11/05/2017
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[Jashuria/Negara Strana] Rencontre diplomatique [TERMINEE]

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Rencontre à Kotarakyat entre le Jashuria et le Negara Strana


13h30 - Kotarakyat

Alors qu’il faisait chaud et que le soleil était resplendissant, Kawaya Haryanto attendait, accompagné de ses collègues, la Première Ambassadrice jashurienne. Elle fut obligée de porter ses lunettes de soleil, légèrement trop grandes pour sa tête, ce qui lui donnait un air pas très sérieux. Elle était accompagnée de son bras droit, Siska Widiastuti, la Commissaire aux Affaires Etrangères qui lui était très cher. Elle a toujours su garder la tête froide et réagit toujours avec calme et sérénité. Haryanto avait besoin d’elle aujourd’hui dans cette rencontre avec le Jashuria. Il était nécessaire d’avoir des relations cordiales et de coopérer avec son voisin. Cependant, il n’était en aucun cas question de se laisser soumettre par la puissance capitaliste qu’est le Jashuria. La rumeur de la visite du pays voisin avait vite couru à Kotarakyat. Plusieurs stranéens avaient déjà montré leur mécontentement avec lors de regroupements spontanés et la Première Commissaire du Peuple sentait davantage la pression sur ses épaules.

Lanang Waluyo, Commissaire aux Socialisme Économique, au Commerce et à la Mer était aussi présent. Il semblait pressé de rencontrer la représentante jashurienne. Il admirait beaucoup ce pays. Malgré ses politiques différentes et son capitalisme parfois agressif, il admirait son système singulier. En y pensant, il trouvait que le Nazum du Sud-Est avait de quoi être fier.

Cangkir Rajasa était également présent. Délégué à la région du Hutan, le Secrétaire du Parti Écologique était un peu plus en retrait du groupe mais il se sentait confiant quant à cette rencontre.

Lorsque l’avion jashurien atterrit, la Première Commissaire se dépêcha d’enlever ses lunettes qu’elle trouvait ridicules. Elle alla salué Lalana Preecha
:

Kawaya Haryanto: “Bienvenue au Negara Strana, votre Excellence ! Nous sommes heureux de vous recevoir aujourd’hui en tant que nation voisine !



La Résidence Royale, aujourd'hui ouverte au public ou aux évènements diplomatiques, lieu choisit pour la rencontre
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Le voyage jusqu’au Negara Strana avait été reposant, bien que les fondations sur lesquelles se reposaient cette réunion officielle restaient fragiles. La Troisième République du Jashuria n’était pas spécialement en froid avec le Negara Strana. A vrai dire, la République des Deux Océans n’avait même pas d’avis sur cette nation venant tout juste de sortir de l’isolationnisme. Que le pays se trouve être une république socialiste importait peu aux yeux des Jashuriens : le Negara Strana n’avait pas montré ces dernières années les mêmes velléités que les nations communistes les plus tristement populaires.

Premièrement, et c’était un bon point : le pays ne pratiquait pas le génocide de masse. En soi, c’était pour le moins extraordinaire ! Une véritable surprise dans le petit monde des dystopies socialistes. Deuxièmement, le pays avait l’avantage de présenter une économie certes modeste, mais capable de se développer, présentant ainsi une certaine stabilité qui était rassurante pour le commerce et les affaires. L’instabilité était source de conflits et de trop nombreuses initiatives avaient été abandonnées car le Nazum était pour le moins instable ces dernières décennies.

Les Jashuriens du Cercle Intérieur étaient des hommes et des femmes pragmatiques. Si le pays avait une dent contre les régimes dictatoriaux, notamment ceux qui se prévalaient de l’idéologie marxiste, il n’en restait pas moins que le Negara Strana ressemblait plus au Grand Kah ou au Pryscillia qu’à la dystopie totalitaire loduarienne. De plus, la frontière commune entre le Jashuria et le Negara Strana rendait possible la coopération internationale poussée. De manière générale, il convenait d’entretenir des relations profondes et sincères avec ses proches voisins – sauf la Listonie – et le Jashuria s’était fait une réputation de pouvoir parler aussi bien avec la Thidarie, qu’avec le Fujiwa ou l’Indor. Certes, la géopolitique internationale avait fait disparaître bien des pays au Nazum, mais la Troisième République du Jashuria continuait à tisser des liens avec ses voisins, dans l’espoir que des projets communs aboutissent.

Soucieux de redorer son image après avoir mené des opérations militaires contre les communistes, la Troisième République du Jashuria avait accepté avec plaisir l’invitation du Negara Strana à Kotarakyat. La Première Ambassadrice, dame Lalana Preecha, avait été envoyée avec son équipe pour rencontrer Kawaya Haryanto, la représentante de l’Etat, ainsi que les différents commissaires affectés à l’économie et aux affaires étrangères. A bord de son avion, cette dernière avait patiemment rebalayé les différents points qui allaient être abordés lors de cette rencontre. La négociation préalable de l’ordre du jour avait été un sujet délicat, patiemment négocié avec les fonctionnaires diplomatiques du Negara Strana pour éviter tout accroc dans la trame qui allait être tissée entre les deux pays.

La porte de l’avion s’ouvrit, et la délégation jashurienne descendit. Lalana Preecha, drapée dans son élégante robe bleue, s’avança vers Kawaya Haryanto et la salua avec amabilité et politesse.

« Votre Excellence Haryanto, c’est un plaisir de vous rencontrer enfin. Mon équipe et moi-même sommes ravis de pouvoir découvrir le Negara Strana. Nous avons beaucoup à discuter et nous ferions mieux de vous accompagner vers un lieu plus calme et reposant qu’un tarmac. »

La Première Ambassadrice gratifia ses homologues d’un sourire poli. Derrière elle se tenaient son équipe, essentiellement du personnel diplomatique. La République des Deux Océans avait pour principe d'envoyer uniquement les représentants du Hall des Ambassadeurs, les seuls à même de mener la politique internationale et diplomatique du pays.
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Avec un grand sourire, madame Haryanto invita donc la Première Ambassadrice à entrer dans le cortège devant les emmenés au point de rencontre. Pendant le trajet, des échanges banals ont eu lieu sur la situation générale des deux pays. Cependant, Kawaya Haryanto restait en alerte. Bien que le trajet du cortège avait été étudié pour éviter les regroupements hostiles à la visite du Jashuria, elle savait que l’entrée de la Résidence Royale propice à ce genre d’interventions. Néanmoins, de la voiture jusqu’à la Résidence, aucun incident n'avait eu lieu, la sécurité avait été bonne.

L’entrée de la Résidence Royale était magnifique. Les stranéens avaient beau détester la monarchie, ou tout ce qui en approche, les monuments et lieux la représentant avaient été conservés. Une fois montée à l’étage, il se trouvait une grande table ronde d’un bois aux allures magnifiques. Les équipes diplomatiques nazuméennes s’assirent autour de la table de façon à ce que Kawaya Haryanto et Lalana Preecha soient face à face.

Kawaya Haryanto
: “Membre de la Troisième République du Jashuria, nous sommes ravis de vous accueillir dans l’ancienne Résidence Royale. Comme il était spécifié dans notre missive diplomatique, nous pensons qu’il est important de nous rencontrer afin d’assurer une communication stable entre nos nations. Nous divergeons sur plusieurs points mais nous ne faisons pas partie de ces pays eurysiens ou seule la guerre est envisagée quand il y a désaccord. Ainsi, bien que nous sortons d’une longue période isolationniste, vous pouvez compter sur nous pour être un interlocuteur présent et à l’écoute.

Lorsqu’elle eut terminé, Cangkir Rajasa prit la parole afin d’aborder le premier sujet.

Cangkir Rajasa: “Notre principal point commun est notre frontière. En l’état actuel des choses, cette dernière est totalement fermée. En ma qualité de Commissaire aux Affaires Intérieurs délégué à la région frontalière du Hutan, je vous propose de penser à ce que nous pouvons faire avec, pourquoi pas penser à des coopérations. Tout en faisant attention à l’écosystème de la forêt tropicale régionale, nous pensons que changer le statut de notre frontière est envisageable.
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Si la délégation jashurienne fut impressionnée par la qualité architecturale de la Résidence Royale, elle n’en laissa rien paraître. Dans le jeu diplomatique, les apparences étaient reines et il fallait savoir garder son sang-froid … ne laisser paraître que ce qui était véritablement nécessaire. Lalana Preecha fut intérieurement rassurée de voir que les habitants du Negara Strana avaient quand même conservé les témoignages du passé sur leur territoire. Trop souvent, les républiques socialistes décidaient de faire table rase du passé, cherchant à repartir sur une page blanche. A cause de cette attitude, des pans entiers de l’histoire de certaines régions du monde avaient disparu dans les limbes de l’oubli et du déni.

Lorsque l’ensemble de la délégation fut installée à l’étage de la Résidence Royale, Kawaya Haryanto débuta la conférence diplomatique avec son homologue jashurien. La Première Ambassadrice ne se fit pas prier pour répondre.

« Votre Excellence, le plaisir est partagé. Nous sommes ravis de voir que le Negara Strana cherche à développer ses relations diplomatiques avec notre république parlementaire. Les divergences sont une chose et elles existeront toujours. Mais nous serions bien en peine d’exiger de nos voisins qu’ils nous ressemblent traits pour traits. Il va de soi que nous devons trouver ce qui nous rapproche et non ce qui nous différencie, afin que nous puissions tisser ensemble des liens prospères et amicaux. Comme nous avons pu vous en entretenir auparavant, nous sommes agréablement surpris par le fait que votre pays cherche à être un havre de paix dans le continent nazuméen. Il est rare de trouver des nations comme la vôtre qui ont le souci de la paix, de la stabilité et de la prospérité. En cela, la Troisième République du Jashuria vous rejoint totalement et ne peut que vous encourager à poursuivre dans cette voie. »

La Première Ambassadrice laissa courir ses doigts sur la table de bois lustré. Le meuble semblait avoir vécu des siècles, mais était dans un état impeccable. Une véritable œuvre d’art comme le Nazum savait si bien les faire.

« Le sujet de la frontière au niveau de la région du Hutan et de la Région d’Azur est une thématique qui peut être facilement envisagé. En effet, si cette frontière est ce qui nous sépare, il est tout à fait envisageable de la transformer en interface d’échanges entre nos deux pays. La présence de la forêt tropicale a longtemps été un sujet resté en suspens, du fait que nos deux pays n’ont jusqu’à présent pas entretenu de liens diplomatiques forts. Il est tout à fait possible d’envisager le développement des villes frontalières et de leurs infrastructures, afin de faciliter le passage des personnes et des marchandises. Le Cercle Intérieur ne verra aucun inconvénient à ouvrir le commerce sur cette interface frontalière, dans la mesure où la Région d’Azur est l’une des mégalopoles les plus actives de notre pays. Le principal souci reste la préservation de l’environnement dans la région, qui reste un patrimoine délicat à préserver. Mais il doit être possible de trouver un moyen d’accompagner le développement de notre interface frontalière, sans avoir à sacrifier la biodiversité de la région … »
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Cangkir Rajasa écoutait attentivement ce que disait la Première Ambassadrice, notamment à propos de l’environnement. Également secrétaire du Parti Écologiste Stranéen (PES), ces sujets lui tenaient à cœur. Il avait aussi tendance à prendre beaucoup de place dans les discussions et, bien que le PES s'entendait bien avec la majorité, la Première Commissaire du Peuple aurait bien aimé se passer de l’obligation constitutionnelle d’avoir un gouvernement représentative de l’Assemblée Populaire. Cette pensée lui revint à nouveau lorsque Cangkir Rajasa repondit à Lalana Preecha.

Cangkir Rajasa
: “Effectivement, il est très important de garder en tête que nous priorisons la protection de l’environnement et de la biodiversité aux échanges !

Avec son sourire habituel, Kawaya Haryanto repris calmement la parole en laissant transparaître le moins possible sa gêne. Pendant ce temps, avec calme et sérieux, Siska Widiastuti lança un regard lourd de sens à monsieur Rajasa.

Kawaya Haryanto
: “Malgré notre volonté de protéger notre forêt, l’idée de former des espaces transfrontaliers nous intéresse évidemment. Afin de contourner cette problématique de la forêt, nous pouvons concentrer nos échanges au nord de la frontière. Aux abords de la mer, la forêt est bien moins dense et nous pouvons déjà imaginer la mise en place d’un réseau de transport reliant les villes de Medhannala et de Hijau, comme une autoroute. En outre, il sera tout à fait possible de faciliter le passage à la frontière, notamment pour les marchandises.

Pendant son explication, la Commissaire aux Affaires Étrangères avait sorti une tablette où nous pouvions apercevoir le tracé d’un axe routier reliant les villes stranéennes et jashuriennes. Le Hutan était une région dynamique bénéficiant de sa jeunesse, la connecter au Jashuria lui serait seulement bénéfique. De plus, le pays voisin disposait d’influence culturel dans la région. En effet, la religion majoritaire y est le bouddhisme et a été directement été amené du Jashuria. La jeunesse était également plus ouverte aux autres pays du Nazum et la République des Deux Océans en faisait beaucoup rêver. Lors de cette rencontre, Kawaya Haryanto jouait donc ici à un jeu d’équilibriste: il fallait tirer le plus d’avantages possibles de cette rencontre et rapprocher les deux nations sans pour autant que ces choix engendrent une émigration vers la République voisine ou bien une volonté de changer de système.
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La Première Ambassadrice resta de marbre suite à l’intervention des délégués du Negara Strana et se contenta d’afficher un sourire poli. C’était l’une des spécificités jashuriennes que de n’amener qu’un seul représentant officiel pour ces discussions. D’ordinaire, les interlocuteurs se perdaient dans d’inutiles jeux de pouvoirs internes pour essayer de faire avancer leurs programmes respectifs. Le Jashuria avait pris note de cette propension de ses voisins, mais aussi des autres pays, à vouloir faire intervenir plein de personnes à la table des discussions, sans qu’ils ne se doutent que cela revenait à jouer avec sa main découverte. Les ambassadeurs jashuriens étaient entrainés à analyser le fin réseau des relations, inimitiés et connivences entre les membres d’un même gouvernement et savaient user de leurs charmes pour appuyer sur les bons boutons, ou tirer les bons leviers.

« Les villes de Medhannala et Hijau seraient en effet les deux pôles de transit les plus intéressants pour effectuer une connexion entre nos deux pays, d’autant que le pôle de santé de Medhannala s’est considérablement renforcé ces dernières années grâce à l’apparition des nouvelles industries pharmaceutiques dans la région, adossées aux hôpitaux et aux centres universitaires. Il est tout à fait possible que nous utilisions les infrastructures de transport de la région et les renforcions. Cela va nécessiter quelques ajustements de notre côté pour éviter que les infrastructures ne soient rapidement surchargées, mais nous devrions pouvoir nous en sortir assez aisément. En revanche, il conviendra de décider du tracé des voies ferrées et des autoroutes. Avec un peu de chance, il existe déjà des routes que nous pouvons consolider et agrandir dans la région. »


Restait cependant une question des plus cruciales. Si le gouvernement jashurien laissait libre cours aux entreprises pour faire valoir leurs droits sur les différents marchés, la négociation avec une république socialiste ne pouvait pas s’effectuer sur le terrain du libre-échange. Les républiques socialistes disposaient d’économies pilotées par l’Etat. Il convenait de s’adresser à elles comme des entreprises, vendant des produits, généralement à bon marché puisqu’elles en contrôlaient les prix et les moyens de production. Si le Jashuria voulait commercer avec le Negara Strana, se posait la question de savoir quoi acheter et quoi vendre, avant même que la question des infrastructures ne se pose …

« Je souhaiterai attirer votre attention sur le fait que l’ouverture des frontières est une chose intéressante, mais nous ne pouvons engager de lourds travaux d’infrastructures sans savoir quoi échanger. Il va de soi que nous sommes très intéressés par ce que le Negara Strana peut proposer en matière d’échanges commerciaux. »
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Kawaya Haryanto: “Les infrastructures déjà présentes entre les deux villes seront évidemment rénovées et utilisées pour éviter des frais inutiles. Quant à nos échanges commerciaux, nous avons beaucoup de choses à apporter l’un à l’autre ! Sans parler de l’aspect purement commercial, le Negara Strana ne verrait pas de mal à commercer avec le Jashuria, bien que capitaliste, s’il en est de l’intérêt des peuples ! Cependant, je vais laisser mon collègue Lanang Waluyo qui saura vous répondre avec bien plus de précisions que moi.

Le Commissaire aux Socialisme Économique, au Commerce et à la Mer était un homme grand et élancé. Bien que souvent perdu dans ses pensées, c’était une personne avenante avec qui la discussion était aisée, agréable sans pour autant qu’il soit trop envahissant, désagréable ou même impoli. Ces nombreuses qualités faisaient du Commissaire une personne de confiance pour Haryanto. Il prit sa tablette, afficha des graphiques, et prit la parole:

Lanang Waluyo
: “Merci madame la Première Commissaire. [il se tourna vers Lalana Preecha]. Le Jashuria et le Negara Strana disposent d’un fort potentiel commercial. Aujourd’hui, environ 20% des importations stranéennes pourraient être comblées par le Jashuria, notamment grâce à vos industries pharmaceutiques, du bâtiment ou bien militaires. Ainsi, ces secteurs constituent les principaux intérêts stranéens en termes d’importation jashurienne. [il prit une légère pause pour boire]. Concernant ce que nous pouvons vous offrir, nos principaux biens d’exportations concernent le riz, le charbon ainsi que les navires commerciaux. De plus, nous savons que votre nation apporte un certain intérêt aux terres rares. Le Negara Strana dispose de réserves importantes dans la forêt hutanes, située dans la région frontalière au Jashuria. Ainsi, dans le cadre d’accords commerciaux portant sur plusieurs secteurs, il est possible de réfléchir à vous faire bénéficier d’un accès privilégié à ces ressources naturelles.

Le visage de la Première Ambassadrice de la Troisième République du Jashuria ne montrait aucune émotion comme il était fréquent avec les diplomates jashuriens. Néanmoins, la Première Commissaire du Peuple jugea important, voire nécessaire, de préciser les dires de monsieur Waluyo. Elle sourit puis débuta:

Kawaya Haryanto
: “Madame Preecha, avant de vous laisser répondre, j’aimerais ajouter un point important aux propos de mon collègue. Je vais être franche: le commerce avec une nation socialiste où l’Etat est omniprésent peut effrayer et éveiller des doutes quant à leur fiabilité, nous en sommes conscients. Cependant, alors que notre structure politique s’ouvre au monde et subit de nombreux changements, nous savons que le socialisme stranéen, notamment sur le plan économique, doit nécessairement évoluer. Nous prévoyons un retrait partiel, mais limité, de l’Etat dans l’économie et pensons déjà à une potentielle privatisation de certains secteurs. Je ne suis pas en train de vous dire que nous abandonnons nos idéaux socialistes au profit du capitalisme et ses vices. Seulement, nous tenons à vous rassurer dans l’optique d’engagements commerciaux avec le Negara Strana.
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L’Ambassadrice ne cacha pas sa satisfaction. Finalement, ces communistes pouvaient s’avérer être de bons partenaires commerciaux. Bon … le seul souci, c’était qu’ils confondaient capitalistes et libéraux … Mais c’était le problème des Marxistes. Ils ne voyaient le monde que par le petit bout de leur lorgnette. Kawaya Haryanto, malgré la vulgate marxiste dont il inondait son entourage, n’était pas aveugle au point de croire qu’il n’y avait pas matière à commercer avec la première économie du Nazum. Mais il était vraiment pénible que de devoir faire le dos rond à ces insultes à moitié voilées.

Lanang Waluyo afficha directement les graphiques sur l’écran. Visiblement, ses homologues avaient bien travaillé. Elle écouta Lanang Waluyo dérouler patiemment son argumentaire. La Troisième République du Jashuria pouvait parfaitement remplir les besoins en importation du Negara Strana. De même, le pays était capable de fournir le Jashuria avec d’importantes quantités de terres rares, qui contrairement à leur nom, ne l’étaient pas. Mais le pays en avait terriblement besoin pour satisfaire ses industries les plus développées. Il était clair que le Jashuria n’allait pas laisser passer une telle opportunité, tant les enjeux étaient grands. Il y avait là un coup à jouer qui pouvait grandement apporter aux deux pays et peut être aussi tisser un lien avec le Fujiwa.

« Il va de soi que les terres rares et le riz nous intéressent et nous pouvons parfaitement établir des relations commerciales avec vous pour combler vos besoins en matière de produits pharmaceutiques, ou même en matière de travaux publics ou militaires. Nous en serions ravis. En revanche, je ne comprends pas pourquoi vous évoque une quelconque peur que nous pourrions avoir vis-à-vis des nations socialistes. Si nous sommes là, c’est bien parce que nous souhaitons approfondir nos liens avec vous. Vos affaires internes ne nous regardent en rien et vous êtes libres de procéder aux modifications sociétales que vous souhaitez. Nous n’avons pas à émettre de jugements dans votre manière de procéder, sauf si vous nous invitez à le faire. »

Les socialistes avaient visiblement un véritable complexe d’infériorité vis-à-vis des démocraties libérales … A chaque fois, ils se sentaient obligés de cracher sur leurs épouvantails capitalistes, à dénoncer les « vices » d’un système qu’ils ne comprenaient pas vraiment. C’était usant à force, que d’entendre sans fin la même rhétorique biaisée. Cela parasitait l’ensemble des relations de confiance qu’un pays pouvait nouer avec un autre, que de savoir que son interlocuteur le méprisait.

« Je vous en prie, chers représentants. Nous sommes entre personnalités éclairées et bien élevées. Il n’est nul besoin de jeter à ma figure les arguments rhétoriques propres à votre idéologie, nous les connaissons parfaitement et nous y sommes totalement imperméables. Nous sommes ici en bons voisins, à chercher un moyen de travailler ensemble à la prospérité commune. Il ne me semble pas spécialement pertinent ici d’évoquer nos différences idéologiques respectives, d’autant que nous sommes partis d’un très bon pied. Sommes-nous d’accord sur ce point ? »

La Première Ambassadrice prit une gorgée de sa boisson et resta patiemment assise. Elle n’allait quand même pas laisser les représentants du Negara Strana continuer leurs insinuations pernicieuses sans les remettre à leur place. Elle était venue avec les meilleures intentions du monde voilà qu’on lui ressortait les violons de la « bête infâme » qu’était le capitaliste. Peste et choléra !

« S’il ne nous appartient pas de nous prononcer sur la privatisation de certains de vos secteurs, nous pouvons cependant vous être d’une certaine utilité dans le domaine de la gestion privative des bien dénationalisés. Via plusieurs de nos organismes, nous pouvons facilement placer des investissements jashuriens de manière à soutenir la privatisation de certains de vos secteurs et de les rendre moins sensibles aux risques inhérents à une économie de marché. Il va de soi que nous opèrerons sous votre contrôle et en totale transparence afin d’accompagner ce processus dont vous déterminerez vous-même les limites et les contours. Cela permettrait à nos deux populations de travailler conjointement et surtout, d’apprendre l’une de l’autre. Nous en ressortirions tous grandis. »

C’était une offre en or que proposait Lalana Preecha. Via le Hall des Acquitteurs et la Porte Dorée, la Troisième République du Jashuria pouvait aisément aider le Negara Strana à développer son secteur privé, sans pour autant saborder son secteur public.
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Si les stranéens ont pour habitude d’être franc, ce qu’ils voient comme une qualité, cette franchise présente quelquefois ces limites. Cette remarque de Kawaya Haryanto, partant d’une bonne intention, finit simplement par créer mésentente et ralentit l’élan prit par un début de rencontre, pourtant bien amené. Il n’était pas du tout dans son but d’aboutir à ce genre de résultats. Il fallait éviter à tout prix que la franchise stranéenne, généralement appréciée, devienne un préjudice pour sa diplomatie comme l’illustre parfaitement le cas milouxitan qui s’est fait entendre jusqu’au Nazum. De plus, Lalana Preecha est une personne imposante par son charisme et ses paroles firent comprendre rapidement à madame Haryanto son erreur. Il était désormais nécessaire de montrer la bonne volonté du Negara Strana, sans pour autant revenir en arrière, pour ensuite relancer la conversation grâce à la proposition jashurienne.

Kawaya Haryanto: “Nous serions tout autant ravis d’établir des relations commerciales vis-à-vis des différents biens et marchandises évoqués. Il est tout à fait bénéfique pour nos nations de profiter de notre proximité géographique et de nos avantages comparatifs. Effectivement, l’objectif final est de faire jouir à nos nations le fruit de notre commerce. C’est pour cela que j’aimerais m’excuser auprès de vous et préciser mes propos qui ont pu être mal interprétés du fait de ma formulation, je vous l’accorde, maladroite. Je ne voulais point critiquer le système jashurien et encore moins vous offenser. Nous voyons dans le Jashuria un pays nazumi et ami avant tout. Bien que mes propos tendaient à la polémique, je vous veux savoir que le Negara Strana ne veut point laisser les idéologies brisés les liens nazumis qu’elle considère primordiaux. Sur ce point, notre point de vue ne diffère pas du vôtre.

Elle fait un sourire, en évitant soigneusement de trop le marquer pour montrer la sincérité de celui-ci. Elle but promptement avant de reprendre.

Kawaya Haryanto
: “Nous apprécions également votre proposition quant à la gestion privative des biens dénationalisés. La privatisation est aujourd’hui sujet à de nombreuses réflexions au Negara Strana. Dans une logique de renouveau du socialisme, indéniablement forcé à évoluer pour être meilleur, le Conseil des Commissaires des Peuples actuel a décidé qu’une privatisation progressive de certains secteurs allait être engagée. Vous avez sûrement dû remarquer l’installation de BioSynth au Negara Strana, une entreprise fujiwane en cours de privatisation. Privatiser une partie de notre propre économie nous intéresserait donc, même si nous tenons à garder possession d’au moins la moitié de nos entreprises. L’aide proposée par le Jashuria est la bienvenue, d’autant plus qu’elle favorise notre coopération.

Pendant qu’elle parlait, Lanang Waluyo, toujours doté de sa tablette, avait pris le soin d’afficher des statistiques et diapositives afin de supporter son discours:

Lanang Waluyo: “Comme l’a précisé madame la Première Commissaire du Peuple, la privatisation partielle de notre économie se veut progressive. Le premier secteur qui sera privatisé est celui du tourisme. Actuellement, l’entreprise publique Boyaji! bénéficie d’un monopole d’Etat sur le secteur touristique. Or, le tourisme est en pleine expansion au Negara Strana et nous pensons qu’il serait en capacité d’exploser grâce à la privatisation. Vous avez évoqué des investissements jashuriens, si cela est en accord avec ce que vous pensiez, ces investissements pourraient d’abord être concentrés sur cette entreprise et ce secteur en général.
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La Première Ambassadrice afficha un sourire apaisé à l’écoute des excuses du gouvernement stranéen. La diplomate but à nouveau une gorgée de sa boisson et observa attentivement les propositions de ses homologues concernant le tourisme. C’était un secteur où les communiquants du Jashuria pouvaient apporter une expertise certaine. Le Nazum avait tout à gagner à se faire connaître de l’extérieur et les entreprises jashuriennes pouvaient concourir à redorer le Negara Strana à l’international.

« Vos excuses sont acceptées, chers homologues. Comme vous l’avez si bien exposé, le secteur du tourisme est un élément clef du développement d’un pays. Plus vous vous ferez connaître et plus le Negara Strana pourra attirer à lui des capitaux étrangers, ou nouer efficacement des partenariats commerciaux intéressants. La Troisième République du Jashuria peut parfaitement apporter son concours à ce type de projet, d’autant que le Nazum a grandement besoin de redorer son blason à l’international. Il va bien entendu de soi que nous ne cherchons pas à détenir la majorité des parts de vos entreprises. Cela serait contraire à votre volonté de garder la main sur le contrôle de la privatisation. Nos investissements pourront facilement cibler l’entreprise Boyaji! , cela ne devrait pas être un problème. Après, bien entendu, il y aura non seulement la dimension touristique, via la promotion d’une image du Negara Strana à l’international, ainsi que la valorisation du patrimoine local, qui, j’en suis sûre, est un des éléments remarquables de votre pays. »

L’argument sur le patrimoine permit à l’Ambassadrice de continuer sur le point le plus intéressant …

« Comme vous le savez, la Troisième République du Jashuria assure depuis des années la gestion du site archéologique de Kandor Mat, par le biais du Département d’Archéologie de l’Université d’Agartha dirigé par monsieur Anada Chaiyat. Le site de Kandor Mat a été ausculté par les archéologues eurysiens avant de faire l’objet d’une attention particulière par les nations péninsulaires, désireuses d’empêcher le pillage et d’approfondir leurs connaissances historiques. Afin de préserver le secteur, une gestion internationale a été mise en place afin de pouvoir accueillir la fine fleur des archéologues mondiaux et de faire en sorte que ce site ne puisse être accaparé par personne. Depuis la création de cette coopération internationale, la présidence de la gestion du site a tourné entre les différentes nations ayant financé les recherches archéologiques autour du site. Grâce aux efforts concertés des différents organismes universitaires, privés et étatiques, de nombreux artefacts ont pu être retrouvés, des temples déblayés et le site en partie cartographié. Notre expérience dans la gestion et la rénovation des sites anciens n’est plus à prouver et nous pouvons apporter notre expertise dans la gestion des sites que vous aurez désigné comme étant d’importance patrimoniale, en appuyant vos chercheurs sur différents sujets. Pour cela, nous pouvons vous proposer d’ouvrir une coopération universitaire internationale entre nos deux pays sur les questions liées à la rénovation du patrimoine ancien et l’archéologie préventive, le tout lié aux études de tourismes. Cela nous permettra de commencer un début de coopération avant de voir si les choses prennent et se développent. »
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Les Commissaires stranéens ne s’attendaient pas à être menés sur le sujet de l’archéologie mais il est vrai que le site de Kandor Mat revêt une importance capitale en ce qui concerne le patrimoine nazumi. En outre, la coopération universitaire était très bien vue au Negara Strana et le gouvernement voulait la développer le plus possible. L’éducation était l’un des piliers du pays qui donnait tout son possible pour moderniser son enseignement supérieur et le rendre attractif, ce qui commençait à porter ses fruits. Les coopérations universitaires représentent donc un avantage autant pour les étudiants que pour l'Etat.

Lanang Waluyo
: “Je suis heureux de savoir que le Jashuria nous suivra dans la privatisation du tourisme. De notre côté, nous sommes plus que satisfait de nous engager dans ce changement avec un Etat digne de confiance que le vôtre. En ce qui concerne les détails et modalités de ces investissements, notre Commissariat reste à votre écoute et est ravi de travailler avec ses homologues jashuriens. Cependant, je vais délégué la parole à mes collègues au sujet du site archéologique de Kandor Mat où je ne risque pas d’aider grandement.”

Il termina sa phrase en un rire suite auquel il prit une gorgée d’eau. Kawaya Haryanto arbora son sourire habituel, puis pris à son tour la parole:

Kawaya Haryanto
: “Nous sommes fortement intéressés quant à une coopération sur la protection du patrimoine nazumi. Le site de Kandor Mat est une merveille que nous devons préserver à tout prix. Nous avons observé les différents travaux archéologiques réalisés par différentes nations sous la surveillance d’Anada Chaiyat et nous ne pouvons qu’approuver ces initiatives. Nous serons donc honorés d’ouvrir une coopération universitaire entre nos deux nations. Celle-ci pourra se réaliser avec la prestigieuse Université Nationale du Peuple, basée à Kotarakyat, qui dispose également d’un Département Archéologique. Ce département a déjà eu l’occasion de se pencher sur le patrimoine stranéen et sera ravi d’apprendre de ses homologues. [elle but avant de reprendre]. Peut-être pouvons nous envisager une coopération universitaire généralisée dans différents domaines et avec différentes universités, notamment hutane.

En disant sa dernière phrase, elle regarda Cangkir Rajasa, lui faisant comprendre qu’il pouvait lui succéder dans la discussion. Le Commissaire délégué à la région de l’Hutan avait, cette fois-ci, attendu sagement l’aval de la Première Commissaire du Peuple.

Cangkir Rajasa
: “Effectivement, il nous serait bénéfique de profiter de la proximité de nos pays. Les universités d’Hijau sont tout à fait ouvertes à des coopérations internationales. Celles-ci seraient parfaitement adaptées à nos nations car elles permettraient aux étudiants d’étudier dans l’un ou l’autre de nos pays, sans pour autant avoir à se rendre dans la capitale, bien plus éloigné du Jashuria. Ainsi, certaines liaisons avec les établissements jashuriens et stranéens disposent d’un fort potentiel comme l’Institut des Sciences Biologiques pouvant appeler au développement d’une potentielle recherche universitaire straneo-jashurienne ou bien l'Académie des Arts de Hijau pouvant engager des échanges culturels autant captivant que fondamental.
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L’idée d’une coopération universitaire était la bienvenue et Sumalee Saeloo n’allait pas faire obstruction à ce désir. Elle pianota quelques notes sur sa tablette avant de reprendre le fil de la conversation.

« Le Cercle Intérieur n’émettra aucune opposition de principe à ce que les universités stranéennes et jashuriennes puissent ouvrir des partenariats ensemble. Nous sommes tout à fait d’accord sur le principe et avons déjà développé des partenariats scientifiques et éducatifs avec d’autres pays. Cela ne posera donc aucun problème. Le message sera transmis officiellement aux universités de notre pays, qui pourront prendre attache librement avec les vôtre pour dresser les contours de ces partenariats. »

La Seconde Ambassadrice referma sa tablette et éteint son petit écran. L’ensemble des points de l’ordre du jour avaient été abordés et à moins que les représentants stranéens n’aient un point à aborder en plus, elle allait pouvoir passer à la suite des mondanités : caméras, photographies, poignées de mains … Le décorum habituel dans les représentations diplomatiques.

« Souhaitez-vous aborder des points qui n’ont pas été mis à l’ordre du jour avant que nous allions affronter les caméras ? »

Le ton de l’Ambassadrice était toujours aussi neutre. Sumalee Saeloo n’était pas la plus enjouée des Ambassadrices, mais bien la plus impassible. Contrairement à la Première et à la Troisième, elle préférait la retenue et l’impassibilité jashurienne aux bons mots et aux plaisanteries. Néanmoins, cette rencontre avait été des plus fructueuses et les Stranéens des gens parfaitement sensés, contrairement aux communistes eurysiens, ce qui était plus que plaisant, au regard des déboires que les Jashuriens avaient eu avec eux.

La Seconde Ambassadrice pouvait s’estimer satisfaite. Les deux pays avaient obtenu ce qu’ils voulaient l’un de l’autre, sans se marcher sur les pieds. Peu de rencontres diplomatiques se passaient aussi bien généralement, mais les Jashuriens avaient trouvé dans les Stranéens de potentiels partenaires aussi fiables que le Fujiwa.

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Une fois que la femme d'Etat jashurienne termina sa phrase, Kawaya Haryanto afficha un sourire de détente. Alors que l'entretien était sur le point d'aboutir, les deux Nations ont eu le temps d'obtenir ce qu'elles voulaient et la dirigeant stranéenne en était bien contente. Le Negara Strana reste un pays de second plan. Le fait d'avoir organiser une rencontre fructueuse avec le Jashuria, première puissance nazuméenne et quatrième puissance mondiale, est une grande avancé pour le pays. De jour en jour, de rencontre en rencontre, le Negara Strana gagne en reconnaissance et en crédibilité sur la scène internationale.

Kawaya Haryanto
: "Parfait ! Je communiquerai évidemment ces informations à madame Cornelia Suryati, Commissaire à l'Education, qui informera les universités stranéennes de nos décisions. La coopération universitaire nous apportera beaucoup."

A l'instar de son homologue, Kawaya Haryanto estima donc que tous les points importants avaient été traités. Il était tant de s'adonner à toutes les procédures officielles et assez longues qui déplaisent sûrement à tous dirigeants.

Kawaya Haryanto: "Je suis d'accord avec vous. Cependant, avant d'affronter les caméras, j'aimerais vous remercier pour cet entretien. Il n'est pas rien pour le Negara Strana d'accueillir le Jashuria en son sol. Je sais que cette rencontre marque le début d'une longue relation que nous devons maintenir pour le bien-être des peuples."

Elles se serrèrent la main avant de sortir de la Résidence Royale.
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