L'arrivée en avion avait une ambiance particulière, au milieu des nuages et des averses battant la carlingue. Le paysage visible par les hublots était teinté de gris, presque brumeux. Les étendues de forêts se dévoilaient progressivement à mesure que l'aéronef approchait, teinté d'un vert en apparence plutôt terne sous l'éclairage. Si le temps était impitoyable, le transport se posa malgré tout sans encombre sur la piste.
L'horloge de l'aéroport indiquait Vingt et une heures, soit huit heures plus tôt qu'en Velsna avec le décalage horaire. Après un vol de quatorze heures, il allait sans dire que la journée de Vinola était particulièrement longue et éprouvante. Il fut réceptionné par Lucette elle-même :
-Monsieur Vittorio Vinola, je suis Lucette Dumorne, c'est avec moi que vous avez correspondu. C'est un plaisir de vous voir, vous avez fait bon voyage ? Suivez-moi, une voiture nous attend, je vais vous conduire aux appartements que l'on vous a réservés.
Après un trajet dans le paysage éthéré de la ville nocturne sous pluie battante, dans laquelle les éclairages publics dessinaient des kaléidoscopes de lumière. Un conducteur amenait la voiture et ses deux passagers à l'hôtel où sera hébergé Vinola, les laissant déjà discuter du planning du lendemain. La chambre à disposition était plus que confortable et le service de l'établissement très agréable. Là, le voyageur eu l'occasion de profiter du décalage horaire dans le bon sens : il n'eut aucune difficulté à s'endormir et se réveilla le lendemain à cinq heures, comme s'il avait fait une très grasse matinée.
Le séminaire se déroula dans l'agora des bois de rose, construit au début de la dynastie éponyme. C'était à l'origine un bâtiment de pierre et de marbre dans un style gothique, tout en colonne, voute et vitraux, avec une toiture acérée en ardoise. Des extensions avaient ensuite été ajoutées, en brique et en bois, dans un style typiquement sylvois. Le bâtiment avait de nombreux usages et était loué à chaque occasion à la mairie : théâtres, concerts, expositions, et séminaire dans ce cas-ci.
Le bâtiment était richement décoré, de statue de bronze, pierre et bois, de tapisseries, et, à l'occasion, de divers écrits encadrés sur les murs çà et là.
La journée se découpait en deux phases : une première avec des présentations effectuées par chaque groupe de penseur, et une seconde avec un grand débat entre les différents intervenants pour revenir sur les différents points impliqués.
Durant cette première partie, furent présentés diverses visions d'un modèle démocratique appliqué selon les réalités du Duché. Diffusion de l'information, éducation des citoyens, prises de décision à l'échelle locale et globale, mais également sur le plan sociétal et professionnel, tant de sujets furent abordés par les branches communistes, collectivistes, syndicalistes et autres formes de démocraties promues par les différents intervenants. Se dessinaient déjà les oppositions entre des sociétés centralisées ou non, planifiées ou au contraire très libérales, proches ou éloignées du modèle capitaliste. C'est durant cette première partie que Vinola eut, s'il l'avait souhaité, l'occasion d'exposer ses ambitions en Velsna notamment sur la question du suffrage censitaire.