Composante de l'être et transmission funéraire 1/2
I-Introduction de l'EtreSelon les Kjhemetous, la composition de l'être humain dépasse la simple dualité entre
le corps/djet et
l'âme/kha. Chaque individu compte en lui une dizaine de composantes matérielles et immatérielles qui l'intègrent dans la sphère terrestre du sensible (Le sensible est un concept de philosophie qui désigne ce qui est susceptible d’être perçu par les sens. Plus largement, le sensible est l’ensemble des impressions et des représentations obtenue par les sens. ) et dans la sphère impalpable des dieux et ancêtres.
Après la mort, grâce à ses composantes éthérées, l'individu peut espérer une survie posthume dans la tombe et une existence immortelle auprès des puissances surnaturelles qui règlent les phénomènes cosmiques. La conservation du souffle de vie
ânkh est cependant conditionnée par le respect, la vie durant, des principes de la
Maât (Vérité-Justice-Ordre) et par la maîtrise efficace de la
magie-Heka (dieu de la magie). Cette dernière est à la fois une puissance intérieure et un savoir livresque qui permettent aux humains de s'assimiler aux dieux.
Les Kjhemetous n'ont pas à ce jour établi de liste canonique des différentes composantes de l'être. De plus, ils n'ont guère disserté à leurs propos pour les définir. Toutefois, les textes funéraires possèdent de nombreuse allusions à leur sujet et leur analyse minutieuse permet de les appréhender. Pour un kjhemetous, il est primordial de conserver l'intégrité de l'être après la mort, ce qui explique les rites de la momification (le corps est utilisé dans l’au-dela).
Le corps physique, soumis à la décrépitude de la vieillesse, est rendu inaltérable après la mort par le processus de la momification. Le terme
djet désigne le corps mais aussi ses représentations en images peintes ou sculptées. Le cœur
haty et ib est le siège de la personnalité, de la mémoire et de la conscience. Cet organe est symboliquement évalué à l'aune de la maât sur la balance du tribunal d'Osiris. Le
ren est le nom, une partie primordiale de l'être car sans nom, il n'y a plus d'être. D'ailleurs l'effacement du nom est un grand châtiment qui condamne magiquement les criminels à la damnation et à l'oubli (pire que la mort pour un Kjhemetou). Le
ka est l'énergie vitale et un double spirituel qui naît en même temps que l'humain. Le ka survit dans la tombe après la mort grâce au culte funéraire et aux livraisons d'offrandes alimentaires. Le
ba, improprement traduit par âme, est un principe spirituel qui prend son envol à la mort du défunt. Cette composante représente l'énergie de déplacement, de dialogue et de transformation inhérente à chaque individu. Le
shout ou khaïbit est l'ombre. Un défunt n'est complet que s'il dispose d'elle à l'instar de son
ba. Enfin, plus qu'une composante,
l'akh est un état d'être, celui du mort qualifié de bienheureux qui a atteint le statut de puissance spirituelle supérieure, lumineuse et efficace.
En bref, pour les Kjhemetous l'être est complexe et extrêmement important celui-ci dois posséder tout ses composantes afin qu'in individus puissent accédé à la vie éternel ou plutôt la continuation de la vie dans l'au-delà.
L'individu s'inscrit donc dans son environnement par un réseau complexe de composantes matérielles et immatérielles. Ces différents aspects de la personnalité sont autant de moyens de communication qui tissent des liens entre le monde sensible (terre) et le monde invisible (ciel et inframonde) ; entre le monde des humains et le monde mythique des dieux et défunts. Cette conception étant naturel pour les Kjhemetous, personne n'a disserter sur les composantes humaines dans un traité moral. Aussi, l'approche de l'analyse sur l'Homme n'est possible que par la lecture attentive et comparée des corpus religieux que sont les Textes des pyramides, les Textes des sarcophages et le Livre des Morts. Les concepts du
ba et du
ka sont toujours les plus connus.
La civilisation kjhemetous qui s'étale sur près de cinquante-cinq siècles, depuis la fin de la Préhistoire et jusqu’à aujourd’hui au 21ème siècle. Durant cette très longue période, la pensée religieuse n'a pas été statique et a connu de nombreuses inflexions et reformulations. La réforme amarnienne (ou atonienne) menée par le pharaon Akhenaton et les réformes de la régence des cultes sont les plus fameuse. D'autres, sans doute moins spectaculaires mais tout aussi fondamentales, ont posé leurs jalons comme l'introduction des cultes solaires et osiriens, la prédominance amonienne, la diabolisation séthienne, etc. Les aspects de la personnalité individuelle ont eux aussi connu des redéfinitions.
Dans l'Ancien Empire, le ka tient une place essentielle dans la survie post-mortem des élites. Après l'effondrement de la toute-puissance impérial sous la Première Période intermédiaire, la composante du
ba, d'abord réservée aux dieux et à pharaon, se diffuse dans le milieu des courtisans. Au Nouvel Empire, la thématique du
ba et de ses voyages mystiques tient une place de choix. Enfin, on peut citer la régence des cultes qui a permis une démocratisation de l'instruction des composantes religieuses dans de très nombreux domaine dont celle des composantes de l'être.
La littérature et les liturgies funéraires sont les textes où s'expriment le plus communément les aspects et les composantes de la personne. Dans la mort, les différentes composantes se dissocient et le rituel funéraire vise à les rassembler afin d'assurer leur survie et immortalité. Outre le
ba et le
ka, les sources kjhemetous mentionnent
le corps,
le nom,
le cœur,
l'ombre et
l'akh.À partir de la période ramesside qui correspond au XIX et XXème dynastie, apparaît dans l'iconographie des tombes et sarcophages une scène où le défunt est en adoration devant les quatre enfants d'Horus. Sous l'apparence de dieux anthropomorphes, ils viennent à lui et, de leurs mains, il reçoit son cœur, son ba, son ka et son corps momifié. En guise d'exemple, dans la tombe du maire Amenemhat Amset apporte le
cœur, Hâpi le
ba, Douamoutef le
ka et Kébehsénouf la momie. Plus tôt, sous la XVIIIe dynastie, dans la tombe du percepteur Amenemhat, quatorze composantes sont présentées ;
le ba,
l'ib/coeur,
l'akh,
la dépouille,
l'ombre/shout, la stèle-aha, la tombe, le destin-shaï, la durée de vie-ahaou, la naissance-meskhenet, la dalle d'offrandes-aba, le développement-renenet, le dieu façonneur personnel-Khénémou et les formes d'apparition-khépérou. À la Basse époque, une formule visant à reconstituer la personnalité du défunt est très fréquemment inscrite sur les sarcophages au niveau de la poitrine. Huit composantes sont énumérées ;
le ba,
le cœur-ib,
le cœur-haty,
le corps-djet,
le ka,
la dépouille/djet,
l'ombre/shout et la
Sah/momie :
« Ô toi qui emmènes les baou et tranches les ombres, ô vous, dieux, seigneurs des têtes des vivants, puissiez-vous amener son ba à Osiris Khentimenty, puissiez-vous l'unir à son corps-djet, que son cœur se réjouisse ! Que son ba vienne à son corps et à son cœur, que son ba se pose sur son corps et sur son cœur. Amenez-le-lui, dieux qui êtes dans le château du benben à Héliopolis, aux côtés de Shou, fils d'Atoum. Qu'il ait son cœur-ib comme Rê, qu'il ait son cœur-haty comme Khépri. Pureté à ton ka, à ton corps-djet, à ton ba, à ta dépouille, à ton ombre, à ta momie vénérable, Osiris Khentimenty ! »
-Formule pour amener l'âme au corps. Ces composants sont toujours énuméré dans les cadres funéraires actuel même si il peut y avoir des différences, absences ou des différences d'écritures. Tous sont valide tant qu'il y a une référence direct ou indirect à d'autre notion similaire.
II-Ankh, le souffle de vieLa notion de vie est restituée dans l'écriture hiéroglyphique par le phonogramme
ânkh. L'objet représenté par ce sigle n'est pas clairement identifié mais l'élément central est un nœud. Diverses propositions ont été avancées ; boucle de sandale, ceinture, étui pénien, vertèbre de bovidé, encolure d'un vêtement, etc (l'important étant plus la symbolique que le réalisme) .Ce sigle sert à écrire le verbe « vivre » et le substantif « vie ». Tout au long de la civilisation Kjhemetous,
l’ânkh est représenté tenu dans les mains des divinités ou offert au Pharaon présenté à ses narines en tant que « souffle de vie ». Cette vie est le pouvoir bénéfique du soleil et de l'eau. Aussi, dans de nombreuses scènes, les rayons solaires ou les filets d'eau sont représentés par une enfilade de sigles
ânkh. À l'époque amarnienne, les rayons du dieu Aton, le disque solaire, se terminent par des petites mains offrant la vie à Akhenaton.
Une des plus anciennes représentations du symbole
ânkh est un plateau d'offrande de l'époque protodynastique (fin du IVe millénaire av. J.-C.). Le plateau rectangulaire associe le sigle du
Ka figuré par deux bras repliés qui tiennent un nœud
ânkh. Dans cet artéfact sont ainsi associés l'idée de la vie et le principe qui permet son entretien, à savoir la force contenue dans les nourritures et les boissons du quoitidien. Un exemple est issue de l’Enseignement pour Mérikarê (rédigé vers -2100}) qui inculque que le dieu créateur a établi l'univers et le souffle de vie pour le genre humain :
« Les hommes, troupeaux de Dieu, ont été bien pourvus. Il a fait le ciel et la terre à leur intention, puis il a repoussé le Vorace des Eaux. Il a fait l'air pour vivifier leur narine, car ils sont ses images, issues de ses chairs. Il brille dans le ciel à leur intention, il fait pour eux la végétation et les animaux, les oiseaux et les poissons, pour les nourrir. »
— Enseignement pour Mérikarê (extrait). III-Heka,le pouvoir "magique"La magie-heka peut à la fois être considérée comme une force capable d'influer sur le cours des événements et comme une composante de l'être humain, si le terme magique peut tourner au ridicule il faut plus voir cela comme de la magie au sens de théologique et est pris très au serieux par les Kjhemetous.
Dans les conceptions les plus archaïques (période prédynastique) comme l'Hymne cannibalen, la
heka "se matérialise quelque part dans le ventre, et le pharaon, tel un ogre effroyable, dépèce puis mange dieux et hommes pour s'en emparer au cours d'un cérémonial funeste".Dans les textes funéraires ultérieurs, cette vision de la magie se perpétue en étant présentée comme une sorte de nourriture ou puissance vitale que quatre terribles crocodiles cherchent à dérober au défunt. Cette puissance est personnifiée par le dieu
Heka qui, d'après le mythe solaire, se tient aux côtés d'Atoum-Rê (variante postérieur d'Amon-Rê) lorsqu'il enclenche le processus de la création du Monde.
L’Enseignement pour Mérikarê livre une définition égyptienne de la
heka, qui est une sorte de testament politique et moral d'un pharaon pour son héritiers, en rapportant qu'elle est un don du créateur pour les Hommes ;
« il a fait pour eux la magie comme arme pour repousser le coup de ce qui advient, ce à quoi on doit veiller de nuit comme de jour ». L'histoire de la civilisation Kjhemetous et la pratique de la "magie" n'est pas le fait d'individus isolés mais un effort étatique destiné à protéger le pharaon et son Empire de ses ennemis visibles et invisibles. Dans les temples, chaque geste cultuel, chaque offrande aux dieux est un acte "magique" visant à protéger le pays et à assurer sa prospérité.
Les magiciens (bien que le terme seul soit réducteur) les plus fameux sont des prêtres et des lettrés formés au sein des temples et au service de la population. La magie et la médecine qu'ils pratiquent sont avant tout une science sacré livresque consignée dans des recueils de formules divers. Pour chaque cas traité, après analyse de la situation, le praticien explique le mal au patient puis lui vient en secours en appliquant à la lettre la formule la plus adaptée. Ainsi, le rituel magique, qui mêle paroles comme des incantations, imprécations ou menaces et gestes comme des préparation de remèdes, d'onguents et de philtres, intègre l'individu en souffrance dans un cadre mythique où le mal trouve immanquablement une heureuse résolution ; la nature et les dieux étant en profonde interdépendance.
IV- La Maat, la vérité/l'ordre/la justiceAvec une existence longue de plus de cinquante-cinq siècle, le pouvoir pharaonique s'est résolu à promouvoir la recherche de la prospérité, le partage des responsabilités et la résolution des conflits sur la base de l'équité. En tant que premier et plus grand des prêtres de l'Empire, Pharaon est le nécessaire intercesseur entre les vivants et les puissances surnaturelles que sont les
Netjerou. Par des rituels magico-religieux exercés dans les temples, son rôle fondamental est d'organiser et de contrôler ces puissances invisibles pour le plein bénéfice de l'humanité. Ce système s'augmente de la croyance en l'immortalité de l'essence humaine du
Ka, ba et Akh et du jeu de
la Maât comme facteur de l'équilibre cosmique et social de la création.
Dans l'iconographie, la Maât est personnifiée sous les traits d'une déesse jeune femme avec une plume d'autruche comme insigne sur la tête. Elle représente l'ordre, la vie, la justice, la paix, la vérité, la prospérité. Son exact antagoniste est le dieu isefet qui est le désordre, l'injustice, le chaos, le mensonge, la prévarication.
Dès les Textes des pyramides, le rôle assigné à Pharaon est « d'amener la Maât et de repousser isefet ». L'action impérial est par conséquent double car d'une part gouverner et organiser l'empire pharaonique avec rectitude et, d'autre part, combattre les forces hostiles, sources des plus flagrantes iniquités. Nombre de textes exposent les droits et devoirs de chacun selon les préceptes de la Maât.
Par exemple L'Enseignement de Ptahhotep, l'un des plus fameux, expose, tel un code de bonne conduite, le comportement idéal du dignitaire ; se conformer à la hiérarchie, se conduire de manière responsable en société et en privé, être ouvert aux aspirations des autres qu'il soit riche ou pauvre et juger équitablement dans la cour de justice. Ces mêmes textes insistent sur le fait que tout manquement à la Maât mérite un châtiment approprié. Au cours de la vie, bonnes actions et fautes s'additionnent et se compensent.
Selon les principes d'une justice immanente et rétributive, si un individu échappe à la justice terrestre, il sera immanquablement châtié dans l'au-delà. Inversement, le sage incompris des hommes sera nécessairement récompensé par les dieux du tribunal d'Osiris. La plume de la Maât permettant de juger via une balance si le cœur d'un défunt est pur ou non, si le cœur est plus lourd il est dévoré si il est plus léger que la plume alors le défunt pourra accéder à l'au-delà
V-Le Djet,corps
Les kjhemetous dès les plus ancienne époque de l'empire considère que le corps humain est constitué de deux éléments fondamentaux. Les « éléments durs » issus de la semence du père et les « éléments mous » issus du lait de la mère. Cette théorie anatomique est le plus clairement exposée dans un passage du Papyrus Jumilhac :
« Quant à ses chairs et à sa peau, sa mère les a créées avec son lait ; quant à ses os, ils existent grâce à la semence de son père24 ».
Des allusions à cette théorie se rencontre dans les papyrus médicaux mais aussi dans les corpus religieux comme le Textes des pyramides, Textes des sarcophages et le Livre des Morts. Les éléments provenant du père sont l'ossature, les dents, les ongles, les cheveux et les poils. Les éléments hérités de la mère sont les chairs, la peau, les organes internes du tronc et les conduits-métou (vaisseaux sanguins, ligaments, muscles).
Les Kjhemetous ont d'ailleurs supposé que les os paternels étaient les réservoirs du sperme. En étant issu des os, et plus particulièrement de la colonne vertébrale, la semence paternelle dans le ventre de la mère assure à l'enfant à naître le développement de ses éléments "durs". Le lait maternel forme les chairs molles. Il devait être considéré comme une dissolution des chairs maternelles qui se reconstituaient de nouveau autour de l'ossature de l'enfant.
De la qualité du lait maternel dépend le sexe de l'enfant. Dans la médecine, les conduits-métou jouent un grand rôle. Ils transportent les flux vitaux que sont le sang et le souffle de vie et assurent donc la mobilité corporelle. Un corps en bonne santé et vivant est celui dont « les chairs sont fermes et les conduits souples »
Si la science a permis de mieux connaître la procréation et l'anatomie humaine et donc de rendre caduc ces théories, il reste que cela reste dans le folklore populaire mais sans aucune application réelle.
Le
Djet est la composante la plus tangible de l'individu. Dans la pensée funéraire, le corps reste l'élément premier car de sa bonne conservation dépend le devenir post mortem du défunt (rappelons que le corps est réutilisé dans l'au-delà). Lors du processus de l'embaumement, dont la durée idéale est de soixante-dix jours, le corps accède à sa forme éternelle,
la Sah/momie.
La momification permet de transformer le corps humain corruptible en un corps divin inaltérable désigné sous le terme
djet. Ce mot désigne à la fois le corps physique d'une personne et la forme corporelle d'un dieu, à savoir ses images, ses représentations et ses statues. La conservation du corps passe donc, d'une manière conjointe, par la momification et par la confection de corps de substitution que sont les statues et les représentations murales dans les chapelles funéraires.
Le mot
djet étant aussi attaché aux notions de jeunesse et d'éternité, le défunt apparaît alors le plus souvent dans la force de l'âge avant que la vieillesse ne vienne à flétrir son apparence physique (en parallèle de la jeunesse éternel). Durant la vie, le cœur et le liquide sanguin assurent la liaison entre les différents membres. Avec la vieillesse, le cœur se fatigue et le corps perd donc de sa vigueur. À la mort, le cœur cesse de battre et le corps va ce désintégré.
Dans la Mythologie, la désintégration du corps est évoquée par le démembrement en quatorze lambeaux du corps d'Osiris par Seth (qui fut réunit par Isis puis ressuscité). Chaque défunt étant assimilé à Osiris, chaque momification est un processus de recomposition du corps dépecé et chaque momie devient la figure du dieu Osiris.
VI-l'Haty, le coeurLa langue de l'égyptien ancien dispose de deux mots pour désigner le « cœur » ; l'un est le
ib, l'autre le
haty. Si au cours de l'évolution de la langue, le second a évincé le premier. Dans l'écriture, les deux mots sont représentés par le signe hiéroglyphique d'un cœur de brebis, vu en coupe, avec les points d'attache des veines et des artères.. Le
haty est le cœur proprement dit, tandis que le
ib est l'ensemble des autres organes situés dans le thorax et le ventre (
la cavité-shet des textes Kjhemetous). Par rapport aux conceptions anatomiques contemporaines,
l'intérieur-ib est mal délimité. Sa masse principale comprend les organes du foie, des poumons, de la rate et des autres viscères abdominaux. Il se poursuit dans le reste du corps par tous les conduits creux qui apportent le sang et le souffle vital aux membres. Selon les conceptions médicales du Traité du cœur transcrit sur le Papyrus Ebers et daté de la XVIIIe dynastie, le
cœur-haty et
l'intérieur-ib entretiennent d'étroites relations et toute atteinte sur l'un a des répercussions sur l'autre.
Cependant, l'idée de maladie se rapporte principalement à un dérangement de
l'intérieur-ib, perçu comme un trouble de l'état général. Le
cœur-haty peut aussi être atteint en répondant mal aux directives de
l'intérieur-ib ou en étant dérangé par une affection. Pour les médecins égyptiens (ancien), le
cœur-haty est un organe qui peut se déplacer dans le corps, mais qui doit impérativement rester à sa place, bien fixé à sa base : ses déplacements sont des troubles que l'on doit apprendre à connaître et à diagnostiquer en tâtant le pouls
Toutefois, le terme
ib est aujourd'hui bien plus symbolique qu'autre chose car la médecine est bien plus complexe et connaît largement mieux les maladies et le corps humain mais les conceptions anatomiques contemporaines ont gardé le terme
haty pour le cœur proprement dit, quand les religieux et les textes en tout genre (non médical) utilise encore
haty[b] et ib[/b] dans la conceptions traditionnel.
Le cœur est le foyer de la vie/vitalité. Selon les Kjhemetous, tant que le
cœur-haty fait circuler le sang et le souffle vital dans l'organisme, les différents membres sont vivants et connectés entre eux. La défaillance cardiaque est l'image même de la cessation de la vie. En tant que dieu mort, Osiris est Ouredj-ib « Celui au cœur immobile ». Pour le ranimer, de nombreux textes funéraires indiquent qu'il faut lui restituer son
intérieur-ib. Lors de la momification, le
cœur-haty reste en place dans le corps, tandis que l'intérieur-ib est prélevé et déposé dans quatre vases canopes.
Symboliquement, la restitution du
cœur-ib est assignée aux divinités féminines que sont Nout, la déesse céleste et les sœurs Isis et Nephtys. Dans le Livre des Morts, plusieurs formules ont pour but de garantir au défunt le retour de son cœur.
En quelques occurrences, l'illustration du chapitre 26 montre Anubis, le dieu de la momification, rendre le cœur au défunt en le lui faisant boire tel un remède vivificateur. Le dieu se tient debout devant la momie et porte le cœur à la bouche du mort. D'après le chapitre 151, c'est le mort lui-même qui part à la recherche de ses organes internes. Il doit se rendre dans une maison où sont conservés les cœurs
Dans l'au-delà, le cœur permet au mort de conserver son individualité et de se souvenir de sa vie terrestre. Lors de son passage dans le tribunal d'Osiris, le défunt est jugé de ses actes par une assemblée de quarante-deux juges. Pendant que son cœur est placé sur une balance face à une représentation de Maât, la déesse de la justice et de l'harmonie, le défunt énumère deux listes de quarante-deux fautes qu'il proclame n'avoir pas commis. D'après les chapitres 30A et 30B du Livre des Morts, le plus grand risque pour le défunt est de voir son cœur se désolidariser de lui, tel un témoin à charge.
Ce que le défunt proclame, le cœur doit le confirmer sinon il est accusé d'avoir mentie. La dissociation du cœur est une atteinte mortelle car le défunt se voit condamné à la damnation en étant dévoré par la monstrueuse Ammit/Ammoût, un être hybride mêlant les aspects du crocodile, du lion et de l'hippopotame.
Un exemple est présent dans la scène de la pesée du cœur du papyrus d'Ani, le défunt et son épouse, habillés en blanc, se tiennent respectueusement devant la balance constituée par une colonne et un fléau. À droite, Anubis inspecte la bonne régularité du pesage. À gauche figurent différentes composantes de la personnalité du défunt. Le cœur est déposé sur le plateau de pesée. Le dieu Shaï personnifie la durée de vie impartie au défunt tandis que les déesses Rénénet et Meskhenet symbolisent son destin et sa naissance. Au-dessus d'elles, se tient l'« âme-Ba » d'Ani, sous la forme d'un oiseau à tête humaine perché sur une chapelle. Le dernier symbole est le meskhen ou « brique de la naissance », un rectangle noir muni d'une tête féminine, autre représentation de la déesse Meskhenet et figuration des dispositions innées attribuées au défunt
VII-le Ren, nomAu Kjhemet le choix du Ren est beaucoup plus important que dans de nombreuse civilisation ainsi dans les énumérations, le
ren, le « nom », figure souvent à côté du
ba, du
Djet et de
Shout. D'ailleurs sur les monuments, le nom du pharaon remplace souvent sa représentation physique.
Des courtisans peuvent ainsi être montré en prière devant l'empereur ou devant son nom inséré dans un cartouche ou dans un
serekh. En exemple, sur un fragment du temple de Seth de la ville de Noubt, le dieu offre la
vie-Ânkh et la puissance-Ouas au nom de Thoutmôsis Ier. Une décoration du char de Thoutmôsis IV montre, non pas le pharaon, mais son nom dans un cartouche muni d'une tête de faucon et de deux mains en train d'assommer des ennemis avec une massue.
Le ren est une composante essentielle de l'être pour la simple raison que le nom permet d'appeler quelqu'un et donc d'avoir un moyen d'action sur lui. Un individu est très vulnérable par son nom. La pratique de la "magie" repose sur l'utilisation bénéfique ou maléfique du nom de la personne visée. Dans les rituels d'envoûtement, la destruction symbolique du nom revient à détruire l'être même de son possesseur, fut-il un dieu (c'est pour cela que l'effacement des nom des tombes est pire que la mort). Au contraire, si un "magicien" est incapable de nommer un individu, il ne peut rien espérer de son rituel magique. Chaque dieu porte une infinité de noms mais son vrai nom, son nom secret, est caché de tous.
Un mythe rapporte cependant qu'Isis, par ruse, réussit à connaître le nom secret de Rê, le maître de l'univers, afin d'avoir pouvoir sur la création entière. Le nom n'est pas qu'une entité abstraite. On peut le matérialiser en l'écrivant et le faire disparaître en l'effaçant. Les martèlements du nom d'Akhenaton par ses successeurs sont bien connus.
Dans le droit, les criminels peuvent être condamné à changer de nom en se voyant affublé d'un « mauvais nom », un nom infamant. Les cas les plus fameux, sont les condamnations des conspirateurs qui ont participé à l'assassinat de Ramsès III. Dans les transcriptions judiciaires, les criminels ne sont plus connus que par leurs mauvais noms ; Pabakamen « Le serviteur aveugle », Parâkamenef « Rê l'aveugle », Binemouast « Le mauvais dans Thèbes » .
Si cela peut paraître fantasque, c'est toujours une sanction judicaire dans le droit du Kjhemet qui est toujours pris au sérieux.
Au moment de la naissance, chaque Kjhemetous reçoit un ou deux noms (trois étant rare), attribués généralement par la mère ; d'où l'expression
renef en
moutef « son nom de sa mère ». Les noms Kjhemetous ont un sens immédiatement compréhensible par les locuteurs de la langue égyptienne antique.
On peut lister, quelques noms qui évoquent les mots de la mère juste après l'accouchement : Ikh « Qu'est-ce ? », Néfernen « C'est-beau-ça ! », Oursou « Il-est-grand », d'autres tentait de passer outre la forte mortalité infantile (qui a fortement diminuit aujourd'hui mais reste dans l'imaginaire collectif : Senebsoumay « Il-est-en-bonne-santé-dans-ma-main », Djedamonioufankh « Amon-a-dit-qu'il-vivra », Diamoniaout « Qu'Amon-donne-la-vieillesse ». Certains noms évoquent le jour de la naissance ou qu'une divinité était alors à l'honneur : Sepenabed « Le-don-du-sixième-mois », Horemheb « Horus-est-en-fête », Amonherkhenyt « Amon-est-transporté-en-barque ». Lorsqu'un enfant tarde à venir, les parents s'adressent à une divinité pour provoquer une conception. Ce fait est alors rappelé dans le nom de l'enfant : Debehenithaenmout « C'est-à-Mout-que-j'ai-demandé-un-rejeton », Saousir « Fils-d'Osiris », Satptah « Fille-de-Ptah ».
Le choix du nom peut aussi être inspiré par la place de l'enfant dans la famille ou dans son lignage : Sennou « Le-deuxième », Khemetnou « Le-troisième », etc. D'autres atteste la croyance en la réincarnation : Senetites « La-sœur-de-son-père », Itseni « Le-père-de-mon-époux ». Cette même croyance fait qu'un nom passe d'une génération à l'autre, de père en fils, de mère en fille ou en reprenant le nom des aïeux.
Au cours de sa vie, l'individu peut se voir gratifier d'un surnom plus ou moins familier inspiré par son physique ou son caractère : Id « Le-sourd », Tabinet « La-mauvaise » ; par son origine géographique : Pen-Mennéfer « Celui-de-Memphis », Iam « L'asiatique » ; par son statut social ou son métier : Paqer « Le-vagabond », Paheripedjet « Le-chef-des-archers » ; ou pour des raisons purement personnel ou familial : Seshen « Le-lotus », Miou « Le-chat »
La variété de nom est infini pour définir un Kjhemetous et même si les nom de famille ne sont pas obligatoire, des diminutifs/qualificatifs peuvent être attribuer pour avoir le rôle de nom de famille notamment pour l'administration. Par exemple "époux de...X" ou "fils de....X"
VIII-Le KA, force vital
Le
Ka est une composante immatérielle des dieux et des Hommes, toutefois, cette notion n'a pas d'équivalent dans les autres langues contemporaines. Pour la représentation du
Ka certaines scènes où l'on voit le
dieu bélier Khnoum façonner conjointement le prince impérial et son
ka sur son tour de potier. Visuellement le prince et son
ka ont l'air de véritables jumeaux ; le
ka n'étant distingué que par le signe hiéroglyphique des deux bras levés qu'il porte sur sa tête. Lorsque le
ka du pharaon régnant est représenté, il est le plus souvent figuré comme un petit homme vêtu d'un pagne debout derrière l’empereur. Dans une main, le
ka tient une plume d'autruche symbole de la
déesse Maât et du
dieu Shou (respectivement les personnifications de l'harmonie cosmique et du souffle vital). Dans l'autre main, le
ka tient un long bâton surmonté par la tête du pharaon. Sur la tête du
Ka, le sigle hiéroglyphique des deux bras pliés à angle droit enserre le
serekh (palais stylisé) dans lequel est inscrit le Nom d'Horus, un des cinq éléments de la titulature impérial.
Ces représentations sont retrouver a des âges plus ou moins anciens comme ceux en ronde-bosse d'un ka impérial qui nous est parvenu via la statue en bois du
ka de Aoutibrê Hor de la XIIIe dynastie, celle-ci haute de 1,70 m, la statue apparaît complètement nue, debout et dans l'attitude de la marche. Elle conserve les traces de son collier, d'une ceinture et d'un pagne, tandis que les mains tiennent un spectres et un bâton.
Le
Ka est une notion complexe à laquelle il est impossible de donner une définition homogène. Pour les Kjhemetous, le
ka est, entre autres, la vitalité d'un être, à savoir la faculté d'accomplir tous les actes de la vie. Le pluriel du mot,
Kaou, désigne les aliments solides ou liquides qui permettent l'entretien de la vie. Le
ka est donc aussi une notion qui englobe le « bien-être » et la « santé » de manière globale. Un exemple simple est lorsque les Kjhemetous trinquent ensemble, la boisson est portée « À ton Ka ! ». D'après une maxime de l'Enseignement de Ptahhotep, se rassembler et manger à une table commune est un rite qui vise à célébrer le Ka Participer à un banquet organisé par un supérieur hiérarchique est une grâce divine et honneur qu'il ne faut pas gâcher par un comportement inadéquat et maladroit.
Dans ce contexte, le ka est une sorte d'énergie qui s'incarne tant dans celui qui reçoit les convives que dans les nourritures qui sont servies. Chaque invité se doit de respecter ce moment de partage en adoptant un comportement respectueux et convivial, tout comportement négatif et disharmonieux serait une « abomination pour le ka ». Aussi, par métonymie, l'expression « C'est un Ka ! » désigne l'homme sage âgé qui a réussi dans la vie ou le jeune homme qui est promis à un bel avenir.
Evidemment le
Ka, forme de force vital n'est pas restreint qu'à ce domaine, le contexte apporté peut être apparenté au Ka dans des formes varié.
Si le
Ka peut être défini comme une sorte d'esprit double ou comme une énergie vitale, cette composante de la personnalité peut aussi être perçue comme un "principe dynastique" légitimant qui passe du père au fils aîné, son héritier. Cela est bien évidemment très représenté au seins de la famille impérial même si n'importe qui peut utilisé cette composante successoral . Le sigle hiéroglyphique se présente comme deux bras dressés vers le haut. Il faut cependant le voir comme deux bras tendus vers l'avant pour étreindre et embrasser quelqu'un. Le
ka est le symbole des liens inter-générationnels qui subsistent par delà la mort grâce au culte funéraire.
Les expressions « aller à son ka » et « être réuni à son ka » sont des euphémismes qui servent à désigner la mort. L'existence humaine n'est possible que si le corps et le ka sont intimement liés. Or, la mort disloque cette union. Privé de sa force vitale, le corps se désagrège en se putréfiant (à défaut de l'âme, de la force vital, etc....). Privé de corps, le ka n'en reste pas moins une force latente. Cette vitalité ne disparaît pas, mais s'en retourne à ses origines. Le ka passant du père au fils, le dieu créateur est le premier maillon de cette chaîne de transmission. Via les Textes des sarcophages et de manière imagé, un million de ka sont dans la bouche de Rê (chap. 648), signifiant par là qu'il est un réservoir inépuisable de vitalité et de magie créatrice. Un culte funéraire bien organisé permet au défunt de devenir un
imakh, un « Vénérable » autorisé à posséder un tombeau monumental.
Ce statut social post-mortem, lui assure de pouvoir évoluer dans le monde des ancêtres et des dieux (toutefois il n'est pas la seul composante de l'évolution dans l'autre monde). Lorsqu'un mort part pour la nécropole, il « va à son ka », c'est-à-dire qu'il retrouve sa part de force vitale. Mais, tout comme les vivants, les ancêtres se doivent d'entretenir leur vitalité en consommant des nourritures. Dans la chapelle qui surmonte le tombeau souterrain, les statues et représentations murales du défunt servent d'intermédiaire. C'est à ces supports immobiles, réceptacles du Ka, que la famille présente les offrandes funéraires. Dans les Textes des pyramides, le prêtre ritualiste décrit l'union du pharaon avec son Ka. Uni avec son « double », le pharaon monte, "tel un dieu", vers les contrées célestes afin de rejoindre le Créateur. Pendant que le prêtre psalmodie son texte sacré, il diffuse de l'encens. Cette fumée parfumée qui monte au ciel est perçue comme le symbole de l'ascension impérial d'un pharaon divinisé bien pourvu de son Ka.
— Formule à réciter quatre fois —
Ne le laisse pas s'en échapper !
Prends garde de ne pas le laisser s'en échapper !
Il est parti, celui qui est parti avec son ka !
Il est parti, Horus, avec son ka !
Il est parti, Seth, avec son ka !
Il est parti, Thot,
— Formule à réciter quatre fois. Encens brûlé — avec son ka !
Il est parti, Dounânouy, avec son ka !
Il est parti, Osiris, avec son ka !
Il est parti, Khenty-irty, avec son ka !
Tu es parti toi aussi avec ton ka !
Ô Ounas, le bras de ton ka est devant toi !
Ô Ounas le bras de ton ka est derrière toi !
Ô Ounas, si je t'ai donné l'Œil d'Horus dont ta face est pourvue,
c'est pour que le parfum de l'Œil d'Horus diffuse vers toi !
Textes des Pyramides du pharaon Ounas, chapitre 2
Dans la pensée Kjhemetous, la mort n'est absolument pas une fin mais un passage/une transition qui conduit d'une existence vers une autre. Tout comme les vivants, les défunts ont des besoins élémentaires à satisfaire : manger, boire, copuler ou s'habiller. Le culte aux ancêtres nécessite d'importants moyens financiers pour assurer le creusement du tombeau, la construction d'une chapelle ainsi que la production et le transport des offrandes. Dans une telle vision, chaque vivant se doit de préparer son existence post mortem afin de ne pas se trouver au dépourvu. Ce fait est d'ailleurs vivement encouragé par les Sages dans leurs nombreux écrits. Dès l'Ancien Empire, ces besoins funéraires ont mené à la formation de structures économiques spécialement dédiées à l'affectation de biens aux défunts. Ces biens sont fournis soit par le pharaon et son administration, soit par des fondations privées,
les perou-djet, financées à partir de fonds propres. L'organisation du culte, était à l'origine, est à la charge du fils aîné. Cependant, très vite, l'exercice quotidien du culte a été confié à des prêtres professionnels, les « Serviteurs du ka ». Les modalités du culte et leurs financements sont prévus et organisés d'après un ou plusieurs contrats juridiques conclu du vivant de la personne pour après son décès (comme des testaments). Ces contrats sont mis par écrit mais des personnes (influentes notamment), pour renforcer leur valeur n'hésite pas à les faire figurer sur les parois de leur tombeau.
Un des exemples les plus instructifs sont les dix contrats passés entre le gouverneur Hâpydjéfaï avec son prêtre du
ka (sous la XIIe dynastie). La statue de Hâpydjéfaï, en tant que réceptacle du
Ka, est le bénéficiaire d'offrandes journalières et annuelles (comme des fêtes funéraires, le nouvel an, des processions, etc.). Les rites sont effectués par les
Ouâb, les « prêtres-purs » sous la supervision du prêtre du
Ka.
Chose importante à souligner, d'abord ce besoin économique étant très fort les population les plus pauvres ont moins d'exigence de nécropoles, de tombes et d'offrandes que des plus riches. Ces pour cela qu'il y a encore aujourd'hui un barème légal en fonction des tranches de population afin de réguler et surtout contrôler la bonne mise en application des offrandes et des contrats, ce barème s'applique tout autant pour les prêtres, les fondations privées ou l'administrons impérial.