L’hégémonie incontestable de la Thylacine Corporation sur le monde de la santé dans la République de Makt
Implanté dans la République de Makt depuis la fin des années 1960, la Thylacine Corporation détenait presque un monopole absolu dans le pays, un état de fait rendu possible grâce à des accords commerciaux extrêmement favorables pour la multinationale, qui seraient aujourd’hui attaqués comme pratiques de concurrence déloyale. Depuis lors, les Ministres de la Santé maktois, presque toujours des anciens cadres ou directeurs de recherches de la T-Corp, n’ont cessé de défendre cette exception, permettant, il est vrai, d’assurer une couverture et une distribution en médicaments et produits médicaux quasi universelle et à des tarifs plus ou moins abordables. Mais à quel coût pour la population et les contribuables publics ? Une quasi dépendance aux réseaux d’approvisionnement et de production, sans oublier le contrôle total des prix, la compagnie ne se privant pas pour ajuster à la baisse les principes actifs les plus vendus et rentables, et à augmenter les tarifs des médicaments avec un seuil de rentabilité bas et sans vision sur le marché des consommateurs, tels les anticancéreux, les rétroviraux, les hormones inhibitrices. Certaines de ces molécules étant pourtant indispensables à la survie de certains patients affectés par des maladies rares, génétiques ou auto-immunes.
Quoiqu’il en soit, bien avant la loi de la vie et de la mort, passe devant la seule loi qui prévaut aux yeux de la T-Corp : celle du marché, de l’offre, et de la demande.
Fidèle à sa stratégie commerciale à long terme, la Thylacine avait réussi à infiltrer tous les milieux de professionnels de santé, de l’hôpital public jusqu’à la thalasso privée, incluant les infirmières libérales, la médecine libre, le soin à domicile, les pharmacies, les officines, les cabinets dentaires et centre ophtalmologiques.
Pas un ne pouvait se soustraire à l’omniprésence et au lobby du puissant groupe leader mondial de la pharmacie et des biotechnologies. Et lorsqu’un ou deux professionnels se rebellaient ou osaient remettre en question l’ordre pré-établi, il n’était pas rare que ces derniers rencontre de fâcheux incidents, certains suffisants pour ruiner leur réputation ter fermer leur affaire, mais pour les individus les plus récalcitrants d’entre eux, la T-Corp ne rechignent pas à employer des méthodes pour le moins plus…expéditives et moins conventionnelles.
Tout le monde se souvient de la disparition tragique du directeur général des hôpitaux publics de Walden, qui était entré en croisade contre la Thylacine, refusant d’installer les machines de dialyse dernier cri développés par la Thylacine, trop coûteuses, au profit d’un autre concurrent, beaucoup moins cher, situé en Youslévie.
Sa voiture avait fait une embardée, sur une route qui venait pourtant d’être déneigée, et avait atterri au fond d’un lac. Le malheureux n’avait alors pas réussi à se dégager du véhicule, sa ceinture étant restée inexplicablement coincée. Le médecin légiste avait alors conclu dans son rapport d’autopsie à une noyade accidentelle, médecin légiste dont l’épouse était par ailleurs chargée d’affaires au Département Ancillaires Chirurgicaux de la T-Corp.
Laboratoire Delta - Thylacine Corporation - Mardi 24 décembre 2009 - réveillon de la Noël
Le Laboratoire Delta, implanté, dans la banlieue nord de Walden, était relativement récent, bâti dans le milieu des années 90, et était l’un des centre de recherche le plus vastes et sécurisés d’entre eux, puisq u’il abritait un Laboratoire classé BioHazard L4. Le site Delta était donc un laboratoire spécialisé hautement sécurisé et hautement contrôlé conçu dans l’unique but de manipuler parmi les agents et souches pathogènes les plus dangereux et hautement contagieux. Le site Delta avait été conçus pour répondre aux normes les plus élevées en matière de sécurité et de biocontrôle, équipés de systèmes de sécurité par caméra thermique et infrarouge, un système de détection par variation de pression au sol, ainsi qu’un contrôle environnemental strict, élaboré pour minimiser le risque de contamination. Le laboratoire n’était lui-même qu’un vaste enchevêtrement d’unités de recherche et d’essais, chacune communiquant par des sas automatiques à double entrée, avec des unités de traitement d’air autonomes et auto-régulées. Cependant elles possédaient une faiblesse et non des moindre, elles étaient in fine reliées au système d’aération central pour une partie d’entre elles, en fait, toutes celles situées dans les services supports et annexes, telles les bureaux, les salles de repos, les vestiaires, etc…
Le laboratoire Delta était utilisé pour la recherche et la préparation des vaccins, de certains principes actifs et autres substances liées aux thérapies géniques, ainsi que des tests diagnostiques à haute performance, et surtout pour des études pré-cliniques, microbiologiques et génétiques sur des organismes et agents pathogènes les plus létaux au monde.
Parmi eux, le virus P456-8901-X9, aussi connu sous le nom raccourci de Virus de la Fièvre Lupienne, un virus mortel et extrêmement contagieux, qui appartient à la famille des virus à ARN. Il se propage par contact étroit avec des fluides corporels infectés, tels que le sang, les sécrétions, les vomissements, les liquides de la peau et les gouttelettes de salive.
Les symptômes comprennent la fièvre, les maux de tête, la fatigue, les douleurs musculaires et les vomissements. Les complications peuvent inclure l'insuffisance hépatique, la jaunisse, la diarrhée sanguinolente et le saignement parfois abondant des yeux, du nez et de la bouche. Si le virus n'est pas traité, il peut entraîner une insuffisance des organes et la mort peut survenir en moins de 6 jours.
C’est donc sur ce charmant mais ô combien fantastique arme biologique produit par Mère Nature que l’équipe du Docteur Henry Stanford travaillait depuis des années, et surtout et plus spécifiquement sur les incroyables mécanismes de réplication cellulaires du virus, parmi les plus efficaces qui soient.
Stanford, un chercheur émérite dont les travaux pourraient accroître encore plus la profitabilité de la T-Corp :
Le Dr Henry Stanford, directeur de recherche depuis plus de 5 ans pour la Thylacine Corp, était dans son laboratoire, seul, accoudé sur son bureau, sous une lumière blanche tamisée, à taper son dernier rapport, un soir de réveillon de Noël. Entièrement dévoué à sa firme, il était l’une des étoiles sur lesquelles la compagnie fondait de nombreux espoirs. Il était en outre doté de nombreuses qualités qui faisaient la renommé des cadres de l’entreprise : une absence de limites liées à l’éthique, un code déontologique fort douteux, adepte de l’adage : la fin justifie les moyens, passionné de science, ne comptant pas ses heures, extrêmement tenace, prêt à toute les extrémités pour prouver ses théories, y compris des expériences frôlant avec l’illégalité la plus complète.
Un deux mots : l’employé modèle comme la Thylacine aimerait en compter davantage parmi ses rangs.
A l'aide d'un microphone, ce dernier était en train de rédiger son rapport d'analyses, le dernier de sa carrière....
Rapport du 24 décembre 22h20 en cours de rédaction par le docteur Stanford :
Le virus de la Fièvre Lupienne modifié fonctionne en se liant aux cellules humaines et en s'introduisant à l'intérieur en perçant la membrane cellulaire grâce à ces récepteurs protéiques de type B24 . Une fois à l'intérieur, le virus se multiplie à une vitesse significative et libère des protéines Zeta qui bloquent le système immunitaire et entraînent des dommages importants aux organes. Le mécanisme d’apoptose cellulaire permet de ralentir la maladie au détriment d’une destruction prématurée d’une grande partie de l’organe. C’est fascinant, ainsi l’organe atrophié sacrifie sa fonction au profit de l’endiguement du virus.
Ce dernier peut également endommager irrémédiablement les vaisseaux sanguins, entraînant une perte de sang et des saignements des yeux, du nez et de la bouche, et d’autres orifices. La perte de certaines muqueuses serait passablement douloureuse, et équivaudrait à des lacérations internes, d’après nos derniers tests sur des sujets de notre laboratoire de recherche au Pontarbello. Il est toutefois à noter que les “sujets” fournis par les autorités pontarbelloises sont des organismes affaiblis, et sous-nutris. Mon estimé collègue a d’ailleurs fait remonter ce problème de qualité et de disponibilité de matériel génétique digne de ce nom en quantité suffisante.
Le virus de la Grippe Lupienne, s’il était correctement contrôlé et jugulé, ferait assurément une arme bactériologique parmi les plus efficaces, et est donc un bon candidat. Mais le Département Développement Microbiologique semble plus intéressé par la création d’un vaccin, probablement plus intéressant d’un point de vue financier.
Et c’est là que le bât blesse, le virus fait preuve d’une étonnante aptitude de résistance à la plupart des traitements connus. La plupart des vaccins à souches virales inactivées se sont montrées totalement inefficaces. Pire, dans certains cas, elles ont aggravé la maladie.
Le traitement d'un malade de la Fièvre Lupienne consiste à ralentir la progression du virus avec des médicaments antiviraux de dernière génération et à réduire les symptômes avec des médicaments symptomatiques. Assurément, la prise en charge et le traitement des complications sont clairement indispensables et doivent inclure des transfusions sanguines, une dialyse rénale et des mesures pour maintenir la pression artérielle et la fonction cardiaque. Une supplémentation en nutriments, en vitamines, et en oligo-éléments est également nécessaire. En outre, le patient atteint de Fièvre Lupienne sera tellement affaibli qu’il lui sera quasiment impossible de se mouvoir et de communiquer.
La Thylacine me demande l’impossible. Un médicament antiviral est un médicament qui cible les virus pour les empêcher de se multiplier. Les médicaments antiviraux fonctionnent en bloquant les étapes de la multiplication virale, telles que la transcription et la réplication de l'ARN viral. Certains médicaments antiviraux peuvent également cibler les protéines virales et les empêcher de se lier aux cellules humaines. Mais les protéines B24 ont jusqu’à aujourd’hui déjoué toutes les stratégies vaccinales anti-virales. Je préconise cependant…
Une ombre se réfleta alors soudainement sur l’écran d’ordinateur, informant ainsi le bon docteur d’une présence inconnue derrière lui. Surpris, il laissa échapper un hoquet d’étonnement, puis lorsque ce dernier se retourna, il exhala de soulagement :
“Oh, seigneur, ce n’est que vous, vous m’avez fait peur….je pensais être seul dans le laboratoire…d'ailleurs comment se fait il que vous soyez ici à cette heure ci…et surtout comment avez eu l'accréditation nécessaire à ….”
Le médecin n’eut guère le temps de finir sa dernière phrase, l’autre personne l’empoigna vigoureusement, et lui injecta alors dans le cou une substance inconnue à l’aide d’une seringue hypodermique.
“Mais que faites vous, non…vous êtes fous, à moi à l’aide par pitié…argggghhhh”
Il s’écroula alors sur le sol froid et blanc du laboratoire, les yeux hagards, la bouche encore ouverte, le visage déformé par la terreur. Le regard était vide et n’exprimait rien d’autre qu’une dernière angoisse comme si le docteur Stanford avait compris ce qui était en train de se passer.
L’ombre saisit alors le badge de sécurité du Docteur Stanford, qui possédait l’un des plus hauts niveaux d’accréditation du Laboratoire Delta. Puis il sortit une pince coupante de son sac, et sectionna l’index de la main droite du pauvre homme, au niveau de la troisième phalange, qu’il déposa dans un sachet plastique zippé.
Il pénétra alors dans la zone restreinte d’accès, et ouvrit un sas de décontamination sur lequel était écrit :
“Hazardous substances - Quarantine Area - Only restricted persons are allowed “.
Il entra dans le laboratoire. C’était rempli d’appareils d’analyses, de microscope à balayage optique, et dans une pièce annexe fermée, de nombreuses cages plus ou moins grandes contenant divers animaux et rongeurs, des petits primates principalement, des rats, et des lapins. Sur une paillasse, sous hotte aspirante, des cadavres d’animaux autopsiés, et des coupes histologiques d’organes. Bref, tout ce qu’il est normal de trouver dans ce genre de laboratoire de recherche sur des agents pathogènes.
Puis sur une étagère l’individu aperçut le coffre à ouverture biométrique recherché. Il sorti le sachet zippé contenant le doigt sanguinolent et fraîchement sectionné de Stanford, appuya sur l’écran d’analyse biométrique par empreinte palmaire. Une voix mécanique se fit alors entendre :
“demande d’accès approuvée - merci Docteur Stanford.”
La silhouette prit alors plusieurs flacons estampillés P456-8901-X9, les mit dans un autre sachet zippé, et s’enfuit du laboratoire comme calmement, en ouvrant toutes les portes et sas du laboratoire à l’aide du badge du docteur Stanford, puis entra dans une camionnette noire sur le parking du site avant de démarrer et de disparaître dans la nuit.
Avant de quitter le laboratoire, l’individu avait pris soin d’ouvrir les cages, et de libérer les animaux qui en étaient prisonniers, en laissant tout ouvert derrière lui.
A 2 heures du matin, une alarme retentit dans le laboratoire et l’unité de confinement de la Thylacine fut alertée et déployée sur le site.