25/02/2015
16:08:36
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Missions de Pădure

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Missions de Pădure

Ici seront contés la façon dont vos expéditions tentèrent de survivre à la forêt.

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Pădure – Jour 1 : premières visions



"- Garde un oeil sur l'altimètre. Oui, je sais que ça déconne un peu, mais j'aime autant que lorsqu'on traverse un nuage et les trous d'air, on sache de combien on a chuté."


C'est mon troisième voyage... Je ne connais pas les lieux par coeur, mais je me souviens de ce que j'ai vu les dernières fois et je vais encore en découvrir plus cette fois-ci, c'est certains.
Et puis, maintenant je suis prêt, j'ai trouvé ce que j'estime être l'emplacement le plus à même de permettre l'atterrissage... et le décollage... on compte sur moi, pas de pression.

Quatre mois de préparation, avec deux mois de modifications de l'appareil.
Mon zoiseau, il vole maximum à... aller on va dire 3 600 kilomètres, un rayon d'action tout à fait convenable, mais à pleine charge, je me méfie toujours un peu.
Bah ouais, il suffit d'un mauvais vent ou de ces fichus cumulo et mes turboréacteurs brûlent du carburant à tire larigot.

Quand Ania m'a contacté, j'ai cru qu'on retournait au Paltoterra, chez les fanatiques et le Mont Trinité ou même voir les Shuharrs ou Charbonniers.
Nan, elle m'a dit avec un sérieux qui lui est tout naturel,



"- Eylan, on a besoin de toi. On a vraiment besoin de toi."


Soyons honnêtes, Ania, elle me demande ce qu'elle veut, je sais que ça paye bien, mais c'est surtout qu'elle m'emmène toujours dans ses valises quand il y a des difficultés à surmonter.
En même temps, je ne manque pas de travail, mais Ania... c'est une pro, elle sait ce qu'elle fait, malgré les risques, les enjeux.



"- On va dans le Nord du Nazum."


Okay, mais ya rien dans le Nord du Nazum, à part les Burujoas, les Transblêmes ou juste dans cette partie du globe, des régimes qui me filent les j'tons.
Je n'avais pas prévu que l'Althalj, que ce soit la Sororité ou la communauté scientifique, fasse appel à moi afin de convoyer aux abords du plus grand des mystères de ce siècle...

Une petite centaine de personnes à transporter et du gros matériel. Je leur ai dit que mon avion ne suffirait pas, que c'était vraiment compliqué là... elle est où la piste d'atterrissage ? Comment ça, ya pas de cartes ? C'est quoi ces problèmes électromagnétiques ? Vous rigolez ou quoi, il n'y a aucune visibilité à cause de l'humidité si intense qu'elle masque la canopée ? C'est le pré carré de la Transblêmie, donc on va croiser des tarés aux chapeaux pointus comme si on était dans une jungle primaine ?

C'était n'imp, donc j'ai dit oui.


Mes deux avions de type AQ 119 (Althalj Uqab), de vrais bijoux historiques nationaux, sont alors sortis de l'entrepôt et je m'attèle à la tâche.
On parle de huit étapes d'Ilfiku vers Pădure et pas des moindres. Il aura fallu s'assurer que notre trajet n'allait pas nous attirer quelques blocages lors du départ ou même lors du voyage...
Trajet, logistique vers Padure, itinéraire 1
  • Banairah, pas de problème, j'ai mes fournisseurs.
  • Sultanats Arabes, pas de soucis, c'est d'ailleurs un choix de prédilection pour les petits porteurs comme moi.
  • Shuharri, pareil, tout baigne, les Shuharrs sont décalés, mais je les aime bien, surtout qu'ils m'ont bien aidé deux trois fois, quand la jauge de carburant avait fait des siennes.
  • Burujoa, pas la première fois, mais il fallait bien s'assurer que tout était nickel avec eux. Un accord ou contrat a été passé avec l'Empire Burujoa, parce qu'on va leur en acheter du carburant... tout de même, si on respecte bien les us et coutumes, je suis plutôt content d'y passer un peu de temps. Les gens et les paysages sont beaux...
Bref, j'avais et j'ai toujours carte blanche au niveau des dépenses.
Je suis arrivé au Nord du Burujoa, il y a de cela plusieurs semaines déjà.

Après un premier vol de reconnaissance chaotique où on a bien compris qu'il valait mieux éviter de survoler la forêt, ou la canopée, lorsqu'elle daigne percer la couche de nuages qui vient s'y loger comme dans un lit douillet.
Aziz, mon copilote depuis treize ans, est généralement discret et efficace. Il connaît parfaitement les zings et on a bien bourlingué ensemble. Aziz, c'est le cinquantenaire qui parle pas trop hein, mais qu'il faut pas faire suer, car il a une clef à molette dans la poche à tout moment. Après les premiers voyages, il fera voler le deuxième corbeau (Uqab), j'ai entièrement confiance en lui, et personne d'autre, sauf peut être Ania, sa bande et Thiziri n Bathul, bien que je ne la connais pas trop en fait.

S'te dame, c'est celle que j'ai rencontré lorsque nous avons signé le contrat. Contrat, contrat... on a bu un thé à la menthe et on a fumé ensemble, ça aura fait l'affaire... j'suis de la vieille école...

Thiziri, c'est un peu la cheffe d'expédition. Je dis "un peu", parce que c'est surtout Ania qui sait ce qu'elle fait et ce qu'il faudra qu'on fasse dans cet endroit étrange.
Bref, Thiziri est une scientifique, mais elle est le pivot entre les chercheuses et le Buslat Althalj, la bande d'Ania et enfin les délégués de la Sororité... celles avec les gros bras...
Elle a l'air aussi d'être compétente et lorsqu'elle parle, les gens écoutent, donc... donc ça me va.



"-Eylan, d'après la carte, on est à 15 000 de l'emplacement."


Aziz me rappelle à mes responsabilités.
Le bruit est si fort dans l'avion que nous communiquons comme au siècle dernier avec des casques et des micros.
Je regarde à travers les essuis glace qui se donnent à fond et je ne vois rien. Au dessus de mon champ de vision, j'ai collé deux, trois instructions, rappels et points de repères qui devraient percer à travers la couche nuageuse.
Je suis sûr de moi, parce que je me suis calé sur ces reliefs lors des deux voyages de reconnaissance précédents.
Je me redresse sur mon siège et je pointe du doigt vers le Nord, Nord Ouest, vers la droite quoi.



"- Tiens, là, on voit la colline et le bosquet.
Ah et regarde à 11h, je vois le début de la forêt dense. Tu vois ? Oui, là, exact. "


A travers les vitres dégoulinantes ou raclées par les essuis-glace, on voyait par intermittence les fameux points de repères.
Je savais que la clairière se situerait plus au Nord, juste derrière la colline et son bosquet.
Une "clairière"... plutôt une tourbière ou un marécage avec ce temps...

Et c'est pour ça que j'ai fait modifié les trains d'atterrissage, comme si nous atterrissions sur de la neige ou de la glace.
Bien sûr, je ne me suis pas contenté de mettre des skis sur les roues comme au Paltoterra, j'ai du m'assurer que les amortisseurs tiendraient le choc et surtout que ces "skis" seraient suffisamment costauds et remontés à l'avant pour éviter qu'on s'enfonce d'un seul coup dans la terre et plouf saut périlleux, salto avant.
Aziz et moi l'avions testé au Burujoa... pourvu que ça tienne...

Les nuages se dispersaient au fur et à mesure que j'approchais l'avion de la colline et enfin... comme une piste ouverte, la clairière se dévoila au grand jour face à nous.
Au dessus, une chape de plomb, des nuages bien lourds qui n'attendaient que de nous tomber dessus.
A gauche, des nuages tous gris qui masquaient la Forêt.
A droite, des nuages encore bien gris qui n'hésiteraient pas une seconde pour me masquer MA piste.

Aziz confirma que nous allions atterrir.
J'ai pas eu le temps de discerner les soulagements ou la frousse des passagers.
L'avion était culbuté depuis déjà bien trente minutes et les trous d'airs, auxquels nous sommes d'ordinaire habitués, avez tout pour vous retourner l'estomac, s'il n'était pas bien harnaché comme les nôtres.

Train d'atterrissage sorti, les voyants s'allumèrent pour signaler que tout était en ordre.
Aziz regarde l'altimètre et aide sur des indications.



Uqab I en approche de la clairière d'Alkhiam Althaljia


"200 mètres"

Je tangue de gauche à droite, mais je stabilise. La piste est devant.

"175 mètres"

La piste est en fait presque entièrement recouverte de grosses flaques, espérons que ce ne soit pas profond.

"150 mètres"

L'avion est soulevé un instant et je pousse vers le bas sur les commandes afin de forcer temporairement face à la bourrasque.

"125 mètres"

Non, ce n'est pas profond, il y a des amas de terres. C'est suffisamment plat, ça va le faire.

"75 mètres"

Je viens de voir un rocher, l'enflure, j'espère qu'il n'y en a pas d'autres.

"50 mètres"

Vent de travers ! J'ajuste. Aziz tourne la tête pour regarder en bas un instant.

"25 mètres"

On a suffisamment de distances, c'est parfait.

J'effleure d'abord les touffes d'herbe et l'eau qui vient doucement freiner l'avion le nez encore en l'air.
L'avion s'enfonce un peu plus et se pose à l'arrière, des gerbes d'eau remontant sur la carlingue qui fait un bruit de cascade ou de lave-automobile.
J'abaisse le nez de l'avion délicatement malgré la culbute du terrain ; diantre les amortisseurs font leur taffe.

L'avion se pose entièrement et freine face à la pression de l'eau à l'avant de l'avion.



"- Un petit aquaplanning vers la colline, ça évitera d'avoir les pieds dans l'eau hein..."


Quelques minutes plus tard et quelques bosses évitées et cette peur d'anfractuosités du terrain, l'avion sort de cette longue voie naturelle de flaques d'eau.
Les hélices des turboréacteurs s'arrêtent dans un vrombissement tout particulier et assez satisfaisant.

J'enlève mon casque après m'être occupé de vérifier les informations au niveau du cockpit.
Aziz s'occupe déjà d'ouvrir la baie arrière.
Okay, tout est en ordre, allons voir dehors à présent.

Je sors du cockpit et Ania et sa bande déjà debouts me font un signe universel de la main : l'index et le pouce formant un rond, le reste des doigts vers le haut.
Ania et ses cinq acolytes sortent de l'appareil avec leur barda tandis que Thiziri suit avec deux personnes, un fusil de chasse en bandoulière. Et enfin sur le côté, quatre scientifiques, botanistes, spécialiste en géologie, en anthropologie et religion, de même que quatre ingénieurs nécessaires à la création et au maintien d'Alkhiam Althaljia.

Je ne m'en étais pas rendu compte immédiatement, mais seulement en sortant de l'appareil.
Mes pas résonnent sur le métal de la passerelle abaissée après m'être faufilé entre les malles et les caisses correctement emmaillotée dans d'immenses filins.

La bouffée d'humidité et de froidure ne me sont pas étrangères, mais l'odeur environnante est bien nouvelle.
Ca sent... ça sent bon !

Une odeur de tourbe, de pins, d'eau fraiche, de moisissures, mais celles de saison, tout devrait être familier, mais il subsiste un mélange étonnant de "clarté", de pureté, qui s'engouffre dans les poumons et vivifient les muscles, réveille les yeux fatigués et les esprits embrumés.

En face, la colline et son bosquet d'où une petite brume s'élève. Au Sud, un petit peu plus loin, la Forêt, vaste et majestueuse dont la canopée se perd dans les méandres des nuages qui daignent montrer de temps en temps quelques visages de ces arbres hauts et anciens.



"- Eylan, un sacré bon boulot ! Bravo !
Il faut contacter le point de contrôle au Burujoa. Est ce qu'Aziz peut s'en occuper ? Je l'accompagne.
Ania, je vous laisse décharger avec les équipes."

"- Mmmh il me faut deux personnes pour m'aider à vérifier notre... piste. J'ai vu des rochers et on va les marquer à la bombe rose pour éviter de se les coltiner au décollage ou l'atterrissage."


Assez rapidement, les équipes se mettent au boulot.
Uqab I peut être chargé avec proche de 12 000 kilogrammes, donc autant vous dire que les premiers équipements sont disponibles, malgré mes "skis" de rechange.
Les caisses sont déchargées par la passerelle entre l'empennage bipoutre de ce modèle d'avion et entreposées sur les flancs de la colline afin d'éviter d'être pris de court par un terrain clairement de plus en plus boueux au fur et à mesure des passages.
On décide alors de briser certains coffrages en bois des caisses pour en faire des planches et établir des chemins stables, le premier chemin et ponton officiel entre les flaques d'eau qui forment la piste et la colline.

Un ingénieur a déjà sorti un instrument et fait des carottages. Ah non, il sonde le terrain pour comprendre sa composition. Peut être pour trouver du "solide" et éviter le bourbier...
L'escorte de Thiziri a aidé Ania à sortir des tentes pour les disposer un peu plus loin de l'eau.

Tout ce petit monde sait déjà ce qu'il a à faire, tandis que je dois parcourir MA piste avec de grandes bottes pour cartographier et renforcer ma confiance en sa fiabilité future.
Le prochain challenge sera le décollage... toutefois j'aurais moins de cargo, donc ça devrait carrément le faire.

La terre est meuble, mais je ne m'y enfonce pas vraiment. Je ne pense pas que ce soit une tourbière. Mes aides bombent en rose les petits rochers et grandes aspérités de la piste pendant que j'estime les distances sous une parqua goudronnée, comme un manteau de pêche de la Baie d'Ilfiku.



"- Hey beh, nous ne sommes pas seuls."


Face à moi, sur une terre relative meuble et boueuse, une trace d'élan... une sorte de caribou ?

Je me tourne vers la Forêt et je me demande comment il est possible d'avoir laissé un havre si immense inexploré après tant de siècles d'exploration à travers le monde.
La pluie reprend de plus belle et dégringole à torrent, faisant se déchaîner les flaques comme sous l'effet d'un immense caisson de basse.

Là bas, mon avion chaussée de skis, la colline, future campement de base Alkhiam Althaljia, la Forêt éthérée...

Merd%, j'aurais peut être dû refuser cette fois-ci.


Paysage éthéré de Pădure
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Pădure – Jour 2 & 3 : premières visions



Tamayast était sûrement la personne la plus à même de réussir.

Faisant partie du groupe d'Ania depuis sa création, Tamayast était une survivaliste qui était maîtresse dans l'art de prodiguer les vitamines et la nourriture nécessaire au groupe dés que possible et nécessaire.
Gabarit et humeur typique d'Acilmum, elle avait grandi aux abords et au sein des montagnes de l'Altilal Almujamada (Dorsale Glacée) dans ces villages aux demeures en pierres grises et aux chaumières recouvertes de neiges. Dans les hauts, il fallait miser sur les animaux surtout, le jardin et la cueillette saisonnière ; champignons, herbes, racines, tout était bon pour permettre à la famille et au groupe d'être nourri avec une variété importante, suffisante et équilibrée.
Plus d'une fois, elle avait fait la démonstration de comment récolter, dans des cas de situation extrême, une partie de la cellulose de l'arbre, de l'intégrer à la nourriture pour disposer d'une sensation de satiété. Les effets étaient minimes, le bois n'étant digéré par les enzymes humaines, sans apport d'énergie donc, mais seulement pour des cas de crises de faim aigue.

Elevée chez des éleveurs et des chasseurs, l'opportunité qui se présentait à l'expédition était celle d'un objectif sur le long terme.



"- Très bien, c'est un bon plan. Eylan, vous seriez d'accord ?", questionna Thiziri au pilote préoccupé par le décollage de l'appareil et d'éviter l'encombrement de la "piste". Eylan fit une moue fixant la cheffe d'expédition et hocha la tête, la bouche toujours légèrement en cul de poule.

"Bien, dans ce cas, Ania et Tamayast, vous avez champ libre.
Nous sommes bien tous conscientes de l'implication sur le court et le long terme. J'attends de vous que cette entreprise se fasse en bon ordre."

Le ton en disait long sur les attentes de Thiziri. Elle savait que des ressources, principalement humaines, seraient nécessaires pour réussir la première étape du plan, celle de réussir à capturer des cervidés, de les contenir et de s'en occuper sur les semaines et mois à venir. Pour ce qui est de la boucherie, ceci n'était pas un objectif immédiat, tant que le personnel et les équipements manqueraient.

Tamayast, aux longs cheveux roux et nattés, réquisitionna les "gardes" de Thiziri et deux ingénieurs afin de peaufiner le plan.
Après quelques explorations sporadiques autour de la clairière, sans s'éloigner, les compétences du groupe semblaient avoir bien cerné la topographie et les difficultés du terrain.
Le troupeau de cerfs n'était guère loin, il devait venir régulièrement aux abords de la clairière afin d'y manger quelques ramilles d'arbres ou le lichen abondant sur les troncs d'arbres ou sur les rochers affleurant du côté Est de la colline. En effet, la colline douce du côté de la clairière montait jusqu'à s'interrompre brutalement en une sorte de falaise sans humus, mais recouverte de mousses et de lichens trempés.

C'est là que le piège serait tendu, là que l'enclos prendrait place, avec une nécessité faible de clôturer.

Eylan avait décroché les filets qui tenaient d'ordinaire les marchandises dans son avion.
Après avoir tout décroché, ce qui prit moins de temps que prévu avec l'aide d'Aziz et de bras supplémentaires, il avaient en fait réussi à rassembler une longueur non négligeable, respectant un minimum de hauteur pratique pour contenir des cervidés d'ordinaire sautillants. Les filets d'arrimage étaient larges de 2,5 mètres et longs de 5 mètres, et bien qu'anciens, les sangles larges et la bonne facture des produits seraient adaptés à toute tentative d'arrachage. On en comptait 8 et ainsi la couverture potentielle était de 40 mètres. Pour établir un enclos suffisamment grand, ce ne serait pas suffisant, toutefois avec la configuration de la falaise en " L" et ses rochers bien trop grands pour être escaladés, il ne manquait que 25 mètres supplémentaires pour disposer d'une surface de 1 000 mètres carrés, de quoi contenir un nombre raisonnable de cervidés.

Les bâches épaisses enveloppant les marchandises furent dés lors utilisées en partie, initialement prévues pour monter un mess de fortune pour stocker les premiers arrivages de marchandises par avion.
Nul besoin de celles-ci dans l'immédiat, ainsi elles furent mises à contribution.
Les ingénieurs expliquèrent la nécessité d'encorder le pourtour de l'enclos en utilisant les arbres à proximité afin d'éviter que les bâches ne prennent trop le vent et s'arrachent avec le temps. Un système fut réfléchi et les bâches furent partiellement piquées et brûlées à l'aide de briquets afin de "cautériser" le plastique et éviter la déchirure sur des points de faiblesse créés.

L'enclos ressemblait dés lors à un patchwork de filet d'arrimage et de bâches comme un fortin ou une prison sous la falaise de la colline. Les sardines en rab des tentes, les sangles de l'avion, les cordages disponibles et une porte de 5 mètres de longueur en filet renforcée d'une armature en bois pour fermer le tout. Il fallait deux à trois personnes pour soulever le tout sans qu'une roue de soit installée. Ca ferait l'affaire en attendant. Au pied de la colline, un trou avait été creusé et l'eau de la pluie s'y était installée prestement et sans ménagement pour s'évacuer en un petit cours d'eau à travers les interstices des rochers flanquant la falaise.

Une préparation intéressante qui prit une partie des ressources humaines du campement tandis que les tentes étaient levées en contrebas de la colline. Le bois des caissons n'avait pas été utilisé par l'enclos du fait de son utilisation importante afin de bien stabiliser et dessiner les chemins du campement et plateformes jusqu'à ce que l'installation se fasse sur un terrain mieux préparé et terrassé.

La seconde phase du plan était de créer la diversion et de faire s'engouffrer les cervidés dans l'enclos.

Et c'est à ce moment que Tamayast décida de sacrifier un paquet de gros sel.

Les yeux écarquillés, les ingénieurs voyaient déjà la fadeur remplacer le met du soir et Tamayast les rassura en précisant qu'un autre paquet subsistait et que l'avion pouvait en transporter à tire larigot. L'atmosphère se détendit dans cette environnement humide face au cocasse de la situation et cet instinct primaire de confort alimentaire.

Déverser un peu de gros sel ici et là, de manière éparpillée sur des lichens toutefois convergeant vers l'enclos, voilà l'appât.
Les cervidés raffoleraient du sel.



Le lichen omniprésent aux abords de la Forêt de Pădure



L'étape trois était de rabattre délicatement le troupeau vers la zone de l'enclos. Il suffirait presque de se balader, mais une coordination était nécessaire afin d'éviter une dispersion du troupeau dans la mauvaise direction.

Il fallait accepter le fait qu'il n'était pas nécessaire d'attraper l'intégralité du troupeau.
Le campement ne cherchait pas à monter une industrie locale, mais juste à disposer d'une option alimentaire, pour le cas où.

Simplement marcher en utilisant la méthode de l'encerclement devrait suffire. Le groupe se divisa en deux et se munit de talky walkies pour la coordination avec quelques espoirs qu'ils fonctionnent correctement. Pour le reste, ils savaient que le troupeau devrait toujours se situer sur leur flanc, attendre que le troupeau commence à consommer le sel et à se rapprocher des environs de l'enclos.
Tamayast confirma les "heures" précédentes où les cervidés s'étaient rapprocher pour manger le lichen ou les ramilles des abords de la clairière afin d'éviter une veille de plusieurs jours.
L'opération ne devait pas durer plus de 12 heures, voir moins, si tout se passait bien.


Du côté du camp, Thiziri organisait les priorités et établissait un amendement de la liste de fournitures et matériels prioritaires devant être transportés au prochain voyage en avion.
L'avion décollerait dés que l'opération de rabattage et de capture des cervidés serait terminé. Il serait fâcheux d'effrayer le troupeau avant d'avoir pu assembler une partie.

Les ingénieurs avaient découper les palettes et caissons des marchandises pour former un chemin de la "piste" jusqu'aux tentes. Quelques mètres seulement, toutefois correctement ancrés dans le sol spongieux. Lorsque la terre se raffermit au niveau de la colline où trônait un bosquet majestueux, les tentes prirent place tout autour d'un espace bâché avec des piquets solidement fixés au sol. Il avait fallu creuser et recouvrir l'ancrage afin de bien consolider le tout.

Sous l'espace bâché furent entreposées les vivres, le matériel divers et varié du début de la mise en place du campement.
Ce espace "au sec" serait privilégié. Filtrant à travers le bosquet et la colline, la pluie se déversait en un petit ruisseau qui, tout comme dans l'enclos, fut exploité rapidement en creusant un premier trou, guère plus grand qu'un fauteuil.
Entre deux tentes, dans un espace couvert, un butagaz chauffait déjà les repas derrière une moustiquaires, quelques fils de séchoir suspendus dans cet espace légèrement plus chaud et "sec". Les premières chaussettes y séjournaient déjà...



"- D'accord, nous privilégions le matériel pour consolider le campement. Les botanistes font partis du prochain voyage, tout comme le charpentier.
Non je ne pense pas que nous aurons des difficultés à décoller. Par chance, nous avons bien cerné l'état du sol et l'avion peut s'arrêter sur les abords de la clairière, ici même et je dirais là bas et là."

Eylan pointait du doigt un endroit au Sud de la clairière où la végétation était différente et semblait moins... "humide".
Le départ se ferait immédiatement après l'opération avec les cervidés. Le voyage aller retour ne serait pas long en soi. Eylan devait surtout briefer les pilotes de l'avion jumeau sur les conditions de la "piste" et d'arrêter l'appareil au niveau du chemin en section de palettes.


"- Nous allons apporter beaucoup de marchandises dans les prochains voyages. La khaymat markazia, l'espace central, devrait être suffisamment grande dans un premier temps", confirma le pilote.
Thiziri hocha la tête, toutefois ajouta en montrant les contours de ses plans avec ses mains et ses bras tendus.

"- Le charpentier devra se focaliser sur les fondations. Je veux que la khaymat markazia soit sa priorité et l'équipe d'Ania mettra la main à la pâte.
Tâchons de disposer d'un espace en dur.
Est ce que vous savez si les ingénieurs ont trouvé une solution pour les lieux d'aisance ?"

Eylan acquiesça. Les besoins primaires devaient tous être satisfaits et avant que le campement ne prenne de l'ampleur, il fallait déterminer des solutions de proximité et par la suite travailler à une solution viable et sur le long terme.

"- Aziz a confirmé que l'endroit ne souillerait pas le campement et le ruisseau exploité. Je veux éviter que la clairière se transforme en bourbier nauséabond.
Tiens d'ailleurs, le cuisinier fait parti du prochain voyage, je me suis dit que la clairière était suffisamment grande pour réfléchir à un potager. D'après la planification initiale, nous avions prévu des pommes de terre et des onions. Certains endroits aux abords de la forêt sont plus secs, ça me semblerait plus judicieux de garder ces espaces libres... bon après, j'suis pas un expert."

La conversation allait bon train et l'adaptation au terrain ne semblait guère poser de problème vis à vis des plans théoriques et initiaux. Tout se déroulait sans encombre et le timing n'était guère impacté par la tentative de capture des cervidés. Les botanistes devaient apporter quelques chèvres dans un premier temps, toutefois il suffirait de repousser cette échéance afin qu'ils puissent nourrir les cerfs si par chance l'opération réussissait.

Ania, d'ordinaire au centre des prises de décision, se focalisait déjà sur la Forêt.
Ce serait une erreur que de partir explorer sans disposer d'une base stable et opérationnelle.
Les expéditions d'exploration prévues impliquaient une cartographie des environs et des allers retours sur de petites distances dans un premier temps.
Les expéditions s'allongerait au fur et à mesure jusqu'à ce que la région soit suffisamment "claire".


La Forêt la fascinait.
Tout comme Eylan et les autres membres d'Alkhiam Althaljia, elle ressentait comme toujours l'excitation de découvrir et fouler du pied une terre vierge de la civilisation humaine.
La Forêt était ici constamment recouverte d'une brume grise épaisse, les arbres immenses s'y perdant assez rapidement dans ce voile éthéré opaque.
Ania avait dédié sa vie à l'exploration, la montagne, à l'inaccessible, aux difficultés que posent la Nature.

Ilâh avait laissé encore quelques espaces épargnés de l'influence humaine.
Ania, à travers cette pensée, se demanda si la Forêt de Pădure ne devait pas rester cet espace libre... cette région immaculée.

Aux abords de la clairière, deux cervidés la regardaient, immobiles et silencieux.




Les deux cerfs de la clairière
2007
Pădure – Jour 5 : premières visions


Le décollage de l'avion avait été un évènement, le jour 4 de l'expédition. Le pilote et chef de la logistique, Eylan, avait réussi à redécoller malgré une piste en mode marécage, à des esquives rapides des rochers affleurants marqués au spray fluorescent. L'envol s'était fait sans encombre, les skis, toujours en place, permettant une accélération plus facile et surtout d'éviter l'embourbement.
Ce départ fut presque immédiatement suivi de l'arrivée du 2e appareil, entamant ainsi la rotation escomptée, planifiée depuis des mois.

L'atterrissage s'était aussi effectué sans encombres. Les premiers marquages au sol de cette clairière marécageuse faisaient parfaitement leur travail et avec seulement un faible nombre de passages dans la clairière, on pouvait déjà voir à peu près où la piste d'atterrissage serait officialisée, légèrement en diagonale vers le Nord, nécessitant un peu d'aquaplaning en son centre, tel un frein naturel, assez efficace pour une décélération, moins appréciable pour le décollage sans un minimum de vitesse.


Je suis rassurée, il n'y aura pas de soucis en fonction des saisons. Avec la pluie qui tombe ici, c'est le mieux que nous puissions faire. Eylan a précisé qu'il ajusterait les amortisseurs des skis, confirma la cheffe d'expédition, Thiziri n Bathul.

Dés qu'on a déchargé les boîtes et équipements, il faut qu'on parle de ce qu'il s'est passé hier soir. Je ne peux pas laisser un roulement de gardes pour les animaux sans que nous discutions d'une solution sur le long terme.


Ania hocha la tête, saluant de loin les passagers débarquant, ravis pour la plupart de mettre le pied à terre après sûrement un chahut lors du vol aux abords de la forêt.
Ania n'était pas étonné que l'arrivée de l'expédition bouleverserait la faune et flore locale. Les décisions d'aujourd'hui impacteraient le moyen terme pour sûr, il fallait réfléchir en commun afin de trouver une solution viable, surtout à cette étape de la création d'Alkhiam Althaljia.

La forêt derrière, au Sud, aux abords de l'amoncellement rocheux où séjournait les premières installations du campement et derrière l'enclos déchiré des cervidés, s'imposait entre deux passages de nuages gris bas, laissant entrevoir dans cette brume dense quelques fenêtres d'un paysage somptueux et funeste.


(suite en cours)
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