29/03/2015
04:33:54
Index du forum Continents Nazum Pădure Colonies en Pădure HMEB Endeavour

Missions de Pădure

Voir fiche pays
123
Missions de Pădure

Ici seront contés la façon dont vos expéditions tentèrent de survivre à la forêt.

https://www.zupimages.net/up/23/35/mqlh.jpg
4349
Pădure : Premier jour



L’intérieur de la carlingue était noir comme un four. L’obscurité singulière qui y régnait était accompagnée d’un vrombissement grave, inquiétant, qui faisait vibrer les hommes comme le sol, les murs et le plafond. De temps à autre, un à-coup nous rappelait la mince épaisseur de métal qui nous séparait du vide. Mais bon, un para n’a jamais peur du vide, pas vrai ? Le type en face de moi, par contre… C’est un biologiste, Seán Ceallaigh qu’il s’appelle, il a passé son brevet de para en accéléré. Il transpire la peur à grosses gouttes qui inondent son front et ruisselent partout sur son visage. Elles forment des rigoles, ces larmes de terreur, et l’odeur humide qui les accompagnent est si forte qu’elle en donne la nausée. Je vais devoir lui mettre une baffe, à ce brave poltron, sinon il ne sautera pas. Et quand il sautera, je le regarderais tomber, tomber… Le vide l’aspirera et il disparaîtra, happé par le sol. C’est la loi du vieil Isaac, on finit toujours par retomber sur ses pattes. Ça ne va plus tarder, maintenant, je le sais, je le sens. Dans le cockpit, on doit bidouiller les instruments, triturer nerveusement les manettes des gaz, on essaye surtout de ne pas se perdre près d’une forêt inconnue et pleine de mystères. La vibration s’est réduite à présent, mais elle bat toujours à mes oreilles, irritant et persistant son qui brouille mes sens.
Bientôt, déjà, l’avion entame sa descente, et au vrombissement des moteurs succède le matraquage intense de la pluie. Ceux qui faisaient semblant de dormir font maintenant mine de s’éveiller dans une feinte tranquillité. L’instant approche où il faudra sauter, et, à mesure qu’il le fait, la griserie du risque, l’ivresse du saut emplissent les cœurs, et fouettent le courage des âmes. C’est la loi du vieil Isaac ; et je n’en puis plus d’attendre.

“- Jonas, dans sa baleine !”
L’exclamation soudaine du biologiste me tira de ma rêverie comme on tire un naufragé des flots.
- Quoi ?
- Je disais : on se sent comme Jonas dans sa baleine !
- Ah.”
Malgré mon air dubitatif, l’enthousiaste poursuivit :
“-Vous savez, dans la Bible…” dit-il, sans s’apercevoir qu’il avait adopté le ton docte d’un chercheur un peu pédant.
“Je dis ça pour vous d…… vous savez !
- Comment ?!
- Je disais ça pour vous détendre, vous avez l’air très à cran !
J’essuyais la sueur de mon front tandis qu’il parlait. En retirant mon bras, je le découvris tout sourire dans sa combinaison de saut, une lueur d’excitation logée au fond des yeux.
- Vous savez, c’est mon métier, j’ai pas besoin de ça, grommelais-je finalement
- Vraiment ? Il m’avait pourtant semblé…”
Un regard noir suffit à faire taire le fâcheux, qui entreprit quasi-immédiatement de discuter avec son voisin côté gauche, un des gars taiseux du second stick. Je ne pouvais qu’imaginer l'extérieur de l’avion : un oiseau de métal se frayant un chemin au travers de trombes de pluies, et, en bas, une immense forêt s’étendant à l’infini, comme l’océan d'Espérance lorsqu’on est sur ma côte natale. L’espérance…

“RED LIGHT ! RED LIGHT ! RED LIGHT !”

Un nouveau jour se fit dans les entrailles de l’appareil. La lumière rouge redécoupait les visages et faisait ressortir des ombres inattendues, donnant à tous un regard à la fois sérieux et inquiet.
Le capitaine McGosling était déjà debout ; il avait la mine du chef, grave, concentré et sûr de lui. En face, le lieutenant McGregor se tenait prêt à compter les hommes du second stick. Le moment s’éternisa. Puis vint le choc qu’accompagne la vision du vide. Le hissement familier des moteurs électriques accompagna la descente de la rampe, qui s’ouvrit sur une drache jamais vue.

“...tannnnnnnnd UP !” les deux bras levés, paumes vers le ciel, suffisaient à dire ce que le vacarme extérieur empêchait d’entendre. Dans la colonne d'à côté, le biologiste frétillait. Son visage passa au vert, et les hommes près de la rampe se mirent à disparaître, engloutis par la tempête qui faisait rage au-dehors. Quand mon tour vint, malgré l’épaisseur de la combinaison de saut, je sentis la pression habituelle de la main sur l’épaule.

“...AUTEZ !”

Un souvenir me revint soudain, celui d’un cauchemar fait enfant ; j’y voyais le trottoir devant l’école s’effondrer et aspirer mes parents dans une faille ainsi formée, puis la faille m’aspirait à son tour et je tombais, je tombais…

“...AUTEZ !”

D’un coup le ciel m’apparut comme vide, une sensation de pure terreur me pénétra jusqu’à l’os, je n’avais plus peur, j’étais peur. Je fis un pas en arrière.

“...AUTEZ !”

Une lueur d’hésitation, de déception aussi, passa dans les yeux du lieut’. Le type derrière moi fit son boulot : il m’agrippa les épaules et commença à me tirer vers le côté, mais je restais planté là, comme un if qu’on n’aurait pu déraciner. Il allait me faire tomber lorsqu’un à-coup agita soudain l’appareil, forçant tous à s’accrocher ou se baisser. Sauf moi. Le choc m'avait fait tomber à la renverse, et je glissais sur la rampe humide, avant de commencer ma longue chute vers l’inconnu. Après tout, c’est la loi du vieil Isaac…
1621
Pădure : Premier jour, suite

Le ciel, la chute, le sol. Trois étapes, trois minutes de terreur. Le ciel dans lequel on tourbillonne, seul, tandis qu’on attend le moment fatidique où l’on tirera sur la poignée qui déclenche la voile. Tout est là, dans ce moment où, après avoir passé la portière de l’avion, on se demande si le parachute sortira quand on tendra d’un coup sec la poignée d’ouverture. Alors je tire, j’ai à peine le temps de voir la mer de toile blanche apparaître au dessus de ma tête avant d’être stoppé net par le choc de l’ouverture. L’horizon commence à s’effacer et cède sa place à une muraille verte dominé de quelques pics épars. Le sol se rapproche à une vitesse prodigieuse, le parachute est alourdi par la pluie. L'atterrissage risque d'être dangereux pour certains… Les gars là-bas, à Bryngaerdinas, ils ont plutôt bien choisi le site du camp de base, une large clairière juste à l’orée de la forêt. Les pauvres avaient juste pas prévu que l’avion ne nous larguerait pas forcément au bon endroit. Et puis, les types du 70e escadron sont des marrants, ils pouvaient pas simplement nous lâcher au dessus du site prévu. Je regardes l’altimètre défiler, 3000, 2000, 1500… Au sol, quelqu’un a déjà tiré une fusée de détresse, probablement un civil perdu ou un mec embroché sur un sapin. Sauter en avant-dernier a ses avantages ; on peut admirer le spectacle des voiles blanches qui, comme des mouettes, planent gracieusement, dessinent des spirales dans les airs avant de se poser et de se confondre avec la boue du sol. Lui d’ailleurs, il arrête soudain de se rapprocher, il s’impose à vous, occupe tout votre champ de vision alors qu’on franchit en un clin d’oeil les derniers mètres qui nous séparent du sol. Je roule et me retrouve le nez dans une motte de terre humide. Vivant, rien de cassé. Parfois, le simple fait d’avoir un sol sous ses pieds peut devenir une sorte de miracle en soi.
3972
Pădure – Jour 1 (encore) : premières visions



“-Il n’y a aucune réponse de MacCaisgein, capitaine. En fait, il n’y a aucune réponse tout court.”

Un bref silence se fit. On n’imagine pas à quel point un silence gênant peut s’établir en dépit du hurlement du vent dans les cimes et du craquement des troncs ployant sous la force du vent. La disparition du chef d’une expédition avant le début de ladite entreprise, ça avait tendance à faire faire des pirouettes et des nœuds façon voltige acrobatique au tripes de la plupart des civils. Néanmoins, votre serviteur étant alors astreint à ses responsabilités, il finit par prendre la parole :

“Messieurs… et madame, me rattrapai-je, je conçois bien que la situation n’est pas tout à fait conforme à ce que nous imaginions. Toutefois, j’espère que vous comprenez qu’en l’absence du Pr. MacCaisgein, la charge de diriger cette expédition me revient. Et ma première mission est d’assurer votre sécurité. Je vous demande donc, disais-je, et l’honorable lecteur saura à quel point ce verbe écorche le palais d’un officier des forces armées de Sa Majesté, au moins autant qu’il crève son cœur sensible et son goût pour les formulations brêves, qui font la force et la discipline de nos armées, comme chacun sait, je vous demande donc d’attendre ici en compagnie de mes hommes le temps qu’il faudra pour retrouver le professeur. Je comprendrais si certains d’entre vous veulent prêter main forte à mes hommes et moi dans nos recherches, mais je me dois d’insister pour que vous n’en fassiez rien. En fait, vous risqueriez plus de nous encombrez qu’autre chose, et il vaudrait mieux que vous vous en absteniez complétement. C’est compris ?"

En réalité, je tablais bien plus sur l’hébétement et l’état de choc de la quinzaine de scientifiques que sur leur réel accord. Il fallait agir vite, vite et bien si on voulait mettre fin au merdier dans lequel on était déjà jusqu’au cou. Et pour ça, il fallait retrouver le doctissime Professeur, qui avait eu la merveilleuse idée de se perdre dans une forêt géante avant même d’avoir inauguré “son” expédition.

“-McGregor, vous avez un endroit où on peut s’abriter ?
-Mais bien sûr mon capitaine, un vrai palace, vous allez voir.”

Les prunelles du géant roux pétillaient d’ironie. Il pouvait se le permettre, le gaillard, la discipline du Long Range Forest Group étant… différente de celle des forces conventionnelles. D’ailleurs, croyez-moi, la trentaine de gars sur le coup de Padure était bien à l’image du groupe lui-même : un conglomérat d’explorateurs, d’aventuriers et de de touche-à-tout, une joyeuse bande d’universitaires défroqués et d’amoureux des forêts meurtriers, le tout doté du meilleur équipement disponible et entrainé pendant des mois à un rythme qui laisserait n’importe quel athlète sur le carreau. Lâchez le tout dans une jungle ou une forêt boréale, et vous obtiendrez un résultat…intéressant.

“-Epargnez moi le sarcasme, McGregor, les civils ne sont pas en état.” Nous fîmes quelques pas ensemble. Quand je repris, c’était à voix basse :
“Si on ne retrouve pas MacCaisgein tout de suite, on ne le retrouvera pas du tout. Et on court au-devant des emmerdes, parce que les civils sont déjà au bout du rouleau, et que je n’ai pas besoin de vous expliquer que s’ils commencent à craquer, ça finira par affecter les gars aussi.
-C’est compris, répliqua-il d’un ton posé que trahissait une pointe d’anxiété.
-Ce qu’on va faire, c’est que je vais lancer une SAR pour le prof’ avec les trois quart des nôtres. On va se séparer en deux groupes et on va ratisser. Vous, vous restez ici avec le reste, vous établissez un camp provisoire, vous essayez de remonter le moral à tout ce beau monde.”
Il grimaça.
“-Ne faites pas cette tête McGregor, je connais tout votre répertoire de clown depuis les patrouilles en Aleucie. Je retrouve notre type, on va jusqu’au site prévu et tout est bien qui finit bien.
-Une question, capitaine : comment on fait pour les com’ ?"

J’hésitai entre le sourire énigmatique et l’honnêteté. A courte portée, les appeaux surpuissants en dotation dans le LRFG suffisaient à une signalisation diurne discrète. Dans de bonnes conditions, ils pouvaient marcher jusqu’à plusieurs kilomètres. Au-delà, le seul moyen de se retrouver était de faire un maximum de lumière la nuit afin d’être repérable. Aucune de ces deux méthodes assez spécieuses ne remplaçait vraiment la radio. Il faudrait surtout compter sur l’expertise acquise par les “gars” du LRFG dans à peu près tous les types de forêts du globe. Au final, je choisis l’option la plus facile : la fuite.
Haut de page