaux montagneux. On parle de plaines tropicales pour désigner les zones situées à proximité du tropique et sous les mille mètres d’altitude. L’administration coloniale disait aussi les tierra caliente, la région chaude. Ce sont des zones où il pleut abondamment, générant au choix des jungles ou de la savane. Les hautes terres, entre mille et deux mille mètres au-dessus du niveau de la mer, sont appelées les tierra templada, ou régions tempérées. La pluie y est plus saisonnière, dans le nord il n'y a que deux mois, humide et sec, à cette latitude c'est plus classique. Dans tout les cas c'est un climat propice à l’agriculture. Il y a aussi le plateau central et sud, au-dessus de deux mille mètres, qu’ils appelaient la tierra fria, région froide.»

Son regard parti brièvement en direction des hautes montagnes, au nord de la cité.

« En termes simples, disons simplement qu’il y neige. » Elle pencha légèrement la tête sur le côté. « Encore que nous ayons de la chance, ça peut sembler contre-intuitif mais il fait bien plus frais ici que dans le nord de l’Union : En termes de l’attitude nous sommes 12 degrés en dessous du tropique du capricorne. Imaginez un peu ce que ça doit être d’habiter en Alguarena ou dans le sud d’Albel. Ou même à Filvia, la capitale du Rousmala. J'ai lu qu'elle était située pile sous l'équateur. Constamment bombardée par la pleine puissance de notre cher soleil.»

Une perspective qui semblait la laisser rêveuse.

« Mais pour dire les choses simplement : à Lac-Rouge nous avons des saisons au sens où vous autres les eurysiens l’entendez. Mais étant situés sous l’équateur, elles sont inversées par rapport aux vôtres. Vous verrez, avec un peu de chance vous aurez de la neige juillet prochain. En fait c'est même un risque sérieux, avec l'éruption du mont Lucifer en Normanie, il faut deux ou trois degrés trop froid. Je peux vous dire que ça fait hurler nos agriculteurs, que voulez-vous.»

Elle soupira.
Les sourires qu'adressa la citoyenne à l'ambassadeur avaient le chic de le déboussoler. À vrai dire, en règle général, les Finnevaltai n'étaient pas vraiment très souriants et cela se confirmait davantage avec les plus hauts représentants qu'il avait l'habitude de côtoyer. Peut-être est-ce encore du faite de la température ? La chaleur nous rendrait alors plus souriants que le froid ? On ne sait pas, songea Valtter.

Il réagit d'un ton enjoué au propos qu'avait tenu la citoyenne.

"De la chance, de la chance tout cela est bien relatif, j'avoue préférer le froid glacial du pôle Nord que la lourdeur de votre climat. J'espère m'y habituer assez tôt quand même."

Valtter prit des notes quand la citoyenne lui expliqua les différents climats régionaux. Il parut particulièrement fasciner par le récit de la citoyenne.

"Quelle horrible vie d'habiter dans ses régions ! dit-il avec ironie. Non mais trêve de plaisanterie, je n'aimerais pas vivre là-bas. Vous par contre vous sembler charmer par la perspective de griller sous un soleil de plomb !"

Valtter reprit un ton plus sérieux.

"Hâte de voir de la neige en juillet, cela va choquer la présidente Pokka, j'en suis certain. Chez nous, le climat est bien plus simple. Il fait très froid la plupart de l'année dans la province d'Einojhuani, dans le nord du pays, tandis que dans la province de Sibelius, celle du sud, il fait simplement froid, voir presque doux en été. Alors la perspective de voir de la neige en juillet est très drôle pour nous. Surtout que je suis ici pour découvrir votre culture et votre territoire, pour au final apporter des connaissances aux Finnevaltai. Nous sommes clairement ignorants quant à votre région géographique. Je pense qu'il ne me croira pas quand je leur dirai cela."

Valtter se reprit et arrêta de rire seul.

"Je suis arrivé à Lac-Rouge, il y a peu de temps et c'est vrai, tout me fait penser de prêt au de loin au climat. Des bâtiments de couleurs chaudes au nom même de la ville. C'est sûrement dû au choc que connaît actuellement mon esprit. Passer du bleu au rouge n'est pas forcément simple, j'espère que vous me comprenez. Enfin bref assez parler de moi, parler moi de vous dans un premier temps, qui êtes vous au Grand-Kah, mais si vous ne souhaitez pas parler de vous il n'y a pas de soucis, parlez moi de l'union."
Elle n’ajouta rien sur la question du climat : dans les faits elle était très heureuse au Grand Kah, et considérait – d’un comment accord avec la science et l’Histoire – que les régions directement situées sous l’équateur étaient parmi les plus inhospitalières. L’Union avait ça pour elle qu’il y faisait parfois doux. La chaleur pouvait paraître écrasante, mais était tout bonnement clémente en comparaison à ce qui se trouvait plus au nord. Vraiment, les pays les plus chauds étaient parmi les seuls qui ne l’attiraient pas. Plutôt déléguer que souffrir sous un climat infernal.

« Non, non je comprends très bien ce que vous voulez dire. » Elle pencha la tête sur le côté. « Je n’avais jamais envisagé ça sous cet angle pour tout avouer. Le rouge, la chaleur. Mais c’est logique. Quand j'étais enfant je pensais que c’était à cause de la couleur de notre drapeau. En fait c’est plus probablement lié au sang. Il a une importance capitale dans la religion des peuples pré-coloniaux. C’était aussi la couleur des princes et des empereurs. La transition socialiste a été… Intéressante, de ce point de vue là. » Elle sourit. « En tout cas je compatis : j’ai vécu au Pharois, bon très brièvement, mais je n’étais pas plus prête à vivre au-dessus du cercle polaire qu’un habitant du grand nord ne le serait à habiter chez nous. »

Puis elle croisa les bras et regarda quelque-chose derrière l’ambassadeur. Deux hommes venaient d’entrer dans la salle. Ils portaient des gens de tuniques blanches brodées de noir. Leurs cheveux, noirs et courts, étaient décorés de plumes. Ils tenaient des plats : genres de petit ramequins qu’ils posèrent devant les deux convives. Les ramequins contenaient un genre de mousseline beige sur laquelle ils firent couler un jus jaune. L’un des deux hommes s’arrêta, mains dans le dos.

« Sabayon de crabe, coulis de Livèche au parfum d'estragon sur lis de caviars Sevruga. »

Il s’inclina un peu en avant.

« Bonne dégustation. »

Actée acquiesça en signe de remerciement, puis se retourna vers Valtter, acquiesçant à nouveau d’un air satisfait.

« Eh bien ça promet. » Elle attrapa une petite cuillère qui lui avait été amenée en même temps que l’entrée. Une bouchée de sabayon plus tard, elle reprit la parole, loin de cacher sa satisfaction. « Je dois vous dire, je ne sais honnêtement pas si je suis la mieux placée pour parler de moi. En tout cas il y aurait des gens pour vous dire que non. Que c’est une très mauvaise idée que de me demander qui je suis, et que de toute façon mon temps est terminé, bon débarras, au revoir.

C’est,
 nota-t-elle avec philosophie, le propre d’une femme politique que de provoquer ce genre de réactions. »

Elle inspira.

« Je suis arrivée là où j'en suis par hasard. Hm. Eh bien vous savez qu'au début des années 90, l'Union sortait d'une révolution ayant opposé notre peuple à une junte militaire installée par l'étranger. À cette époque j’étais à Heon-Kuang, au Nazum, là où je suis né. Cette période de reconstruction s'est faite en relative autarcie. Les kah-tanais ne voulaient plus rien avoir à faire avec un monde extérieur jugé moralement et politiquement déficient.

Le Comité de Volonté Publique, notre exécutif si vous voulez, était principalement occupé par d'anciens guérilleros, ce genre de personne. Moi à la même période j’enseignais dans des universités étrangères. En fait j'ai passé presque la moitié de ma vie hors de l'Union, à donner des cours et à écrire des romans et des études. Heu, c'est pour ça qu'on me surnommait "l'Autrice". Pas le nom de guerre le plus intimidant, mais au moins il est sans équivoque.
 »

Elle eut un petit rire.

« Bon toujours est-il que j’avais écrit beaucoup de documents essayant d’expliquer le Grand Kah aux étrangers. L’un d’eux, qui décrivait les opportunités qu’offrirait la réouverture diplomatique et économique de l’Union, attira l’attention du citoyen Edgar Alvaro Maximus de Rivera. De 90 à 2007 c’était un peu le diapason de la politique kah-tanaise. Il m’a proposé de revenir au pays pour entrer à la Convention générale, et finalement la convention m’a nommée au Comité de 2000, surnommé l’estimable, dans la foulée. »

Un sourire rêveur. A l'époque elle passée pour exceptionnellement jeune, au sein des représentants de l'Union.

« Et donc jusqu’à 2007 environs j’étais membre du Comité de Volonté Publique. Les membres du Comité sont égaux les uns aux autres et n’ont pas de rôles définis, mais officieusement nous nous partageons le travail, et on m’avait naturellement laissé les mains libres pour ériger le Commissariat aux Affaires Extérieures. Toute la diplomatie et la stratégie extérieure du Grand Kah sont ma création. » Elle disait ça comme si ce n'était rien, prenant à peine le temps de le souligner. « À l’époque on me rangeait dans le camp politique des "radicaux", à cause de mon âge et de mon attachement à l’idéologie. C’est vrai que toute une frange de représentants de ma génération se sont placés dans mon sillage. On parlait des jeunes kah-tanais. Des réformateurs, si vous voulez, qui voulaient faire changer les choses et s’éloigner des positions prudentes et conservatrices des dirigeants des années 90. »

Elle haussa un peu les épaules.

« En 2007 le comité de volonté publique "Estimable" s'est dissous pour résoudre une crise politique. » Elle grimaça en repensant aux réunions parfois électriques ayant précédé cette décision. « Le programme sur lequel il avait été élu et reconduit était plus ou moins achevé et certaines de ses décisions, notamment la tentative d’empêcher l’invasion du Pontarbello par des forces Alguarenos, avaient amenées à des tragédies mettant directement l’Union en Danger. Après cette dissolution du Comité la Convention Générale a acceptée de se dissoudre à son tour, ce qui a amené à des élections générales.

Un programme a été élu, plusieurs membres de la convention ont été nommés au sein du nouveau Comité de Volonté Publique pour le mener à bien. Je ne me suis personnellement pas engagée dans cette aventure. En fait à l’époque j’étais très en colère, car le Grand Kah risquait de se voir dirigé par des mouvements isolationnistes ou ultra-radicaux, et au lieu de s’allier les mouvements modérés se sont divisés en trois programmes concurrents. 
»

Elle fit claquer sa langue contre son palais, manifestement toujours agacée par cet épisode de la politique kah-tanaise.

« Au final ils sont revenus à la raison. Le citoyen Caucase et la citoyenne Meredith – actuellement membres et tête de file officieuse de la Volonté Publique – ont fait alliance. Je dois vous avouer que Meredith doit certains des changements tardifs de son programme à ma participation. Elle est venue me demander de l’aide, sur conseil d’une bonne amie, Rai Sukaretto, elle aussi membre du comité. Toujours est-il qu’à l’heure actuelle je ne siège pas au Comité de Volonté Public. J’ai théoriquement laissé ma place au citoyen Sakeh Ngobila, plus... Facile à vivre et modéré que moi. Mais il est porté disparu depuis un voyage en Afarée Listonienne et je remplie certaines de ses fonctions en attendant que la situation soit réglée d’une façon ou d’une autre. »

Elle marqua un temps.

« En fait je vous parle ici en qualité de simple membre du Commissariat aux Affaires Extérieures. J’ai encore mes entrées au sein du Comité de Volonté Publique mais théoriquement mon rôle se limite à la gestion des dossiers liés au Liberalintern et au Paltoterra. Comme je le disais, Sakeh n’étant pas là pour gérer le reste, je le fais aussi à sa place. Donc quelle est mon importance au sein de notre gouvernement ? Je suppose que jusqu’à un certain stade – ce stade étant la tolérance des citoyens Meredith et Caucase – je suis la Diplomatie Kah-tanaise. Je ne suis qu’une ministre glorifiée. » Et avec un sourire enjoué. « Et ça ne me dérange pas du tout ! Comme je le disais je suis arrivée ici par hasard. Je suis bien plus tranquille à écrire des études et de la fiction. Enfin ce n’est pas aussi passionnant mais on dort trop peu à mon goût, lorsqu’on a le sort de tout un pays sur ses épaules. »

Elle en resta là, rinçant son discours d'une large gorgée d'eau avant de prendre une nouvelle cuillerée de crabe.

« C'est vraiment très onctueux. »
Même si Valtter semblait quelque peu, désappointez concernant le climat de Lac-Rouge, il en faisait un prétexte pour dissimuler sa joie d'être présent dans un territoire de l'union. Une réaction plutôt pudique va ton dire. Non, c'est seulement sa façon bien à lui d'exprimer ses sentiments ; sentiments de joie en l'occurrence. Il était heureux de pouvoir vivre au Grand-Kah.

"Je constate que le rouge est en fait la tradition ici finalement. Nous, c'est plus le bleu ciel, dit-il songeur. Enfin bref..."

À l'arrivée de deux serveur, Valtter se contenta d'écouter ce qu'il disait et il s'exprima avec un petit merci lorsqu'ils partirent.

"Je dois vous dire, je ne sais honnêtement pas si je suis la mieux placée pour parler de moi. En-tout-cas, il y aurait des gens pour vous dire que non. Que c’est une très mauvaise idée que de me demander qui je suis, et que de toute façon mon temps est terminé, bon débarras, au revoir. C’est le propre d’une femme politique que de provoquer ce genre de réactions."

Lorsque la citoyenne tenait ses propos, Valtter paraissait choqué, mais il n'en dit rien et laissa la citoyenne parlée. À vrai dire, en Finnevalta, le paysage politique avait, historiquement, plutôt tendance à être dominé par des femmes. Encore aujourd'hui, cette "tradition", apparemment très Finnevaltaise, était de vigueur. L'exemple le plus marquant, c'est que la représentante la plus influente du pays est Mme Pasi Pokka, et cela, depuis longtemps maintenant. Entendre qu'une femme puisse être rétrogradée politiquement du fait d'être une femme lui paraissait totalement bête. Pourtant, c'est bien ce qu'elle avait dit...

Valtter écouta la citoyenne avec grand intérêt, tout en prenant des notes. Une fois que la citoyenne eut fini l'ambassadeur mangea une cuillère de crabe et rebondit sur ses propos.

"Soit dit en passant, ce sabayon de crabe, je sais plus quoi, est délicieux. Pardonnez-moi, je n'ai pas retenu le nom entier... Pour résumer, vous êtes "seulement" la diplomatie de la troisième puissance mondiale, et tout cela par concours de circonstance... Quel drôle d'histoire ! Enfin, j'estime que seules les femmes et les hommes de lettres peuvent remplir correctement ce type de fonction. Ce n'est que mon humble avis.

Pour en revenir au sujet, vous êtes sûrement la mieux placée pour me parler du système politique de l'union. J'aimerais être éclairé sur ce sujet si possible, dit-il avec un grand sourire..."
« Pour vous dire, même nos dictateurs portaient le rouge sur eux : Sukaretto, le nom de la dynastie impériale. Eh bien cela signifie écarlate. »

Une déformation du mot "Scarlet". Il lui semblait extrêmement amusant que la satanée famille qui avait tenté à trois reprises d’achever l’aventure révolutionnaire porte, jusque dans son nom, la trace de cette obscure langue anglaise, devenue si inextricable du néolibéralisme finançant les ennemis de l’Union, travaillant à sa perte.

Puis, pensive :

« Je ne sais pas si nous sommes les mieux placés pour incarner cette fonction. Elle demande un tas de compétences que beaucoup d’auteurs trouveraient… Ennuyantes, à acquérir. » Elle balaya sa propre objection d’un geste de main, soudain enjouée. « Mais après tout il faut bien quelqu’un qui sait s’y faire avec les mots ou la pensée pour représenter, réellement, l’esprit d’un pays. Et je veux dire, au-delà de ses intérêts ! La diplomatie d’intérêt est tellement plus basse que la diplomatie d’identité et d’esprit. Et bien-sûr il y a ces virtuoses comme Mainio, vous savez, le Pharois, qui arrivent à combiner les deux. »

Essentiel, car si elle appréciait l’art de la représentation, le fait d’incarner l’esprit d’un pays, de le représenter comme un genre d’avatar, une âme faite corps de la volonté d’un peuple, elle reconnaissait que le rôle bassement politique de la diplomatie imposait des compétences techniques qui dépassaient la simple incarnation des intérêts nationaux. Elle-même s'enorgueillissait de sa technicité, qui lui permettait – jusqu’à un certain degré – de travailler en incarnant ses grandes théories abstraites, quitte à parfois juger sévèrement des diplomates, hommes et femmes, qui ne faisaient « que » leur travail, sans panache, sans excellence, mais sans erreur. Avec le temps elle avait appris à se montrer moins critique, quittant les sphères obtuses de l’universitarisme au profit d’une bienveillance que lui avait imposée le contact prolongé à la politique populaire et enjouée du Grand Kah.

Elle fixa Valtter. Comment l’aurait-elle jugée, quelques années plus tôt ? Cet homme consciencieux qui préférait dix fois la questionner sur tel ou tel point que lires les dossiers que des cohortes d’assistants n’avaient pas manqués de préparer sur les mêmes thèmes ? Elle n’arrivait pas à le définir. Parfois, la elle passée lui semblait être une étrangère. Ou peut-être une sœur un peu perdue de vue. Elle se concentra sur le présent et en sortie assurée que l’homme lui était sympathique, et même appréciable. Elle approuvait sa manière de faire, et sa façon d’être témoignait à la fois d’une grande curiosité et d’une certaine sensibilité qu’elle espérait voir comblée par les plus beaux aspects de l’Union. Il incarnait, lui aussi, très bien son pays, quoi que de façon moins théâtrale qu’elle, que Mainio, que d’autres encore.

Sa nouvelle question la fit acquiesçait. L’instant qu’elle redoutait venait d’arriver, de façon assez prévisible.

« Eh bien, si vous avez du temps devant vous...» fut ainsi la réponse qu’elle donna, instinctivement, à sa demande d’éclaircissements sur le fonctionnement de l’Union. Elle avait passé quelques années à écrire sur le sujet pour éduquer, justement, des fils et filles de la démocratie représentative aux arcanes de la démocratie directe, délibérative, participative. Trois mots cousins, dont les descriptions théoriques se rejoignaient dans la pratique. Elle décida de commencer par là.

« Pour commencer le nom même de l'Union, le Grand Kah, signifie confédération. Un Kah est une alliance. Plus spécifiquement un regroupement moral et pratique d'individus devant s'entre-aider et développant un sentiment de fraternité. C'est un principe datant d'avant la colonisation. Traditionnellement on pourrait aussi traduire ça par "contrat social", Kah désignant à la fois le regroupement que le sentiment d'appartenance au regroupement et les règles définissant son fonctionnement. La plupart du vocabulaire de nos révolutionnaires vient des langues locales, ce sont souvent des mots polysémiques et c’est plutôt adapté considérant que nos notions tendent à avoir plusieurs interprétations et applications. »

Ce n’était pas encore tout à fait une réponse à la question posée, mais une introduction visant surtout à avancer un élément central : la fluidité d’un système amené à changer selon les us et les interprétations. Un certain refus de la rigidité. Pour le meilleur – fréquemment – et pour le pire, surtout quand il s’agissait de l’expliquer.

« Je crois que le plus simple pour expliquer le fonctionnement de l'Union c'est de dire qu'il s'agit d'une confédération. Le gouvernement auquel j'appartiens ne prétends pas diriger le territoire kah-tanais, mais en représenter les multiples volontés. L’élément de base de cette confédération est ce que nous appelons les communes.

Il y a d'autres termes pour les définir – syndicat, république, section. Vous verrez. Dans les faits tout ça, ce sont des communes. Les communes représentent environs deux-cents à six-cents citoyens, gérant leurs affaires ensemble lors d'assemblées. Ils sont collectivement propriétaires de la terre de la commune et de ses ressources, et sont appelés à nommer vingt-cinq représentants pour une durée de un an renouvelable. Ces représentants ont des fonctions administratives et doivent aussi s'organiser avec ceux des communes voisins pour assurer une bonne coopération intercommunale.

Parmi ces vingt-cinq, l'un sera nommé par ses pairs pour représenter la commune au sein d'une commune supérieure, composée de cinquante représentants de ce type. Si vous voulez ce sont... Des régions. Elles coordonnent les communes, donc, soumettent aux communes des décisions partagées, organisent les élections des membres de la magistrature – notre système de justice – la gestion de la protection civile – une milice faisant aussi bien office de police que d’armée populaire – les question de défense, de santé, d'économie. Les représentants à la commune supérieure peuvent être rappelés à tout moment, leurs décisions révoquées par leur commune d'attache, et doivent changer tous les cinq mois sauf si la population de leur commune d'origine demandent explicitement un renouvellement du mandat. C’est rare, mais quelques citoyens exceptionnels ont eut droit à cet honneur.

En cas de conflit entre les communes supérieures, de problème dans l'administration, de besoin de coordination plus avancé, il y a l'Assemblée des communes, où sièges les représentants issus des communes supérieures. Elle s'assure que les communes respectent la charte constitutionnelle de l'Union, que les lois votées soient respectées ou appliquées, que les relations intercommunales demeurent bonnes ou, au cas échéant, qu'il n'y ait pas de sabotage ou de comportements nuisibles. Elle est aussi en mesure de soumettre des lois à la confédération et de l'obliger à recevoir des délégations des communes. 
»

Elle grimaça.

« C’est un résumé très grossier, évidemment. Considérez que si vous habitez quelque-part, vous serez amené à vous organiser et à gérer les affaires de ce quelque-part – quartier, village, zone agricole – avec les autres habitants et en coopération avec les zones voisines. Les décisions sont soumises par les citoyens ou par des représentants – qui ont un mandat impératif, c’est-à-dire qu’ils sont élus dans un but précis et n’ont pas la liberté d’improviser ou de prendre des décisions seuls – et discutée en grandes assemblées populaires. On cherche à obtenir des résultats consensuels, lorsque l’on organise quelque-chose les décisions viennent de la base et son établie avec consultation des concernés.

C’est un mode d’action que certains considèrent anarchiste. L’inspiration de nos pères fondateurs étaient les républiques primitives que l’on trouvait sur le territoire de l’Union ou d’Elpidia il y a plusieurs millénaires. On nous a aussi qualifié de municipalistes libertaires, de communistes des conseils, ainsi de suite. Le terme communalisme est sans doute le plus approprié - c'est sous ce nom que le Kah s'est exporté, en tout cas.
»

Elle marqua un temps, semblant réfléchir.

« La Convention Générale, maintenant, est la chose qui se rapproche le plus d’un État au sens où on l’entend classiquement. En fait les communes sont autant d’assemblées remplissant des fonctions que l’on pourrait qualifier de fonctionnaires. La Convention Générale serait donc le gouvernement.

Tout tourne autour du Parlement général, qui représente la confédération. Il est composé d'environs six cents représentants – dans l’idée c’est quelque-chose de l’ordre d’un représentant pour cent-mille kah-tanais, à une période c’était un pour mille. Ces représentants sont élus selon un système complexe de panachage au sein de l'ensemble de la population, chaque citoyen ne pouvant voter que pour les candidats se présentant au sein de leur commune supérieure, d'ailleurs ce sont elles qui organisent les élections, et pas sur les mêmes périodes, la chambre est ainsi très fréquemment renouvelée. 
»

Elle pencha la tête sur le côté.

« Le Parlement général ratifie les lois dépendantes des domaines confiés à la confédération par la charte constituante : la politique extérieure, judiciaire, douanière, macro-économique et militaire. Les lois ratifiées peuvent émaner du comité de volonté public, d'initiatives communales, d'un projet citoyen porté par cinq pourcents de la population active, d'une proposition d'un commissariat si environs trente pourcents des communes l'approuvent, ainsi de suite. L'application des lois est ensuite gérée par des commissions. Je vous passe le détail de leur composition. Si l’application de ces décisions demande plus que le travail d’un comité, on crée un Commissariat dédié. Si vous voulez c’est un ministre, eux ne sont pas composés de membres du parlement, et ont leur administration propre.

Ensuite il y a les comités : le Comité de Justice, composé de douze membres du parlement, contrôle les forces de police et coordonne les efforts de la Magistrature – notre justice, qui elle est composée par les communes. La magistrature existe et se dirige de façon autonome, le comité de Justice a surtout un rôle de coordination et de rapporteur entre la Magistrature et le Parlement. 
»

Elle marqua un temps.

« Ensuite il y a le Comité de Volonté Publique. C’est sans doute celui que les étrangers connaissent le mieux. » Avec un sourire en coin. « Il est composé de huit membres nommés pour deux ans et réélus en quinconce, soit quatre tous les ans. Il surveille et dirige les agents de l'administration, nomme les trois membres du Directoire de l'Armée parmi les candidats propos lors des élections militaires s'effectuant au sein de la Garde, ainsi que les ambassadeurs et le personnel amené à mener des missions diplomatiques ou administratives. Il gère ainsi l’organisation et la gestion des commissariats, ce qui lui donne un pouvoir très important. Le Comité a théoriquement un mandat impératif, lui aussi. Tout à l’heure je vous parlais des élections et de Meredith : il y a de grands débats au parlement général et dans la société civile pour discuter de la route que doit prendre le Grand Kah, ce qui donne des programmes défendus par un citoyen s’en faisant l’avocat. Traditionnellement il sera le premier membre nommé d’un Comité de Volonté Public si son programme est adopté par la Convention Générale.

Bref. Et donc toutes ces institutions fonctionnent sur une base collégiale : on vise avant tout le consensus, et il s’agit bien souvent de simples exercices de coordination de l’administration des communes, comme vous pourrez le constater.
» 

Elle haussa les épaules, légère.

« J’aime autant ne pas trop parler de l’Égide – c’est une institution clef mais assez opaque, notre sécurité intérieure, créée pour éviter les conflits d’intérêt et prévenir l’Union des actions terroristes ou corrompus, dirigeant les opérations de la Protection civile. On pourrait parler des heures de leur culture propre, de leur organisation, du fait que personne n'est au dessus de leur loi. En fait ça permettrait aussi de parler du principe du Panopticon. Dans notre société, plus vous avez des responsabilités, plus l'on vous surveille, plus vous devez rendre et comptes et, naturellement, cela pousse à la probité.

Je pourrais aussi parler du fonctionnement démocratique de notre Garde, dont les officiers sont élus, ou même de l’économie. Je ne suis pas sûr que vous soyez entièrement capable de m’expliquer les tenants d’une économie capitaliste, la plupart des gens élevés dans le capitalisme me disent simplement qu’il va de soi, ils ont l’impression que c’est le système le plus naturel du monde et celui qui vient naturellement à tout un chacun. Nous avons le même biais concernant notre système économique. J’avancerai, si je voulais être mesquine, que le nôtre ne fait pas de sans-abris, de démunis ou de milliardaires.
 »

Elle rit, mais d’un rire sans joie, avant de reprendre et conclure.

« Il y a beaucoup de choses qui sont différentes ici. Des choses que vous pourrez sans doute apprendre à connaitre et à comprendre avec le temps. Vous constaterez que les kah-tanais sont relativement doués pour introduire des étrangers à ces concepts. C'est que nous recevons des milliers d'immigrés tout les ans, depuis des siècles. Et c'est notre mission de les accueillir, puis de les intégrer au Kah. Alors nous expliquons, souvent, et avec plaisir.

Mais donc, pour l'Union, le mot clef c’est "autogestion". Les gens ont leur mot à dire, ils s’organisent entre-eux, gèrent l’existence de commune, discutent, débattent... Oui, nous sommes un peuple extrêmement chamailleur, c’est terrible. Et ce qui nous permet de prétendre être libertaires, en plus de cette organisation, ce qui échappe un peu tant l’ensemble semble opaque, c’est que rien de tout cela ne pourrait marcher sans l’accord des gens. Il n’y a pas de monopole de la violence par un État contrôlant les leviers économiques et médiatiques. Les fusils et les hommes dont dispose l’Union pour défendre ses frontières, les agents dont dispose la Convention Générale pour appliquer ses règles, les forces de police que certains régimes déploient systématiquement pour réprimer les manifestations populaires, chez nous, tout ça n'est pas contrôlé par en haut, mais répond aux communes, aux citoyens, et coopère en bonne intelligence avec celles et ceux dont le mandat n’est pas de diriger, mais de représenter, d’appliquer les demandes.

Certains systèmes sont organisés pour retirer tout pouvoir et toute capacité d'action aux citoyens. Pour les soumettre. Même si c'est à un État relativement démocratie. Chez nous, c'est le contraire. Tout est fait pour rendre le citoyen puissant, et étendre le champ de son action et de sa liberté.

Le pouvoir va de bas en haut, les outils de ce qui serait, ailleurs, un État, sont chez nous la plus pure expression de la collaboration de tous avec tous. Eh puis ça nous évite aussi les politiciens de carrière et ces choses qui nous semblerait très étrange comme le fait d’avoir une classe supérieure contrôlant la société par des biais économiques, ou même, plus simplement, la tyrannie d’une majorité, parfois très courte, élisant tel président et lui donnant les pleins pouvoirs pour une période donnée.
» 

Elle se recoiffa, pensive.

« Quand j’ai commencé à habiter à l’étranger, j’étais un peu naïve, je ne comprenais pas pourquoi mes voisins d’appartement ne s’organisaient pas en comité, ne discutaient pas de la gestion des affaires courantes, pourquoi le maire de ma ville d’accueil ne semblait répondre qu’à lui-même. Puis quand j’ai compris que les employés des entreprises n’avaient pas leur mot à dire dans la gestion de ces dernières, à quel point l'économie était séparée de la gestion politique, elle-même séparée des citoyens... Oh, ensuite j'ai découvert que tout n'était pas si verrouillé que je le pensais : il y avait des associations des consommateurs, des initiatives locales sur tel ou tel sujet. Mais c'était tellement peu par rapport à ce que j'avais appris à considérer comme normal. Ça a peut-être joué sur ce que j'ai écris à cette période.

Et donc j’imagine que tout ça peut vous sembler aussi bizarre et dure à assimiler que le monde capitaliste de la démocratie représentative me semblaient l’être, à une époque. Ne vous en faites pas.
» Elle renversa la tête en arrière et fit une moue fatiguée et bienveillante. « On s’y fait. »
"Vous savez, au final, le rouge signifie et peu signifier tellement de choses à la fois, que le cœur d'une Union comme la vôtre est forcément rouge ; rouge sang comme un organe. Enfin bon, je ferme la parenthèse..."

"Je suis tout de même que les auteurs sont les mieux placer pour exercer ses fonctions. Les deux qualités primordiales d'une ou d'un diplomate sont évidemment une pensée éclairée et une parole impeccable exprimant cette pensée. Comme on dit chez nous, la pensée est chrysalide, la parole est papillon. Si en plus, un sourire évocateur peut être offert par la personne possédant les deux qualités précédente, alors cette personne à la puissance d'inspirer dans le passé, le présent et le futur. Pour le meilleur, mais aussi pour le pire. Einojuhani Lane - une grande artisane de la révolution de 1820 - disait, je cite "le sourire est le plus grand pouvoir dont nous disposons." J'ajouterais même que le sourire lie tous les êtres humains entre eux et l'inverse les divises...

J'ai ouï dire que le Capitaine Mainio était un personnage à part, d'une finesse inégalée. Je n'ai pas encore eux l'occasion de le rencontrer, ce serait sans aucun doute un honneur. Comme c'est présentement un honneur d'échanger avec vous citoyenne..."


Il but une gorgée d'eau.

"Eh bien, me voilà ravi de constater que nous avons la même vision de la diplomatie ! Chez nous, et particulièrement chez moi, il n'y a pas plus grande distinction que de représenter son peuple. Me laisser servir les intérêts du peuple Finnevaltai au Grand-Kah est le plus beau cadeau que l'on m'est fait ; quand même loin derrière le cadeau offert par ma mère il y a quelques années, sans qui je ne serais pas là aujourd'hui. Je la remercie ici, même ça ne sera jamais assez. Comme je ne remercierai jamais assez les Finnevaltai qui m'ont tous donné. Je considère que plus tu as grâce à la collectivité, plus tu dois à celle-ci... "

"Ses communes, comme vous les appeler, ce sont des villes ? Ses deux-cent à six-cents citoyens gèrent une partie définit du territoires kah-tanais, si j'ai bien compris ? Et par la suite, les communes supérieures dictent le ton aux communes ? Les décisions partent des besoins réel des populations riveraines pour remonter progressivement dans la hiérarchie ?"

En écoutant la citoyenne parlée Valtter passait un agréable moment. Elle semblait correspondre aux personnes avec qui Valtter aimait discuter. Des propos clairs, sans bavures. Après cette représentation que se faisait Valtter de la citoyenne était sans doute erroné par le faite qu'elle lui parlait d'un modèle qu'il appréciait par sa proximité et sa représentativité. Il avait très envie d'habiter au Kah, échanger d'affaires courantes avec ses voisins, créer des liens et apprendre avec et grâce à ceux-ci. Il songea à son appartement à Kekonnen, il ne connaissait même pas le prénom de ses voisins, encore moins celui des autres habitants de l'immeuble. Il n'avait pas envie d'y retourner, il voulait vivre avec ses parents, retraité vivant près du lac Irma...

"Et par la suite, les lois "général" de la confédération sont ratifié par le parlement général, lois qui peuvent émaner des citoyens eux-même, entre autres ? Pour le Comité de Volonté Publique, il est dirigé par 4 citoyens au final ? "

"Une économie capitaliste n'a pas été évidente dans un passé proche au Finnevalta. Quoique, si on considère la période socialiste de notre pays à utiliser un certain capitalisme d'Etat..."

"Cela doit être un combat de tous les instants que d'entretenir un système sur la parole. Le plus grand nombre de personnes doivent être conscient politiquement. Cela doit passer par un système éducatif différent de celui pratiquer dans quasiment toute l'Eurysie. Cela me plaît bien. Quoique, je pense que chaque démocratie Eurysienne devrait écouter un peu plus le peuple. J'ai côtoyé toute ma vie les élites de mon pays, qui ont pour la plupart des motivations, comment dire... Malsaines, oui, malsaine, c'est le bon terme. Même dans mon pays, où le système politique se veut le plus représentatif possible - héritage laisser par les révolutionnaires de 1934, au prix de sacrifices incalculables - il y a des élites qui méprisent le peuple et qui essaient de détruire par tous les moyens, 70 ans de lutte contre toute forme de domination et de perte de souveraineté individuelle et collective.

Vous savez citoyenne, vous prêcher un convaincu ! J'ai toujours considéré que le monopole de la violence visant à réprimer les citoyens était un système dépassé, plus viable et voué à disparaître à un moment ou à un autre. À vrai dire, je me suis documenté avant de venir ici sur votre système. Je pense m'adapter rapidement à celui-ci, car je l'apprécie, en théorie..."


"Juste une question qui ne vise pas à vous insulter loin de là. Le Grand-Kah, a-t-il la volonté d'un expansionnisme idéologique ? Pas dans le sens impérialiste, mais dans un sens culturel. En d'autres termes, la notion de Kah a t-elle ambition à s'exporter hors de ses frontières administratives ? "

Valtter savait que cette question était particulièrement osée. Il ne l'aurait pas posée s'il n'y avait pas été contraint. Il n'est pas du genre à suivre scrupuleusement les règles, la preuve en est qu'il n'a pas posé les questions qu'il devait poser jusque-là. Mais celle-ci lui avait été imposée comme s'il avait été menacé avec un couteau sous la gorge...

"Autre question, historiquement, qu'elles sont les causes d'une mise en place d'un tel système ? Les kah-tanais ont dû en voir de toutes les couleurs si j'ose dire..."
« La pensée est… Chrysalide ? » Elle fronça brièvement les sourcils. « Oh oui, j’ai déjà dû l’entendre, ça me dit quelque-chose. Attendez un peu. » Elle toussota puis tenta – dans un finnois correct – de reproduire l’expression. Puis, toujours en finnois. « Et l’honneur est partagé. »

On l’avait prévenu des qualités "révolutionnaires" du jeune homme avant son envoie sur le sol Kah-tanais, aussi ne fut-elle pas surprise de rencontrer chez son interlocuteur des positions si proches de celles qu’on pouvait attendre d’un kah-tanais. Elle acquiesça pour la forme et laissa apparaître la joie toute naturelle qui lui venait lorsqu’elle discutait avec un individu semblant partager ses valeurs. Valter serait, à n’en pas douter, rapidement adopté par les kah-tanais.

« Eh bien les premières communes étaient celles de Lac-Rouge lors de la révolution, basées sur le découpage historique de la ville. Ce sont des quartiers, des villages, des zones agricoles. Mais donc oui, les affaires locales sont gérées localement. Bien-sûr les quatre ou cinq communes d’une petite ville, ou l’unique commune d’une zone agricole ou d’un village traditionnel nahualtec ont bien plus de pouvoir que les dizaines, centaines de communes d’une grande métropole, qui doivent travailler avec un degré bien plus élevé de coopération et de coordination. Enfin, ça n’a jamais été une question de pouvoir : l’important c’est que la voix de chacun soi entendue, prise en compte. » Et, joyeuse : « Comme vous le dites : les décisions partent de la population jusqu’aux instances de coordination. »

Elle avait évité le mot hiérarchie. Certains kah-tanais considéraient l’union comme une hiérarchie sans pouvoir, d’autres comme un pouvoir sans hiérarchie, et la question pouvait rapidement dégénérer en débats sans fin, dont elle souhaitait épargner le contenu à son invité.

« Concernant le comité, il est composé de huit membres d’importance égale. Mais la moitié de ces membres sont remplacés à intervalle régulier. 
» Elle fronça les sourcils. « D’ailleurs vous avez raison concernant le capitalisme, votre pays a une histoire et un système qui lui est propre. Mais je dois vous avouer que je n’en suis pas aussi familière que je l’aurais aimé. »

Elle se tut, pensive, et parce que les serveurs venaient de réapparaître, récupérant plats, couverts, et les remplaçant aussitôt par une assiette, elle aussi assez chiche, en apparence, et présentée avec soin. Ce fut un serveur différent de la dernière fois qui présenta le plat.

« Langoustine, préparé en ravioli, crème de mixtuialca, gelée de jicama à la révolutionnaire. »

Il ajouta le traditionnel « bonne dégustation » et quitta les lieux. Actée repris.

« La démocratie ce n'est jamais que l'expression et l'incarnation des citoyens. Donc effectivement nous faisons des efforts immenses pour éduquer et intégrer chaque kah-tanais. Mais je vous arrête tout de suite, la notion même de conscience politique ne se comprend pas tout à fait de la même façon chez nous : c'est bien simple, il n'y a pas de régime vous prenant la main et gérant votre vie quotidienne à votre place. Les questions économiques, sociales, politiques et quotidiennes sont un tout assez compact. Les gens ne participent pas aux assemblées locales et aux décisions parce qu'ils sont politisés, mais parce qu'après tout, eh bien, il y a des choses à dire, à faire, ça leur semble normal. Maintenant je reconnais que c'est une culture. Une culture que nous entretenons et qui pourrait peut-être se perdre. J’ai l’espoir un peu naïf que notre système poussa spontanément les citoyens vers ce fonctionnement, cependant.

Après tout, dans un village traditionnel, tout le monde fait sa part, tout le monde participe aux cérémonies religieuses ou festives. C’est une logique proche.
On parle même de sociétés sans État pour qualifier certains de ces fonctionnements traditionnels. Visant justement à éviter les abus de pouvoir, les comportements nuisibles, égoïstes.

Maintenant plus un système est grand, plus il risque de dysfonctionner. L’Union est immense, nous avons aussi nos problèmes. Nos populistes, nos synarchiste. Et l’Égide est notre système immunitaire. Notre... Régulateur. 
»

Fut un temps elle aurait comparé la situation en des termes autrement plus organiques, faisant par la même hurler un certain nombre de modérés ne supportant pas que l'on compare la société à un corps, ou un être vivant. C'était justement pour qu'elle arrête d'employer des comparaisons de ce type – parler de cancer, de système immunitaire – que la citoyenne Meredith lui avait expliquée - en détail le Paradoxe de Peto : les cancers, bizarrement, ne se déclaraient pas plus souvent chez les grands animaux, comptant plus de cellules et, en toute logique, plus d'opportunités pour ces dernières de dégénérer. Actée se dit que Meredith avait eu raison de faire son éducation, ou qu’à sa place elle aurait fait la même chose, et pour les mêmes raisons.

Puis elle rit, car les questions posées par le jeune diplomate étaient effectivement osées, et qu’elle ne s’attendait pas nécessairement à ça.

« Ah ! Est-ce que le kah est expansionniste ? Je ne sais pas. Oui. Peut-être. Voyez-vous il y a deux courants contraires qui divisent la politique de l’Union. Les internationalistes et les isolationnistes. Dans tous les cas nous considérons notre système comme souhaitable voir – c'est assez égocentrique mais que voulez-vous – comme l'un des meilleurs systèmes qui soi du point de vue du respect de l'être humain, de ses droits, de son libre-arbitre. Les isolationnistes, voyez-vous, ne veulent pas ingérer dans les affaires étrangères. Voir, veulent se protéger des étrangers. Ils veulent perfectionner le Kah, améliorer l'Union sans la mettre en danger, ou sans se soucier d'un monde extérieur hostile, ou voué à s'effondrer sous le poids de ses contradictions.

Les internationalistes, eux, assument une posture plus ouverte. Oh certains veulent simplement faire du commerce ou de la diplomatie avec d'autres pays démocratiques, d'autres veulent favoriser l'échange culturel et politique. D'autres – ce sont les plus radicaux – veulent faire la guerre aux oligarchies et dictatures. Fusse-t-elle directe ou secrète.

Il y a d’importants courants isolationnistes mais le Grand Kah a toujours ou presque été dirigé par des mouvements de nature internationalistes, pleines de solidarité pour les autres peuples du monde, ou de colère pour leurs oppresseurs. Si on veut parler de façon rationnelle, c’est cent quarante isolationnistes et assimilés contre deux cent vingt et quelques, à l’Assemblée Générale, avec un important cœur centriste oscillant d’une tendance à l’autre.

Maintenant il faut être honnête : oui, le Grand Kah a, fondamentalement, une vocation internationaliste. Je suis l'architecte de la diplomatie de ce pays donc il serait sans doute étonnant que je tienne un discours différent. Cependant le Comité actuel a été nommé sur la base d’un programme de paix. Nous voulons mener par l’exemple. L’exemple économique, l’exemple culturel. Je suis moi-même l’une des avocates du « cool kah-tanais », une renaissance de notre culture, orientée pour l’exportation. Historiquement, aussi, le Grand Kah est intervenu dans des pays en guerre civile à la demande de démocraties menacées par le fascisme, ou de peuples oppressés par ce dernier. Nous avons aussi protégé des territoires menacés, tels que Kotios, ou d’autres qui depuis ont rejoint l’Union.

Je ne suis pas particulièrement optimiste, mais si je devais vous dire ce que le Grand Kah, en tant que rassemblement d’humains, voit dans l’Avenir, c’est effectivement une diffusion de sa doctrine et une fin promise – mais lointaine et difficile à atteindre – des oppressions. En tout cas c’était l’élan de la première révolution. 


Et tout ça ne vient pas de nul-part, je le confirme. Il y a de nombreux précédents historiques qui ont servi d’inspiration à nos pères fondateurs. La démocratie elpidienne classique, par exemple, qui a inspiré de nombreux penseurs du siècle de lumière. La solidarité entre différentes cultures, aussi. Le Grand Kah a été une terre d'empires rivaux, pendant de nombreux siècles. De nombreuses fédérations et confédérations tentèrent à travers les siècles de cimenter le pouvoir d'une dynastie ou la paix, sans succès durable. La colonisation par des nations eurysiennes puis nazuméennes amena à la création d'un creuset de population immense. Les nahuatls oppressés se retrouvèrent soudains compris par les eurysiens eux-mêmes oppressés par les seigneurs nazuméens, dont la philosophie et la politique proto-totalitaire aliénèrent à leur tour les paysans et serfs qu'ils avaient amenés depuis l'Ouest.

Bien sûr tous ces gens ne pouvaient pas se gouverner de la même manière. En fait beaucoup ne voulaient même pas entendre de gouvernement; pas après trois siècles de colonisation brutale, d'oppressions religieuses, d'oligarchie rampante. C'est une longue histoire, celle de notre révolution, La première confédération, en 1784, a opté pour un système décentralisé lors d'un vote à trois cent un contre deux cent quatre-vingt-dix-neuf. Il s'agissait à la fois ménager les sensibilités locales, à la fois de gouverner un territoire impossible à administrer avec les moyens de l'époque.

Les cordillères qui séparant l'Union en deux et les grandes forêts du sud empêchaient la fondation d'un système unitaire. Le Grand Kah moderne et socialisant sera réalisé plus pleinement après mille sept cent seize, la chute du premier empire Sukaretto, enfin c'est un autre sujet.

En ce qui concerne votre question, outre les inspirations antiques et les nécessités contextuelles, je dois aussi parler des calpotin. Avant la colonisation, sur les territoires correspondants au Tribunal des trois sièges puis à l’Empire nahuatl, dont Lac-Rouge était la capitale, un calpulli était l'unité de base de la société. Concrètement une commune dirigée par des roturiers élus par leurs pairs ou, dans certaines régions sensibles, un noble de rang inférieur. Ces calpotin étaient propriétaires de la terre où ils se trouvaient, en charge de l’éducation, des festivités religieuse,s de la production économique. Et… Oh il y a un tas de choses à dire sur les calpotin. Par exemple le principe de la garde nationale, qui a donné la protection civile, émane des milices que formaient ces communes. Elles sont aussi un exemple de démocratie primitive assez intéressant.

D’ailleurs ce n’est pas tout, maintenant que j’y pense, nos coopératives sont les descendantes des guildes d'artisan qui existaient dans la société pré-coloniales. Elles avaient leur organisation propre, généralement horizontales, devaient négocier la location des terres des calpotin, se soumettre aux demandes de la couronne impériale...

Bon, évidemment cet équilibre des pouvoirs et ces organisations a beaucoup changé en plusieurs siècles d’histoire. Mais on peut dire que ce sont des antécédents importants, oui. 
»
"Aksenttisi on erittäin hauska, votre accent est très amusant ! " Il se mit à rire. Puis avec un accent très finnevaltai, tout en regardant par la porte en direction des montagnes. "Un papillon, une pensée qui vole"

"Hummm, je vois, je vois. Mais comment cela se passe pour un endroit non habité et non exploiter ? Il doit bien avoir des choses à gérer en ce qui concerne les forêts, les déserts ou les montagnes ? Cela est géré par le Parlement général ? "

"Il y a une grande alternance au sein du comité pour le coup. Pas comme au Finnevalta si vous voulez mon avis... Enfin pas autant que je l'aimerais personnellement. À vrai dire, cela fait quelques années que la présidente Pokka est en place. Bien qu'elle soit très compétente un peu de changement serait le bienvenu. Mais je n'y peux rien, c'est avant tout la volonté du peuple. On n'a pas toujours ce que l'on veut et on ne fait pas toujours ce que l'on aime et tant mieux au final !

Eh bien concernant l'économie finnevaltaise, c'est une économie socialiste des plus classiques. Toutefois, nous ne définissons pas la richesse de notre pays à travers les données habituel tel que le PIB ou le PIB par habitants par exemple. Bien que les calculs sont quand même effectuer pour les données mondiales. Nous calculons que la richesse créée considérée comme "utile au bien commun". Je m'explique. À travers un indicateur nommé, INRNB (Indicateur National du Respect de la Nature et du Bonheur), les citoyens ont décidé d'imposer des critères de "bonheur" au gouvernement - lors de la révolution de 1934 - pour ne pas qu'il diverge dans des mesures totalement impopulaires. Comme critère, il y a par exemple la santé, qui est gratuite pour tout le monde comme l'éducation ou l'accès au sport par exemple. Ce critère est le réel objectif du gouvernement plus que le PIB ou la croissance économique. Je suis justement en train d'écrire sur ce sujet, c'est pour cela que ce n'est pas encore très clair dans ma tête et donc dans mon explication. C'est un système très complexe à appréhender même pour les riverains, même pour moi, surtout pour qui a vécu toute son enfance hors de la société Finnevaltaise. Je serais ravi de vous l'expliquer quand j'aurais terminé, si vous le souhaitez bien sûr."


Valtter paraissait enthousiaste à la vue de l'arrivée des plats. Le nom le faisait beaucoup rire. Même dans la nourriture les kah-tanais étaient des révolutionnaires.

"Oui, ce n'est vraisemblablement pas comme chez nous en Euryisie, les kah-tanais sont éduquer pour ce système, ainsi fonctionner de cette manière est naturel. Comme pour nous au final..."

Il ne continua pas. Il trouvait la vision kah-tanaise de la société plus à son goût, clairement. Sûrement un héritage de son père qui l'éduquait avec des valeurs dîtes "traditionaliste" dans un tout petit village reculé au fin fond de la montagne Finne. Chez lui, quand il était plus jeune, il devait se débrouiller avec les quelques habitants pour vivre, car l'Etat Finnevaltai n'était pas encore assez développé pour intervenir dans ce coin. Il semblait tout à coup nostalgique...

Valtter écouta attentivement la citoyenne. Elle ne semblait pas être blessée par sa question. Encore plus, elle y répondit avec honnêtée, ce qui réjouissa Valtter. Il prit note du long monologue de la citoyenne concernant l'expansionnisme du Kah. À vrai dire, il s'attendait à cette réponse. Le Kah est plus qu'un pays ayant des ambitions territoriales. Non. Cela va au-delà. C'est une idéologie. Logique qu'elle ait vocation à être international.

"Vous savez citoyenne, parlez moi de l'histoire kah-tanaise toute la journée, cela m'intéresse énormément, les calpotins, l’empire nahuatl, l'empire Sukaretto, les colons Eurysien, Nazuméens, les révolutions... Si vous le souhaitez bien sûr et dans les grandes lignes, j'imagine bien que votre histoire est d'une profondeur abyssale et donc impossible à raconter en une journée. Je vous écouterez attentivement..."
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