27/03/2015
07:09:51
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MARONHI - De sang et d'or

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CHAPITRE PREMIER
Où l'on dresse à l'attention du mythe le récit d'un jeune jaguareau.



Dans les profondeurs de la dense forêt maronhienne, celle que l'on nommait le grand bois, où les murmures de la nature se mêlaient à la brise légère qui s'engouffrait au travers de la canopée, voile placé par les dieux sur cette terre pour en dissimuler leurs secrets, comme ceux des hommes, un jeune Awanapi explorait son territoire ancestral. En cet après-midi de pêche pour son village de Payãpi, ayant échappé aux regards surveillants des sages endormis et des femmes au labeur, le jeune garçon, à la manière de l'intrépide jaguareau, s'était écarté du groupe d'enfants amassé sur le bord de la crique pour s'aventurer seul dans le grand bois.

Curieux, il avait toujours été à l'affût de nouvelles découvertes dans la nature qui l'entourait. Ce jour-là, alors qu'il suivait le chant strident du paypayo, sentinelle de la forêt, il fut attiré par une lueur étrange et inattendue filtrant à travers l'épais feuillage d'émeraude. Il s'approcha silencieusement, intrigué, se dissimulant entre les racines d'un fromager avant de venir se placer au cœur du figuier étrangleur qui entourait alors l'arbre à l'imposant pied. En tendant une esgourde attentionnée, il percevait des bruits inhabituels, des échos d'activités humaines, de celles qui, de par l'ampleur de leur remue, évoquaient quelque chose d'important, d'industriel. Se servant du creux causé par le figuier étrangleur dans le tronc du vieux fromager, il s'appuya sur les racines aériennes pour prendre de la hauteur sur le terrain. Son cœur battait rapidement, mêlant l'excitation de la découverte à l'inquiétude quant à ce qu'il pourrait trouver.

Soudain, au travers d'une ouverture naturelle, se dévoilait devant lui un campement d'hommes étranges ; s'y mêlaient locaux, métisses, créoles et étrangers, noirs comme blancs, certains au travail, dégoulinant de sueur, creusant, déblayant, nettoyant, filtrant la terre avec une telle efficacité que les Cieux eux-mêmes semblaient les commander au fouet ; d'autres statiques, alertes, placés stratégiquement comme des girouettes, armés de fusils que le jeune garçon ne reconnaissait pas, bien loin de ceux en libre circulation dans son village ou portés par les quelques gardes forestiers et patrouilleurs du fleuve qui l'eut jusque-là l'occasion d'apercevoir. Ceux-ci évoluaient dans un environnement ravagé, jonché de trous, parsemé de carbets grossiers, d'engins, d'outils, des bidons métalliques et des toucs qui jonchaient le sol. Le jeune garçon ne fut saisi d'aucune émotion particulière, d'aucune réaction non plus, car il ne comprenait pas ce qui se jouait sous ses yeux. Tout ce qui le frappa fut l'étrangeté de la scène.

Alors happé par ce tableau et comme pour vouloir le voir mieux encore, il se pencha en avant, s'agrippant par erreur, non à une racine aérienne, mais à une liane. Celle-ci lâcha aussi tôt et vint s'écrouler au sol. Le jeune Awanapi eut tout juste le temps de saisir une autre racine pour ne pas lui aussi finir au sol. La liane, bien que fragile, était épaisse, produisant un son sourd lors de son choc au pied du fromager, puis un second lors de son rebond sur le tapis de feuilles qui l'entourait. Un guetteur armé qui se tenait non-loin, et que le garçon n'eut pas encore le temps de remarquer, se retourna fiévreusement en pointant le canon de son fusil-mitrailleur vers la zone d'impact. Il ne put voir le garçon mais resta immobile à tenir la forêt en joue, visiblement crispé. Un autre homme, plus âgé et grisonnant s'approcha nonchalamment. L'homme nerveux, sans perdre son bout de forêt de vue, s'exclama :

« Qu'est-ce que c'était ? »

Le grisonnant, bayant un bon coup, se plaça sur son flanc et vint baisser lui-même l'arme d'un mouvement de la main.

« Baisse moi cette arme, tu vas tuer quelqu'un..., rétorqua-t-il avant de se retourner vers les équipes en sueur qui ramollissaient la terre à l'aide de tuyaux d'eau et faisaient rouler les morceaux qu'ils en tiraient sur des tapis mécaniques.

- Bon, on accélère la cadence. Je veux quatre-cents grammes pour le coucher du Soleil. L'équipe qui fera la plus importante collecte n'aura plus vingt pour cent, mais bien trente. Allez, au boulot ! »

Une fois la situation calmée, le jeune Awanapi reprit son chemin en sens inverse pour retrouver son village et son grand-père, chef coutumier de Payãpi. Ce dernier écouta attentivement les récits de son petit-fils malgré son grand âge et l'attention qui venait parfois à lui manquer ; ses rides se creusaient avec les années, marquant son visage du sceau de la sagesse comme les cernes des arbres le faisaient du temps. Il reconnut la gravité de la situation et la nécessité d'agir, mais avec prudence. Les autres hommes du village, qui pour certains avaient connu des déconvenues avec des orpailleurs par le passé, prient de colère, ignorèrent les conseils de patience. Quelques heures après le coucher du Soleil, sans prévenir aucune autorité, les hommes du village partir les armes à la main, des fusils pour beaucoup, des arcs pour ceux qui en manquaient.

Les hommes s'approchèrent discrètement du camp d'orpailleurs. La tension était palpable dans l'air alors qu'ils se préparaient à confronter les intrus qui violaient leur territoire. Les battements de cœur s'accélérèrent, mêlés à l'excitation et à l'appréhension de l'affrontement imminent. Les Awanapis tirèrent les premiers en s'appuyant sur l'effet de surprise. Les orpailleurs, pris de court par la détermination des Maronhos, dégainèrent leurs fusils-mitrailleurs. Des tirs retentirent dans la nuit, déchirant le relatif silence de la forêt jusque-là marqué pas le son des insectes. Dans l'échange de coups de feu et de projectiles, des vies furent perdues des deux côtés. Les orpailleurs, pris par surprise par la résistance farouche des autochtones, avaient cependant pour avantage le nombre et la capacité de feu. Les rafales percèrent les obstacles naturels qui camouflaient ou protégeaient les assaillants, causant de lourdes pertes chez ces derniers. Au milieu du chaos, les meneurs Awanapis réalisèrent que l'affrontement était devenu trop dangereux. Ils ordonnèrent à leurs compagnons de reculer, de se retirer de la mêlée pour éviter davantage de pertes. Ils se replièrent ainsi habilement dans la forêt, se fondant bientôt dans l'obscurité de la nuit. Les orpailleurs en firent de même après s'être réordonnés, emportant avec eux les armes, l'or et les quelques femmes qui peuplaient les carbets, cuisinières, filles de joie, parfois les deux.

Le lendemain, les autorités locales avaient été alertées par les coups de feu et le tumulte de l'affrontement. On exhorta le commandement provincial à faire déplacer la première division de patrouille fluviale permanente dans la région. Chasseurs forestiers et enquêteurs furent envoyés sur les le camp d'orpaillage illégal pour saisir le matériel et retrouver la trace des coupables qui semblaient s'être enfoncés encore plus profondément dans cet enfer vert, vers le Levant, le nid des démons du grand bois, là où les secrets devaient demeurer éternels. Mais parmi les Hommes, sous le voile la forêt vierge maronhienne, comme partout en cette bonne Terre, le plus faible continue d'être celui qui ne sait pas garder un secret ; le plus puissant celui qui se contente de la part que les Cieux lui ont faite. Sous le ciel de case du carbet communautaire, le jeune Awanapi pouvait apercevoir les créoles armés, « les hommes des eaux claires », traverser la clairière de Payãpi avant de se fondre dans la forêt comme des apparitions, laissant voler dans leur sillage le fanion de sang et d'or où trônait en son centre le grand Soleil.


PERTES*


VILLAGEOIS AWANAPIS :

17 Awanapis équipés d'armes d'infanterie de Niveau 3 (-5)
9 Awanapis équipés d'arcs et de flèches (-4)

ORPAILLEURS ILLÉGAUX/CLANDESTINS :

7 guetteurs équipés d'armes d'infanterie de Niveau 8 (-2)
38 orpailleurs équipés d'armes d'infanterie de Niveau 6 (-7)
8 femmes sans armes (-2)


* les pertes de soldats annoncées sont ici assimilables à des combattants tués. Les ratios entre chaque cas sont à l'appréciation des parties concernées.

PERTES NON DÉCOMPTÉES, AFFRONTEMENT RP SOUHAITÉ PAR LE JOUEUR
4456
CHAPITRE DEUXIÈME
Où l'on rapporte le témoignage d'un captif dans le but de remonter à la source du mal.



Sur le camp, les soldats maronhiens avaient détruit les carbets, rebouché les trous et confisqué le matériel. En faisant le tour des corps d'orpailleurs abandonnés, ils remarquèrent que certains firent abattus à bout portant. Ils ne pouvaient s'agir que de tirs alliés des fuyards à l'attention des quelques blessés qui n'auraient réussi à suivre à travers le bois. Cependant, l'un d'entre-eux, au grand bonheur des militaires, malgré son état d'inconscience certaine, semblait avoir réussi à échapper à la mort, non sans avoir touché les esprits des défunts du bout des doigts, comme pouvaient laisser l'indiquer ces blessures conséquentes. Amené au centre de soins d'urgence le plus proche, il prit quatre jours pour revenir à lui et, sous la pression des enquêteurs, répondit avec quelques difficultés aux interrogations touchant ses complices. Il livra un témoignage que les autorités maronhiennes prirent soin d'inclure au rapport des incidents.

___

Quelques jours plus tôt, quelque part sous le voile du grand bois...

« Sous les Cieux, honorons cette terre que nous allons travailler et accueillons avec gratitude les fruits de notre labeur. L'or que nous découvrirons est éphémère ; il empruntera le chemin de nos mains pour retourner à l'essence d'où il vient. Dao, dans ton harmonie, nous te remercions pour les instants où il dansera entre nos doigts. »

Dans les replis secrets de la forêt vierge maronhienne, là où le murmure des feuilles s'entremêle avec les secrets des dieux, une ombre profane s'installa. C'était une opération clandestine, un campement rudimentaire dressé au cœur de la nature indomptée. Les hommes s'étaient frayé un chemin à travers la végétation dense, trahissant la forêt par des sentiers sauvages et des arbres abattus. Les cris d'oiseaux tropicaux furent bientôt étouffés par le grondement des moteurs et le tintement métallique des outils, tandis que les premiers trous s'ouvraient dans la terre. Les orpailleurs s'affairaient sous l'ombre impénétrable de la canopée. Des bâches défraîchies abritaient des abris de fortune, témoins d'une intrusion humaine là où habituellement seuls les murmures de la nature prévalaient. Quelques femmes femmes parmi les plus démunies du continent vinrent ensuite, une fois les bases d'un carbet mise en place sur le site, prêtes à vendre quelques bouts d'âme contre une poignée de pépites dorées, dernières chances pour leur salut.

Mais cet appétit pour l'or avait été orchestré par des commanditaires moins scrupuleux encore que quelques orpailleurs illégaux. Au bout d'une semaine, des cliquetis métalliques emplirent la clairière dès l'aube. Des hommes, vêtus avec les treillis de chasseurs forestiers, arborant des étoiles rouges indélicatement cousues, se mêlèrent aux orpailleurs. Les armes changèrent de mains, et le camp prit une teinte de militarisation. Le grisonnant baya un bon coup avant de les recevoir, se plaçant en avant de ses hommes pour traiter avec les intrus armés. L'un d'entre-eux, le visage peint de rouge et de jaune, fit de même. Après quelques regards et mouvements de tête communicatifs, le grisonnant leva deux doigts en l'air avant de les agiter, en geste d'accord. C'est alors qu'un des orpailleurs apporta au guérilléro peinturluré un grand bocal. Ce dernier le prit en main et l'agita de haut en bas, mimant une pesée.

« Ça paraît assez léger, dit-il nonchalamment, le regard dans le vide.

- Il y a la quantité convenue, tu pourras vérifier. La livraison aussi semble légère..., rétorqua le grisonnant.

- C'est ce qui était convenu, répondit le peinturluré en esquissant un bref sourire. Vous voulez renégocier ?

- Sans façon.

- Bien. Et on nous a demandé d'accélérer l'extraction. Un tiers de ce qui était promis en plus dans deux semaines, c'est possible ?

- Ça va être compliqué..., répondit le grisonnant, laissant par une grimace sa conscience professionnelle trahir la complaisance qu'exigeait une telle collaboration.

- Mais c'est possible ? insista le guérilléro.

- C'est possible, oui.

- Parfait alors. À dans quinze jours vieux débris. »

Et ainsi, les hommes armés retournèrent d'où ils étaient venus, dans les tréfonds orientaux du grand bois, laissant derrière eux les armes qui firent ravages quelques jours plus tard au sein du petit bataillon d'Awanapis. Le mystère s'épaississait pour les enquêteurs maronhiens. Les armes retrouvées, n'appartenant pas à l'éventail légal parmi lequel tout Maronhien apte pouvait s'armer, participèrent à laisser penser que le présent accord de malfaiteurs était inhabituel, et potentiellement qu'il pouvait être le fruit d'une organisation conséquente. En effet, si la nature de la forêt vierge maronhienne participait à rendre la quantité d'activités illégales importante sur le territoire, le témoignage du survivant mettait en lumière un groupe de combattants illégaux en possession de matériel militaire introuvable sur le marché civil national. Pour la sécurité de la région, il apparaissait donc nécéssaire aux autorités maronhiennes de mettre la lumière sur cette affaire et de poursuivre la recherche des orpailleurs pour remonter au groupe armé.
4286
CHAPITRE TROISIÈME
Où l'on conte la résolution de la traque aux orpailleurs.



La patrouille fluviale permanente déploya donc un détachement de deux sections terrestres pour remonter la piste des orpailleurs après l'incident sur le territoire awanapi, ce tandis que les enquêteurs, au chevet de l'orpailleur survivant, attendaient un prompt rétablissement pour tirer cette histoire au clair. Sous la houlette du commandant Kadaga, un vétéran aux yeux perçants, les soldats se frayèrent un chemin à travers la forêt dense, suivant les traces laissées par les fuyards. L'épais feuillage semblait garder jalousement les secrets de ces terres, mais les Maronhiens, entraînés dans ces conditions, avançaient sans mal. Les Awanapis, enragés par l'agression après l'incident, fournirent des guides pour aider les forces maronhiennes à repérer les points de passage, les traces au sol et sur les branchages, ainsi que toutes les zones pouvant potentiellement servir d'abri aux orpailleurs.

Alors que les hommes de Kadaga avançaient, ils découvraient des indices de plus en plus évidents de la présence du groupe d'orpailleurs. Des débris de campements temporaires, des étincelles de feu encore chaudes, des brindilles rompues et des empreintes fraîches suggéraient qu'ils se rapprochaient de leur objectif. Deux éclaireurs au pas léger et un guide furent alors envoyés en avant, utilisant leur expertise du milieu forestier et de la topographie locale pour anticiper les mouvements de leurs proies. Bientôt, aux abords d'une crique qui coulait le long d'une pente faisant face au couchant, un tintement métallique résonna. Les échos portant loin dans le grand bois, le trinôme était hors de danger. Ce dernier se subdivisa pour avertir le reste du détachement tout en gardant un œil sur les déplacements du groupe d'orpailleurs. Avant même que le reste des hommes ne rejoignent les éclaireurs, une pluie torrentielle avait commencé à s'abattre sur cette partie de la forêt. Désormais, tout écho était étouffé par le capharnaüm sonore. Cela et la pénombre qui venait à toute vitesse favoriseraient sensiblement l'encerclement du groupe d'orpailleurs, d'autant plus qu'il s'était arrêté pour la nuit entre le lit de la crique et le pied de la pente abrupte qui courrait sur plusieurs centaines de mètres, deux barrières naturelles qui devaient rendre difficile toute tentative de fuite.

La nuit tomba donc, et avec elle, les sections encerclèrent le campement de fortune. Une poignée de soldats avancèrent silencieusement. D'autres restaient tapis dans la pénombre, prêts à stopper les potentiels fuyards. Mais, dans l'approche, le craquage d'une branche sous le poids d'un des militaires eut le malheur de provoquer assez de bruit pour alerter l'une des vigies du groupe d'orpailleurs qui, s'avança alors prudemment vers sa source en brandissant une lampe torche. Les militaires n'eurent d'autres choix que de le neutraliser et d'accélérer l'opération avant que le reste du groupe ne puisse se rendre compte de la situation. Au cœur de la nuit épaisse, un coup de feu parti en direction de la vigie, l'abattant instantanément. Les autres soldats maronhiens, pris de court mais suffisament cordonnées, accéléraient leur approche, désarmant presque aussi tôt la deuxième vigie avant de prendre en joue les hommes et femmes tirés du sommeil par le vacarme de la détonation. Plus loin, un des membres du groupe qui s'était éloigné pour la grosse commission, avant même d'en finir avec son affaire des plus urgentes, pris ses jambes à son cou. Il trébucha cependant sur la berge de la crique et fut à son tour encerclé, découvert avec les bas sur les genoux. Tous les orpailleurs, acculés, furent contraints de se rendre. La forêt, témoin silencieux de ces affrontements, récupéra peu à peu son calme, laissant seulement entendre le brouhaha des insectes et de la pluie. Les secrets jalousement gardés par la canopée étaient désormais à la merci des autorités. On fit bientôt remonter tout ce qui fut saisi aux enquêteurs chargés de démêler le mystère de la collaboration avec l'énigmatique groupe de guérilléros. Les orpailleurs furent également acheminés au centre de détention local, dont un homme plus âgé, grisonnant, qui n'avait pas voulu répondre à la moindre interrogation du commandant Kadaga jusqu'à son arrivée au centre. Celui-ci portait au cou un collier de prière en graines avec un morceau de bois circulaire peint de manière à reproduire la forme d'un taijitu taoïste.


PERTES*


MILITAIRES MARONHIENS :

28 soldats équipés d'armes d'infanterie de Niveau 10 (0)
2 soldats équipés de mitrailleuses lourdes de Niveau 9 (0)

ORPAILLEURS ILLÉGAUX/CLANDESTINS :

5 guetteurs équipés d'armes d'infanterie de Niveau 8 (-1)
31 orpailleurs équipés d'armes d'infanterie de Niveau 6 (0)
8 femmes sans armes (0)


* les pertes de soldats annoncées sont ici assimilables à des combattants tués. Les ratios entre chaque cas sont à l'appréciation des parties concernées.

PERTES NON DÉCOMPTÉES, AFFRONTEMENT RP SOUHAITÉ PAR LE JOUEUR
3163
CHAPITRE QUATRIÈME
Où l'on tire des biens saisis l'extrait d'un manifeste.



Les biens saisis sur les orpailleurs révélaient des éléments troublants. Parmi les effets personnels, les enquêteurs découvrirent un extrait de manifeste politique rédigé en créole maronhien, aussi dit "maronhien unifié" ou plus simplement "maronhien", prônant la lutte armée en Paltoterra, et notamment contre le gouvernement actuel de Maronhi. Il ne s'agissait pourtant, à première vue, que d'un énième groupe hétéroclite de chercheurs d'or commandés par une obscure organisation criminelle locale. De plus, l'extrait était absent de toute mention de journal, d'éditeur ou d'auteur, rendant presque impossible d'en connaître la provenance réelle.

La nécessité de la lutte armée.

L'instabilité des régimes politiques paltoterrans est extrême. La pression populaire s'y exprime par des mouvements de révolte difficilement contrôlables. Une telle situation fait à la fois la force et le danger de la lutte armée.

Beaucoup des pays paltoterrans connaissent des mouvements organisés armés. Un cycle de violence s'est instauré, avec comme perspective, soit l'accroissement de la répression et la recrudescence de la lutte armée, soit un coup d'État démagogique, avec les concessions aux courants néo-moïstes, matérialistes et socialistes que cela implique. Les seuls pays, en effet, qui à l'heure actuelle n'ont pas à faire face à une opposition armée, sont ceux qui, démagogiquement ou non, se sont engagés à effectuer les réformes par une révolution pacifique.

Mais, même en ce cas, l'existence de la guérilla revêt une extrême importance. En effet, au-delà de son efficacité militaire, elle constitue une sauvegarde permanente face au péril d'une remilitarisation toujours possible, de régimes comme ceux de Péronas, de Sylva ou de Maronhi. De nombreuses trahisons ont déjà été commises et l'état de vigilance de la population a atteint un niveau tel qu'un coup d'État de droite donnerait immédiatement à la lutte armée une immense base populaire. Nichibouko a d'ailleurs affirmé catégoriquement à un camarade que, dans une telle éventualité, il n'hésiterait pas à prendre lui-même la direction de la lutter armée. Pour lui, le tournant du régime d'Awara contre l'Union Nationale qui a commencé à se concrétiser avec le mépris porté par la délégation de la République Nationale-Socialiste de Maronhi au congrès de fondation de l'UNCS, marque une véritable accélération vers une monarchisation du pays.

Dans le cas de ce dernier où l'armée a été doucement et insidieusement épurée de ses éléments non-fascistes ou non-bourgeoies, la guérilla a comme perspective de développement à long terme de la guerre révolutionnaire.


Les autorités, maintenant en possession de cette trouvaille, se trouvaient confrontées à la tâche complexe de démêler les ramifications idéologiques et politiques de ce groupe ou des individus qui le composaient, ainsi que de potentiels liens ou non avec la personnalité mentionnée. Les enquêteurs devraient chercher à comprendre quelles étaient les forces motrices derrière ces convictions, et dans quelle mesure cela pourrait être lié à des mouvements plus larges au sein de la société maronhienne car, en effet, le patronyme de Nichibouko évoquait un membre de l'Assemblée des Man, souvent affilié à la mouvance dite de "la machette rouge". Un tel appel à l'insurrection armée, s'il venait à être prouvé, pourrait permettre de lancer une procédure d'arrestation. Mais une enquête plus poussée sur celui-ci et son entourage devrait également permettre d'établir la carte d'un réseau idéologiquement lié.
2793
CHAPITRE CINQUIÈME
Où l'on interroge une première fois celui qui semble mener les orpailleurs.



Le chef des orpailleurs, le vieux grisonnant, était assis en tailleur sur le tatami de la salle d'interrogatoire, ses poignets entravés par des menottes métalliques. Le commandant Kadaga, accompagné de l'inspecteur local Okudaira, se tenaient devant lui, assis sur les genoux, le dos droit, observant chaque geste, chaque tic nerveux du vieil homme. La lumière crue de la lampe suspendue - contraire à tout ce qui constituait le Beau, l'harmonie et la douceur dans la culture maronhienne - projetait des ombres sévères sur leurs visages.

« Vous avez un nom ? » demanda l'inspecteur, sa voix résonnant dans la petite pièce.

Le vieil homme leva les yeux, ses prunelles noires de jais brillaient d'une lueur défiante. « On m'appelle le Vieux. Ça suffit, non ? »

Kadaga haussa un sourcil, soufflant longuement du nez à la bravade du prisonnier. « Le Vieux, hein ? Très bien. Vous savez pourquoi vous êtes ici, j'imagine. »

Le Vieux resta silencieux, se contentant de fixer le commandant sans ciller.

« Parlons de ce manifeste que nous avons trouvé dans vos affaires, vous avez quelque chose à dire à ce sujet ? continua Kadaga.

- Des mots, des mots, » rétorqua le Vieux, sa voix rauque. « Tout le monde a des mots. »

Kadaga avança ses épaules, plantant son regard dans celui du Vieux. « Vous pensez que nous sommes aveugles ? L'extraction, c'était pour subsister ? Votre matériel, il était plutôt conséquent, cela m'étonnerait grandement qu'une troupe comme la vôtre ait réussi à se financer ce matériel seule... Je vous pose donc la question suivante : qui vous a financé ? »

Le Vieux ricana d'un soufflement par les narines, un son sans joie. Un silence tendu s'installa. L'inspecteur sortit une photographie de sa manche, la posa sur la table basse en bois sombre qui séparait les interrogateurs de l'interrogé. « Reconnaissez-vous cet homme ? »

Le Vieux jeta un coup d'œil à la photo, ses traits se durcirent. Ses lèvres s'ouvrirent comme pour prononcer un son, peut-être celui du nom de l'individu sur l'image, mais sans que rien ne puisse être entendu. Kadaga se pencha ensuite en avant. « Monsieur Goto, que vous voyez ici, et qui a eu l'immense honneur d'être reconnu par trois de vos hommes, a été aperçu deux fois ce dernier mois en compagnie de l'Aman Nichibouko, lui-même évoqué dans ce bout de papier récupéré dans vos affaires. »

Le Vieux resta silencieux, détourna le regard vers un coin de la pièce. Le commandant fit un signe de tête à l'inspecteur qui sortit une seconde photographie qu'il plaça aussitôt à côté de la première. Le commandant reprit. « Et ces personnes ? » Le cliché présentait une femme mûre et trois enfants alignés, un garçon dans l'adolescence et deux fillettes, visiblement jumelles.

« Où l'avez-vous eu ? » lança-t-il d'un ton sec.

« Directement à vôtre domicile.

- Vous ne pouvez pas...

- Nous ne pouvons pas ? Et vous Monsieur Libei, qui vous a donné le droit ? »

L'homme grisonnant bégaya quelques instants. « ...Il a dit qu'il retrouverait ceux qui lui ont fait ça.

- Qui ça Monsieur Libei ?

- Je veux un représentant.

- Bien, nous allons contacter un cabinet. »

Sur ces mots, le commandant et l'inspecteur se redressèrent, ouvrirent la porte à deux gardes qui vinrent levé le détenu puis l'emmenèrent aussi tôt hors de la salle.
4393
CHAPITRE SIXIÈME
Où l'on part à la chasse de l'hirondelle à ailes blanches.



« Rien à signaler. Tu peux prendre le relais. », fit une voix rauque et trouble dans ses écouteurs, qui raccrocha l'instant d'après.

*Bip*

___

Sous le soleil de midi, tyran trônant seul sur une mer d'azur, le parc se déployait en un écrin de verdure paisible, bordé par les eaux tranquilles du fleuve de Siwa qui serpentait en douceur à travers la ville, repoussant le limon de lieux indomptés dans le golfe dit de Biwa. Sous la chaleur accablante, les fruits pourrissants dont se nourrissaient les rongeurs arboricoles le soir venu parfumaient les allées d'arbres d'un désagréable parfum sucré et capiteux, presque palpable, une odeur qui colle à la peau, envahit les narines, et reste longtemps en mémoire. Les troncs se balançaient légèrement au gré d'une brise discrète, tandis que les oiseaux, nichés dans leurs branches, chantaient leurs mélodies enjouées. Les bancs, légèrement incurvés, subtilement polis, les angles arrondis, disséminés çà et là, invitaient à la contemplation, à quelques pas des allées de dalles où les passants déambulaient d'un rythme détendu. Non loin, le fleuve miroitait les reflets dorés du jour, offrant une toile de fond implacable aux rencontres impromptues qui s'y tenaient, une lumière à laquelle rien ne semblait pouvoir échapper. C'est sur l'un de ces bancs, un peu à l'écart, que s'ouvrit la conversation qui nous intéresse.

« Vous attendez quelqu'un ? »

L'homme assis sur le banc leva sa tête sur son côté avant de la tourner machinalement de gauche à droite.

« Je peux m'asseoir ?

- Je vous en prie
, rétorqua l'homme assis. L'inconnu prit place à ses côtés, laissant place à quelques instants de silence.

- ...Vous êtes photographe ?

- C'est seulement une passion
, fit-il en haussant très légèrement des épaules.

- Oh, je vois. Vous connaissez peut-être Chikakage ?

- Je ne crois pas. Qui est-ce ? »


L'inconnu leva le regard au ciel, frotta dans un second temps les quelques poussières qu'il apercevait du coin de l'œil sur sa manche.

« Un photographe passionné d'ornithologie. Vous devez peut-être connaître ses clichés d'urubus sur des toiles de câbles téléphoniques, il ont été exposés dans ce parc il y a quelques mois.

- Ça me rappelle effectivement quelque chose. Vous êtes passionné de photographie ?

- Non, d'ornithologie. Je me présente, Yanagizawa Chikakage.

- Eh bien, je ne pensais pas pensé tomber sur un artiste exposé.

- Oh, vous savez, la photographie ne m'intéresse pas tant que ça. C'est sans doute le hasard de la sensibilité qui m'a permis d'exposer. D'habitude, je travaille pour des magazines scientifiques. »


« Je vois. Vous êtes donc en quête de volatiles ?

- C'est cela, mais pas ici, il y a trop d'activité.

- J'y avais justement repéré un beau spécimen.

- Ah oui, vous connaissez l'espèce ? »


Dans de grands gestes horizontaux, il nia de la tête.

« Petit, le plumage noir, avec un ventre blanc et des ailes courbées en arrière.

- Hmm, peut-être un martinet à ventre blanc, mais je n'en ai jamais vu jusqu'ici. »


L'homme ne répondit pas, visiblement songeur. L'inconnu, lui, laissa échapper un léger sourire en hochant la tête.

« Si c'est bien un martinet, ils sont rapides et discrets. Les attirer n'est pas simple. Mais il y a un petit truc que j'ai appris au fil du temps. »

Il fit une pause, jetant un regard autour du parc comme pour s'assurer que personne ne les écoutait.

« Les martinets, comme beaucoup d'autres oiseaux, sont sensibles aux sons. Essayez de siffler doucement, un sifflement long et continu, presque comme un souffle du vent. Ils sont curieux et peuvent venir voir ce qui fait ce bruit. Mais ne faites pas trop de mouvements brusques, ils sont méfiants.

- Merci pour l'astuce, je vais essayer. »


Yanagizawa se leva lentement, étirant ses jambes fatiguées.

« Eh bien, je vais vous laisser pour ce captivant moment d'observation. Peut-être à une prochaine rencontre.

- Il est probable. Je suis ici tous les jours à la même heure.

- C'est noté, et bonne chance. Rappelez-vous, la patience est la clé. Les oiseaux ne viennent pas toujours quand on les attend, mais quand ils le décident. Sur ce, au revoir. »


L'homme assis salua son interlocuteur d'un sourire en coin, le regard suivant sa silhouette disparaître parmi les allées ombragées. Il resta un moment immobile, absorbé par le jeu de lumière dansant sur les feuilles au-dessus de lui. Puis, avec un geste mesuré, il saisit son appareil photo, prêt non pas à capturer les oiseaux évoqués lors de la conversation précédente, mais un individu qui venait de s'installer sur un banc voisin, là où une autre silhouette était déjà présente depuis un certain temps. À l'ombre de ce coin discret, les deux figures échangèrent furtivement un paquet, leurs gestes rapides et précis. Le photographe, vigilant, captura chaque instant, enchaînant alors les clichés tandis que l'échange ne durait que quelques secondes. Les deux individus se séparèrent, aussi rapidement que possible. Il suivit du regard, à travers son objectif, le nouveau porteur s'éloignant, le paquet dissimulé dans les plis de ses vêtements. Une fois l'homme hors de vue, il abaissa son appareil et, calmement, sortit un téléphone de son ample manche.

« Rien à signaler... L'oiseau s'envole. »

*Bip*
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