15/07/2016
01:52:21
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[Brigades Internationales / S.A.U.C.I.S.S.E] Rencontre à l'ombre de Kotios

Ce n'est pas la première fois que des kah-tanais viennent jouer les agents secrets ici.

Le sectionnel grogna et tira sur la sangle de son fusil. Le fût de l’arme teinta contre la bouche de son uniforme. À côté de lui, son collègue émis un grognement. Il fouillait frénétiquement les poches de son manteau.

Kotios, nid d'espion. Que veux-tu que je te dise : c'est le seul endroit sur Terre où on peut encore passer complètement inaperçu.
Au moins cette fois c'est pas un citoyen de leur comité.
Ah, répondit-il platement en faisant émerger une cigarette de son manteau. Tu pensais à cette fois. Ouais, ouais au moins ça n'a rien à voir. Briquet ?
Tiens.

La cigarette allumée, le volontaire de la sécurité communaliste haussa les épaules, et salua d’un signe de tête deux passants qui portaient les brassards d’un des organismes syndicaux du port. À Kotios comme ailleurs, on avait tenté d’éliminer toute forme de capitaux. Dans la limite des sensibilités des gros poissons, en tout cas : il fallait bien satisfaire et les communalistes qui tenaient l’industrie, et les pirates qui tenaient la mer. Une forme d’accord qui, au regard de l’actualité, était précurseur de ce que deviendrait plus tard le Pharois.
Avaient survécu certaines formes d’héritages que l’on ne pourrait jamais sans doute pleinement éliminer. Pas de façon souhaitable, en tout cas. L’appartenance à une communauté, les contacts dont on disposait par notre nature même, continuaient de jouer un rôle. C’était pour ça que les rondes des sectionnels s’étaient organisées, aujourd’hui, avec en tête l’idée qu’il y aurait quelque-part une réunion, tenue par des amis chez des inconnus, et qu’il faudrait se tenir prêts à intervenir si jamais.

Si jamais quoi ?

Si jamais on ne savait pas précisément. Tout était très nébuleux. Ce n’était qu’une mesure de sécurité. Les kah-tanais aimaient leur sécurité. Ils aimaient aussi les plans bien pensés et on ne pouvait pas leur en vouloir de ne pas foncer tête baissée vers l’inconnu.

Révolutionnaires d’accord, mais pas téméraires. Pas en toute situation, en tout cas.

Les deux syndicalistes approchèrent du stand de hot-dog. C’était un endroit un peu improbable pour s’installer, vraiment. Malgré la proximité de l’aéroport et des nouvelles usines modèles, peu de monde passait dans cette rue. Malgré tout l’homme devait trouver sa clientèle, sans quoi il ne resterait pas ici.

Une saucisse, citoyen.

La jeune afro-kah-tanaise qui s’était exprimée eut un sourire amusé : elle était végétarienne, c’était bien la première fois de sa vie qu’elle venait acheter de la viande. Dans sa commune natale l’acquisition des vivres ne se faisait pas exactement sous cette forme. Lorsqu’ils arrivèrent dans le bureau de liaison du groupe militaire privé, son collègue finissait d’avaler la saucisse. Ils se présentèrent – des amis des brigades internationales – et prirent place.

Vous vouliez parler, commença tranquillement l’homme en se tamponnant la bouche avec un mouchoir. On veut bien écouter.
L'homme tenait un stand de hot dog des plus classiques. Il n'avait rien de particulier, pas même par ses prix et encore moins par la qualité de ce qu'il proposait. Mais le stand était là, tous les jours, ouverts pendant plus de douze heures.

Cela faisait quelques jours que le bureau de contact de la société avait été prévenue qu'une visite, de courtoisie ou non, pourrait avoir lieu. Machinalement, il commença a préparer un hot dog en faisant un simple signe de tête pour acquiescer de la commande de la jeune afro-kah-tanaise. Le stand se trouvait à quelques mètres devant l'entrée d'une ruelle faiblement éclairait. On y observait, à son bout, une petite fenêtre au-dessus d'une porte.

En tournant la tête vers la fenêtre, l'homme finis de préparer le hot-dog, la porte s'ouvrit, il tendit le hot dog. Le rideau de la fenêtre se referma.

Tenez, citoyenne. Entrez là-bas, il pointa la porte d'un petit signe de tête, on vous y attend.

La porte ne menait qu'à une petite salle. Propre, à l'air respirable, presque agréable, elle n'en reste pas moins froide. Peinte d'un gris métallique sur chaque portion de brique, un carrelage blanc a petit carreaux aux joints noirs, la salle ne contenait qu'une table, quatre chaises, autant de tasses de café, une théière, un peu de café et une corbeille de fruits. Un escalier menant à l'étage, et une échelle au sous-sol finissait d'ornementer ce petit salon. Autour de la table, deux hommes, pantalon noir, chemise en lin blanc aux manches retroussés, buvaient un café.

A l'arrivée des deux invités, il s'arrêtèrent.

Bienvenue. Les présentations sont inutiles, vous savez qui nous sommes. Mais avant de commencer, nous aimerions savoir ce que vous avez compris de nos intentions. Nous n'avons pas pu détailler les objectifs du client dans la lettre, maintenant que nous sommes ensemble, nous pourrons nous y mettre.

Asseyez-vous citoyens, le café et le thé sont à votre disposition, les fruits sont zélandiens, tanskiens et auccitonois, si cela ne vous dérange pas, précisa le second.
Nous sommes pour l'Internationale, répondit platement l'homme avant de hausser les épaules. Sa camarade offrit un sourire aimable à leurs hôtes et servit du thé avant de se saisir d'une poire.

Ce n'est pas comme si refuser votre hospitalité allait sauver la planète, pas vrai ? Elle mordit dans le fruit et fronça les sourcils. Et ce ne sont pas les pays où l'on exploite le plus les travailleurs.

L'affront semblait donc tolérable. À côté d'elle, son collègue se frotta le front du revers du pouce. Toute sa façon d’être était impassible, ce qui en comparaison à la chaleur rayonnante de sa camarade, pouvait presque sembler froid.

Vous êtes une organisation militaire privée, offrant des services d’opérations extérieure, d’intelligence et probablement de subversion au plus offrant. Nous ne pouvons pas présupposer de l’éventuelle qualité morale ou idéologique de votre organisation. Pour le bien de cette supposition nous allons dire qu’elles sont nulles. Quelqu’un vous paie pour intervenir au Gondo.

Je connais quelques afaréens qui vont tirer la gueule.

Les objectifs de votre employeur ne sont pas directement opposés à ceux du peuple gondolais puisque vous envisagez un échange de bons procédés avec l’armée révolutionnaire. Ce que nous pouvons dire de façon à peu près certaine c’est que vous pensez que nous pourrions vous permettre d’entrer sur le territoire.

Et vous pensez bien.
Le premier homme daigna finalement à s'asseoir sur la chaise après le regard brièvement insistant de son collègue.

Bien. Vous n'avez pas tort sur la plupart des points, exceptez un. Ce n'est pas au plus offrant que nous répondons. Le mercenariat de base besogne, immoral et dénué de tout sens autre que celui de l'accaparement n'est pas le nôtre. Il est plein d'autre choses mais il n'est pas cela.

Libre à vous ou non de nous croire sur ce point, là n'est pas l'objet de notre discussion, poursuivi le second, néanmoins, il est vrai que quelqu'un nous paye pour intervenir au Gondo et que nous cherchons effectivement une porte d'accès.

Sur ces mots, le premier ferma la porte avant de s'asseoir. Le second reprit.

Nous ne sommes pas opposés au peuple gondolais, nous sommes opposés aux dominations étrangères et ingérences. Ingérence pourra vous paraître ironique si nous sommes financés pour y aller, mais le mandat qui est nôtre n'est pas pour faire du Gondo un quelconque fantoche. Il relève d'une autre volonté, à commencer par donner en partie la parole à des populations sans les faire sombrer dans les méandres des violences politiques.

Après un petit instant de silence qui permit aux deux hommes de se prendre un fruit, le premier reprit

Pour être précis, notre mandat ne vise effectivement aucunement à entrer en conflit avec vous, ni à opérer dans la zone où vous êtes auprès des populations et milices gondolaises. Si cela peut vous rassurer d'une quelconque manière.
Nous n’émettons aucun commentaire moral, réagit l’afro-kah-tanaise avec un sourire amusé. Le mercenariat est un travail que nous trouvons amoral, pas immoral. Mais c’est compris. Vous travaillez donc pour une instance précise.

L’autre secoua la tête, comme si la question l’intéressait finalement assez peu. Il leva le menton en direction du dernier homme à avoir parlé.

Rendre la parole à la population sans la faire tomber dans les méandres de la violence politique. Si vous êtes renseigné sur la région vous savez que le pouvoir actuel ne peut pas être éliminé sans faire appel à la violence. Oui ?

Tout est violence ; ce genre de discours flou peut être dangereux. Bon de toute façon ce n’est pas vraiment le sujet : notre champ d’action c’est l’intégralité du Gondo, les gars. La démocratie prônée par l’Armée Démocratique n’a pas vocation à rester une enclave ethnique.

À un moment ou à un autre, les gondolais voudront un pays uni et en paix.

C’est ça. Souci. Ce que vous dites me laisse penser que vous avez envie de diviser le pays en zones d’influence. Ceux qui vous emploient ont conscience que ça ne sera pas une solution viable, hm ?
Oui, nous savons que toute volonté idéaliste de ne pas passer par la violence est illusoire. Quand nous parlons d'éviter de les faire sombrer dans les méandres des violences politiques, nous parlons d'autre chose. La violence des combats est inévitable en guerre civile, la violence entre populations instrumentalisées par des pouvoir en est une autre. C'est de celle-ci que nous voulons parler.

Le diviser en zone d'influence n'aurait aucune finalité. Que la démocratie l'emporte, oui, cela serait pour le mieux. Mais avant que ce soit le cas, il faut s'assurer que les ingérences étrangère de régime peu recommandable soient supprimés du pays. Nous n'avons pas vocation à imposer une vue à la population, simplement, comme nous l'avons dit, à les libérer du joug d'occupations étrangères.

Les deux hommes s'arrêtèrent quelques instants pour déguster quelques petits fruits.

L'unité et la paix ne passera pas seulement par la victoire militaire d'un camp sur un autre si ce camp n'est pas reconnu par la population civile comme légitime.

Et c'est la que nous arrivons.

On prépare le terrain en quelques sortes. On les libère de la propagande impérialiste. La finalité de notre entreprise n'est pas d'y calquer un modèle formé sur celui souhaité par l'employeur. Non. Il est d'aider libérer une partie du pays de forces impérialistes. D'autres forces, gondolaises, comme la votre, prendront le relais.

Vous voulez agir partout, on le sait. Mais vous avez tout de même une zone confinée, pour le moment.
Dans ce sens, le Gondo est déjà aux mains des violences politiques.

Elle secoua doucement la tête et se redressa sur son siège, amusée.

Donc votre mystérieux employeur veut vous voir travailler pour dégager les autres entités étrangères du pays. C’est original. Vous n’avez pas l’air de décolonialistes en puissance, messieurs les caucasiens.

Du reste l’Armée démocratique n’a pas besoin de nouvelles ingérences étrangères pour obtenir le soutien de la population.

C’est un autre sujet.

Non.

Les deux échangèrent un regard en coin. Finalement, ce fut l’homme qui continua, d’un ton toujours neutre.

Avec ou sans notre soutien vous arriverez à entrer au Gondo. Nous acceptons de vous permettre d’établir votre présence.

Un choix pragmatique, réellement. La décision avait déjà été prise en amont, on avait envisagé de nombreux cas de figures parmi lesquels celui-là : en cas de probable intervention étrangère par un groupe pouvant être considéré comme neutre, le mieux rester de laisser faire de façon à établir des conditions de surveillances adéquates. Ce qui, évidement, serait plus difficile à obtenir avec un groupe s’introduisant par ses propres moyens dans la zone d’action gondolaise.
Si décoloniser revient simplement à remplacer une autorité impérialiste par une autre qui s'agrémente d'un voile d'anti-colonialisme, cela n'a aucun intérêt, je pense que nous serions d'accord la dessus.

Les deux hommes s'arrêtèrent quelques instants avant de reprendre, un léger sourire au coin de celui qui se taisait désormais.

Vous acceptez. Nous en sommes ravi. Il nous reste néanmoins à discuter des procédures pour nous établir. Sans trop en dire, bien que vous serez sans doute amené à le savoir, nous serons peu. Guère plus d'une centaine, à terme.

Et nous ne doutons pas des capacités de l'Armée démocratique, mais obtenir des forme de soutien indirect ne fait de mal à personne. Vous voulez aider à récupérer le pays au nom de l'Armée démocratique, nous voulons débarrasser le Gondo des ingérences, en particulier de la Clovanie. Nous nous y retrouverons tous.
Sur les mots, au moins, nous sommes d'accord.

L'afaréenne se frotta les mains l'une contre l'autre puis lança un regard à son collègue. L'autre acquiesça, aussi continua-t-elle.

Nous avons plusieurs moyens de vous faire entrer dans le territoire. Vous, ainsi que du matériel. Des réseaux clandestins, des passages commerciaux, des associations plus ou moins liées à nos mouvements ou nous devant des faveurs.

Vous souhaitez entrer dans le territoire encore sous contrôle Clovanien, oui ?

Alors ça sera un peu touchy. Rien d’insurmontable, hein. Mais rien qu'on puise organiser comme ça. Mais maintenant on sait comment vous contacter, pas vrai ?

Elle se leva, imitée par son collègue, et tendit une main à ses interlocuteurs. L'autre l'imita de son air placide.

Vous entendrez bientôt parler de nous. Considérez que vos gars sont déjà sur place, ça sera rapide.
Oui, nous souhaitons entrer en territoire encore sous contrôle clovanien, vous avez parfaitement raison. Cela pourra s'avérer quelque peu compliqué, mais nul doute que nous y arriverons.

Les deux hommes se levèrent, et répondirent aux mains tendues.

Nous espérons vous entendre bientôt alors. Ce sera avec un grand plaisir.
Et les deux s'en allèrent.

Dans les jours qui suivirent, d'autres lignes de communication furent ouvertes, et une cellule spéciale des brigades internationales s'arrangea pour permettre le passage des agents de la S.A.U.C.I.S.S.E et de leur matériel sur le territoire Gondolais. Une opération qui s'avéra plus facile à organiser qu'on aurait pu le penser. Le contrôle du territoire Gondolais dont commençait à profiter l'Empire du Nord portait ses fruits.
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