Posté le : 26 déc. 2023 à 14:41:29
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CHAPITRE PREMIER
Où l'on dresse à l'attention du mythe le récit d'un jeune jaguareau.
Dans les profondeurs de la dense forêt maronhienne, celle que l'on nommait le grand bois, où les murmures de la nature se mêlaient à la brise légère qui s'engouffrait au travers de la canopée, voile placé par les dieux sur cette terre pour en dissimuler leurs secrets, comme ceux des hommes, un jeune Awanapi explorait son territoire ancestral. En cet après-midi de pêche pour son village de Payãpi, ayant échappé aux regards surveillants des sages endormis et des femmes au labeur, le jeune garçon, à la manière de l'intrépide jaguareau, s'était écarté du groupe d'enfants amassé sur le bord de la crique pour s'aventurer seul dans le grand bois.
Curieux, il avait toujours été à l'affût de nouvelles découvertes dans la nature qui l'entourait. Ce jour-là, alors qu'il suivait le chant strident du paypayo, sentinelle de la forêt, il fut attiré par une lueur étrange et inattendue filtrant à travers l'épais feuillage d'émeraude. Il s'approcha silencieusement, intrigué, se dissimulant entre les racines d'un fromager avant de venir se placer au cœur du figuier étrangleur qui entourait alors l'arbre à l'imposant pied. En tendant une esgourde attentionnée, il percevait des bruits inhabituels, des échos d'activités humaines, de celles qui, de par l'ampleur de leur remue, évoquaient quelque chose d'important, d'industriel. Se servant du creux causé par le figuier étrangleur dans le tronc du vieux fromager, il s'appuya sur les racines aériennes pour prendre de la hauteur sur le terrain. Son cœur battait rapidement, mêlant l'excitation de la découverte à l'inquiétude quant à ce qu'il pourrait trouver.
Soudain, au travers d'une ouverture naturelle, se dévoilait devant lui un campement d'hommes étranges ; s'y mêlaient locaux, métisses, créoles et étrangers, noirs comme blancs, certains au travail, dégoulinant de sueur, creusant, déblayant, nettoyant, filtrant la terre avec une telle efficacité que les Cieux eux-mêmes semblaient les commander au fouet ; d'autres statiques, alertes, placés stratégiquement comme des girouettes, armés de fusils que le jeune garçon ne reconnaissait pas, bien loin de ceux en libre circulation dans son village ou portés par les quelques gardes forestiers et patrouilleurs du fleuve qui l'eut jusque-là l'occasion d'apercevoir. Ceux-ci évoluaient dans un environnement ravagé, jonché de trous, parsemé de carbets grossiers, d'engins, d'outils, des bidons métalliques et des toucs qui jonchaient le sol. Le jeune garçon ne fut saisi d'aucune émotion particulière, d'aucune réaction non plus, car il ne comprenait pas ce qui se jouait sous ses yeux. Tout ce qui le frappa fut l'étrangeté de la scène.
Alors happé par ce tableau et comme pour vouloir le voir mieux encore, il se pencha en avant, s'agrippant par erreur, non à une racine aérienne, mais à une liane. Celle-ci lâcha aussi tôt et vint s'écrouler au sol. Le jeune Awanapi eut tout juste le temps de saisir une autre racine pour ne pas lui aussi finir au sol. La liane, bien que fragile, était épaisse, produisant un son sourd lors de son choc au pied du fromager, puis un second lors de son rebond sur le tapis de feuilles qui l'entourait. Un guetteur armé qui se tenait non-loin, et que le garçon n'eut pas encore le temps de remarquer, se retourna fiévreusement en pointant le canon de son fusil-mitrailleur vers la zone d'impact. Il ne put voir le garçon mais resta immobile à tenir la forêt en joue, visiblement crispé. Un autre homme, plus âgé et grisonnant s'approcha nonchalamment. L'homme nerveux, sans perdre son bout de forêt de vue, s'exclama :
« Qu'est-ce que c'était ? »
Le grisonnant, bayant un bon coup, se plaça sur son flanc et vint baisser lui-même l'arme d'un mouvement de la main.
« Baisse moi cette arme, tu vas tuer quelqu'un..., rétorqua-t-il avant de se retourner vers les équipes en sueur qui ramollissaient la terre à l'aide de tuyaux d'eau et faisaient rouler les morceaux qu'ils en tiraient sur des tapis mécaniques.
- Bon, on accélère la cadence. Je veux quatre-cents grammes pour le coucher du Soleil. L'équipe qui fera la plus importante collecte n'aura plus vingt pour cent, mais bien trente. Allez, au boulot ! »
Une fois la situation calmée, le jeune Awanapi reprit son chemin en sens inverse pour retrouver son village et son grand-père, chef coutumier de Payãpi. Ce dernier écouta attentivement les récits de son petit-fils malgré son grand âge et l'attention qui venait parfois à lui manquer ; ses rides se creusaient avec les années, marquant son visage du sceau de la sagesse comme les cernes des arbres le faisaient du temps. Il reconnut la gravité de la situation et la nécessité d'agir, mais avec prudence. Les autres hommes du village, qui pour certains avaient connu des déconvenues avec des orpailleurs par le passé, prient de colère, ignorèrent les conseils de patience. Quelques heures après le coucher du Soleil, sans prévenir aucune autorité, les hommes du village partir les armes à la main, des fusils pour beaucoup, des arcs pour ceux qui en manquaient.
Les hommes s'approchèrent discrètement du camp d'orpailleurs. La tension était palpable dans l'air alors qu'ils se préparaient à confronter les intrus qui violaient leur territoire. Les battements de cœur s'accélérèrent, mêlés à l'excitation et à l'appréhension de l'affrontement imminent. Les Awanapis tirèrent les premiers en s'appuyant sur l'effet de surprise. Les orpailleurs, pris de court par la détermination des Maronhos, dégainèrent leurs fusils-mitrailleurs. Des tirs retentirent dans la nuit, déchirant le relatif silence de la forêt jusque-là marqué pas le son des insectes. Dans l'échange de coups de feu et de projectiles, des vies furent perdues des deux côtés. Les orpailleurs, pris par surprise par la résistance farouche des autochtones, avaient cependant pour avantage le nombre et la capacité de feu. Les rafales percèrent les obstacles naturels qui camouflaient ou protégeaient les assaillants, causant de lourdes pertes chez ces derniers. Au milieu du chaos, les meneurs Awanapis réalisèrent que l'affrontement était devenu trop dangereux. Ils ordonnèrent à leurs compagnons de reculer, de se retirer de la mêlée pour éviter davantage de pertes. Ils se replièrent ainsi habilement dans la forêt, se fondant bientôt dans l'obscurité de la nuit. Les orpailleurs en firent de même après s'être réordonnés, emportant avec eux les armes, l'or et les quelques femmes qui peuplaient les carbets, cuisinières, filles de joie, parfois les deux.
Le lendemain, les autorités locales avaient été alertées par les coups de feu et le tumulte de l'affrontement. On exhorta le commandement provincial à faire déplacer la première division de patrouille fluviale permanente dans la région. Chasseurs forestiers et enquêteurs furent envoyés sur les le camp d'orpaillage illégal pour saisir le matériel et retrouver la trace des coupables qui semblaient s'être enfoncés encore plus profondément dans cet enfer vert, vers le Levant, le nid des démons du grand bois, là où les secrets devaient demeurer éternels. Mais parmi les Hommes, sous le voile la forêt vierge maronhienne, comme partout en cette bonne Terre, le plus faible continue d'être celui qui ne sait pas garder un secret ; le plus puissant celui qui se contente de la part que les Cieux lui ont faite. Sous le ciel de case du carbet communautaire, le jeune Awanapi pouvait apercevoir les créoles armés, « les hommes des eaux claires », traverser la clairière de Payãpi avant de se fondre dans la forêt comme des apparitions, laissant voler dans leur sillage le fanion de sang et d'or où trônait en son centre le grand Soleil.
PERTES*
VILLAGEOIS AWANAPIS :
17 Awanapis équipés d'armes d'infanterie de Niveau 3 (-5)
9 Awanapis équipés d'arcs et de flèches (-4)
ORPAILLEURS ILLÉGAUX/CLANDESTINS :
7 guetteurs équipés d'armes d'infanterie de Niveau 8 (-2)
38 orpailleurs équipés d'armes d'infanterie de Niveau 6 (-7)
8 femmes sans armes (-2)
* les pertes de soldats annoncées sont ici assimilables à des combattants tués. Les ratios entre chaque cas sont à l'appréciation des parties concernées.
PERTES NON DÉCOMPTÉES, AFFRONTEMENT RP SOUHAITÉ PAR LE JOUEUR