Invisible sous le crachin, un grand vaisseau de guerre mouillait dans la baie. C'était une antiquité pour certains, mais une antiquité qui les avait réunis ici ce matin. Un navire, un capitaine et un projet. La plupart des Pharois se seraient même contenté de moins, en ces temps de chômage, mais ceux qui s'étaient présenté ne venaient pas enquête d'une paie, mais d'un but. Et un but, ils, pouvaient leur en proposer un.
L'homme était élégant, la femme aussi.
L'homme était grand, la femme petite.
L'homme était vêtu de fourrures blanches, la femme de laine noire.
Il avait de la dureté dans le visage, elle dans les yeux.
Il se tenait debout, elle assise.
Il ne souriait pas, elle si.
"Humanité", "humanité" répétait-il d'une voix brisée, des larmes coulaient sur ses joues, tellement à flot qu'il était impossible de les confondre avec la pluie. "C'est un poète." confia la femme.
"Humanité." la seule qui vaille : celle des poètes, des romantiques, des passionnés. Humanité oui, rejeter l'ordre bourgeois, celui des réactionnaire et celui des socialistes, rejeter l'ordre et le confort, rejeter la paix des hommes, la loi, la règle. Rien de tout ça ne comptait en définitive, tout n'était que prison, prison, et ruines de projets naïfs. Sur les ruines prospéraient les pirates, alors une fois de plus, ils s'apprêtaient à reprendre la mer.
- "Albigärk la superbe a achevé son projet !! Le bateau ivre s'apprête à prendre la mer !" Ses larmes trempaient son large manteau de fourrure d'ours aussi sûrement que le crachin. "Leur déclaration au monde, oui et la notre !"
Il écarta les bras, dans une amplitude suffisante pour envelopper trois hommes adultes. Géant, colosse sensible, et sa petite femme à côté, derrière, qui fumait. Des deux, c'était elle qui décidait à la fin.
"A nous ! A nous ! Le projet pour l'humanité ! Nous partons à la croisade libre, sans fanal et sans credo ! Car la voici, l'humanité, au cœur de la piraterie !"
Cela n'avait guère de sens, mais ils savaient tous qu'il avait raison.