Éditorial sur les éxilés du BolthorkoyL’arrivée des émigrés du Bolthorkoy, près d’un million, avait été un spectacle hors de l’ordinaire. Le défilé des navires qui avait duré toute une journée avait désœuvré l’administration municipale. L’armada, à la fois des grands bateaux prévus par les logisticiens de l’Empire et les petits bateaux des pécheurs qui avaient pris le large dès l’autorisation de sortie, avait submergé les bureaucrates et les douaniers maléviens, qui n’avaient pas prévu un tel exode. Par ailleurs, une foule de maléviens s’était rassemblée à l’entrée du port, qui avait été clôturée par les forces de l’ordre, pour accueillir les exilés de manière ordonnée. Au moment où les premiers avaient passé le contrôle de la douane, une joie générale s’est déclenchée. On voit encore les images des émigrés émus et pris par surprise par le contraste entre le processus sévère de la douane et l’empathie de la population. Un mouvement d’entraide s’était crée à partir de là, commençant par des mères qui se montrent solidaires, des jeunes qui s’invitent au bar et la foule qui finit par empêcher le travail de douane, laissant passer la dernière moitié sans contrôle. La langue n’était pas un obstacle à cet événement, tout au contraire. Les musiciens jouaient l’hymne du Bolthorkoy.
Mais l’arrivée au port de Valenzano n’était pas la fin du spectacle. De nombreux émigrés ont ensuite pris le train pour toutes les villes du sud de la Malévie. Dans les stations des autres villes, la sensation était pareil. À travers le pays, une onde de compassion avait traversé les esprits de la population, créant une amitié avec ces étrangers, qui vivaient la tragédie de l’exil.
Les émigrés accueillis à ScarMaintenant, des mois et des mois après l’arrivée, la situation s’est stabilisée, sans pour autant amoindrir l’entraide apportée par les citoyens. Nombreuses sont les associations culturelles, les programmes d’apprentissage de langue et les initiatives d’accueil qui tentent de maintenir le dialogue entre les nouveaux arrivés et les locaux. Les universités nationales ont fait des efforts pour augmenter leurs capacités pour permettre aux jeunes du Bolthorkoy de poursuivre leurs ambitions. Les nombreux intellectuels venus de l’autre côté du détroit ont aussi était intégrés dans les milieux académiques et contribuent à la pensée de l’élite malévienne. Fyodor Romitch Olyenov, journaliste et écrivain exilé, a notamment rejoint les conseillers du Ministre de l’Intérieur pour faciliter l’intégration de la nouvelle communauté.
Toutefois, malgré l’accueil chaleureux des citoyens maléviens, l’exile reste une tragédie. Les manières dont les émigrés font face à cette réalité est mixte. Pendant que certains se sont rejoint au mouvement des provinces autonomes du Bolthorkoy, auquel appartiennent maintenant trois millions de maléviens, certains gardent le silence. Le clivage de cette communauté est particulier. Alors qu’une partie d’elle ne travaille que pour la survie, sa contrepartie absorbe l’espoir que représente pour eux la Malévie. C’est-à-dire la liberté, l’égalité et – pour les plus optimistes – un jour un retour à la maison comme c’était avant. On peut remarquer, aujourd’hui, que cette portion des anciens citoyens du Bolthorkoy a provoqué une réflexion dans la mentalité des maléviens. Alors que l’isolationnisme relatif avait été la politique principale du pays, de plus en plus de citoyens se prononcent pour un rôle actif dans la résistance au Bolthorkoy. À Scar et à Sorlane, des multiples manifestations ont eu lieu pour exprimer l’insatisfaction des citoyens face à la politique étrangère trop conciliatoire du gouvernement de Lamastina. Sans doute un caprice de passion ; les géopoliticiens n’ont fait qu’essayer de convaincre le public du danger d’un affrontement entre les deux pays. Une guerre, surtout entre voisins, peut être dévastatrice. La Malévie semble avoir oublié la réalité de la guerre, à déclaré Philoberto Souza.
La résistance du Bolthorkoy a en effet gagné en puissance depuis l’arrivée des émigrés. La communauté qui s’est implantée à l’étranger est devenue financière des activités clandestines sur le territoire annexé. En Malévie, des exilés de la résistance ont mis en œuvre un réseau, qui est pour l’instant toléré par les services de renseignement maléviens, qui permet d’approvisionner la résistance en biens de toute nature.
Clairement, les tensions sur le détroit s’intensifient. Dernièrement, la déclaration d’une zone karpokienne exclusive sur les eaux au large de l’Empire, a causé un nouvel affrontement diplomatique, médié cette fois par le Caratrad. La question à se poser à l’avenir est en quoi le gouvernement malévien peut discuter avec le régime de Bolarev, qui prône son unilatéralisme d’habitude sans consulter son peuple. Finalement, le dialogue reste indispensable entre ces deux nations.