Posté le : 11 sep. 2023 à 14:36:43
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Journal de bord de Mme. Piedra de Alcantara, Représentante officielle de la mission scientifique de l'UNIL
22/07/2011
Il avait été décidé au sein de l'équipage que je serai la première à fouler le sol de cet étrange territoire. Cela avait été une décision très compliquée à prendre, l'on aurait dit que l'on s'apprêtait à envoyer le premier homme sur la lune. En survolant quelque peu la forêt, l'on aurait pu effectivement se croire sur une autre planète ou du moins dans un de ces romans pour enfants. L'endroit était à la fois terrifiant et attirant.
Lorsque l'avion dans lequel je me trouvait atterrit, je me leva immédiatement de mon siège, bien trop impatiente pour attendre ne serais-ce que quelques minutes de plus. La trappe de sortie s'ouvrit, et un éclatant rayon de soleil vint caresser chaleureusement mon visage, comme si la forêt me tendait ses bras en signe d'accueil. Nous avions effectivement de la chance, les rapports des bases établies au nord racontaient d'horrible intempéries et des tempêtes foudroyantes. Au contraire, ici, le mercure atteignait un agréable trente degrés, et il y avait quelques nuages pour nous offrir un peu d'ombres et nous permettre de nous protéger quelque peu des attaques terribles des rayons solaires. Il ne s'agirait pas d'avoir un coup de soleil le premier jour.
Je franchis lentement les quelques marches avant de poser mon pied sur la terre ferme. Jamais je n'aurais imaginé un jour m'aventurer si près de cette forêt mythique. En regardant l'orée de la forêt, je me fit la réflexion que la limite entre le forêt et la plaine environnante était très marquée, comme si quelqu'un avait passé la débroussailleuse juste avant que l'on atterrisse. Les arbres étaient très hauts, et leurs cimes se balançaient allègrement au gré d'un vent faible.
Je posa enfin mon pied sur la terre sèche de cette plaine, et profita quelques secondes de l'herbe qui caressait mes chevilles. Je me serait cru au paradis. Mais la noirceur pénétrante que je pouvais observer derrière les premiers arbres me ramena rapidement à la réalité. Cet endroit était dangereux. Excitant, certes, mais dangereux. La lumière pénétrait visiblement très difficilement et je prit en considération notre sous-estimation de la difficulté que nous aurons à franchir ne serais-ce que les premiers mètres. Il nous faudrait plus de lumière que prévu. Mais enfin, nous avions prévu un écart pour prévoir à ce genre de problèmes.
J’avançai de quelques mètres lorsque l'on me demanda si on pouvait me suivre. J'avais totalement oublié que je n'étais pas seule et me retourna brusquement, mes longs cheveux blonds se balançant quelques instants devant mes yeux. Le pilote me regardait fixement, attendant une réponse. Je fit un léger signe de la tête qu'il comprit tout de suite. Le reste de l'équipage sortit avec certainement moins de classe que moi (de gros bourrus, je vous jure), et commencèrent rapidement à établir le campement. Bien évidemment, plusieurs avions étaient déjà venus avant. Déjà, pour s'assurer de la sécurité de la zone. Nous sommes suffisamment loin du territoire de la Transblêmie pour ne pas devoir nous inquiéter spécialement d'eux, de nombreux campements nous séparant de ce pays plus étrange encore que les bois qui nous faisaient face. Apparemment, il n'y avait pas non plus d'espèces sauvages particulièrement menaçantes dans les environs. Des débuts de campement étaient déjà présents, et des avions précédents avaient déjà commençaient à installer des clôtures de sécurité, qui ne tarderaient pas à s'électrifier. Cela ne serait d'aucune utilité contre les potentiels aléas du climat, mais ils permettraient de rejeter les bêtes sauvages ou humains indésirables.
Un petit ruisseau s'écoulant lentement non loin, je l'entendait. L'endroit était apparemment parfait. Je me retourna pour voir derrière mon dos et derrière l'avion. Je n'entrevit qu'une plaine herbeuse et des montagnes en arrière-plan. Autant dire qu'on ne survivrait pas bien longtemps sans approvisionnements. A qui appartenait ce territoire d'ailleurs ? Je ne le savais pas.
Les hommes plantèrent au milieu du camp un grand drapeau de l'UNIL, entouré autour par des drapeaux plus petits des pays participants à l'opération (Milouxitania, Shuharri, Uusimaa, Fjøllskot). A côté du drapeau de l'UNIL se trouvait le drapeau officiel de l'organisation. Je le trouve personnellement particulièrement moche. Si j'avais eu mon mot à dire, je l'aurai certainement brûlé. A vrai dire, on dirait qu'une fée morte se rend vers son tombeau. Ce gris était horrible. Mais enfin, cela n'importait peu.
Le soleil commençait lentement à descendre. Normalement, on aurait fini d'installer et de finir le camp avant la tombée de la nuit qui devrait arriver d'ici à quelques heures.