- Antiquité / bas Moyen-Âge : de nombreuses légendes autour de la forêt de Pădure sont recensées dans les récits, mythologies et cosmologies des pays de la région. Impénétrable, considérée comme une frontière naturelle au cœur du Nazum, elle est parfois décrite comme infinie, ou comme une frontière entre les terres civilisées et le bord du monde où règne l'inconnu. Certains la décrivent comme un territoire maléfique mais d'autres préfèrent y voir un rempart qui protège les hommes. Parfois considérée comme sacrée, la forêt de Pădure demeure vierge et si l'on recense bien ici et là des tentatives d'implantation dans les bois, l'hostilité du milieu repousse toujours les hommes à la marge.
- 1245 : l'explorateur Rémien Marcus Paullus décrit dans ses Récits de voyage vers l'Orient "un océan de pins, hérissés comme des pales". Il décrit également à la cour de l'Empereur "un monde où les lois des hommes et de la nature ont été abolies, où la sève des arbres est d'or et l'eau tantôt empoisonnée tantôt offre la vie éternelle."
- Haut Moyen-Âge : le développement des moyens de transport et la recherche de nouvelles routes commerciales intra-nazuméenne encourage l'exploration de la forêt de Pădure. Le terrain se révèle toutefois profondément hostile, passés les premiers milles. Le feu ne donne guère plus de résultats : arbres immenses, centenaires voire millénaires, les brumes humides et la moisissure gênent la visibilité et empêche les flammes de prendre. Plusieurs expéditions pourtant bien organisées disparaissent sans laisser de traces, d'autres sont contraintes de revenir sur leurs pas. Toutes témoignent de l'impénétrabilité de la forêt et certains récits de diables et de démons tendent à décourager les initiatives.
- XIVème siècle : le peuple exilé de Blême s'installe sur les côtes du Nazum et fonde la ville de Port Palid. Au cour des décennies suivante, poussé par la nécessité et l'hostilité de la région, il s'enfonce dans les terres jusqu'à être stoppé par la forêt. La position stratégique de son territoire qui ferme l'accès au nord du continent lui permet de prétendre à devenir une Marche de l'Empire Xin. Le Grand-Duché de Transblêmie est fondé.
- XVème et XVIème siècles : bloqués par la présence de la Transblêmie qui se militarise, les peuples nomades des steppes du nord-Nazum tentent de traverser Pădure afin de poursuivre leurs traditionnels raids contre l'Empire Xin, sans succès. Les éclaireurs s'y perdent et ne reviennent pas, ce qui contribue à mettre fin à des siècles de guerre. En 1475, l'un des derniers grands rois de Tatarie décide de faire marcher son armée à travers la forêt et de se tracer un chemin à la torche et à l'épée. L'armée disparait. Quelques années plus tard, le Grand-Duché de Transblêmie revendique la forêt de Pădure (et lui donne son nom connu) comme frontière naturelle de l'Empire. Cette revendication demeure toutefois purement déclarative, malgré ses efforts, le Grand-Duché ne parvient jamais à pénétrer réellement Pădure et encore moins se l'approprier.
- XVIIème siècle : le développement technologique, notamment la maîtrise de la poudre à canon, fait reconsidérer la faisabilité d'une maîtrise du vaste territoire de Pădure. Le Grand-Duché de Transblêmie y pénètre par l'ouest et installe des avant-postes dans les bois. Plusieurs expéditions conséquentes sont envoyées dans le but de rejoindre l'autre côté du continent. La plupart disparaissent. Le Grand-Duché obtient cependant quelques résultats modestes et annonce, dans une lettre à l'Empereur Xin, la construction de plusieurs villes renforcées dans les marges de Pădure. Dix ans plus tard, cependant, le Grand-Duché reconnait n'avoir pas su en tenir la plupart, abandonnées à la forêt.
- XVIIIème siècle : le lent déclin des Xin et la fascisation du régime transblême font de nouveau abandonner les prétentions civilisatrices des grandes puissances sur la forêt. Les pays qui l'entourent n'ont plus les moyens financiers et logistiques d'organiser des expéditions que l'on sait vouées à l'échec. Des scientifiques de l'Empire Xin s'attellent néanmoins, en collaboration avec les Transblêmiens, à rédiger un ouvrage faisant aujourd'hui référence comme l'un des premiers récits documentés sur la région : Voyage en Pădure : récit d'exploration du Général Duan Gengxin mandaté par Sa Majesté l'Empereur Ushong et du sire seigneur du château de Moartea, Ionel Martinescu. Ce texte (aujourd'hui numérisé) décrit en détail l'orée de la forêt de Pădure que les deux explorateurs ont longé pendant plus d'un an et quatre mois afin d'en tracer les limites. Confirmation (s'il en fallait) que Pădure ne marque pas le bord du monde et qu'il est possible d'en faire le tour. Les descriptions se bornent néanmoins aux sous-bois peu profonds et décrivent une forêt typique de la région, continentale au sud et boréale au nord. Plusieurs caractéristiques notables sont toutefois précisées dans le texte :
- la grandeur des arbres si tant qu'il vous faut presque décoller la tête pour en appercevoir les cimes
- la noirceur des sous-bois tout dissimulés au soleil si bien qu'il y fait nuit noire même le jour
- les vagues de brouillard humide qui trempent vos tissus les plus profondément enfouis et qui tombent sans prévenir, soufflent vos torches et vous font perdre le sens de la route
- les bruits qui semblent non naturels, déglutis par le démon
- l'activité magnétique perturbante si tant qu'il nous fallu jeter très tôt nos boussoles car dès lors que vous y pénétrez, celles-ci s'affolent comme possédées
- les feux follets qu'il arrive de confondre avec les torches de devant et lors plonger dans les marécages si profond qu'on a beau y crier, la vase étouffe vos plaintes et qu'on y perdit vingt hommes comme cela, sans qu'il soit possible de n'y apporter aucun secours.
- XIXème siècle : les grands explorateurs du monde entier se lancent à la conquête des lieux les plus reculés de la terre : pôles et sommets les plus hauts. Pădure attire son lot d'expéditions mais celles-ci ne connaissent guère plus de succès que les précédentes. Les explorateurs explorent la forêt en trop petits nombres et la dangerosité des lieux rebute les nations à donner leur accord pour sacrifier des scientifiques et aventuriers plus utiles ailleurs. La Transblêmie fait également peser une menace sur l'ouest du continent et il arrive à plusieurs reprises que des explorateurs soient massacrés avant même d'avoir pénétré Pădure. Quelques survols en avion sont également tentés mais l'isolement de la forêt, la faible autonomie des appareils de l'époque, les bizarreries magnétiques et la force des vents et des tempêtes qui soufflent sur la région limitent les initiatives. Du reste, Pădure n'a jamais présenté un réel intérêt en termes de ressources et beaucoup font le constat que mis à part pour la gloire ou la science, consacrer d'avantage d'argent à son exploration est peu utile. L'explorateur et naturaliste Charles Darlose insistera en 1856 pour passer plusieurs mois à l'orée de la forêt, sur la promesse de ne pas s'aventurer plus loin que dix-mille pas dans le sous-bois. Il en rapporte une faune et une flore étonnante, et son expédition contribuera grandement à étoffer ses travaux sur l'Origine des espèces.
- XXème siècle : le monde se referme progressivement, les frontières s'hérissent et voyager devient malaisé. Malgré quelques survols de la forêt en 1924, 1955 et 1959, Pădure se confine à un lieu mystérieux et lointain, contribue à la culture populaire et fait l'objet de plusieurs films et d'un grand nombre de romans fantaisistes. Les explorations cessent toutefois. L'unique tentative de la Transblêmie de larguer par avion du napalme ne donne pas de résultats satisfaisants. L'humidité étouffe l'incendie et la quantité de combustible nécessaire pour déboiser une zone exploitable nécessiterait un financement largement au-dessus des moyens du Grand-Duché.