Posté le : 02 jan. 2024 à 00:39:07
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Communication à une étudiante en échange
clea.saburo@comsaphr.ks
Tanadi Huojin,
Désolé de ne pas t’écrire aussi souvent qu’avant. J’ai un tas de choses à te raconter mais comme tu le sais je n’aime pas vraiment ce médium. Pas que j’ai un problème avec l’informatique, en fait ce que tu m’as montré m’est même très utile ! Mais je préfère voir les gens, leur parler pour leur dire des choses. Et j’ai beaucoup de choses à te dire.
Je repense à notre rencontre. J’ai du mal à croire que ça fait déjà trois mois qu’on ne s’est pas vu. Et c’est du pur hasard. Si Javan n’avait pas essayé de me draguer on ne se serait jamais parlé ! Et je n’aurai pas rencontré ce mec si je n’étais pas venue à la soirée organisée par le comité d’accueil des étudiants étrangers. Et comme je n’avais pas trop envie d’y aller, on peut dire que je dois ta rencontre à Mathilde, qui a beaucoup insisté pour que je vienne, notamment parce qu’elle voulait venir, mais pas seule. Bref, c’est vraiment lié au hasard.
Tu sais déjà à quel point notre rencontre m’a fait du bien. Même au-delà de la simple curiosité qui accompagne le fait de parler une autre langue avec des locuteurs natifs, j’ai simplement passé d’excellents moments avec toi. Te faire visiter ma ville, celle où j’ai grandi et passé vingt-et-un ans de mon existence, c’était vraiment génial. Surtout que tu étais réceptive. Je ne sais pas si tu as conscience d’à quel point c’est important, d’être réceptif. Pas pour soi, mais pour les autres. On est seul – c’est quelque-chose que je me dis souvent. On est seul et on peut tenter de se rapprocher des autres, sans jamais réellement y arriver. Donc tout ce qu’on peut faire, au final, c’est faire comprendre aux autres qu’on veut se rapprocher d’eux. On aura jamais accès à eux, réellement. Leur intimité leur appartient et les mécanismes psychologiques qui les poussent à comprendre ou vivre les choses d’une manière ou d’une autre leur sont si propres qu’on ne peut pas vraiment compatir ou empathire. On aperçoit l’idée qu’ils renvoient, mais pas la réalité de ce que c’est. Par conséquent, quand on donne l’impression à quelqu’un de vouloir s’intéresser à ce qu’il nous dit, quand on est réceptif, on leur dit qu’on ne veut plus qu’ils soient seuls, qu’on s’intéresse à eux. C’est un effort un peu vain mais qui fait vraiment plaisir.
Et à ce propos j’espère que ça va mieux, de ton côté. Tu m’avais dit que tu devais aller faire de nouveaux examens pour tes problèmes de cœur. Je sais que ce n’est pas quelque-chose de mortel, surtout que tu fais très attention, mais parfois j’y repense et ça m’inquiète. J’espère que tout s’est bien passé. J’ai des amis qui avaient l’air de croire que tu venais d’un pays ou de genre de truc coûtait super cher, ils ne savent pas que le Negara est un pays socialiste, apparemment, enfin bon.
De mon côté j’ai été prise dans une formation supérieure double de guérilla scientifique et d’anthropologie des méthodes scientifiques. En d’autres termes c’est passionnant, mais j’ai rarement eu aussi peu de temps pour moi. Je pourrais te déblatérer les noms de mes profs mais ça ne t’aiderait pas beaucoup, je sais que ce n’est pas vraiment un domaine qui t’intéresse. Au final, ce qu’il faut retenir, c’est que ce sont tous des tronches et que la plupart sont des sommités de la recherche. Par contre plus ils me parlent du milieu moins ça m’intéresse. Je crois que je préférerai faire quelque-chose de plus pratique, en fait. Peut-être intégrer une commission du plan ou du maximum.
De ton côté, toujours en architecture ? Tu avais des doutes, mais j’ai lu que le Nazum avait besoin de beaucoup de gens comme toi, surtout avec l’embelli économie, ça construit de partout. Et tu pourrais peut-être revenir à Heon Kuang, puisque la ville t’avait plu. Elle change de visage tous les ans, ils ajoutent tout le temps de nouveaux bâtiments.
À l’occasion j’aimerai bien qu’on puisse se revoir. Je vais repasser au Nazum voir ma famille pour les fêtes de l’indépendance. Si je traversais la frontière pour faire un peu de tourisme, tu pourrais peut-être m’accueillir ? C’est une idée en l’air, mais ça pourrait être sympa.
Et accessoirement ça me permettrait de te rendre ce bouquin que tu m'avais prêté. C'est ça où je le collectivise au nom de la révolution, à toi de voir.
Toujours aussi amicalement,
Cléa.