Sommet Malévie-Liberalintern

Raxington en hiver n'était pas une partie de plaisir, loin de là. Quand l'on venait d'une région tropicale, cela ce sentait. La diplomatie était un travail plus difficile par -30 degrés. Le Haut Château pour les Liaisons restait peut-être le bâtiment le mieux isolé de la ville, mais les Maléviens auront déjà eu l'occasion de passer à l'extérieur à leur arrivée. Cela au moins se devinait. Pour le reste, l'on saura bien assez tôt qui ils seront, combien ils seront, et ce en quoi ils croient. Kaname s'était décidé à offrir sincèrement l'hospitalité à qui arriverait ici. La rencontre se ferait dans un salon, devant un feu de cheminée en servant le thé comme elle le ferait à des invités dans sa ville natale. L'endroit choisi contenait une grande table basse ronde entourée par trois grands canapés, et une cheminée. L'un des côtés de la pièce disposaient de plusieurs fenêtres permettant d'avoir une vue de la ville, en face, une porte en bois ouvrait sur le couloir. Différentes peintures ornaient les murs, une chaîne permettait de diffuser de la musique, elle était muette pour le moment, les principaux sons que l'on entendait étaient les craquellements du bois en train de brûler associé au vent extérieur, léger, mais constant. La lueur du feu se mélangeait à la lumière diffuse du dehors couvert de Raxington. Face au feu, se trouvait une bibliothèque. Kaname aimait étudier dans cette pièce, et à son arrivée, s'y sentait déjà au chaud. Sur la table basse, était disposé un ordinateur portable, plusieurs notes et documents, et ce qu'il fallait pour offrir le thé à une aussi bien qu'à une vingtaine de personnes. Pour cette rencontre, Kaname était accompagnée d'une autre personne, une Vasque hohhothaïenne du nom d'Agirre Aizoain, qui servira d'interprète du cantonnais à l'espagnol. Le tout était maintenu prêt, disponible à tout moment pour accueillir des étrangers.

Le président Rogelio Moralez s'est rendu à Raxington, comme d'habitude avec son Ministre des Affaires Étrangères, Javier Isered. En arrivant devant le Haut Château pour les Liaisons, les deux représentants de la Malévie, en voyant la splendide construction pour la première fois, ne peuvent qu'admirer ce bâtiment qui a déjà vécu tant d'histoires et d'intrigue diplomatique.

Les invités sont accueillis par le personnel et sont menés vers le salon où se trouve déjà Kaname. Bien que cet événement ait été organisé en toute formalité, comme il le faut, les deux maléviens se sentent tout de suite à l'aise. L'accueil avait été très aimable et ils sentaient que, du moins sur le plan idéologique, ils allaient bien s'entendre avec les hôtes.

En entrant dans le salon, Rogelio Moralez et Javier Isered sont salués par Kaname avec une poignée de main.

"Quel honneur de vous rencontrer enfin. Dans ce lieu splendide, en plus! J'aimerais commencer par vous remercier pour votre invitation; j'espère que ce sommet est le début d'une longue amitié entre tous nos pays égalitaires." (Moralez)

Kaname se pencha légèrement le temps qu'Agirre lui transmette la traduction, puis incita les deux représentants maléviens à s'assoir, l'échange commençait.

"L'honneur est réciproque. Nous nous rencontrons aujourd'hui pour parler de vous. Savoir quelle place vous désirez au sein du Liberalintern, et si l'alliance peut y répondre. Donc je vous propose de commencer par le contexte. Pourquoi êtes-vous intéressés par le Liberalintern, et comment en êtes-vous venus à souhaiter rejoindre l'alliance ? Comment pouvons-nous vous aider ?"

Le président réflechit un moment avant de prendre la parole, afin de transmettre ses intentions de la meilleure manière.

"La Malévie est un pays qui regarde l’égalité comme la plus noble des valeurs. Conséquemment, elle se heurte contre la tendance mondiale du capitalisme libéral, qui cherche à soumettre le globe dans un système impérialiste et hierarchisé. On évoque par exemple le Jashuria, qui se cache derrière des faux prétentions pour s’ingérer dans les affaires étrangères.

Or, le Liberalintern est une organisation orientée vers cette même valeur de l’égalité, capable en son ensemble de se défendre contre les offenses étrangères. Il est donc tout à fait naturel que la Malévie cherche à s’aligner avec cette organisation, qui lui semble être le meilleur moyen pour préserver ses valeurs, son indépendance, et sa souveraineté.

Étant une nation jeune, la Malévie n’a pas encore une armée puissante, ayant les capacités d’assurer, seule, la défense du pays contre les nombreux dangers qui l’entourent. C’est pourquoi nous avons déjà signé des alliances avec certains membres du Liberalintern. Une intégration dans l’organisation elle-même pourrait officialiser notre alignement et dissuader nos ennemis.

À l’avenir, quand la Malévie aura atteint un certain seuil de capacité militaire, nous envisageons également d’aider nos camarades du Libéralintern à se défendre contre les mêmes attaques que nous craignons en ce moment. De plus, nous serons au futur un acteur valorisé du Liberalintern au Nazum autour des détroits stratégiques de la mer du Nord.

Donc, la Malévie aimerait intégrer le Liberalintern pour se protéger, surtout par la dissuasion, des dangers de l’extérieur venant des nations impérialistes. L’égalité doit á tout prix être préservée."

Kaname commençait à se représenter le pays, et n'avait pas de doute que la Malévie entrerait dans le Liberalintern. Toutefois, un représentant s'était déplacé pour venir à Raxington et l'occasion était rare de pouvoir réellement discuter avec eux. Kaname enchaîna donc :

"L'égalité a fait rêver bien des gens, l'égalité à tous prix en a également fait cauchemarder plus d'un. Imaginons que le Liberalintern se décide à attaquer un pays, par exemple, l'Empire du Nord, que la plupart des membres considèrent illégitimes pour installer un gouvernement bien spécifique, disons, par exemple, un système communaliste. Comment réagissez-vous ?"

Une fois de plus, Moralez structura ses pensées avant de répondre.

"Je ne vous cache pas que cette situation nous poserait quelques ennuis. Bien que l’idéalisme a de nombreux mérites, il faut reconnaître que, dans l’histoire, les interventions militaires par des forces de l’étranger n’ont rarement produit les résultats que l’on espérait. Dans notre pays, même, on a pu constater que le fait de renverser une dictature ne change rien. Ce qu’il faut pour un changement durable, c’est une révolution. Une révolte qui se produit à partir d’un peuple uni, et non par des soldats de l’étranger, qui ne parlent même pas la langue des locaux. L’interférence de notre part n’est en aucune manière avantageuse ; parfois les habitants locaux s’opposent aux étrangers, même quand ils sont vêtu des meilleures intentions. Donc, dans le cas éventuel que vous citez, la Malévie ne déployerait pas de soldats contre le régime de l’Empire du Nord.

Toutefois, elle employerait d’autre moyens qu’elle juge plus efficace pour soutenir les efforts du Libéralintern. Elle offrirait à la résistance une aide importante et incessante, en commençant par le financement. De plus, la Malévie se déstinerait à leur fournir des armes, à former leurs militants, et à leur donner un soutien logistique. Et ne parlons pas du rôle potentiel (ou pas) de la Direction Clandestine.

En revanche, si un membre du Libéralintern se faisait attaquer, cela changerait tout. Si un pays du Libéralintern est envahi, la souveraineté de l'organisation est remise en question. Donc, dans ce cas là, nous n'avons aucune hésitation: nous venons à sa défense, inconditionellement."

"J'apprécie votre franchise, et je comprends que critiquer nos alliés ne soit pas toujours simple. Gardez en tête qu'en principe, le Liberalintern permet l'expression de désaccords radicaux, l'idée que l'on puisse être alliés et en conflit à la fois est un idéal très libertaire sans lequel le Liberalintern se serait probablement déchiré depuis longtemps. En ce qui me concerne, rien ne s'oppose à votre admission au sein du Liberalintern, vous pouvez revenir demain, on fera les papiers ensemble. Si à votre tour, vous avez des questions, c'est le moment"