Pour qui la découvrait, Albigärk faisait souvent l’effet d’une vieille dame un peu trop maquillée. A la fois ancienne et moderne, nouvelle et historique, plusieurs fois conquise et plusieurs fois reconstruite, s’y fréquentaient des bâtiments à l’architecture sobre et brutale de béton et d’autres, témoins de plusieurs siècles de recherches et de modes, offraient à la vue des courbes florales et ondulées, toutes en élégance art-nouveau.
A l’image de la ville était également sa diplomatie : incohérente et plurielle.
Sur le tarmac du grand aérodrome où étaient attendus les représentants des cinq pays ayant répondu à l’appel du Président de l'Albigärk Yleisyliopisto – l’Université Générale d’Albigärk – se tenait ce-dernier, avec au bout de sa laisse un élégant golden retriever, quelque peu vieillissant. On avait chapeauté l’animal d’une couronne qui tenait grâce à un léger cordon passé autour de son cou ce qui ne semblait par ailleurs pas le déranger.
Autour de Ransu Rasanen se tenaient quelques personnes d’importance, présidents eux-mêmes d’universités subalternes, représentants de syndicats étudiants ainsi que monsieur le chef de la police Tommi Karlsson qui semblait fort angoissé à l’idée que quelque chose puisse mal se passer.
Rasanen, lui, affichait cet éternel sourire ineffaçable qui le caractérisait et semblait en permanence donner l’impression bizarre qu’il venait d’assister à la chute d’une bonne blague que lui seul pouvait comprendre.
Il accueillit ses hôtes bras grands ouverts, confiant la laisse de Sa Majesté Nemo IIème du nom à l’un de ses compatriotes et s’en alla à l’avant de chacun des invités qu’il salua avec beaucoup de cordialité et de politesse, respectant pour chacun le protocole approprié. Albigärk, pour sa part, n’en était pas pourvu, sinon que dès que Rasanen se fut enquit de savoir si leurs voyages s’étaient bien passés, les représentants du Royaume de Saare, de celui du Frahaïvet, de la République d’Uusimaa et de celle du Finnevalta ainsi que le représentant Pharois, tous furent invités à flatter la tête de Sa Majesté Nemo II, canidé de sa personne.
« Le protocole, c’est le protocole » expliqua Rasanen d’un air de bien s’amuser.
Albigärk étant une vaste ville, on se dirigea vers les voitures dans le but de se rendre à l’ancien Palais royal, surnommé « la niche » depuis que le Roi était un chien, voyage durant lequel Ransu Rasanen entretenu ses hôtes des intentions de la rencontre.
- Outre la dimension symbolique – à ne pas négliger – c’est historique que chacun des cinq pays de la Péninsule albienne – si l’on met de côté la petite enclave okaristanaise – se réunissent ensemble. Ce territoire a été uni dans le temps et forme indiscutablement une entité géographique cohérente et puissante, pourvu qu’elle adopte un semblant de vision commune. Frontières, populations, échanges culturels, économie, tant de chose à discuter, tant de projets à bâtir.
Il semblait heureux.
- Albigärk est l’ancienne capitale du Royaume d’Albi qui unissait autrefois la Saare, le Finnevalta, le Pharois et l’Uusimaa [hrp : le Frahaïvet aussi si intéressé par une histoire commune ?]. Aujourd’hui nous ne sommes rien de plus qu’une ville universitaire. Mais notre caractère inoffensif nous place dans la meilleure des positions pour vous réunir tous, chers voisins, autour d’une même table. Ce n’est pas à moi, humble président d’université, de vous dire quelle politique mener et comment le faire, je n’ai rien d’un politicien, mais je peux vous en donner les moyens en créant les conditions de notre rapprochement.
- Il y eut autrefois une Union Albienne, accompagnée d’un parlement et de lois communes. Des embryons de tout cela demeurent : les Pharois et les Finnevaltais se sont arrangés sur plusieurs questions, notamment pour unir certains de leurs secteurs stratégiques comme la médecine ou l’énergie. Il en va de même pour la défense militaire, je crois, puisque ces messieurs du Pharois assurent par la présence de leur marine et de leur aviation, la sécurité de toute la péninsule.
- Tout cela n’attend que d’être harmonisé, débattu, prolongé, étendu. Pour ma part, je ferai à chacun de vous la même offre que j’ai faite à tous les pays albiens : vous pourrez, à condition de vous engager à défendre notre modeste Commune, profiter de ses universités et de ses formations. Vos jeunesses pourront se rencontrer, se parler, se connaître, s’aimer et un jour peut-être se confondre et de nouveau ne former qu’un peuple. Nous offrons à chaque pays de la Péninsule, pourvue qu’il tende la main en retour, la science et les secrets d’Albigärk, nous lui ouvrons nos frontières, nos écoles, notre diplomatie. Ce que nous demandons en retour : presque rien : juste, d’essayer, un instant de travailler ensemble plutôt que les uns contre les autres.
Aussi, si votre pays était menacé par une OP hostile, vous pouvez demander de l’aide à Albigärk pour qu’elle utilise ses usines culturelles et ses services de contre-espionnage pour vous défendre.