Posté le : 10 oct. 2023 à 19:57:28
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JOUR 2 & 3 - Premières visions
Adrien du Prévaut s'éveilla sans bruit dans la tente qui l'avait abrité toute la première nuit. Le campement sommaire et provisoire qui avait été celui des expéditionnaires pendant cette première nuit n'était fait que de bouts de toiles soutenus par des mâts froids et métalliques. Bien sûr, craignant n'importe quel incident dans cette inconnue et redoutable forêt, l'on avait enfoncé des pommes de terre sur les pics dépassant des tentes, afin qu'il ne reçussent point les foudres d'un potentiel courroux jupiterien, indigné de la présence de simples mortels dans la demeure des origines et de l'insondable source du monde. Le Chevalier, émergeant d'un rêve lointain qui l'avait rappelé en son village natal de Clovanie, aux côtés des siens, se rappela progressivement tout le parcours qui l'avait mené jusqu'à la direction de cette immense opération, mission de découverte d'envergure historique. Un sentiment ambivalent l'habita l'espace de quelques secondes, le contact encore chaud des draps faisant toujours préférer le confort d'une existence oisive à la dure réalité du sacrifice et de l'effort. Pourtant, l'antre de Pădure l'appelait à travers l'interstice laissé par l'ouverture de sa tente, activant en lui une force qui le dépassait. Cette force, c'était celle de la civilisation eurysienne cherchant ses racines et son avenir. Origine, horizon, et au milieu, trois cents hommes et femmes endormis sous de minces toiles de polyester.
Les yeux encore engourdis, le Chevalier du Prévaut se mit en quête de la fermeture éclair destinée à ouvrir cette tente. Pratiquant une large ouverture dans le tissu, il put contempler les lueurs du premier matin passé aux abords de la forêt. Pour un destination interdite, il y avait pire. L'humidité était toujours présente, faisant scintiller le bout de chaque végétal, révélant aux yeux de l'officier une véritable constellation de petites brillances. Était-ce donc ici que les étoiles venaient se reposer au lever du jour, après avoir guidé les marins pendant toute la nuit ?
Adrien du Prévaut se leva et se commença de prévoir le programme de cette journée. Tout le camp commençait à s'éveiller, et quelques expéditionnaires lançaient des regards amicaux et respectueux au Chevalier du Prévaut. Il semblait que, dans ces premiers instants matinaux, on avait temporairement abandonné les formalités hiérarchiques devant l'immensité du phénomène dans lequel on était entraîné.
Mais bien vite, une fois que tout le camp se fut éveillé, le signal de rassemblement fut lancé, afin que les trois cents expéditionnaires se réunissent dans la plaine dédiée. Le Chevalier du Prévaut entama alors son discours matinal présentant la journée à venir et les tâches qui la caractériseraient. Au programme, il y avait tout d'abord l'établissement d'un périmètre autour du camp principal. Sur une distance d'environ trois kilomètres seraient posées par des soldats des clôtures munies de fer barbelé. Ce dispositif laissait une grande ouverture d'environ dix mètres de long sur le côté opposé à la forêt - l'entrée principale, ainsi qu'une autre issue située du côté inverse et de même dimension. Cette dernière ouverture ferait office de sortie de secours et permettrait de fluidifier les déplacements en cas de besoin. Une large route carrossable serait aussi aménagée au milieu du camp, reliant les deux issues. Les futures infrastructures seraient ainsi destinées à se disposer de part et d'autre de cette large voie. Les ouvriers et les architectes étaient chargés de débuter l'édification de ces mêmes infrastructures, avec en priorité la cantine du camp, le réseau d'eau et les laboratoires scientifiques. L'électricité avait été déjà installée au moyen de générateurs, mais il était nécessaire de relier au réseau. Ces tentes seraient transformées le plus vite possible en de petites masures de préfabriqué pourvues du strict nécessaire : couchage, électricité, et arrivée d'eau. Les toilettes sèches étaient communes. La cantine du camp s'apparenterait aussi à un lieu de vie en dehors des repas, large salle abritée et pourvue de tables et de chaises.
À la fin du premier jour, la division des tâches déjà prévue par l'état-major clovanien permettrait d'avoir déjà finalisé le périmètre du camp (soldats) et la route principale (ouvriers). Le deuxième jour de l'expédition était destiné au commencement des infrastructures (ouvriers) et prévoyait un premier et prudent tour des environs par un détachement de soldats, sur environ une dizaine de kilomètres.