Posté le : 28 août 2023 à 22:03:33
2927
Au moment où le malaise s’installait entre sœur Bénédicte et mademoiselle De la Chasse en Bois-Noble, Mwamba Etoto roulait encore sur la piste qui menait à Rwamara. Il était accompagné du caporal Gontrand, qu’il avait nommé aide de camp, et qui à ce titre gracieux avait le droit de conduire la vieille jeep de marque gallèsante LMA. Il avait accepté cette invitation sans trop savoir à quoi s’attendre, de cette primaine tout juste débarquée d’une part, et de cette bonne sœur, compatriote certes, mais prêchant une religion dont, au pays, on avait jamais entendu parler. Il avait bien sûr suivi, grâce au rapport de ses espions mais surtout aux commérages et aux ragots, toutes les manœuvres des primains et des prédicateurs de Volignon. On se moquait un peu, dans le camp et dans les chaumières, de ces pièces de théâtre en froufrou et de ces illuminés qui suivaient un nouveau pape, alors qu’ici on ne savait déjà pas trop quoi penser du premier. Mais ils aidaient, ils développaient le pays. Et le progrès, le sacro-saint progrès, c’était ça le plus important.
Lui-même s’en fichait un peu de ces affaires de curés. Se disant toujours chrétien, et avant tout chrétien, il avait fréquenté l’Eglise dans sa jeunesse, et avait été catéchisé par ses parents. Puis dans sa vie d’adulte, il était plutôt allé au temple, mais enfin il avait surtout été à la caserne, et les rites... Comme il aimait à le dire, « c’est une affaire de bonnes femmes ! ».
La jeep entra en trombe dans ce qui devait être la cour du couvent en construction, où Gontrand entreprit un périlleux dérapage au frein à main. Une fois à l’arrêt, le colonel lui donna un claque dans la nuque : « Un peu de tenue, Ducon ! ». Il sortit seul et lui intima l’ordre de garer proprement le véhicule. Puis, sans attendre son subalterne, il s’avança vers la tente. On l’accueillit et on le conduisit à ces dames. Après quelques échanges de salutations, durant lesquels Etoto fut confus de ne pas savoir comment se présenter à une ambassadrice, ils se retrouvèrent tous trois assis en cercle, sur des chaises pliables posées dans la terre battue. Ils pouvaient commencer.
« Mesdames, on m’a dit que Prima voulait nous aider à bâtir le "Pitsiland". Si c’est vrai j’en suis ravi. On m’a déjà fait savoir que vous envisagez d’envoyer des mercenaires, et on m’a dit : "la contrepartie sera religieuse". Je comprend comme vous êtes là ma sœur qu’il s’agit de votre truc, là, Vololo où je ne sais quoi. Pour commencer, vous devez savoir que, de là où nous en sommes, à rétablir une république Pitsi, y’a du boulot ! Vos mercenaire, madame l’ambassadrice, je les veux bien. Mais il nous fait aussi du matériel, des vivres, de quoi faire vivre les hommes, attirer du monde. Comme on dit : "n’importe quel abruti peut lever une armée, au moins jusqu’à l’heure du dîner". Et puis il faudrait m’assurer que Prima et ses cadets ne vont pas me faire chier. Que mon commandement sur le MILP sera respecté. Et qu’il vont pas faire foirer nos raids. Je vais pas entrer dans les détails militaires avec vous mesdames, c’est une histoire d’hommes, mais la guérilla ça s’apprend. La vie dans la jungle, c’est pas donné au premier toubab venu. Et ici on a un bon esprit de corps, j’aimerais bien que ça dure. Si on est bon sur ça, je verrait ce que je peut faire pour votre religion. Y’a toujours la Vierge et son fils qui est mort sur La Croix, rassurez-moi ? Vous êtes chrétiens ? »